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Date: 19980813

Dossier: 95-2773-IT-G

ENTRE :

LYNDA L. MICKLEBOROUGH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance portent sur les années d'imposition 1986 et 1987.

[2] Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1986, l'appelante a, entre autres choses, déduit des frais cumulatifs d'exploration au Canada (“ FCEC ”) de 100 000 $ et demandé une déduction pour épuisement au titre de l'exploration minière (“ DEEM ”) de 33 333,33 $.

[3] Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1987, l'appelante a, entre autres choses, déduit des FCEC de 87 638,28 $ et demandé une DEEM de 29 212,76 $.

QUESTIONS EN LITIGE

[4] Il s'agit de déterminer si l'appelante a, à bon droit, demandé des déductions aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) relativement à des “ actions accréditives ” et déduit les frais correspondants engagés par une corporation. Pour cela, il faut répondre aux questions suivantes :

1. Les dépenses engagées par Terra Mines Ltd. (“ Terra ”) dans le cadre du projet du lac Bullmoose (“ Bullmoose ”) étaient-elles des FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi?

2. Les dépenses engagées par Terra dans le cadre du projet de Bullmoose étaient-elles des FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii.1)?

3. L'appelante peut-elle déduire, dans le calcul de son revenu tiré d'une entreprise conformément à l'article 9, les frais que Terra a engagés dans le cadre du projet Bullmoose à titre de mandataire de l'appelante?

FAITS

[5] Un exposé conjoint des faits partiel a été déposé. Il se lit comme suit :

[TRADUCTION]

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelante pratiquait la médecine et résidait en Ontario.

2. Pendant toutes les périodes pertinentes, Terra Mines Ltd. (“ Terra ”) était une compagnie constituée en corporation en vertu des lois de la Colombie-Britannique, dont les bureaux administratifs étaient situés à Edmonton. Terra exploitait une entreprise d'exploration et d'extraction de métaux précieux, principalement l'argent et l'or.

3. Pendant toutes les périodes pertinentes, Terra Mines Ltd. détenait une participation de 100 p. 100 dans un certain nombre de claims miniers dans la région du lac Bullmoose, s'étendant sur une superficie d'environ 13 354 acres à 53 miles à l'est de Yellowknife (T. N.-O.) (“ Bullmoose ”).

4. Les activités d'exploration ont commencé à Bullmoose en 1940, année au cours de laquelle Cominco Ltd. a effectué des travaux de creusage de tranchées, de forage au diamant, de fonçage de puits et d'échantillonnage. De 1942 à 1963, il n'y a eu aucune activité. De 1963 à 1968, des travaux d'exploration supplémentaires, dont le creusage de tranchées, ont été effectués par l'ingénieur W. L. McDonald. En 1968, la propriété a été acquise par Duke Mining Ltd., qui a mis en oeuvre un programme de forage au diamant de 12 500 pieds entre 1969 et 1973.

5. Terra a acquis une participation de 50 p. 100 dans la propriété en 1975 et en 1976 en effectuant des travaux d'aménagement souterrain sur 2 700 pieds et des travaux de forage souterrain sur 1 300 pieds. En 1981, Duke Mining Ltd. et Terra ont fusionné, cette dernière acquérant de ce fait le reste de la propriété.

6. Du mois de janvier 1983 à une certaine date en 1984, Terra a achevé diverses phases d'exploration à Bullmoose, dont des travaux de forage au diamant à ciel ouvert et des travaux d'aménagement souterrain. Au cours de cette période, Terra a également extrait du sol et stocké sur la propriété plus de 30 000 tonnes de roches aurifères provenant de différentes veines. Des échantillons ont été envoyés à Coastech Research Inc. et à l'Université de l'Alberta à des fins d'essais métallurgiques.

7. De 1969 à 1985, Terra a également exploité des mines d'argent dans le district de la rivière Camsell, dans les Territoires du Nord-Ouest.

8. Terra a temporairement suspendu ses activités à Bullmoose le 6 janvier 1985.

9. Au mois de janvier 1985, on travaillait à la conception d'une usine de traitement mobile qui serait utilisée à Bullmoose. Coastech Research de Vancouver, qui avait conçu l'usine en question, prévoyait qu'elle permettrait un taux de récupération de l'or de 93 p. 100.

10. Dans un document de travail ne portant aucune date (produit entre le 13 octobre 1985 et le 28 février 1986), R. A. Evans, vice-président exécutif de Terra, s'est vu remettre une analyse exposant différents scénarios financiers liés à la production d'or à la propriété du lac Bullmoose pour l'année 1986. Les revenus potentiels pour 1986, en supposant le broyage d'au moins 51 680 tonnes de minerai à haute teneur, allaient de 8 001 024 $ à 13 094 058 $.

11. Le 28 janvier 1986, le vice-président exécutif de Terra a reçu une note dans laquelle il était indiqué que l'usine mobile traiterait 42 750 tonnes de minerai et produirait 15 027 onces d'or au cours de l'année civile 1986.

12. En février 1986, Terra a transporté une usine mobile à Bullmoose. L'usine coûtait 2 600 000 $, somme incluant sa construction, les pipelines et le transport de l'équipement. L'usine a été construite par Inlet Metals and Machining Co. Ltd., propriété de W. Kocken, le président de Terra.

13. Le 16 mai 1986, une notice d'offre de placement privé a été distribuée par Terra relativement à l'émission d'actions accréditives ordinaires.

14. Le 11 juillet 1986, l'appelante a conclu avec Terra une entente d'exploration aux termes de laquelle Terra a été nommée mandataire de l'appelante pour engager des “ frais d'exploration au Canada admissibles à la déduction pour épuisement au titre de l'exploration minière ” de 100 000 $. Conformément à l'entente d'exploration, l'appelante n'a reçu en contrepartie que des actions ordinaires de Terra.

15. Pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelante était membre de MG 1987 Limited Partnership (“ MG ”), une société en commandite constituée en vertu des lois de la province de l'Ontario. L'appelante détenait 10 des 590 unités de MG.

16. Au 13 janvier 1987, Terra étudiait des plans d'abandon total du site. Les travaux de remise en état nécessaires avaient déjà été entrepris et un plan de récupération détaillé avait été soumis à l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest à des fins d'approbation.

17. Le 15 janvier 1987, Terra a conclu avec MG une entente relative à des ressources aux termes de laquelle MG souscrivait à des actions accréditives ordinaires de Terra. Terra convenait de “ faire son possible pour engager ” des “ FEC admissibles à la DEEM ” jusqu'à concurrence du prix de souscription de 880 292 $, et de renoncer à ces frais d'exploration en faveur de MG. Terra a subséquemment renoncé au montant de 880 292 $ en faveur de MG.

18. Le 23 février 1987, le comité de vérification de Terra a adopté une résolution recommandant au conseil d'administration de dévaluer les activités à Bullmoose et à la rivière Camsell dans les états financiers de l'année se terminant le 31 décembre 1986.

19. Le 31 mars 1987, Terra a publié un communiqué de presse dans lequel elle annonçait que, dans les états financiers de l'année se terminant le 31 décembre 1986, on attribuerait une valeur symbolique aux biens minéraux et aux frais d'exploration et d'aménagement connexes reportés qui avaient été engagés à Bullmoose.

20. Dans le même communiqué de presse, Terra annonçait qu'elle avait amélioré sa situation financière comparativement à l'année précédente, ayant éliminé toutes ses dettes et accru de manière significative son fonds de roulement, en partie grâce à la vente de l'or produit au lac Bullmoose. Terra était dorénavant en mesure de tirer profit d'autres occasions, plus particulièrement de l'exploration de propriétés situées au Mexique.

21. Du 20 mars 1986 au 17 juin 1987, l'usine a traité 86 634 tonnes de minerai, produisant ainsi 19 001 onces d'or. Sur cette quantité, environ 19 000 tonnes de minerai ont été broyées après le mois de mars 1987. Terra n'a renoncé à aucuns des frais d'exploration au Canada (“ FEC ”) engagés après le mois de mars 1987.

22. Entre 1983 et 1987, Terra a effectué des travaux d'exploration, d'extraction et de traitement du minerai de Bullmoose pour environ 31 400 000 $.

23. L'or a été vendu 8 500 000 $.

24. À compter de 1984, Terra a fait différentes estimations de la quantité de minerai aurifère à Bullmoose. Aux fins de communiquer ces estimations, Terra a adopté les définitions suivantes de “ réserves ” :

Réserves prouvées

a) Matériaux dont le tonnage est calculé à partir de dimensions révélées dans des affleurements, des tranchées, des travaux souterrains ou des trous de forage, et dont la teneur est calculée à partir des résultats d'un échantillonnage suffisant; les sites d'inspection, d'échantillonnage et de mesure des réserves prouvées sont espacés de telle manière et le caractère géologique est à ce point précis que la taille, la forme et le contenu minéral peuvent être établis; le tonnage et la teneur calculés sont jugés exacts dans un intervalle de confiance de 90 p. 100.

Réserves probables

b) Matériaux dont le tonnage et la teneur sont calculés en partie à l'aide de mesures spécifiques, en partie à l'aide de données d'échantillonnage ou de données de production ou à l'aide des deux, et en partie à l'aide de projections établies à une distance raisonnable sur le fondement d'une observation géologique, et à l'égard desquels l'échantillonnage est trop espacé pour permettre de décrire les matériaux complètement ou d'en déterminer partout la teneur, ou est espacé de façon à empêcher cette description et cette détermination.

Réserves possibles

c) Matériaux dont les estimations quantitatives sont basées en grande partie sur une connaissance générale du caractère géologique du gisement et sur une hypothèse de continuité ou de répétition que les indications géologiques permettent raisonnablement de faire.

25. Dans son rapport annuel de 1985, Terra a présenté les estimations suivantes de ses réserves de minerai au 11 février 1986 :

Catégorie Tonnes Teneur Onces de réserve d'or

Prouvées (abattu) 15 145 0,449 6 797

Prouvées (en place) 12 534 0,411 5 156

Probables 35 433 0,363 12 862

Total (prouvées 63 112 0,393 24 815

et probables)

Indiquées 72 408 0,499 36 150

Déduites 25 723 0,445 11 435

Total (possibles) 98 131 0,485 47 585

Total économique 161 243 0,449 72 400

26. Dans le cadre de la vérification, par Revenu Canada, de certaines activités entreprises par Terra à Bullmoose, le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources (“ EMR ”) a été invité à formuler une opinion sur la question de savoir si les coûts liés à l'extraction et au broyage du minerai à Bullmoose du mois de mars 1986 au mois de juin 1987 devaient être admissibles à titre de FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

27. EMR s'est dit d'avis que les frais liés à l'extraction et au broyage de ce que Terra avait qualifié d'échantillon massif n'étaient pas engagés en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'une ressource minérale au Canada, mais qu'il s'agissait en fait de travaux de récupération, c'est-à-dire de travaux visant à récupérer le plus possible de frais d'exploration.

28. Du fait de l'opinion formulée par EMR, toutes les dépenses figurant dans le grand livre de Terra ont été examinées et analysées mois par mois par Revenu Canada et les dépenses d'exploration déduites ont été refusées compte tenu de l'opinion formulée par EMR :

Compte tenu des renseignements contenus dans la partie intitulée “ Analyse ” et dans les annexes I et II, nous sommes arrivés à la conclusion suivante : avant 1986, le coût des travaux effectués par Terra au lac Bullmoose devraient être des FEC en application du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi. En 1986 et en 1987, seuls les coûts du forage au diamant et des travaux latéraux devraient être ainsi qualifiés. Les coûts des activités de récupération, c'est-à-dire les activités d'abattage et de broyage, et tout aménagement aux fins de l'abattage, ne devraient pas être qualifiés de FEC, bien qu'il n'y ait pas eu d'exploitation minière en quantités commerciales raisonnables. Le coût de l'usine installée constitue une dépense en capital et non des FEC.

29. Les FEC refusés s'élevaient à 5 884 211,31 $ en 1986 et à 5 820 173,30 $ en 1987. Compte tenu des FEC révisés de 9 181 097,69 $ pour 1986 et de 1 412 411,70 $ pour 1987, que Revenu Canada se proposait d'admettre, Terra a fourni un tableau révisé des FEC indiquant leur attribution aux différents investisseurs, dont MG, qui a ensuite procédé à une attribution à ses commanditaires.

30. Une nouvelle cotisation a été établie à l'égard de l'appelante pour 1986 et 1987 sur le fondement de ces attributions.

31. Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1986, l'appelante a, entre autres choses, déduit des FEC de 100 000 $ et demandé une déduction pour épuisement au titre de l'exploration minière (“ DEEM ”) de 33 333 $.

32. Dans la cotisation établie à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1986, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a refusé la déduction de 32 130 $ au titre des FEC. Du fait de ce rajustement des FEC, la DEEM a été réduite de 10 711,93 $.

33. Dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1987, l'appelante a, entre autres choses, déduit des FEC de 87 638,23 $ et demandé une DEEM de 29 212,76 $; 14 920 $ des 87 638,23 $ et 4 974 $ des 29 212,76 $ étaient des frais auxquels Terra avait renoncé.

34. Dans la cotisation établie à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1987, le ministre a refusé 8 012,89 $ des FEC déduits auxquels Terra avait renoncé. Du fait de ce rajustement des FEC, la DEEM a été réduite de 2 673,62 $.

TÉMOIGNAGES AU PROCÈS

M. GARRY M. PAULSON

[6] Pendant la période en cause, M. Paulson était, entre autres choses, comptable agréé, membre du conseil d'administration (le “ conseil ”), directeur financier, vice-président, finances, et membre du comité exécutif de Terra.

[7] Il a expliqué le mode de financement adopté aux fins du programme d'exploration de Terra à Bullmoose, dont la formule des actions accréditives. Il a aussi décrit les consultations qui ont été tenues à cet égard avec des vérificateurs et des fiscalistes-conseils.

[8] En outre, il a exposé les préoccupations de Terra et du conseil.

[9] Dès le départ, le conseil était inquiet de l'étroitesse des veines aurifères découvertes; il se demandait également si la teneur du minerai exploré était constante; de plus, l'“ effet de pépite ”[1] n'était pas régulier.

[10] Le site soulevait également des inquiétudes; il était isolé, les conditions météorologiques étaient difficiles, aucune route n'y menait, il n'y avait aucun aéroport et seules les routes de glace d'hiver y donnaient accès.

[11] Étant donné le grand nombre de facteurs variables, dont la connaissance qu'il y avait de l'or à Bullmoose, les membres du conseil ont décidé de mettre en oeuvre un programme d'essai en traitant des échantillons massifs au moyen d'une usine pilote.

[12] M. Paulson a aussi déclaré que les travaux d'exploration coûtaient cher et que, bien que l'or produit dans le cadre des activités d'exploration ait été vendu, à la fin, la valeur nette des actions avait diminué.

[13] Après l'établissement de l'usine de traitement pilote, la vérification de la teneur a donné des résultats mitigés et, au mois de juin 1986, ces résultats, de l'avis du conseil, ne lui procuraient pas suffisamment de renseignements pour qu'il puisse décider d'abandonner le projet; par conséquent, les essais se sont poursuivis le reste de l'année 1986 et en 1987, jusqu'au mois de mars.

[14] Dans le cadre de ses responsabilités au sein de la corporation (vice-président, finances), dont relevaient les frais d'exploration au Canada admissibles, M. Paulson a certifié que les fonds avaient été utilisés dans le cadre du programme prévu dans la loi fiscale et que l'objet était celui décrit[2].

[15] Vers la fin de l'année 1986, il a indiqué que certains actionnaires exerçaient des pressions pour que la mine fonctionne à plein régime, mais que les membres du conseil y avaient résisté pour le motif qu'ils n'avaient pas suffisamment de renseignements pour justifier une telle décision.

[16] L'usine de traitement pilote a poursuivi ses activités, mais les essais préliminaires subséquents n'ont pas permis d'effectuer une vérification acceptable de la teneur sur le plan de la production, de sorte que la mine a été fermée en 1987. Par la suite, conformément aux exigences législatives et réglementaires, le site a été remis en état et Terra a déplacé ses activités au Mexique.

[17] Ainsi qu'il a été indiqué, le témoin est comptable agréé et il n'est pas géologue, ni directeur de mine. En dépit de cela, les avocats de l'intimée l'ont soumis à un contre-interrogatoire long et approfondi sur des intervalles de temps, des faits, des documents et des résultats antérieurs qui ne relevaient ni de ses connaissances, ni de son expertise ou de son expérience. Le témoin ne s'est cependant pas avancé dans les domaines où il n'avait pas de compétence ni d'expérience, et il a toujours nuancé ses réponses adéquatement. Il a également témoigné de manière franche et crédible. Le témoin a effectivement confirmé tout au long de son contre-interrogatoire que, lorsqu'il est arrivé à Bullmoose, il y avait de bonnes traces d'or, et qu'il ne se serait pas joint à Terra s'il avait cru que les travaux d'exploration étaient voués à l'échec.

[18] En outre, lors du contre-interrogatoire, le témoin a été interrogé sur le rapport de Ross R. Grunwald (rapport d'un géologue-conseil rédigé pour un tiers). Ce rapport avait été rédigé en mars 1984. Malgré sa connaissance limitée du rapport, le témoin a déclaré qu'il croyait comprendre que Terra s'était fondée sur le rapport aux fins de sa proposition d'exploration, notamment sur le passage suivant, tiré de la page 19 :

[TRADUCTION]

[I]l n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce que la propriété contienne peut-être des réserves exploitables de deux à trois millions de tonnes de minerai à une profondeur de 1 000 pieds, dont la teneur serait de l'ordre de 0,3 à 0,4 onces la tonne. Cela signifie que la propriété pourrait aisément contenir un million d'onces d'or ou davantage.[3]

[19] Le témoin a aussi été contre-interrogé sur le rapport de G. N. Woollett, produit en août 1987 à l'intention de R. A. Evans (président de Terra), où l'auteur a étudié les résultats des travaux d'exploration effectués à Bullmoose. En réponse à certains passages du rapport Woolett[4] portant sur des veines minières particulières, des dossiers miniers et des vérifications de la teneur, aux pages 14 et 18, le témoin a déclaré que, de façon générale, Terra n'avait pas exploité toutes les veines, mais qu'elle les avait toutes soumises à un échantillonnage. Le conseil a cru que le minerai avait une certaine teneur en or, mais elle n'était pas suffisamment élevée.

[20] Le témoin a déclaré de nouveau que, tout au long de 1986 et pendant une partie de 1987, l'intention du conseil était de poursuivre les travaux d'exploration et les essais de l'usine pilote. Il a déclaré également qu'à la fin de 1986, alors que la plupart des résultats étaient négatifs, le conseil n'était pas prêt à mettre fin aux travaux d'exploration, ni à donner le feu vert aux activités de production. Essentiellement, le témoin a indiqué que l'intention de Terra était de poursuivre les activités d'exploration et les essais au moyen de l'usine pilote dans l'espoir de trouver un minerai dont la teneur serait suffisamment élevée pour justifier une exploitation commerciale viable.

M. RAYMOND R. PETHER

[21] Le deuxième témoin appelé à comparaître pour le compte de l'appelante a été M. R. Pether, un employé du groupe de compagnies Middlefield. Le groupe de compagnies Middlefield s'occupait de trouver du financement pour des compagnies du secteur des ressources naturelles. Le témoin a examiné et évalué la gestion de Terra et ses états financiers, de même que la notice d'offre émise par Terra. Son rôle consistait entre autres choses à faire en sorte que l'entente d'exploration soit respectée pour le compte des clients de son employeur. En cette qualité de superviseur, M. Pether a reçu les opinions d'experts-comptables sur la question de savoir si les dépenses envisagées par Terra étaient admissibles à titre de FEC. M. Pether est finalement devenu membre du conseil d'administration de Terra et il a siégé au comité de vérification.

[22] Le témoin a confirmé le témoignage de M. Paulson sur l'optimisme de Terra au sujet de la propriété de Bullmoose. Dans la notice d'offre du 16 mai 1986, après la mention du nom de Terra et de Middlefield, on peut lire ce qui suit :

[TRADUCTION]

L'échantillonnage massif du minerai dans différentes veines et zones afin de vérifier le minerai brut fait partie intégrante du programme de 1986. En raison de la nature de la minéralisation, à savoir qu'il s'agit d'un gisement d'or natif à haute teneur retrouvé dans plusieurs veines, il est essentiel d'obtenir des renseignements précis sur l'or effectivement récupérable pour pouvoir prendre des décisions sur le plan de la production et être raisonnablement certain des réserves véritables. Pour effectuer ces essais, la compagnie a installé une usine pilote mobile dont la capacité actuelle de 200 tonnes par jour peut être portée à 350 tonnes par jour.[5]

[23] M. Pether s'est également livré à ce qu'il a appelé un contrôle préalable afin d'évaluer le risque que la mine de Bullmoose représentait pour les clients de Middlefield. Il a déclaré que, dans le cadre de l'évaluation de Terra et de la propriété de Bullmoose, de nombreux éléments avaient été pris en considération, notamment les réserves prouvées, probables et possibles, le cadre géologique et la capacité de Terra d'effectuer les travaux.

[24] Il a fait état des opinions dont il a pris connaissance en tant que membre du comité de vérification et il a examiné certaines variables, comme la pertinence du prix de l'or aux fins de l'évaluation des réserves économiques de Bullmoose. Il a également mentionné la nature erratique des veines aurifères et l'effet de ce facteur sur la viabilité économique du projet. Il a conclu que Terra avait fait tout en son pouvoir dans la mise en oeuvre du programme de FEC relativement à Bullmoose. Il a discuté du dilemme qu'ont engendré pour Terra les résultats insatisfaisants obtenus dans la détermination de la teneur moyenne. Si elle n'effectuait aucun essai, Terra était perdante, et si elle poursuivait les essais et que les résultats fussent insatisfaisants, elle était perdante. Tout cela confirme que l'exploration minière est une activité risquée. À la fin, le témoin a résumé la situation ainsi : Bullmoose a effectivement échoué.

M. LIONEL C. KILBURN,

GÉOLOGUE EXPERT APPELÉ

POUR LE COMPTE DE L'APPELANTE

[25] M. Lionel C. Kilburn, géologue titulaire d'un doctorat, a été reconnu à titre de témoin expert qualifié pour exprimer des opinions dans les domaines de la géologie ainsi que de l'exploitation et de la prospection minières, ce qui inclut l'échantillonnage massif.

[26] Dans son témoignage rendu de vive voix, M. Kilburn a décrit en des termes généraux l'exploration aurifère, et plus particulièrement l'échantillonnage massif dans le cadre du programme d'exploration. Il a discuté des difficultés causées par les conditions météorologiques et climatiques, de la propriété, des caractéristiques des personnes qui font de l'exploitation minière et des caractéristiques géologiques, dont la teneur des veines exploitables et les “ effets de pépite ”. Il a aussi parlé des coûts en des termes généraux.

[27] Il a expliqué ce que signifient, à son avis, la teneur observée dans une réserve, la teneur observée dans le minerai broyé, la teneur observée au moyen d'une usine pilote, le minerai à haute teneur et le minerai à basse teneur. Il a aussi discuté de la teneur-limite et de l'établissement de lots.

[28] Il a abordé les différents types de réserves, soit les réserves prouvées, probables et possibles, et ce qui, à son avis, s'applique aux projets d'exploration pour ce qui est des publications destinées à l'usage interne et à l'usage externe, et ce qu'il pensait des chiffres de Terra à l'égard des réserves. Il a aussi exposé son analyse de la méthodologie adoptée à Bullmoose et des résultats qui y ont été obtenus.

[29] En contre-interrogatoire, son témoignage a été attaqué sur tous les points s'écartant de la théorie de l'intimée sur la motivation et la conduite de Terra, dont la nécessité d'obtenir un échantillon massif et la taille appropriée d'un échantillon massif, la nécessité d'établir une tendance identifiable, la méthode des chambres-magasins, l'abattage d'essai et le broyage d'essai, l'établissement de lots, y compris la séparation de lots et le mélange de diverses sources de minerai, la tenue des dossiers, le concept de travaux de récupération, les types de réserves et la confiance que Terra devait accorder aux réserves et à la taille des veines des réserves prouvées, probables et possibles, et, enfin, les méthodes géostatistiques d'établissement de tendances.

[30] Il a conclu de façon générale que Terra s'était engagée simultanément dans des travaux accessoires d'exploration et d'aménagement d'une part, et un programme pilote d'abattage d'essai d'autre part, pour confirmer les réserves existantes et pour découvrir les réserves plus importantes qui, croyait-on, se trouvaient à Bullmoose. Il a conclu que la distribution très irrégulière de l'or que Terra avait trouvé dans des blocs n'avait pas permis de déterminer la teneur des réserves avec fiabilité, même en recourant à des trous de forage souterrain très rapprochés et en effectuant des travaux d'aménagement souterrain.

[31] M. Kilburn a tiré notamment les conclusions précises suivantes :

1. En 15 mois, 63 000 tonnes de minerai ont été abattues sous terre.

2. Le programme d'“ usine pilote d'abattage d'essai ” a duré 15 mois.

3. “ Environ soixante-dix pour cent de l'échantillon servant aux essais ” provenait de la réserve connue d'octobre 1985.

4. Il restait moins de la moitié de la réserve d'octobre 1985 une fois le programme d'essai terminé.

5. En raison de la façon dont l'or était réparti à Bullmoose, il était presque impossible de prévoir la teneur de la réserve “ sans la traiter presque en totalité ”.

6. Le “ programme d'essai souterrain a été deux fois plus important que ce qui était prévu au départ en raison de questions complexes non résolues liées à l'existence de deux scénarios d'exploitation ”.

7. L'or obtenu à partir des “ essais effectués au moyen de l'usine pilote ” est un sous-produit et non une “ marchandise produite dans des conditions commerciales ou rentables ”.

8. “ Tout le programme d'essai exécuté à Bullmoose visait à découvrir suffisamment de réserves pour effectuer une production commerciale, à concevoir une méthode permettant de prédire de façon fiable la teneur du minerai et à élaborer un plan de production dont le coût serait inférieur à la valeur de l'or contenu ”.

TÉMOINS APPELÉS PAR L'INTIMÉE

M. JEAN LEFEBVRE

[32] M. Jean Lefebvre est analyste minier au ministère des Ressources naturelles du Canada. En sa qualité de conseiller auprès de Revenu Canada, il a formulé une opinion à l'intention de celui-ci sur la question de savoir si les activités de Terra donnaient lieu à des FEC. Le passage suivant, tiré d'une lettre que Revenu Canada a adressée à Terra, résume son témoignage et l'opinion qu'il a formulée :

[TRADUCTION]

[N]ous sommes d'avis que les frais liés aux travaux d'extraction et de broyage d'une quantité importante de matières minéralisées que Terra qualifie d'échantillon massif, travaux qui ont été effectués du mois de mars 1986 au mois de juin 1987, ne devraient pas être admissibles à titre de FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi. [...] nous sommes d'avis que l'expression “ échantillon massif ” n'est pas celle qui convient pour décrire la quantité importante de matières extraites, qui ne constituait pas du tout un échantillon.[6]

M. GEORGE N. WOOLLETT

[33] M. George N. Woollett, géologue, a témoigné sur son association avec Bullmoose et Terra. Il n'a pas témoigné en qualité d'expert. Au mois d'août 1987, il a rédigé, à titre de consultant, un rapport[7] faisant l'analyse des résultats des travaux d'exploration menés à Bullmoose. Dans cette étude, il a conclu qu'il était peu probable qu'un gisement d'or plus important que celui déjà trouvé soit découvert.

[34] Il a également conclu que l'exploitation de colonnes aurifères était terminée et qu'elle avait produit un montant estimatif de 57 082 tonnes, contenant en moyenne 0,251 once d'or la tonne. Il a conclu que le gisement d'or du lac Bullmoose n'était pas viable aux prix actuels de l'or, et que le coût élevé de l'or récupéré, soit 1 652 $ l'once, était dû à l'importance des travaux d'aménagement axés sur l'exploration et à la quantité relativement peu importante de minerai broyé et d'or produit.

[35] Il a également indiqué qu'à son avis, au mois d'août 1990, la méthode privilégiée par Terra, consistant à utiliser un échantillon massif, était contestable, mais qu'elle permettait à Terra de déterminer avec précision la teneur et le tonnage d'un échantillon massif.

M. ALASTAIR J. SINCLAIR

[36] M. Sinclair, spécialiste en géologie économique et titulaire d'un doctorat, a été reconnu comme expert aux fins de l'audience, qualifié pour exprimer des opinions dans le domaine de l'estimation des réserves de minerai et de l'échantillonnage.

[37] Le rapport d'expert de M. Sinclair se lisait comme un livre de cours portant sur l'exploitation de l'or, et son témoignage oral était un exposé bien structuré d'un universitaire éminent se spécialisant dans le domaine de la géologie. Il a énoncé les aspects de l'affaire se rapportant à la classification et à l'évaluation, puis il a examiné en profondeur la notion d'échantillonnage massif.

[38] Voici certaines des conclusions précises tirées par M. Sinclair :

1. L'usine a fonctionné à une plus grande échelle et pendant une période plus longue qu'il est de règle pour l'échantillonnage massif.

2. L'échantillonnage massif était justifié à Bullmoose.

3. “ L'usine fonctionnait continuellement et, au cours d'une journée donnée, elle traitait des matériaux provenant de plus d'une source. ”

4. “ Les teneurs moyennes quotidiennes du minerai dans l'ensemble démontrent que l'on aurait pu vérifier la teneur sur une courte période ”. M. Sinclair écrit, aux pages 47 et 53 de son rapport :

[TRADUCTION]

4.3.5. : Récupération et teneur

Il arrive couramment que la récupération varie selon la teneur des matières traitées. Les données de production disponibles peuvent être utilisées pour déterminer si une telle tendance existe pour la production de 1986-1987 à partir des veines du lac Bullmoose. Les graphiques 4.4a à 4.4d font état de la quantité de minerai récupérée chaque jour en fonction de la teneur moyenne du minerai traité sur une période de 43 jours, une période de 100 jours, une période de 200 jours et une période de 314 jours. La période de 43 jours part du premier jour de production enregistrée (annexe 2) de manière à inclure une teneur moyenne quotidienne bien en-deça de la teneur limite. Une tendance très nette se dégage de tous les graphiques : la récupération de l'or dans l'usine pilote augmente avec la teneur de la matière traitée. En outre, cette relation est bien établie au cours de la période la plus courte documentée. La similitude de ces tendances au cours des différentes périodes indique que tout “ réglage de précision ” ou amélioration de l'usine pilote au cours de la plus grande partie de la période de production a eu peu d'impact sur le taux de récupération de l'or à partir du minerai de Bullmoose. Ces graphiques indiquent également qu'un échantillon massif bien choisi et d'une taille raisonnable aurait pu permettre d'établir la relation entre la teneur et le taux de récupération et fournir toutes les chances de régler de façon optimale l'usine pilote. En fait, à mon avis, un échantillon massif judicieusement choisi, obtenu à l'aide de forages effectués dans différentes parties du gisement et totalisant 1 000 à 1 500 tonnes, aurait été suffisant. Les forages auraient pu être choisis de manière à produire des échantillons représentatifs des différentes teneurs moyennes, des variations du type de formation minérale, des variations de composition du minerai et des stériles.

5. L'“ usine pilote ” n'avait pas pour objet d'essayer du matériel de broyage.

6. “ Les chiffres relatifs à la production pour la période du 30 juillet 1986 au 17 juin 1987 font apparaître une augmentation systématique au cours des quatre premiers mois; la production s'élevait au début à environ 150 tonnes par jour, et elle s'est stabilisée à environ 280 tonnes par jour. Le réglage des installations de l'usine s'est produit avant cette période. Cela cadre avec un programme de montée en régime afin d'en arriver à une pleine production ”.

7. Un petit échantillon massif de 1 000 à 1 500 tonnes aurait pu fournir l'information nécessaire.

[39] Dans le cadre de la preuve de l'intimée, M. Sinclair a offert une contre-preuve à l'égard du rapport de M. Kilburn.

[40] M. Sinclair a contesté la conclusion numéro 14 de M. Kilburn, où ce dernier a affirmé que, du fait de la “ distribution irrégulière ” de l'or, la teneur du minerai ne pouvait être déterminée sans que toute la réserve soit traitée. Il a déclaré que cette conclusion était erronée pour le motif que la méthodologie existe bel et bien, que M. Kilburn n'a pas étudié la méthodologie utilisée par Terra et que, quoi qu'il en soit, la méthodologie utilisée par Terra aurait pu donner des résultats dans un “ délai relativement court ”.

M. DONALD A. CRANSTONE

[41] M. Cranstone est spécialisé dans les minéraux et détient un doctorat; il a été reconnu comme expert qualifié pour exprimer des opinions dans les domaines de la géologie minière et de la géologie des gisements de minerai.

[42] M. Cranstone a effectué l'étude de 31 gisements d'or dans le but de les comparer avec ceux de Bullmoose. Il a constaté que, pour tous les gisements d'or au Canada ayant fait l'objet d'un échantillonnage massif qu'il a examinés, mis à part les gisements de Bullmoose, les échantillons massifs utilisés ne représentaient qu'un faible pourcentage des réserves.

[43] Il a aussi constaté que la taille des échantillons massifs allait de petite (quelques tonnes) à grande (des dizaines de milliers de tonnes). En outre, la taille de l'échantillon massif dépend de la taille du gisement et de l'ampleur de l'effet de pépite. Il a également conclu, à partir des dossiers de Terra, que du mois de mars 1986 au mois de mars 1987, l'échantillon massif était de 68 273,64 tonnes (pièce E-4, page 10) et que les pourcentages comparables pour ce tonnage étaient de 140,7 p. 100 de réserves prouvées et probables et de 45,6 p. 100 de réserves prouvées, probables et possibles.

[44] Toutefois, l'échantillon massif de Bullmoose représentait un pourcentage des réserves beaucoup plus élevé (d'un ordre de grandeur ou davantage) et donc excédait de beaucoup les pourcentages de chacun des 31 autres échantillons massifs.

M. GRAHAM FARQUHARSON, B. Sc., M. Sc., Ing.

[45] M. Farquharson est ingénieur minier; il a été reconnu comme expert qualifié pour exprimer des opinions dans les domaines de la gestion de projet, de l'échantillonnage massif et de l'exploitation minière.

[46] Les conclusions de M. Farquharson indiquent ceci :

1. La “ preuve indique clairement que les tentatives de mettre en oeuvre un programme d'échantillonnage adéquat ont été mal gérées et que le programme visait principalement à traiter tout le minerai qui pouvait être extrait ...”.

2. Dès le mois de juin 1986, on disposait de suffisamment de renseignements pour avoir une “ indication claire de la teneur ”, et rien n'a changé entre juin 1986 et mars 1987 pour ce qui est de la différence entre l'estimation du contenu en or et les quantités d'or effectivement contenues dans le minerai.

3. Le “ programme d'échantillonnage massif [...] s'est poursuivi jusqu'à épuisement total des réserves estimées au début du programme ”.

CONTRE-PREUVE DE M. HENRIK THALENHORST

À L'ÉGARD DU RAPPORT DE M. KILBURN

[47] M. Henrik Thalenhorst, géologue titulaire d'un doctorat, a été reconnu comme expert qualifié pour exprimer une opinion dans les domaines de l'exploration, de l'évaluation de projets et des réserves de minerai.

[48] Il a conclu en contre-preuve que l'estimation de base des réserves soumises au programme d'échantillonnage massif était de 61 500 tonnes au 11 février 1986 et qu'à la fin (en juin 1987), il était peu probable qu'un tonnage important méritant la désignation de “ réserve ” subsiste.

[49] En outre, il a conclu que des travaux supplémentaires d'échantillonnage massif, nécessaires pour mettre à l'essai une méthode d'exploitation moins coûteuse en traitant les matériaux à basse teneur, n'avaient pas été effectués correctement parce que l'on avait mélangé le minerai abattu et le minerai extrait au moyen des activités d'aménagement de sorte que les matériaux à basse teneur ne pouvaient pas être évalués indépendamment. En outre, on a omis de nettoyer l'usine entre les échantillons, de sorte que la présence de l'or dans le minerai à basse teneur traité ne pouvait pas être évaluée convenablement et qu'il était impossible de déterminer l'origine des tonnages à basse teneur.

[50] Enfin, le témoin a critiqué les affirmation de M. Kilburn selon lesquelles les réserves à Bullmoose ne pouvaient être estimées de façon fiable sans traiter le tonnage de la réserve entière. Le rapport conclut que, parce que le minerai extrait de différentes sources était mélangé au cours du broyage, il était impossible de déterminer la teneur d'un minerai spécifique au moyen de l'usine pilote.

ANALYSE

PREMIÈRE QUESTION

[51] Les frais engagés par Terra dans le cadre du projet Bullmoose étaient-ils des FEC aux sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii.1)?

[52] L'industrie minière jouit au Canada d'un traitement spécial, tenant compte des risques élevés et des importants besoins en capitaux qui la caractérisent. Au moyen de la déduction des FCEC, l'émission d'“ actions accréditives ” permet aux compagnies de ressources canadiennes de réunir les fonds nécessaires à leurs travaux d'exploration et d'aménagement.

[53] Le terme “ action accréditive ”, défini à l'alinéa 66(15)d.1), s'entend d'une action acquise par un contribuable conformément à une convention conclue avec une corporation, et par laquelle celle-ci s'oblige à engager des FEC[8] pour un montant égal à la contrepartie remise par le contribuable pour les actions et à “ renoncer ” en faveur du contribuable à un montant au titre de ces frais. Les frais d'exploration en cause sont considérés, aux fins de l'impôt sur le revenu, comme des frais du contribuable et non de la corporation. Le paragraphe 66.1(3) permet expressément à un contribuable de déduire les FEC admissibles d'un autre contribuable.

[54] Avant 1986, la Loi ne définissait pas les “ actions accréditives ”. Elle ne permettait la déduction de frais admissibles que lorsque le contribuable “ gagnait ” les actions en engageant les frais lui-même et en en échangeant le produit (c'est-à-dire les résultats de l'exploration) contre les actions de la compagnie. Cette exigence technique rendait l'utilisation d'actions accréditives difficile parce que le contribuable devait engager les frais directement, à défaut de quoi le montant versé à la corporation était considéré comme une dépense faite dans le but d'acquérir un bien en capital et ne pouvait être déduit directement d'un autre revenu : Farmers Mutual Petroleum v. M.N.R., [1967] C.T.C. 396, à la page 405 (C.S.C.), où la Cour a statué que les montants ayant servi à acquérir une participation dans des terrains sur lesquels les frais d'exploration avaient été engagés par un tiers n'étaient pas des montants dépensés relativement à l'exploration ou au forage. Ils servaient à acquérir une participation dans des terrains. En outre, l'investisseur risquait d'être tenu responsable de tout dommage résultant des activités ayant entraîné les frais.

[55] J'ai étudié les commentaires de Michael A. Carten dans un article rédigé pour l'Association canadienne d'études fiscales et intitulé “ Flow-Through Share Financing ”, Corporate Management Tax Conference 1986: Income Tax Considerations in Corporate Finance, page 385, qui, à mon avis est instructif à cet égard. Plus particulièrement, l'auteur dit à la page 392 :

[TRADUCTION]

Pour contourner les difficultés d'ordre opérationnel, la corporation émettrice prétendait généralement mettre en oeuvre le programme d'exploration et d'aménagement en qualité de mandataire des investisseurs, bien qu'en vérité, nombre d'attributs de la relation de mandat ne se retrouvent pas dans les conventions normalement conclues. Évidemment, l'un des attributs du mandat est la responsabilité du mandant à l'égard des actes de son mandataire, et en particulier de ses actes délictueux. Ainsi, les investisseurs en principe responsables de la mise en oeuvre des programmes d'exploration étaient théoriquement responsables non seulement du coût direct du programme, mais aussi des frais imprévus envers des tiers.

[56] Les modifications de 1986 étaient destinées à éliminer cette difficulté et le recours par l'industrie à des mandataires fictifs. L'introduction de la définition d'“ action accréditive ” autorisait expressément la conclusion d'une convention entre le contribuable et la corporation émettrice pour obliger celle-ci à consacrer les montants à des frais admissibles et pour permettre au contribuable de payer directement la corporation émettrice.

[57] Les modifications de 1986 prévoyaient l'élimination graduelle de l'ancien système et la corporation émettrice, dans ce cas-ci Terra, pouvait à son choix utiliser l'un ou l'autre système à l'égard des conventions conclues jusqu'à la fin de 1986.

[58] Quant à l'entente mettant en cause Terra et MG 1987 Limited Partnership (“ MG ”), aucun choix ne s'offrait aux parties à l'entente, et il fallait satisfaire à la définition d'“ action accréditive ” énoncée à l'alinéa 66(15)d.1) pour que MG obtienne le bénéfice des FEC engagés directement par Terra.

LE SITE

[59] En 1981, Terra a pris en main ce qui s'appelait alors le projet Duke et l'a rebaptisé projet Bullmoose. Le site se trouve à l'est de Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest), près du lac Bullmoose.

[60] Le site était inhospitalier, éloigné et isolé. L'été, le froid et le vent y sévissaient, et c'était pire encore l'hiver. L'accès était extrêmement limité et il fallait utiliser les routes de glace l'hiver pour y apporter de l'équipement. Les coûts de transport jusqu'au site, dont ceux de l'usine pilote, étaient considérables.

[61] Dès 1939, les gisements de minerai de Bullmoose qui, croyait-on, contenaient de l'or, ont fait l'objet d'un certain nombre de projets d'exploration. De 1981 à 1985, l'appelante et d'autres personnes se sont engagées dans ce qui pourrait simplement être appelé des travaux d'exploration et d'essai. Ces activités-là ne sont pas en cause. En janvier 1986, Terra a commencé l'abattage et, le 20 mars 1996, elle a mis en service une usine mobile de traitement du minerai avec laquelle elle a traité le minerai stocké ou extrait. Le 31 mars 1987, Terra a décidé de se retirer du projet et a annoncé la fermeture de l'usine.

FRAIS D'EXPLORATION AU CANADA

“ L'OBJET ”

[62] Le critère qui s'applique pour déterminer quelles dépenses sont des FEC au sens de la Loi est énoncé au sous-alinéa 66.1(6)a)(iii). Il y est écrit en partie que les FEC sont “ une dépense engagée [...] en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'une ressource minérale [...] ”. Je remarque également que le sous-alinéa 66.1(6)a)(iii.1) limite lui aussi les FEC aux dépenses engagées “ en vue ” d'amener une mine au stade de la production.

[63] Dans l'affaire Johnson's Asbestos Corporation v. M.N.R., 65 DTC 5089 (C. de l'É.), à la page 5093, le juge Jackett, s'exprimant sur ce qui était alors le sous-alinéa 83A(3)c)(ii), a déclaré que [TRADUCTION] “ le critère permettant de déterminer si une activité est une activité d'exploration est l'objet en vue duquel elle était exécutée et non son résultat, c'est-à-dire le fait qu'il en soit ou non résulté une découverte ”. De même, je conclus que le critère de l'objet n'accorde guère ou pas d'importance à la quantité d'or trouvée ou produite au site de Bullmoose, de sorte que je me pencherai plutôt sur l'objet des activités de Terra.

OBJET

[64] L'avocat de l'appelante a indiqué que, dans l'application du critère de l'objet, il faut prendre en considération l'intention subjective de Terra et son intention objective. Il cite à l'appui de sa thèse l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Soper v. The Queen, 97 DTC 5407, que je distingue de la présente affaire pour le motif que le paragraphe 227.1(3) ne requiert aucune considération de l'“ objet ” qui sous-tend les actes d'un administrateur pour déterminer s'il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté qu'une “ personne raisonnablement prudente aurait exercé ”.

[65] L'avocat de la Couronne soutient qu'il y a lieu d'effectuer une analyse objective pour déterminer l'objet véritable de Terra lorsqu'elle a engagé les frais. À l'appui de cette thèse, l'avocat, dans des observations écrites, a cité les propos du juge Robertson, de la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt 74712 Alberta Limited v. The Queen, 97 DTC 5126, à la page 5135. Je reproduis tout le paragraphe :

Troisièmement, je ne vois rien dans la jurisprudence, en particulier dans les motifs de l'arrêt Bronfman, qui exige une appréciation subjective des mobiles ou de l'intention qui sont à la base de la décision du contribuable d'emprunter de l'argent (voir, dans le même sens, l'arrêt Symes c. La Reine, [1993] 4 R.C.S. 695, à la page 736, dans le contexte de l'alinéa 18(1)a) de la Loi). Les termes “ utilisé ” et “ en vue de ” sont employés à l'alinéa 20(1)c) dans un sens objectif et non dans un sens subjectif. Il importe de reconnaître que des termes comme “ mobile ”, “ intention ”, “ motif ”, “ fin ”, “ objet ” et “ effet ” peuvent être appliqués ou interprétés différemment selon le contexte législatif dans lequel ils sont invoqués (voir, de façon générale, l'arrêt La Reine c. Placer Dome Inc. (5 novembre 1996), A-259-96 (C.A.F.) et J.F. Avery Jones, “Nothing Either Good or Bad, But Thinking Makes It So — The Mental Element of Anti-Avoidance Legislation”, (1985) British Tax Review 9).

[66] L'avocat de l'appelante a fait valoir que le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) et, quant à cela, la Cour ne devaient pas examiner les activités de Terra uniquement avec une vision rétrospective parfaite.

[67] En ce qui concerne l'examen “ rétrospectif ”, dans l'arrêt Tonn et al. v. The Queen, 96 DTC 6001 (C.A.F.), le juge Linden (les juges Strayer et McDonald ont souscrit à ses motifs) a déterminé que le critère énoncé dans l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (C.S.C.), était de “ nature objective ”. À la page 6008, il a également relevé la critique fréquente selon laquelle ce critère était soumis au risque d'une analyse “ rétrospective ” :

[B]ien qu'il soit formulé de façon similaire, le critère de l'arrêt Moldowan n'est pas tiré de l'un ou l'autre des articles 9, 18 et 20, qui concernent la déduction des dépenses. Il s'apparente à ceux de l'intention commerciale du paragraphe 9(1) et de l'alinéa 18(1)a), mais il doit être appliqué de façon plus stricte en raison de sa nature objective. L'aspect objectif du critère de l'arrêt Moldowan est certainement la caractéristique qui le distingue le plus des critères généraux énoncés dans la Loi quant à la déductibilité des dépenses. Cette caractéristiques du critère a été critiquée, parce qu'elle peut être appliquée de façon inéquitable pour désapprouver rétrospectivement les décisions commerciales des contribuables.

[68] Je suis d'avis que le raisonnement de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Tonn, précité, dans la mesure où il s'agit de déterminer la bonne façon d'appliquer un critère objectif, est à prendre en considération dans la présente affaire.

[69] La question à laquelle je dois répondre est donc celle-ci : l'appelante a-t-elle droit à une déduction dans le cas où Terra a engagé des frais pour faire ce que M. Farquharson qualifierait de travail mal géré et a fait preuve, de l'avis d'autres personnes, d'une mentalité d'exploitant minier dans l'exécution de travaux d'exploration? Encore une fois, je me reporte à l'arrêt Tonn, précité, où le juge Linden poursuit en ces termes à la page 6009, au sujet du mauvais jugement sur le plan des affaires :

Cependant, le respect des objets de la Loi exige-t-il que les déductions de pertes provenant d'entreprises exploitées de bonne foi soient refusées pour la simple raison que le contribuable a fait preuve de mauvais jugement? Je ne le crois pas. Si l'examen de la bonne foi du contribuable est nettement justifié dans certains cas, le régime fiscal ne devrait pas décourager ou pénaliser les contribuables qui ont pris des décisions honnêtes, mais erronées. Le régime d'imposition n'est pas fondé sur l'examen du sens des affaires de façon à accorder les déductions aux contribuables perspicaces et à les refuser à ceux qui ont manqué de jugement. L'imposition repose plutôt sur la situation économique du contribuable telle qu'elle est, et non telle qu'elle devrait être, sous réserve des commentaires figurant plus loin.

(Je souligne.)

[70] Pour déterminer de façon objective si Terra a engagé les frais dans le but énoncé au sous-alinéa 66.1(6)a)(iii), la Cour doit examiner la preuve qui lui a été soumise et déterminer si, du point de vue d'une personne raisonnable, les activités de Terra ont été accomplies objectivement en vue de l'exploration.

[71] La preuve qui m'a été soumise est extrêmement volumineuse. Dans la présente affaire, j'ai entendu de façon générale le témoignage compétent et crédible de neuf personnes, dont un certain nombre étaient des experts. J'ai étudié quatre rapports d'expert détaillés, rédigés à partir de l'information documentaire résultant des activités de Terra, et deux rapports de réfutation. L'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimée ont remis à la Cour quatre épais volumes de documents nécessaires pour résoudre la présente affaire, et d'autres éléments de preuve documentaire ont été soumis au procès.

[72] Ainsi que je l'ai fait remarquer, les activités de Terra au site de Bullmoose ont duré un certain nombre d'années, jusqu'en 1986. Je crois juste de dire que le montant des dépenses faites par Terra en 1986 et le nombre d'activités entreprises par Terra au cours de l'année en question étaient considérables.

[73] Dans les termes les plus généraux, je dois déterminer de façon objective si, au commencement, Terra avait l'intention d'explorer et, si je conclus par l'affirmative, s'il y a eu un moment où les actes de Terra, à savoir l'échantillonnage massif et le broyage d'essai, indiquaient que l'objet visé par Terra n'était plus l'exploration véritable, que la corporation s'était écartée de son objectif d'exploration et qu'elle avait commencé à faire de l'extraction.

[74] À cet égard, la Cour doit se garder de faire des conjectures sur les décisions d'affaires des dirigeants de Terra. Il faut veiller à ne pas pénaliser un contribuable pour ses mauvaises décisions d'affaires. Encore une fois, je me reporte à l'arrêt Tonn, précité, aux pages 6012 et 6013, où l'on peut lire ce qui suit :

L'application du critère de l'arrêt Moldowan principalement comme critère objectif vise donc à empêcher les réductions d'impôt illégitimes: le critère ne doit pas servir d'instrument permettant de faire des conjectures sur l'appréciation commerciale des contribuables. Un avertissement doit être formulé dans les cas où le critère est appliqué aux activités commerciales. Sauf s'il en est prévu autrement dans la Loi, les erreurs de jugement n'empêchent pas un contribuable de réclamer les déductions des pertes qui en découlent.

[...]

Dans l'arrêt Bélec c. Q., le juge Bowman a repris cette critique en ces termes :

Il faut souligner que ces pertes ont été subies dans un contexte complètement commercial. Il n'y avait aucun élément de personnel ni dans son achat ni dans son utilisation de l'immeuble. L'appelant est un homme de commerce expérimenté. Il a pris sa décision de bonne foi sur son meilleur jugement commercial et sur les faits qui lui étaient disponibles à cette époque. Il n'appartient pas au ministre (ou à cette cour) de substituer, avec le bénéfice de sa sagesse d'après coup, son jugement commercial pour celui du contribuable. Il ne faut pas se poser la question “En sachant ce que je sais maintenant, est-ce que je me serais embarqué dans cette entreprise?” La réponse est sans aucun doute “non”, parce que la question ne se soulève que lorsqu'il y a des pertes.

Enfin, le même avertissement a été répété dans Nichol c. R. :

[M. Nichol] a fait ce qui peut, rétrospectivement, être considéré comme une erreur de jugement, mais il s'agissait d'une question d'appréciation commerciale et cette appréciation n'était manifestement pas déraisonnable au point d'autoriser cette Cour ou le ministre du Revenu national à y substituer leur propre appréciation ou à pénaliser le contribuable pour avoir pris une décision que moi-même ou le ministre, forts de la clairvoyance qu'un gérant d'estrade possède toujours, ne prendrions peut-être pas aujourd'hui. Après tout, nous n'étions pas là en 1986.

Même si je ne suis pas d'accord avec l'utilisation du mot “manifestement” dans l'arrêt Nichol, je, par ailleurs, reconnais que le critère de l'arrêt Moldowan devrait être appliqué avec modération lorsque l'“appréciation commerciale” du contribuable est concernée, qu'aucun élément personnel n'a été établi et que le montant des déductions réclamées n'est pas contestable à première vue. Cependant, lorsque les circonstances donnent à penser qu'une motivation personnelle ou non commerciale existait ou que l'attente de profit était déraisonnable au point de soulever un doute, le contribuable devra prouver objectivement que l'activité constituait effectivement une entreprise. Par conséquent, des circonstances douteuses appelleront plus souvent un examen plus approfondi comparativement à celles qui ne soulèvent aucun doute.

CONCLUSION

[75] J'accepte le témoignage de MM. Kilburn et Sinclair, selon lesquels l'échantillonnage massif de veines aurifères à des fins de vérification de la teneur était une méthode d'exploration qu'il convenait d'utiliser au site de Bullmoose.

[76] L'usine de traitement pilote a été en activité plus longtemps que ce à quoi on se serait attendu pour de l'échantillonnage massif.

[77] Les activités continues et la quantité de minerai de l'usine pilote, le mélange des différentes sources de minerai et l'absence d'un tri et d'essais rigoureux ont rendu la vérification de la teneur impossible.

[78] Il y avait consensus, si l'on fait abstraction de l'opinion de M. Kilburn, sur le fait qu'un échantillon massif de taille moindre, étant donné les variations de la teneur et la minéralisation, aurait fourni tous les renseignements nécessaires pour déterminer la teneur des veines aurifères.

[79] En outre, il y a suffisamment d'éléments de preuve pour appuyer la conclusion de M. Sinclair selon laquelle il s'agissait de travaux d'exploration d'or exécutés par un personnel minier utilisant des méthodes d'exploitation minière.

[80] Le rapport “ rétrospectif ” de M. Sinclair, qui a étudié les données de Terra, indique qu'une analyse des résultats relatifs à la récupération de l'or sur des périodes de 43 jours, de 100 jours et de 314 jours n'a démontré “ aucune amélioration significative de la récupération de l'or ”[9].

[81] L'échantillonnage massif des veines aurifères du lac Bullmoose était une méthode d'exploration appropriée, bien que l'échantillonnage massif effectué par Terra ait été trop étendu. Je conclus également qu'à un moment donné, soit le 31 octobre 1986, l'échantillonnage massif est devenu déraisonnable et les activités d'exploration minérale de Terra à Bullmoose ont en fait pris fin.

[82] Pour déterminer si l'objet prévu dans la Loi, soit l'exploration, a été respecté, la Cour est saisie, bien qu'après coup, d'opinions portant sur les méthodes et les normes appropriées, énoncées par les témoins. Pour déterminer les lignes directrices à suivre dans l'analyse fondée sur l'objet, la Cour doit garder à l'esprit que l'exploration ne se fait pas dans l'abstrait et que les écarts par rapport à une norme idéale auxquels Terra a dû faire face sont des réalités qui doivent être prises en considération et soupesées; il s'agit notamment du risque de l'exploration, de l'endroit, du climat, du personnel, des ressources financières, de l'intention expresse ou implicite des parties et de leurs actions.

[83] Je ne peux conclure, sur le fondement de l'ensemble de la preuve présentée, que l'intention de Terra était au départ de mettre en oeuvre un programme d'exploration pour surmonter ses difficultés financières constantes, ni que la vente de l'or récupéré dans le cadre du programme représentait simplement une source de financement continu. Certains éléments de preuve ont démontré que la récupération de l'or était une source de revenu dont on a tenu compte dans la planification, mais ces éléments de preuve ne transcendent pas l'objet, pas plus qu'ils ne modifient l'objet visé par l'activité au départ ni, d'ailleurs, jusqu'au mois d'octobre 1986. Par la suite, étant donné la preuve présentée, je conclus que l'objet a changé et qu'il s'est écarté de l'entente conclue par l'appelante et Terra.

[84] Au 31 octobre 1986, Terra, si elle ne l'a pas fait, aurait dû conclure selon toute norme raisonnable que l'exploration et le broyage ne permettraient pas d'obtenir la teneur dont elle avait besoin pour prendre une décision sur le plan de la production.

[85] Par conséquent, étant donné les variables des circonstances factuelles auxquelles Terra était confrontée, dont le fait de savoir que la mine renfermait effectivement de l'or, l'adoption de la méthode d'échantillonnage massif, l'utilisation d'une usine pilote, la mentalité d'exploitation minière de Terra et les autres variables énoncées comme le risque, l'emplacement, le climat et le personnel, de même que les lignes directrices et les normes formulées par les experts dans la preuve, je conclus que l'exploration réelle du minerai s'est terminée à la fin du mois d'octobre 1986. Pendant le reste de l'année 1986 (novembre et décembre) et l'année 1987 au complet, les frais engagés par Terra n'étaient pas des FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi.

[86] Si je comprends bien, le ministre a admis la déduction par l'appelante, conformément au paragraphe 66.1(3), de certains montants que, d'après le ministre, Terra avait engagés à titre de FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi. Compte tenu des conclusions qui précèdent, je conclus que l'appelante devrait pouvoir déduire les frais engagés par Terra à titre de FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi jusqu'au 31 octobre 1986, dont la déduction a été auparavant refusée.

[87] Le paragraphe 14 de l'exposé conjoint des faits partiel et les admissions faites par les avocats au procès indiquent que l'appelante a nommé Terra mandataire dans l'entente conclue le 11 juillet 1986, aux termes de laquelle Terra devait engager “ des frais d'exploration au Canada admissibles à la déduction pour épuisement au titre de l'exploration minière ”.

[88] Bien que je ne croie pas que la relation entre Terra et l'appelante était une véritable relation de mandat, ce que je commenterai plus loin, pour déterminer si l'appelante peut déduire les FEC engagés par Terra jusqu'au 31 octobre 1986, je conclus que Terra a agi en qualité de “ mandataire ” et que les frais engagés au cours de cette période sont déductibles par l'appelante conformément au paragraphe 66.1(3). Les FEC engagés par Terra étaient conformes à la définition du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) et ils sont par conséquent admissibles à la DEEM conformément à l'alinéa 1203(2)a) du Règlement.

DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE

[89] Les frais que Terra a engagés et qui n'étaient pas des FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi sont-ils tout de même déductibles par l'appelante conformément au paragraphe 66.1(3) parce qu'ils étaient des FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii.1)?

[90] Mis à part les actes de procédure et des observations écrites limitées sur ce point, l'avocat de l'appelante n'a pas sérieusement fait valoir que les frais engagés par Terra en 1987 étaient des FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii.1) de la Loi. L'argument de l'appelante était qu'en 1986 et avant le mois de mars 1987, Terra n'avait pris aucune décision concernant l'exploitation ou l'abandon de la mine.

[91] L'argument principal de l'appelante est que les FEC étaient destinés à une exploration réelle et que la direction de Terra n'a pris aucune mesure pour mettre une mine en exploitation. En outre, aucune preuve n'a été produite selon laquelle Terra aurait décidé d'amener une nouvelle mine au stade de la production comme le prévoit le sous-alinéa 66.1(6)a)(iii.1) de la Loi.

TROISIÈME QUESTION EN LITIGE

[92] L'appelante peut-elle déduire dans le calcul de son revenu d'entreprise, conformément à l'article 9 de la Loi, les frais que Terra a engagés et qui n'étaient pas des FEC au sens des sous-alinéas 66.1(6)a)(iii) ou (iii.1) de la Loi?

[93] Pour que cet argument soit retenu, la Cour doit d'abord conclure que les frais de Terra étaient les frais de l'appelante, puis que les frais étaient des dépenses d'entreprise déductibles. En d'autres termes, il faut déterminer qu'il existait une relation de mandat aux termes de laquelle Terra était autorisée à engager les frais pour le compte de l'appelante, et il faut que l'appelante ait exploité une entreprise d'exploration ou d'extraction de minerai pour que les frais soient déductibles conformément à l'alinéa 18(1)a).

[94] L'avocat de l'appelante a fait valoir que, en raison de la relation de mandat mentionnée dans l'entente du 11 juillet 1986 et reconnue par le ministre, les activités commerciales de Terra, avec les frais engagés dans le cadre de ces activités, sont des activités commerciales de l'appelante, ce qui ouvre la porte à la déduction de frais d'entreprise.

[95] Dans sa plaidoirie et dans ses observations écrites, l'avocat de l'appelante a beaucoup insisté sur les déclarations faites lors de l'interrogatoire préalable de M. Matthew Vavasour, un employé du ministère du Revenu national, selon lequel le ministre avait accepté la qualité de mandataire de Terra aux fins des déductions prévues à l'article 9.

[96] Des passages de la transcription de l'interrogatoire préalable de M. Vavasour, tenu le 17 septembre 1997, ont été produits en preuve. Les passages suivants, tirés des pages 16 à 32, font ressortir l'argument que l'avocat a fait valoir :

[TRADUCTION]

PAR Me CARR :

Q. Qui a engagé les frais en 1986?

R. Bien, en 1986, c'est Terra qui a engagé les frais, et le ministère l'a toujours reconnu, que c'était Terra, ou toute autre corporation exploitant une entreprise principale, qui a engagé les frais, mais nous avons permis que ces frais soient transférés aux acquéreurs d'actions accréditives.

[...]

Q. Vous avez dit plus tôt que Lynda Mickleborough avait nommé Terra mandataire; est-ce exact?

R. Oui.

Q. Alors, Terra était la mandataire et elle a engagé les frais pour Lynda Mickleborough au cours de l'année 1986?

R. C'est exact.

Q. Et c'est ce que la formule d'entente indique à l'onglet 8 du recueil de documents de la demanderesse?

R. C'est exact.

Q. Est-ce bien cela?

R. C'est ça.

Q. Et le quatrième énoncé à la page 1 indique, n'est-ce pas, que la compagnie, à savoir Terra, a convenu d'agir en qualité de mandataire pour le compte du détenteur d'unités, d'engager ces frais et d'émettre des actions ordinaires en faveur du détenteur d'unités comme unique contrepartie pour engager les frais?

R. C'est exact.

Q. Donc, Terra était la mandataire; donc, c'est Lynda Mickleborough qui a engagé les frais et Terra était simplement la mandataire?

R. Non, ce n'est pas ainsi que je le conçois. La compagnie a convenu d'agir à titre de mandataire pour le compte du détenteur d'unités et d'engager les frais. Terra convenait d'engager les frais, pas elle.

Q. En tant que mandataire pour le compte de?

R. En tant que mandataire pour le compte de, c'est le libellé.

Q. Et vous dites que, sur le fondement de ce libellé, vous avez supposé que la compagnie avait engagé les frais?

R. C'est exact.

[...]

Q. Pourquoi les frais engagés par un mandataire ne sont-ils pas les frais du mandant? Qu'est-ce qui vous porte à croire que les frais qui ont été engagés par la mandante, Lynda Mickleborough, par son mandataire, ne sont pas les frais de la mandante elle-même?

Me Burnham : Bien ... je ne crois pas que ce soit une question qu'il convient de poser. Vous ne lui demandez pas de relater un fait. Ce que vous demandez vraiment, c'est de tirer une conclusion de droit.

Me Carr : Vous avez nié qu'elle avait engagé les frais. L'entente indique très explicitement qu'elle l'a fait.

Me Burnham : Non.

Me Carr : Niez-vous ...

Me Burnham : L'entente, à la page 4, paragraphe 3(A), stipule ceci :

“ [...] le détenteur d'unités nomme irrévocablement la compagnie mandataire pour engager pour son compte des FEC [...] ”

Donc, c'est le mandataire qui engage les frais. C'est tout ce que M. Vavasour affirme; que c'est Terra Mines qui va engager les frais en ce sens qu'elle dépense l'argent.

PAR Me CARR

Q. D'accord. En quoi est-ce qu'affirmer que c'est Terra qui engage les frais et non l'appelante est pertinent relativement à votre thèse? Pourquoi est-ce pertinent relativement à votre thèse et pourquoi niez-vous ce qui me semble être évident, c'est-à-dire que, lorsqu'un mandataire fait quelque chose pour quelqu'un d'autre, le mandant le fait lui-même?

Me Burnham : Bien, je crois que c'est un argument de droit, mais je sais où vous voulez en venir. Vous voulez ensuite dire que, parce que nous avons admis que Lynda Mickleborough engageait les frais, elle exploite par conséquent une entreprise d'exploitation minière.

Me Carr : : Nous y reviendrons plus tard.

[97] Me Carr a fait valoir que la relation de mandat allait jusqu'à faire en sorte que l'entreprise minière de Terra était l'entreprise minière de l'appelante. L'avocat de l'intimée a fait valoir que cette relation de mandat existait aux fins d'engager des FEC seulement et non aux fins d'exploiter une entreprise, et je suis d'accord. Les montants que Terra, à titre de mandataire, a convenu de dépenser étaient des FEC au sens de la définition figurant dans l'entente du 11 juillet 1986 :

[TRADUCTION]

1. DÉFINITIONS

[...]

f) “ Frais d'exploration au Canada ” ou “ FEC ” S'entendent des frais d'exploration au Canada au sens où cette expression est définie à l'occasion au sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi;

[...]

u) “ Dépenses admissibles ” S'entendent des dépenses par la compagnie, en qualité de mandataire du détenteur d'unités, d'une partie ou de la totalité du montant engagé qui n'ont pas été auparavant déduites par la compagnie dans le cadre de la mise en oeuvre du programme, qui constituent des FEC admissibles à la DEEM, qui sont faites ou engagées entre la date des présentes et la date des dépenses et qui sont admissibles à déduction dans le calcul de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1986;

[...]

3. DÉPENSES ADMISSIBLES

[...]

C) DÉPENSES ADMISSIBLES

La compagnie convient que toute portion dépensée du montant engagé sera dépensée dans le cadre du programme seulement pour engager des dépenses admissibles qui pourront être déduites du revenu aux fins de la Loi pour l'année d'imposition 1986. La compagnie fera tout en son pouvoir pour dépenser tout le montant engagé avant la date de dépense. Si le montant de souscription du détenteur d'unités n'est pas dépensé à la date de dépense, il sera remis au détenteur d'unités au plus tard le 15 mars 1987, avec intérêt.

[98] Les observations de l'avocat de l'intimée impliquent que le ministre a seulement admis que le mandat existait aux fins d'engager des FEC au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(iii) de la Loi.

[99] Je conclus que le problème est que la prétendue relation de mandat entre les deux parties se fonde en grande partie sur l'entente d'achat d'actions accréditives du 11 juillet 1986. Sans l'entente, il n'y aurait pas eu de relation de mandat.

[100] Dans la présente affaire, les modalités de l'entente ont été expressément énoncées dans le contrat conclu le 11 juillet 1986 par l'appelante et Terra. Puisque les actions du mandataire d'une partie qui ne relèvent pas des modalités expresses d'un contrat ne sont pas en soi les actions du mandant, on ne peut dire que l'appelante a engagé les frais qui ont été en fait engagés par Terra.

[101] L'intention de l'appelante en ce qui concerne le mandat était d'obtenir les actions accréditives de Terra ainsi que les droits et les obligations qui s'y rattachent, et non pas de conclure une relation de mandat par laquelle Terra engagerait des frais pour le compte de l'appelante et aux termes de laquelle l'appelante exploiterait une entreprise d'exploration ou d'extraction minière. Je conclus, sur le fondement de la preuve, que l'appelante n'exploitait pas une entreprise d'exploration ou d'extraction minière.

DÉCISION

[102] L'appel est admis pour l'année d'imposition 1986 et la cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que Terra Mines Ltd. a engagé, pour le compte de l'appelante, des FEC déductibles, notamment au titre de l'extraction de minerai et du broyage du minerai jusqu'au 31 octobre 1986.

[103] Pour le reste de l'année 1986, l'appelante n'a droit à aucune mesure de redressement.

[104] L'appel portant sur l'année d'imposition 1987 est rejeté.

[105] Les résultats étant partagés, il n'y aura aucune adjudication des dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour d'août 1998.

“ D. Hamlyn ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 4e jour de février 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Cette expression décrit une forte variabilité locale moyenne de la teneur d'échantillons adjacents. L'effet de pépite est causé par une distribution irrégulière des particules d'or dans un bloc de minerai. Lorsque la répartition des particules d'or n'est pas uniforme, un petit échantillon de forage risque d'amener à sous-estimer ou à surestimer la teneur en or du bloc entier.

[2]               Pièce A-1, volume 1, onglet 20.

[3]               Pièce A-1, volume 4, onglet 71.

[4]               Pièce A-1, volume 1, onglet 19.

[5]               Pièce A-1, volume 2, onglet 21, page 6.

[6]               Pièce A-1, onglet 28, page 3.

[7]               Pièce A-1, onglet 19.

[8]               Outre les FEC, la Loi prévoit des dispositions semblables en matière d'actions accréditives et de déductions pour les frais d'aménagement au Canada et les frais d'exploration et d'aménagement au Canada qui cadrent avec le programme d'encouragement à l'exploration des ressources minérales au moyen d'incitatifs fiscaux.

[9]               À la page 56.

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