Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980428

Dossier: 97-1485-IT-I

ENTRE :

NORMAN A. MINTZER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Le présent appel a été entendu à Toronto (Ontario) le 19 février 1998 sous le régime de la procédure informelle de cette cour. L'année d'imposition 1995 de l'appelant est ici en cause.

La question en litige

[2] Il s'agit de savoir si une prestation prévue par le Régime de pensions du Canada, d'un montant de 4 575 $, aurait dû être incluse dans le revenu imposable de l'appelant dans l'année en question, même si l'appelant n'avait pas en fait reçu l'argent parce que ce montant avait été défalqué de l’impôt qu'il devait censément à l'égard d'années antérieures.

Les faits

[3] Le 30 mars 1993 et le 6 mars 1995, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a délivré à l'appelant des avis de retenue des prestations prévues par le Régime de pensions du Canada (le “ RPC ”) conformément à l'article 224.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) à l'égard de l’impôt que ce dernier devait depuis les années 1970. En établissant la cotisation de l'appelant pour l'année d'imposition 1995, le ministre a inclus dans son revenu imposable des montants qui étaient payables à l’appelant aux termes du RPC, lesquels avaient été défalqués de l’impôt impayé qui était dû. L'appelant interjette appel à l’encontre de la cotisation en se fondant sur le fait qu'il n'avait pas “ reçu ” les prestations prévues par le RPC dans l'année d'imposition et que le montant en cause ne devrait donc pas être inclus.

Le droit applicable

[4] Les dispositions fondamentales de la Loi sont ainsi libellées :

56(1) Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a) toute somme reçue par le contribuable au cours de l'année au titre, ou en paiement intégral ou partiel :

(i) d'une prestation de retraite ou de pension, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède :

[...]

(B) une prestation prévue par le Régime de pensions du Canada [...]

[...]

224.1 Lorsqu'une personne est endettée envers Sa Majesté, en vertu de la présente loi ou [...], le ministre peut exiger la retenue par voie de déduction ou de compensation d'un tel montant qu'il peut spécifier sur tout montant qui peut être ou qui peut devenir payable à cette personne par Sa Majesté du chef du Canada.

Analyse et décision

[5] Selon la division 56(1)a)(i)(B), le montant des prestations prévues par le RPC qui a été “ reçu ” par le contribuable au cours d'une année donnée doit être inclus dans le revenu de ce dernier pour l'année. L'appelant a soutenu qu'étant donné que ce montant avait été défalqué du soi-disant impôt qui était dû à l'égard d'années antérieures, il n'avait rien reçu cette année-là.

[6] Certaines définitions de dictionnaires des mots “ receive ” (recevoir) et “ receipt ” (réception) peuvent donner l'impression qu'une chose n'est reçue que si elle est de fait remise entre les mains de la personne concernée ou si elle est en la possession de cette personne. Toutefois, la jurisprudence établit clairement qu'un montant peut être inclus dans le revenu même s'il n'a été reçu que d'une manière fictive ou implicite.

[7] Dans le jugement Morin v. The Queen, 75 DTC 5061, le juge Lacroix, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a déclaré ceci, à la page 5064 :

Dans le cas actuel, les lois provinciale et fédérale disent ce qui est touché par l'impôt c'est le salaire, le traitement ou la rémunération qu'un employé reçoit pendant une année d'imposition. Or, dans le cas présent, le demandeur était inscrit dans les livres de son employeur comme ayant droit à un salaire de 16 268,84 $. Sa prétention, c'est que le Gouvernement ayant déduit le montant de l'impôt il n'a pas touché ou reçu son plein salaire, vu que l'on a déduit le montant de l'impôt à la source. En d'autres termes, le demandeur veut faire accepter comme proposition légale que pour qu'il touche au sens légal son salaire, il faut qu'il le touche physiquement, qu'il le palpe ou qu'il l'ait dans son compte de banque.

Cette proposition, nous regrettons de la dire, nous semble absolument inadmissible, car le mot recevoir ou toucher veut évidemment dire en bénéficier ou en profiter. En recevoir les avantages sans être obligé de l'avoir dans ses mains. En d'autres termes, le demandeur peut dire et doit dire “ ce qui me reste de mon salaire ou de mon revenu c'est 4 639,85 $, après l'impôt payé ”, mais il n'est pas vrai de dire: “ mon revenu n'est que de 4 639,85 $ ”.

[8] Dans le jugement The Queen v. Hoffman, 85 DTC 5508, le juge Rouleau, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a déclaré ceci, à la page 5510 :

S'il est exact de dire que le revenu doit se trouver réellement en la possession de l'employé avant qu'on ne puisse l'imposer, je devrais alors conclure que les cotisations d'un employé aux régimes de pension fédéral et provincial déduites à la source par l'employeur ne constituent pas un revenu entre les mains de l'employé. Or, la jurisprudence n'étaie pas cette idée.

Dans l'affaire Lucien Gingras c. M.R.N. [décision non publiée en date du 26 mars 1973], la Commission de révision de l'impôt a fait cette remarque (aux pages 4 et 5) :

L'expression “ touché ” ne veut pas nécessairement dire que tout le montant du salaire doit physiquement être reçu par le salarié ou être intégralement remis dans son compte de banque.

D'après l'interprétation de l'article 5 il est suffisant de dire que le montant du salaire fut payé par l'employeur, soit à l'employé lui-même ou à son bénéfice ou encore qu'il soit remis à une tierce personne en vertu d'une loi fédérale ou provinciale.

Le fait que l'employeur du défendeur a déduit à la source les cotisations de l'employé à la sécurité sociale au cours des années d'imposition 1978 et 1979 ne permet pas de dire qu'il a reçu un revenu exempt des sommes retenues. Les sommes déduites et envoyées finiraient par lui profiter.

[9] Enfin, dans le jugement The Queen v. Fairey, 91 DTC 5230, le juge Muldoon, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a conclu que l'argent qui était automatiquement déduit du salaire d'un fonctionnaire et déposé dans un fonds de pension avait en fait été reçu par le contribuable en ce sens qu'il s'accumulait à son crédit et que le droit du contribuable à cet argent ne pouvait être mis en doute.

[10] L'appelant signale que le législateur a apporté une modification à l'alinéa 56(1)a) en adoptant le paragraphe 26(1) du chapitre 140 des Statuts du Canada de 1980-81-82-83, lequel insérait, après le mot “ reçue ”, les mots “ par le contribuable ”, cette disposition s'appliquant à l'année 1982 et aux années d'imposition subséquentes. Il soutient qu'il faut donner un sens à la modification, c'est-à-dire que la somme doit réellement être reçue par le contribuable. Je ne crois pas que cet argument soit valable. La version antérieure de la disposition en question, qui ne renfermait pas les mots “ par le contribuable ”, peut uniquement être interprétée, à mon avis, comme se rapportant aux sommes reçues par le contribuable. En d'autres termes, les mots “ par le contribuable ” ont été ajoutés pour plus de précision plutôt que pour modifier fondamentalement le sens de la disposition. Quoi qu'il en soit, les décisions Hoffman et Fairey susmentionnées ont été rendues après que la modification en question eut été adoptée et je crois que ces décisions reflètent exactement l'état du droit.

[11] Pour les motifs susmentionnés, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'avril 1998.

T. P. O'Connor

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de novembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur

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