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Date: 19990305

Dossiers : 96-1738-IT-G; 96-2154-IT-G

ENTRE :

MIDANCO CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Ces deux appels concernant l'année fiscale de l'appelante se terminant le 31 décembre 1989 ont été entendus ensemble.

[2] La question en litige dans l'appel 96-1738(IT)G est de savoir si un gain fait lors de la disposition d’un immeuble de l’appelante est de la nature d’un gain en capital ou d’un revenu d’entreprise. L'appel portant le numéro 96-2154(IT)G concerne un surplus de dividende en capital. Donc, cet appel suit le sort de l'appel 96-1738(IT)G. C'est donc de ce dernier appel dont il sera question dans les motifs de ce jugement.

[3] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le “Ministre”) s’est fondé pour cotiser l’appelante sont décrits aux paragraphes 6 à 18 de la Réponse à l’avis d’appel (la “Réponse”) :

6. L'appelante fait partie d'un groupe de compagnies apparentées entre elles ayant comme dénominateur commun des membres de la famille Zaidan.

7. Ces compagnies oeuvrent dans le domaine immobilier et au cours des années précédant et suivant l'année d'imposition en litige, l'appelante et plusieurs de ces compagnies ont acquis et disposé d'immeubles.

8. Les membres de la famille Zaidan sont, entre autres, le père, Michael Zaidan, et le fils, Joseph Zaidan.

9. Les actionnaires de l'appelante, jusqu'en 1987, sont des compagnies contrôlées par Michael Zaidan.

10. En 1987, Joseph Zaidan est devenu le principal actionnaire de l'appelante, détenant près de 87% des actions ordinaires de l'appelante.

11. Au cours du mois d'août 1984, un groupe de compagnies a acquis des immeubles locatifs, totalisant quelque 368 unités, situées à London, Ontario, et connus sous le nom “Thames Valley Property” (ci-après la “Propriété”).

12. Selon le contrat d'acquisition, les acheteurs de la propriété sont les contribuables suivants :

ACHETEUR % ACQUIS SIGNATAIRE DE L'ACTE,

   AU NOM DE L'ACHETEUR

Midanco Inc. 26,5% Joseph Zaidan

Zaidan Properties Ltd. 50,0% Michael Zaidan

97794 Canada Inc. 15,0% Michael Zaidan

Zaidan Entreprises Inc. 5,0% Michael Zaidan

Les immeubles A.M.E.

Inc.    3,5% Joseph Zaidan

13. Le coût d'acquisition de la Propriété est de 3 725 000 $ et est financé par des hypothèques.

14. En mai 1988, Zaidan Properties Ltd., 97794 Canada Inc. et Zaidan Entreprises Inc., soit les compagnies représentées par Michael Zaidan lors de l'achat, vendent leurs intérêts dans la Propriété à l'appelante, pour un montant totalisant 4 340 000 $;

15. Les intérêts de l'appelante dans la Propriété passent alors de 26,5% en 1984 à 96,5% en 1988, le 3,5% continuant d'appartenir aux Immeubles A.M.E. Inc.

16. Peu de temps après, soit en novembre 1988, une offre d'achat est faite à l'appelante, laquelle accepte de vendre ses intérêts dans la Propriété pour la somme de 11 180 000 $.

17. La transaction a eu lieu en janvier 1989 et l'appelante, en produisant sa déclaration pour cette année, à déclaré un gain en capital de la manière suivante :

Produit de disposition : 11 180 000 $

Prix de base rajusté : 3 803 279 $

Dépenses : 371 267 $

Gain en capital : 7 005 462 $

Gain en capital imposable : 2/3 4 670 302 $

18. Au moment de l'acquisition de la Propriété, l'appelante avait en tête la possibilité de la revendre à profit et cette possibilité était un facteur de motivation dans l'acquisition de la Propriété.

[4] Les motifs d’appel sont décrits au paragraphe 7 de l’Avis d’appel comme suit :

(a) QUE le gain en capital déclaré par l'Appelante est réellement un gain en capital et non pas un revenu d'entreprise;

(b) QUE l'Intimée n'aurait pas dû désallouer les pertes de nature capitale;

(c) QUE l'Intimée n'aurait pas dû réviser le quantum des pertes de nature capitale;

(d) QUE l'Intimée n'a donné aucune explication relativement aux changements qu'elle a apportés, par conséquent l'Intimée a le fardeau de la preuve dans le présent dossier;

(e) QUE l'Intimée a cotisé l'Appelante sur la base d'un rapport de vérification de Revenu Québec, que l'Intimée a cotisé sans faire de vérification, que par conséquent la cotisation est nulle ab initio;

(f) QUE l'Appelante a produit, au stade de l'opposition, son livre de procès-verbaux, une lettre de M. Joseph Zaidan qui explique l'intention de l'Appelante et une série de documents; l'Intimée n'a jamais pris en considération ce qui précède;

[5] Monsieur Youssef Zaidan, l’actionnaire principal et le président de l’appelante, madame Vicky Martin, anciennement gérante de la propriété en question et monsieur Frank Falbo, agent à la direction des oppositions à Revenu Canada ont témoigné à la demande de l’avocat de l’appelante. Monsieur Falbo a également témoigné à la demande de l’avocate de l’intimée.

[6] L'appelante a été constituée en corporation le 27 août 1969 sous le nom de Zaidan & Kfoury Constructions Ltd. en vertu de la Partie I de la Loi sur les compagnies du Québec. Elle fait partie d'un groupe de corporations dont les actionnaires sont liés et que l'on peut appeler groupe Zaidan. La pièce A-2 est un tableau des différentes corporations qui constituaient ce groupe en 1987.

[7] En 1969, selon la pièce A-3, le livre des minutes de l'appelante, monsieur Michel Zaidan, père de Youssef, est le président, monsieur Philippe R. Kfoury est le trésorier et monsieur Joseph Zaidan le vice-président. Il ne s’agit pas de monsieur Youssef Zaidan, président actuel de l'appelante, qui quelquefois utilise le prénom de Joseph.

[8] On retrouve diverses transactions immobilières au livre des minutes. Ainsi, le 10 septembre 1969, l'appelante achète de Selected Realties Limited, un emplacement vacant situé à Dollard-des-Ormeaux. Le prix est payable par l'émission d'actions ordinaires et privilégiées de l'appelante. Le 22 août 1972, l'appelante achète de Zaidan Corporation Ltd. un terrain d'une superficie de 1,000,000 de pieds carrés. Le 10 novembre 1977, une résolution de l’appelante autorise monsieur Joseph Zaidan à négocier et signer une nouvelle hypothèque sur les terrains et immeubles lui appartenant au 170 –180, rue Dorchester.

[9] Une résolution de l'appelante en date du 17 mars 1975 dit notamment ceci :

Le président soumet un état des propriétés vendues par la compagnie depuis 1971 à venir jusqu'à ce jour. Il indique que ces ventes ont été conclues et signées au nom de la compagnie par Youssef Zaidan, Henry Zaidan ou Charles Zabbal, soit en vertu de la résolution générale du 27 mars 1973, soit en vertu de résolutions spéciales préparées par les notaires instrumentants.

Le président poursuit qu'il serait onéreux pour la compagnie de faire vérifier les divers actes pour déterminer les pouvoirs des signataires et dans le cas de résolutions spéciales, retracer ces résolutions.

Il propose donc que les ventes en question soient ratifiées en une fois.

La liste des propriétés construites par la corporation, annexée à la résolution, montre qu'il s'agit d’environ 65 résidences, aux prix variant entre 15 000 $ et 20 000 $.

[10] Selon le livre des minutes, pièce A-3, le 3 mai 1971, monsieur Joseph Zaidan démissionne du conseil d'administration. Monsieur Youssef Zaidan devient membre du conseil d'administration de l'appelante et est nommé secrétaire de la corporation. Le 27 mars 1973, lui et son père, monsieur Michel Zaidan, le président de l'appelante, ont tous les deux le pouvoir d’engager la corporation. Le 1er juillet 1973, monsieur Philippe Kfoury démissionne comme administrateur de la corporation.

[11] Le 17 mars 1975, il y a une résolution de la corporation pour changer son nom en Corporation immobilière et d’investissements Midanco Ltée - Midanco Investment and Realty Corp. Ltd. Le changement de nom a été officiellement accepté le 18 juillet 1975. Le 15 février 1989, la corporation change à nouveau de nom pour celui qu’elle porte présentement.

[12] Selon la pièce A-1, (la même pièce est reproduite à l'onglet 27 de la pièce R-1) qui est l'acte d'achat, la propriété en question a été acquise le 31 août, 1984, au prix de 3 725 000 $ par les acquéreurs mentionnés au paragraphe 12 de la Réponse, paragraphe 3 de ces motifs. Il s'agissait de blocs à appartements portant les numéros civiques 621-645 Kipps Lane, et 1166-1182 Adelaide, dans la ville de London, en Ontario. Elle est connue sous le nom de Thames Valley Property ou Thames Park Appartments. La propriété a une superficie de 13.3 acres. Elle est constituée de 12 blocs d’appartements pour un total de 368 unités. Cette propriété a été vendue par Seaway Trust Company, en tant que liquidatrice de la propriété sous séquestre. Quand elle a été acquise, elle était dans un grand état de mauvais entretien. Je cite à cet égard un passage de la lettre de monsieur Youssef Zaidan, produite comme pièce A-11 ou onglet 76 de la pièce R-5 :

... When we acquired the property, it was a complete disaster, with many if not two thirds of the apartments in completely non habitable states, floods and other damage having occurred years before we acquired the asset. Our development work was phenomenal.

[13] Au sujet des dépenses de réparation et d'entretien de la propriété, on voit à l'annexe A des états financiers (onglet 1 de la pièce R-1), qu'en 1985 et 1986 elles ont été relativement minimes soit respectivement 235 229 $ et 178 240 $. Pour les autres années, il n'y a pas de calcul spécifique aux états financiers pour l'immeuble en question.

[14] Selon une lettre de rapport en date du 12 octobre 1984, envoyée aux acquéreurs de la propriété par leurs avocats, lettre qui fait partie de la pièce A-1, à la page 4, le prix a été payé au moyen de deux emprunts hypothécaires, l’un auprès du Trust Général au montant de 3 150 000 $ et l’autre accordé par Zaidan Group Ltd., garanti sur une propriété détenue par cette dernière, au nord de Kipps Lane au montant de 850 000 $.

[15] La pièce A-2 est un organigramme des différentes corporations du groupe Zaidan préparé en 1987 dans le but de la réorganisation du groupe et de procéder à des opérations de transfert de propriété en tenant compte des dispositions de l’article 85 de Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”). Monsieur Joseph Zaidan a expliqué que cette opération papillon avait eu lieu à sa demande parce qu’il voulait ne plus avoir à partager la direction du groupe Zaidan avec son père Michel Zaidan. À la suite de la réorganisation du groupe Zaidan, le 4 avril 1988, monsieur Youssef Zaidan devient le seul administrateur de l’appelante.

[16] La pièce A-2 comprend aussi l'acte de transfert en date du 1er mai 1988 de la part des différents acquéreurs de la propriété à Midanco. Le transfert a été enregistré le 16 mai 1988, copie de l'enregistrement se trouve à la pièce A-2. L’appelante a dès lors une part de 96 1/2 pour 100 et Les immeubles A.M.E. Inc. une part de 3 1/2 pour 100. La considération est de 4 340 000 $ (lettre du 18 janvier 1996 produite comme pièce A-1).

[17] Lors de la réorganisation, l'appelante s'est départie de tout droit de propriété à l'égard d'un édifice situé au 1 000 St-Antoine, a acquis 50 pour 100 d'un édifice appelé West Lodge et 97 1/2 pour 100 de Thames Valley Property.

[18] La pièce A-4 est une estimation faite le 14 octobre 1986 de Thames Valley Property. Selon l'estimateur, la valeur marchande de la propriété est de 6 800 000 $. Cette évaluation aurait été préparée selon monsieur Youssef Zaidan pour les fins du transfert de propriétés entre les membres de la famille Zaidan et non pas pour les fins d'emprunts hypothécaires subséquents et élevés sur la propriété. Quand l'immeuble a été acquis, l'hypothèque du Trust Général était de 3 150 000 $. Au moment de la vente, Trust Général détenait une hypothèque au montant de 6 400 000 $.

[19] Le 15 novembre 1988, il y a vente de Thames Valley Property pour une somme de 11 200 000 $. L'acte de vente a été produit comme pièce A-5. L’acheteur accepte de prendre à sa charge la première hypothèque au montant de 540 000 $ et la deuxième au montant de 6 400 000 $. Le vendeur acceptait de prendre une hypothèque sur la balance du prix de vente au montant de 1 560 000 $.

[20] La partie introductive de la clause 1 et l'engagement du vendeur à la fin du contrat relativement aux agents d'immeubles pour le vendeur et l'acheteur, se lisent comme suit :

1. The Vendor shall sell the Real Property to the Purchaser through DISTRICT REALTY CORPORATION and JOHN THIEL REAL ESTATE, Agents for the Vendor, and the Purchaser, subject to the terms and conditions herein contained, shall purchase the Real Property from the Vendor at the price or sum of ELEVEN MILLION TWO HUNDRED THOUSAND ($11,200,000) DOLLARS in lawful money of Canada payable as follows:

...

(Engagement du vendeur)

IN WITNESS WHEREOF THE VENDOR hereby accepts and executes this agreement and in consideration of having procured this Agreement, the Vendor agrees with DISTRICT REALTY CORPORATION AND JOHN THIEL REAL ESTATE as Agents for the Vendor to pay a commission of Three (3%) Percent of the sale price herein on the Closing Date, said commission to be split equally by District Realty Corporation and John Thiel Real Estate. Should the deposit paid by the Purchaser not be sufficient to pay the amount of fee then I do hereby irrevocably instruct and authorize my solicitor to pay any unpaid balance of said fee out of the proceeds of said sale.

[21] Monsieur Youssef Zaidan affirme que la vente était une vente non sollicitée. Il a expliqué que même quand il s'agissait d'une vente non sollicitée, il utilisait les services d'un agent immobilier.

[22] Monsieur Youssef Zaidan a expliqué que l'appelante avait l'intention de conserver la propriété parce qu'elle désirait en faire sa base opérationnelle en Ontario, en tant que bureau administratif et d'entretien de ses différentes propriétés acquises en Ontario. Elle avait déjà acquis une autre propriété locative pas très loin. Elle a, entre autres choses, engagé des travaux et recruté des agents de location à boni. Madame Vicky Martin était la gérante des activités de location et était très efficace.

[23] Selon monsieur Youssef Zaidan, l'appelante avait eu des difficultés avec la régie des loyers de l'Ontario. Elle subissait également une pression de la part d'un des banquiers. Elle aurait également reçu plusieurs offres qu'elle aurait refusées jusqu'à ce qu'une offre exceptionnelle lui soit présentée qu'elle ne pouvait pas refuser.

[24] Les réponses écrites données à son avocat le 6 novembre 1995 expliquant les raisons de la vente de Thames Valley Property et produites comme pièce A-11, n’ont pas varié lors de son témoignage. Il a expliqué que l’appelante avait acquis Thames Valley Property dans le but de renforcer son assise en Ontario. Elle possédait déjà une propriété à London soit le Country Lane Apartments dont elle avait acquis la propriété en 1980 et qu’elle a vendu en 1989. Pourquoi avoir vendu le Thames Valley Property, parce que le marché immobilier était devenu insensé. Il mentionne également que la remise en état de la propriété, qui était dans un état déplorable lors de son acquisition, a exigé un travail phénoménal. Il dit aussi que toujours, sauf dans quelques cas particuliers, leur intention a été de conserver les actifs afin d’en tirer un revenu et qu'ils n'ont jamais acheté avec l'intention de revendre.

[25] La pièce A-8 est constituée d’une lettre de M. F. Falbo de la Division des Appels, à Revenu Canada, à l’avocat de l’appelante en date du 25 octobre 1995. À cette lettre est brochée un rapport de Revenu Québec. Monsieur Falbo a dit lors de son interrogatoire que ce n’était pas le document qui a été ou aurait dû être joint à cette lettre, parce que le rapport qui devait être joint était celui de monsieur John Wood. L’avocat de l’appelante a formellement informé la Cour que c’était bien le rapport de Revenu Québec qui avait été joint à la lettre de monsieur Falbo et non celui de monsieur John Wood. Cela expliquerait les énoncés de l’avis d’appel. Cela paraît étrange que ce ne soit qu’à l’audience que ce quiproquo soit découvert.

[26] On lit dans ce rapport : ... Toutes les transactions se font par étapes similaires d'une compagnie à l'autre. Les hypothèques se font toujours auprès du Trust Général du Canada. Tous les achats sans exception se font à prix très modique. Une réévaluation est fournie par un expert un an après l'achat. ... La compagnie obtient du Trust Général une 2ième hypothèque qui équivaut au surplus d'évaluation. ...

[27] L’avocate de l’intimée a préparé des tableaux concernant l’achat et vente de diverses propriétés faites par douze corporations incluant l’appelante à l'aide desquels elle a questionné monsieur Zaidan. Chaque corporation est liée de quelque façon à l’appelante ou encore en d’autres termes faisant partie du groupe Zaidan. Les multiples immeubles sont acquis notamment, soit à la suite de ventes forcées, soit à la suite de changement d’un programme d’aide gouvernemental ou autre raison analogue. Le tableau montre qu'ils sont toujours vendus avec des gains substantiels.

[28] L’avocate de l’intimée a déposé à l’onglet 28 de la pièce R-1 des extraits de l’interrogatoire au préalable de monsieur Joseph Zaidan :

Q. Right now, what do you do?

A. Right now, I am scrambling to stay alive.

Q. And what does it mean, exactly?

A. It means I am trying to get back into real estate with a name that has been very dirtied by many people, among which this assessment, and I am trying to find a way to get on with my life.

Q. And in 1989, what were you doing for a living?

A. My business was the acquisition of real estate properties which we would basically buy and hold, or buy and improve, or buy and develop.

Q. And what do you mean by "buy and develop"?

A. Meaning we would buy a property, it would be in a very bad state, we would fix it and hold on to it. The program is a very simple one; we would buy buildings that need work, we would buy them at a good price to compensate for the risk that we took, and we would hold on to them until such time as we felt it was unwise to hold on to them any longer.

[29] L'avocat de l'appelante a commencé sa plaidoirie par ce qui paraît être deux inexactitudes. D'une part, il a mentionné que monsieur Joseph Zaidan était l'âme dirigeante de l'appelante pendant les années 1984 à 1989 alors que la preuve a révélé que de 1984 à 1988, c'était monsieur Michel Zaidan qui était le président de l'appelante. D'autre part, il a aussi mentionné que l'appelante avait payé 25 pour 100 comptant alors que l'excédent du prix d'achat sur l'emprunt hypothécaire a été également emprunté, soit par un prêt intercorporatif. En ce qui concerne le premier point, le président de l'appelante lors de l'acquisition n'est pas venu témoigner, de toute façon quelle que soit l'âme dirigeante de l'entreprise lors de l'acquisition, ce qui importe c'est l'intention corporative lors de l'acquisition et cette intention corporative se détermine beaucoup plus par le contexte historique dans lequel s'effectue cette acquisition que par le témoignage des dirigeants de l'entreprise.

[30] L'avocat de l'appelante s'est référé notamment à la décision de la Cour d'appel fédérale dans Hiwako Investments Limited v. The Queen, 78 DTC 6281. Selon le résumé de la décision, le principal actionnaire d'Hiwako, un allemand, avait une longue histoire d'achat et de revente dans le domaine immobilier dans différents pays. En 1967, il acquiert un immeuble et le revend neuf mois après avec un très grand profit. La commission de révision de l'impôt et la Cour fédérale de première instance avaient rejeté son appel. La Cour d'appel fédérale l'a admis. L'avocat de l'appelante se réfère à deux passages de cette décision :

... Je ne trouve dans les preuves administrées en l'espèce rien qui permette de supposer que l'achat a été motivé par la perspective d'une revente avec bénéfice et à mon avis, dans sa conclusion sur les faits au dernier paragraphe de son jugement, le savant juge de première instance n'a fait que conclure qu'il s'agissait d'un investissement dans un bien productif de revenu dont la valeur augmenterait et que la conjoncture pourrait amener l'appelante à modifier ses placements à l'avenir.

...

... La présomption invoquée eût-elle été pour effet de faire valoir qu'au moment de l'achat, l'acheteur prévoyait qu'au cas où l'objet de l'investissement ne se révélerait pas rentable, il pourrait être revendu avec bénéfice, et que cette perspective avait été l'un des facteurs ayant motivé l'achat, une telle présomption, si elle n'était pas réfutée, pourrait (je ne dis pas qu'elle le ferait) justifier les cotisations fondées sur “le caractère commercial”, sauf preuve contraire.

[31] L'avocat de l'appelante fait valoir que, similairement à cette décision, l'appelante n'a voulu qu'acquérir une propriété qui lui rapporterait un bon rendement et que la revente avec profit n'a pas été la raison ou une des raisons de l'achat. Il fait aussi valoir que l'offre d'achat n'a pas été une offre sollicitée. De plus, l'avocat de l'appelante a soutenu que l'intimée tentait d'établir le bien-fondé de la cotisation par des faits différents de ceux sur lesquels le Ministre s'était fondé pour établir sa cotisation et qu'ainsi l'intimée avait le fardeau de la preuve.

[32] À l'égard de ce dernier point, l'avocat de l'appelante s'en prenait au rapport de Revenu Québec qui avait été joint par erreur à la lettre de monsieur Falbo plutôt que le rapport de monsieur John Wood. À l'égard de ce rapport, c'est la mention que la compagnie vend à une compagnie liée avant de vendre à un tiers qui soulève l'ire de l'avocat de l'appelante car dans ce cas-ci il n'y aurait pas eu vente préalable à une compagnie liée. Il y avait eu disposition en faveur de l'appelante lors d'une opération papillon. Je suis d'avis qu'il ne s'agit pas là de motifs à renversement de fardeau de la preuve. La cotisation a clairement été fondée sur le fait que l'acquisition de la propriété en question a été faite dans le but de la revente et non dans un but d'investissement à long terme.

[33] L'avocate de l'intimée s'est référée à une décision du juge Christie de cette Cour dans l'affaire Leonard Reeves Incorporated v. the Queen, 85 DTC 419, et plus particulièrement à la page 422 comme suit :

3. Le témoignage direct d'une personne qui a un intérêt dans l'issue de l'appel portant sur l'intention à l'origine d'une transaction ou d'une série de transactions n'est pas concluant quant à l'existence de l'intention déclarée. D'une manière générale, l'intention peut être déterminée à partir de la conduite toute entière et des circonstances pertinentes, ainsi que des conclusions qu'on peut en tirer : Gairdner Securities Limited c. M.N.R., 52 DTC 1171, par le juge Cameron, à la page 1175 et Racine et al. c. M.R.N., 65 DTC 5098, par le juge Noël, à la page 5103.

4. Il n'est pas utile d'examiner les Statuts d'incorporation concernant les objets poursuivis par la société ou les restrictions apportées à ses activités. Ce qui est important, c'est ce que la compagnie a fait : Regal Heights Ltd. c. M.N.R., 60 DTC 1270, par le juge Judson aux pages 1272 et 1273 : Glacier Realties Limited c. La Reine, 80 DTC 6243, par le juge Addy à la page 6245. Il en est de même en ce qui concerne les dispositions d'un contrat de société concernant la nature des activités de la société.

5. La preuve que l'appelant a effectué des transactions de vente ou d'achat d'immeubles au cours des années postérieures à celle qui fait l'objet de l'appel est admissible : Osler, Hammond & Nanton Ltd. c. M.N.R., 63 DTC 1119, par le juge Judson, à la page 1120 : G.W. Golden Construction Ltd. c. M.N.R., 67 DTC 5080, par le juge Ritchie à la page 5082 et Fyke c. M.N.R., 64 DTC 5032, par le juge Cameron à la page 5033. Le poids à donner à une preuve de ce genre dépend des circonstances de chaque cas. La preuve d'une vente ou d'un achat projeté mais qui n'a pas été réalisé pour quelque raison que ce soit est également admissible. Le commentaire concernant le poids qu'il faut donner s'applique également à une preuve de ce genre.

6. Le fait que l'immeuble n'a pas été mis en vente et que l'offre qui a conduit à la vente ou à l'achat n'a pas été sollicitée n'écarte pas la possibilité qu'il y ait eu de la part de l'appelant, au moment de l'achat de la propriété, une intention première de la revendre à n'importe quelle époque considérée comme favorable du point de vue financier. L'absence de publicité et le fait que l'offre n'a pas été sollicitée sont simplement des questions dont il faut tenir compte avec les autres éléments de preuve pertinents : Slater et al. c. M.N.R., 66 DTC 5047 à la page 5050.

7. Lorsqu'une personne qui est un appelant a un passé de spéculateur dans l'immobilier ou lorsque l'appelante est une société qui est contrôlée par une telle personne, c'est un élément pertinent qui indique que l'achat en question n'a pas été fait avec l'intention première d'obtenir un bien produisant un revenu : Vaughan Construction Company Ltd. c. M.R.N., 70 DTC 6268 par le juge Laskin à la page 6270 et Slater (supra) à la page 5051.

[34] Je suis d'avis que la preuve a révélé que l'appelante agissait dans le domaine de l'immobilier en soit en acquérant des terrains et en construisant y-dessus des résidences pour leur vente, soit en acquérant des propriétés habituellement en mauvais état, en les rénovant et en les revendant. La preuve n'a pas révélé d'intérêt dans le revenu de location. La totalité du coût d'achat est emprunté. De plus, l'appelante immédiatement après l'acquisition d'une propriété, la fait évaluer à la hausse et la charge d'hypothèques pour le montant maximal. C'est ainsi que l'appelante a agi à l'égard de la propriété en question. L'appelante n'a pas agi de façon différente que le mode décrit par l'enquêteur de Revenu Québec. Dans l'affaire d'Hiwako à laquelle s'est référé l'avocat de l'appelante, l'achat des immeubles en question avait été fait à la suite d'une longue recherche et ce qui était recherché était des immeubles locatifs en bon état et qui avaient un bon rendement. Ce sont des circonstances bien différentes de celles qui ont été décrites dans la présente affaire où l'acquisition de l'immeuble s'est faite auprès d'un syndic, l'immeuble était dans un état de grande détérioration, les réparations ont été mineures et l'immeuble a été chargé d'une hypothèque presque du double que celle établie lors de l'acquisition.

[35] En ce qui concerne l'argument que l'offre d'achat n'a pas été sollicitée, il est important de noter que ce fait n'a pas été soulevé dans l'Avis d'appel de l'appelante. Ce fait, tel que mentionné dans la décision Leonard Reeves Incorporated, n'est pas déterminant sauf bien entendu qu'il est un élément important et s'il est exact, il devrait être mentionné dans l'avis d'appel. Dans la décision d'Hiwako, au niveau de l'instruction devant la Cour fédérale de première instance, 74 DTC 6360, à la page 6367, les circonstances dans lesquelles l'acheteur avait fait son offre à Hiwako avaient fait l'objet d'une preuve complète. Dans la présente affaire, nous n'avons que le témoignage de monsieur Youssef Zaidan à cet effet. Rien n'empêchait l'appelante de faire témoigner les agents d'immeubles qui étaient à l'origine de la vente.

[36] Je conclus que l'acquisition et la vente de la propriété en question ont été des actes posés par un négociant en pareilles matières et le gain résultant de cette vente était un gain d'entreprise et non de nature capitale. La cotisation a donc correctement été établie et, en conséquence, l'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de mars, 1999.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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