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Date: 19990818

Dossier: 97-2105-IT-G

ENTRE :

MFC BANCORP LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

[1] Les présents appels portent sur des cotisations établies par le ministre du Revenu national pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994. Le ministre a ajouté les sommes de 8 137 982 $, de 7 107 055 $ et de 6 566 614 $ (les “ sommes ”) au revenu de l'appelante pour chaque année d'imposition, respectivement, en vertu du paragraphe 56(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu[1].

[2] L'appelante[2], soit une “ corporation publique ” (société ouverte), avait acquis des concessions minières et des emprises ferroviaires, qu'elle louait à un consortium de producteurs d'acier aux termes de ce qu'on appelait les actifs en redevances, soit des contrats prévoyant le paiement de redevances (les “ sommes en cause ”) selon le nombre de tonnes de minerai de fer expédié à partir des terrains loués.

[3] Avant le procès, l'intimée a renoncé à invoquer les paragraphes 56(2) et 245(2) de la Loi. L'exposé conjoint des faits se lit comme suit :

[TRADUCTION]

1. L'appelante a été constituée sous le nom de Canadian Javelin Foundries & Machine Works Limited le 28 juin 1951, date à laquelle lui ont été accordées des lettres patentes en application de la partie I de la Loi des compagnies, 1934. Une copie des lettres patentes originales de l'appelante figure à la section 1 du recueil conjoint de documents.

2. Le nom de l'appelante a été changé pour Canadian Javelin Limited le 11 mars 1954.

3. Le 11 mars 1980, l'appelante s'est vu accorder des statuts de prorogation aux termes de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes, dont une copie figure à la section 2 du recueil conjoint de documents.

4. Le nom de l'appelante a été changé pour Javelin International Limited le 11 juin 1981.

5. Le nom de l'appelante a été changé pour Nalcap Holdings Inc. le 21 août 1987.

6. Le nom de l'appelante a été changé pour Arbatax International Inc. le 27 mars 1996 et pour MFC Bancorp Ltd. le 19 février 1997.

7. Le 26 mai 1956, la Newfoundland and Labrador Corporation Limited (la “ Nalco ”) a accordé à l'appelante un bail (le “ bail de Nalco-Javelin ”) à l'égard d'une parcelle de cinq milles carrés (le “ lot 1 ”) près de Wabush Lake dans le nord du Labrador pour une durée de 99 ans moins un jour. Une copie du bail Nalco-Javelin figure à la section 3 du recueil conjoint de documents.

8. Le 26 mai 1956, la Nalco a également accordé à l'appelante un bail (le “ bail de surface de Nalco ”) relatif aux droits de surface sur certains terrains (les lots 2, 3 et 4) adjacents au lot 1. Une copie du bail de surface de Nalco figure à la section 4 du recueil conjoint de documents.

9. Le 28 juin 1957, la Nalco et l'appelante ont modifié le bail de Nalco-Javelin pour porter à 5,6 milles carrés la superficie du terrain loué aux termes de ce bail et appelé le lot 1.

10. Le 28 juin 1957, l'appelante a accordé à la Wabush Iron Co. Limited (la “ Wabush Iron ”) un sous-bail à l'égard d'un terrain de 3,36 milles carrés comprenant la partie est du lot 1, pour une durée égale à la durée restante du bail de Nalco-Javelin moins cinq jours. Une copie de ce contrat figure à la section 5 du recueil conjoint de documents.

11. Le 28 juin 1957, l'appelante a accordé à la Picklands Mather & Co. et à la Steel Company of Canada (la “ Stelco ”) un sous-bail à l'égard d'un terrain de 2,24 milles carrés comprenant la partie ouest du lot 1, pour une durée égale à la durée restante du bail de Nalco-Javelin moins cinq jours. Une copie de ce contrat figure à la section 6 du recueil conjoint de documents.

12. Le 28 juin 1957, l'appelante a en outre accordé à la Wabush Iron un sous-bail relatif aux droits de surface sur les lots 2, 3 et 4. Une copie de ce contrat figure à la section 7 du recueil conjoint de documents.

13. Le 28 juin 1957, l'appelante et la Wabush Iron ont passé le contrat de Javelin-Wabush Iron (le “ contrat de Wabush Iron ”) aux termes duquel l'appelante cédait à la Wabush Iron 90 p. 100 des actions de la Wabush Lake Railway Company Limited (la “ Wabush Railway ”) en plus de lui accorder une option sur ses actions restantes de Wabush Railway. La Wabush Railway détenait une emprise lui permettant de construire et d'exploiter une ligne de chemin de fer entre le lot 1 et une voie ferrée exploitée par la Compagnie de chemin de fer du littoral nord de Québec et du Labrador, et donnant accès à un port en eau profonde à Sept-Îles (Québec), sur le golfe St-Laurent. Une copie du contrat de Wabush Iron figure à la section 8 du recueil conjoint de documents.

14. Le 30 janvier 1959 ou vers cette date, la Wabush Iron a exercé l'option prévu au contrat de Wabush Iron.

15. Le 2 septembre 1959, la Picklands Mather & Co. et la Stelco ont cédé à la Wabush Iron leurs intérêts respectifs dans le bail minier du 28 juin 1957 relatif à la partie ouest du lot 1 (section 6 du recueil conjoint de documents). L'appelante et la Wabush Iron ont alors passé un contrat de modification et de consolidation de baux miniers, également daté du 2 septembre 1959, soit un contrat consolidant les baux relatifs aux parties ouest et est du lot 1. Une copie de ce contrat figure à la section 9 du recueil conjoint de documents.

16. Le 16 mai 1962, la Nalco a accordé à l'appelante un bail minier relatif aux lots 2, 3 et 4 de la région de Knoll Lake et de la région de Wabush Mountain, dans le nord du Labrador, pour une durée de 99 ans moins un jour. Une copie de ce bail figure à la section 10 du recueil conjoint de documents.

17. Le 17 mai 1962, l'appelante a accordé à la Wabush Iron un sous-bail (le “ bail minier de Knoll Lake ”) relatif aux lots 2, 3 et 4 de la région de Knoll Lake et de la région de Wabush Mountain, pour une durée de 99 ans moins cinq jours. Une copie du bail minier de Knoll Lake figure à la section 11 du recueil conjoint de documents.

18. Le 22 février 1991, la 395848 B.C. Ltd. (la “ 395848 ”), filiale en propriété exclusive et mandataire de l'appelante, a acheté à la Hi-Lo Holdings Ltd. 8 897 800 actions ordinaires (les “ actions de West F.C. ”) du capital-actions de la F.C. Financial Corp. (la “ West F.C. ”) conformément aux modalités d'une lettre d'entente datée du 18 février 1991. Les actions de West F.C. constituaient 51 p. 100 des actions ordinaires émises et en circulation de la West F.C. Une copie de la lettre d'entente du 18 février 1991 figure à la section 12 du recueil conjoint de documents.

19. Immédiatement avant l'acquisition, par la 395848, des actions de West F.C. :

a) La West F.C. était propriétaire en common law et propriétaire bénéficiaire de 10 097 341 actions ordinaires du capital-actions de la Ellsway Limited (la “ Ellsway ”), lesquelles actions constituaient la totalité des actions ordinaires émises et en circulation du capital-actions de la Ellsway.

b) La Ellsway était propriétaire en common law et propriétaire bénéficiaire de toutes les actions émises et en circulation du capital-actions de la Harfree Holdings Limited (la “ Harfree ”).

c) La Harfree était propriétaire en common law et propriétaire bénéficiaire de 9 955 actions ordinaires et de 86 000 actions privilégiées de la Constitution du Canada, Compagnie d'Assurance (la “ CICC ” [sigle anglais]), lesquelles actions constituaient la totalité des actions émises et en circulation du capital-actions de la CICC, mises à part 45 actions habilitantes d'administrateurs.

d) La West F.C. était propriétaire en common law et propriétaire bénéficiaire de 3 842 500 actions ordinaires du capital-actions de la CanCapital Corporation (la “ CJC ”), lesquelles actions constituaient 37,9 p. 100 des actions émises et en circulation du capital-actions de la CJC.

e) La CJC était propriétaire en common law et propriétaire bénéficiaire de ce qui suit :

(i) 4 683 500 actions ordinaires du capital-actions de la West F.C., lesquelles actions constituaient 26,9 p. 100 des actions ordinaires émises et en circulation du capital-actions de la West F.C.;

(ii) 750 000 actions privilégiées du capital-actions de la West F.C., lesquelles actions constituaient la totalité des actions privilégiées émises et en circulation du capital-actions de la West F.C. Les actions privilégiées de West F.C. étaient convertibles en 37 500 000 actions ordinaires du capital-actions de la West F.C., à 0,80 $ l'action ordinaire;

(iii) une débenture de West F.C. de 5 500 000 $ convertible en 1 222 222 actions ordinaires du capital-actions de la West F.C., à 4,50 $ l'action;

(iv) un billet de West F.C. de 4 500 000 $.

f) Sur les 20 000 000 $ de débentures convertibles de CJC émises et en circulation, la West F.C. en détenait pour 15 000 000 $ et First City Trust, pour 5 000 000 $. Les débentures convertibles de CJC étaient convertibles au gré du porteur en 2 424 242 actions ordinaires de CJC, à 8,25 $ l'action.

g) La CJC était endettée envers la Voyager Energy Inc., filiale de la Poco Petroleums Ltd., aux termes d'un prêt à vue de 6 240 000 $ exigible le 1er janvier 1992.

h) La Loewen Ondaatje McCurcheon International Limited (la “ LOMI ”) était propriétaire en common law de 18 500 000 actions privilégiées du capital-actions de la Ellsway, lesquelles actions constituaient la totalité des actions privilégiées émises et en circulation de Ellsway.

20. L'actionnariat et l'endettement intersociétés respectifs décrits au paragraphe 19 sont indiqués dans le graphique figurant à l'annexe “ A ” ci-jointe.

21. La lettre d'entente du 18 février 1991 subordonnait la conclusion de l'opération à la condition que les administrateurs de la CJC autres que John Fleming démissionnent et que les mandataires de la 395848 aient été nommés administrateurs de la CJC. Au moment de la conclusion de l'achat, par la 395848, des actions de West F.C., les administrateurs de la CJC autres que John Fleming ont démissionné, et Jimmy Lee, Michael Smith et William Atkinson ont été nommés administrateurs à la fois de la CJC et de la West F.C. Les trois hommes étaient également à cette époque administrateurs de l'appelante.

22. Au 31 décembre 1991, l'actionnariat et l'endettement intersociétés respectifs décrits au paragraphe 19 précité étaient demeurés inchangés, sauf pour ce qui est expressément énoncé ci-dessous :

a) le nombre d'actions privilégiées émises et en circulation du capital-actions de la Ellsway était de 10 097 342, soit toutes des actions dont le propriétaire bénéficiaire était la West F.C.;

b) la Ellsway était endettée envers la 395847 B.C. Ltd. (la “ 395847 ”), filiale en propriété exclusive et mandataire de l'appelante, aux termes d'un prêt à vue de 9 250 000 $;

c) la West F.C. devait une somme supplémentaire de 10 097 342 $ à la CJC.

23. L'actionnariat et l'endettement intersociétés respectifs au 31 décembre 1991, décrits au paragraphe 22, sont indiqués dans le graphique figurant à l'annexe “ B ” ci-jointe.

24. Conformément à la clause 2.1 d'une convention datée, pour référence, du 1er janvier 1992 (la “ convention de cession ”), l'appelante a transféré et cédé à la CJC l'ensemble de ses droit, titre et intérêt comme bénéficiaire pour ce qui est des “ actifs en redevances ”, expression définie à l'alinéa 1.1p) de la convention de cession. Une copie de cette convention figure à la section 13 du recueil conjoint de documents.

25. Les principaux baux et conventions représentant les actifs en redevances au sens de la convention de cession sont les suivants :

a) le bail de Nalco-Javelin, qui figure à la section 3 du recueil conjoint de documents;

b) le bail de surface de Nalco relatif aux lots 2, 3 et 4, qui figure à la section 4 du recueil conjoint de documents;

c) le sous-bail du 28 juin 1957 relatif aux droits de surface sur les lots 2, 3 et 4, qui figure à la section 7 du recueil conjoint de documents;

d) le contrat de Wabush Iron, qui figure à la section 8 du recueil conjoint de documents;

e) le contrat de modification et de consolidation de baux miniers daté du 2 septembre 1959, qui figure à la section 9 du recueil conjoint de documents;

f) le bail conclu le 16 mai 1962 par la Nalco et l'appelante et visant les lots 2, 3 et 4 de la région de Knoll Lake et de la région de Wabush Mountain, qui figure à la section 10 du recueil conjoint de documents;

g) le bail minier de Knoll Lake du 17 mai 1962, qui figure à la section 11 du recueil conjoint de documents;

h) les modifications suivantes du contrat de Wabush Iron :

(i) un contrat modificatif Javelin-Wabush Iron conclu par l'appelante et la Wabush Iron le 30 janvier 1959, dont une copie figure à la section 14 du recueil conjoint de documents;

(ii) une convention de modification conclue par l'appelante et la Wabush Iron le 2 septembre 1959, dont une copie figure à la section 15 du recueil conjoint de documents;

(iii) une modification du contrat de Javelin-Wabush Iron datée du 31 mai 1962, dont une copie figure à la section 16 du recueil conjoint de documents;

i) une modification de bail minier en date du 27 novembre 1987, dont une copie figure à la section 17 du recueil conjoint de documents, modifiant le contrat de modification et de consolidation de baux miniers daté du 2 septembre 1959.

[4] L'exposé des faits a été complété par le témoignage de Jimmy Lee, qui était durant la période pertinente président du conseil d'administration et directeur général et fiduciaire de la Asiamerica Equities, laquelle était propriétaire effective d'une participation de 86 p. 100 dans l'appelante par l'intermédiaire d'une filiale en propriété exclusive. Jimmy Lee était également administrateur de l'appelante et de la CanCapital Corporation (la “ CJC ”).

[5] M. Lee a présenté un bref historique de la Canadian Javelin (la “ Javelin ”). Après s'être rencontrés par hasard à bord d'un avion, John C. Doyle, alors président de la Javelin, et Joey Smallwood, le premier ministre de Terre-Neuve, avaient entamé des discussions qui ont conduit à l'obtention, par la Javelin, de certaines concessions minières et de certains droits ferroviaires dans la région de Wabush, au Labrador. La Javelin n'avait pas les ressources nécessaires pour exploiter ces terrains riches en gisements de minerai de fer. Conformément à une série de sous-baux et de conventions, elle a mis les terrains à la disposition d'un consortium de producteurs d'acier incluant la Picklands Mather & Company, la Steel Company of Canada (la “ Stelco ”) et la Dofasco. M. Doyle et la Javelin s'étaient trouvés mêlés, au Canada et aux États-Unis, à des controverses juridiques qui avaient conduit M. Doyle à déplacer ses activités commerciales au Panama. Il avait donné pour instructions à la Javelin de constituer quelque 20 filiales au Panama, dont aucune n'a rapport avec les appels qui nous intéressent.

[6] Au milieu des années 80, la Javelin avait été mise sous séquestre. Elle s'était par la suite tirée de l'embarras et la Asiamerica Equities[3] en avait alors obtenu le contrôle effectif. À l'époque de la prise de contrôle, elle avait approximativement 16 000 000 $ de fonds accumulés, dont 11 000 000 $ ont fini par être versés à la province de Terre-Neuve. Bien que la Javelin ait détenu de nombreuses filiales oeuvrant dans le domaine de l'exploration minière, pétrolière et gazière au Canada et dans d'autres pays, ses seuls actifs importants durant la période pertinente étaient les sous-baux lucratifs afférents aux terrains du Labrador desquels elle continuait à tirer des paiements de redevances considérables.

[7] En 1991, une filiale en propriété exclusive de l'appelante avait acheté une participation de 51 p. 100 dans la F.C. Financial Corp. (la “ West F.C. ”), qui était propriétaire bénéficiaire de 37 p. 100 de la CJC. Manifestement, elle avait fait cette acquisition pour devenir un des propriétaires bénéficiaires de la Constitution du Canada, Compagnie d'Assurance (la “ CICC ” [sigle anglais]). La CJC était en difficulté : ses pertes s'élevaient à environ 60 000 000 $ et elle avait une dette importante. M. Lee a témoigné que l'on avait transféré les baux de Wabush à la CJC pour la soutenir financièrement de manière à en protéger les actifs. La convention de Nalcap-CJC portant transfert des actifs en redevances était datée du 1er janvier 1992. Un évaluateur indépendant avait estimé les actifs en redevances à 36 000 000 $[4]. Le prix de vente demandé par l'appelante à la CJC était de 30 000 000 $.

[8] Depuis 1992, tous les produits des actifs en redevances provenant de l'appelante ont été déposés dans le compte de la CJC. Des dividendes de la CJC en faveur de l'appelante se sont accumulés, mais n'ont pas été payés. M. Lee a dit que l'on avait avisé l'appelante que le paiement de dividendes, par la CJC à l'appelante, serait assujetti à l'impôt, ce pourquoi des dividendes n'avaient pas été payés. L'avocat de l'appelante est d'avis que de tels dividendes pourraient être payés en franchise d'impôt. M. Lee a nié que le but du transfert des actifs en redevances ait été de tirer fiscalement profit des pertes de 60 000 000 $ de la CJC.

[9] Compte tenu des activités exercées par l'appelante durant la période pertinente, je conclus que cette dernière agissait comme une société de portefeuille qui avait six employés ou moins (soit du personnel administratif), lesquels étaient, particulièrement au cours de la période allant de 1986 à 1991, occupés à contester des actions en justice. L'appelante n'a engagé ni frais d'exploration ni frais d'aménagement. Bien qu'elle n'eût aucun géologue, ingénieur ou consultant minier à son service, elle avait bel et bien retenu à contrat les services de telles personnes. On ne lui a accordé aucun permis ou licence d'exploration au cours de la période allant de 1989 à 1994 inclusivement.

[10] Il est clair que l'appelante ne contrôlait pas de droit la CJC et que ces deux sociétés n'étaient pas des “ parties liées ” pour l'application de la Loi. À l'époque de la convention de Nalcap-CJC, l'appelante détenait une participation minoritaire de 38 p. 100 dans la CJC[5]. La convention de Nalcap-CJC était assujettie à l'approbation de la majorité des actionnaires “ désintéressés ” de la CJC. Le prix d'exercice payable à l'égard des actions devant être acquises aux termes de la débenture de CJC était de 8,25 $ l'action. Les actions de CJC cotées à la Bourse de Toronto en janvier 1992 se négociaient entre 0,02 $ et 0,50 $ l'action.

[11] Le ministre invoque exclusivement le paragraphe 56(4), qui fait état de deux critères auxquels il doit être satisfait, soit le critère du droit à titre bénéficiaire et le critère du lien de dépendance. Le paragraphe 56(4) de la Loi se lit en partie comme suit :

56(4) Lorsqu'un contribuable a, à une date quelconque avant la fin d'une année d'imposition [...], transféré ou cédé à une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance son droit sur toute somme [...] qui serait, si ce droit n'avait pas été ainsi transféré ou cédé, incluse dans le calcul de son revenu pour l'année [...] cette somme [...] doit être incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année, sauf si le revenu provient d'un bien que le contribuable a également transféré ou cédé.

[12] Le plus puissant argument de l'appelante avait trait au droit à titre bénéficiaire. Même si la Cour conclut que l'appelante a à l'époque transféré à la CJC un “ droit sur toute somme ” et que les parties avaient un lien de dépendance, le paragraphe 56(4) ne pourrait s'appliquer, eu égard aux circonstances de l'espèce, “ si ce droit n'avait pas été ainsi transféré ou cédé ”. L'appelante soutient qu'on n'a pas, dans les circonstances de la présente affaire, satisfait à cette condition préalable à l'application du paragraphe 56(4).

[13] L'appelante faisait valoir qu'elle n'était pas, après le 1er janvier 1992, en droit de recevoir des paiements dus aux termes des conventions relatives aux actifs en redevances. À partir de cette date, la CJC avait droit aux paiements à titre bénéficiaire du fait qu'elle était propriétaire bénéficiaire des baux et autres conventions constituant les conventions relatives aux actifs en redevances.

[14] L'avocat de l'appelante a répété que, même si la Cour conclut que les conditions préalables sont réunies, le paragraphe 56(4) ne s'applique pas, étant donné que le revenu attribué à l'appelante provient “ d'un bien ”, soit les conventions relatives aux actifs en redevances, et que l'appelante a transféré ou cédé ce bien.

[15] En ce qui a trait au critère du lien de dépendance, l'appelante ajoute qu'il est à noter que la Nalcap n'était pas en mesure de contrôler le conseil d'administration de la CJC. En fait, les administrateurs de la CJC qui ont approuvé la convention de Nalcap-CJC étaient les administrateurs proposés qui avaient été élus par les actionnaires de la CJC lors de l'assemblée annuelle des actionnaires de cette dernière. Le lien de dépendance inhérent à la convention de Nalcap-CJC est illustré par l'achat et la livraison de l'évaluation de M. Semeniuk[6] et par l'approbation — demandée et obtenue — de la majorité des actionnaires de la CJC, à l'exception de la West F.C., concernant l'opération.

Thèse de l'intimée

[16] L'intimée soutient que le paragraphe 56(4) s'applique en ce que l'appelante et la CJC avaient un lien de dépendance et que le revenu de redevances aurait été inclus dans le revenu de l'appelante s'il n'avait pas été transféré à la CJC. L'intimée ajoute qu'aucun bien n'a été transféré à la CJC au sens de l'exception prévue au paragraphe 56(4).

Analyse

[17] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l'appel doit être accueilli. Malgré ma conclusion selon laquelle l'appelante et la CJC avaient un lien de dépendance, l'appelante entre dans le cadre de l'exclusion formulée au paragraphe 56(4). Le revenu de redevances est un revenu provenant d'un bien, et ce bien a été transféré par l'appelante à la CJC.

[18] L'application du paragraphe 56(4) aux circonstances de l'espèce règle la question. Ce paragraphe indique que, lorsqu'un contribuable a transféré à une personne (avec qui il avait un lien de dépendance) le droit à une somme – par exemple les paiements de redevances – qui serait par ailleurs un revenu du contribuable, cette somme doit être incluse dans le revenu du contribuable. Si le paragraphe 56(4) s'arrêtait là, je donnerais raison à l'intimée. Cependant, il y a une exception à cette règle et cette exception s'applique aux circonstances de l'espèce; elle se pose lorsque le revenu provient d'un bien et que le contribuable a également transféré ce bien.

[19] Je traiterai d'abord de la question du lien de dépendance. Pour que le paragraphe 56(4) s'applique, le transfert doit être un transfert entre le contribuable appelant et une personne avec qui il a un lien de dépendance. Les deux parties reconnaissent que l'appelante ne contrôlait pas de droit la CJC et que l'appelante et la CJC n'étaient pas des personnes liées au sens de l'article 251 de la Loi. En ce qui a trait aux parties non ainsi liées, l'alinéa 251(1)b) indique ce qui suit :

251(1) Aux fins de la présente loi,

[...]

b) la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à une date donnée est une question de fait.

Pour déterminer si des personnes ont ou non un lien de dépendance, il est nécessaire d'examiner les diverses circonstances de la relation. La détermination du sens qu'il convient d'attribuer à “ lien de dépendance ” dans la Loi est une question de droit[7]. Dans l'affaire RMM Canadian, le juge Bowman s'était penché sur cette expression et avait rapporté les propos du juge Bonner dans l'affaire McNichol et al. v. The Queen[8], aux pages 117 et 118 :

On utilise communément trois critères pour déterminer si les parties à une opération ont entre elles un lien de dépendance. Il s'agit des critères suivants :

a) l'existence d'une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

b) les parties à une transaction agissent de concert et n'ont pas d'intérêts distincts, et

c) le contrôle “ de facto ” (réel).

Le critère relatif à l'existence d'une même personne résulte de deux jugements, notamment en premier lieu le jugement que la Cour suprême du Canada a rendu dans l'affaire M.N.R. v. Sheldon's Engineering Ltd. Aux pages 1113-1114, le juge Locke, qui parlait au nom de la Cour, a dit ceci :

[TRADUCTION]

Lorsqu'une même personne contrôle des compagnies directement ou indirectement, que cette personne soit un individu ou une compagnie, des compagnies contrôlées sont, aux termes de cet article, censées ne pas traiter entre elles à distance. Les dispositions de cet article mises à part, dans le cas d'une vente d'éléments d'actif dépréciables par un contribuable à une entité qu'il contrôle ou par une compagnie contrôlée par le contribuable à une autre compagnie également contrôlée par lui, le contribuable dictant à titre d'actionnaire majoritaire les conditions de la transaction, on ne peut à mon avis prétendre sérieusement que les parties traitaient entre elles à distance et que l'article 20(2) ne s'appliquait pas.

En second lieu, la décision que le juge Cattanach a rendue dans l'affaire M.N.R. v. TR Merritt Estate est également utile. Aux pages 5165-5166, voici ce que le juge a dit :

[TRADUCTION]

Selon moi, le principe fondamental sur lequel se fonde la présente analyse est le suivant : lorsque les négociations menées au nom de chacune des deux parties au contrat sont en fait dirigées par le même “ cerveau ”, on ne peut dire que les parties traitent à distance. En d'autres termes, lorsque la preuve révèle que la même personne “ dictait ” les “ conditions de la transaction ” au nom de chacune des deux parties, on ne peut dire que les parties traitaient à distance.

Le critère voulant que les parties agissent de concert montre jusqu'à quel point il est important que la négociation ait lieu entre des parties distinctes, qui cherchent chacune à protéger leurs propres intérêts. Ce critère est énoncé dans la décision que la Cour de l'Échiquier a rendue dans l'affaire Swiss Bank Corporation v. M.N.R. À la page 5241, le juge Thurlow (tel était alors son titre) a dit ceci :

J'ajouterais que lorsque plusieurs parties, qu'elles soient des personnes physiques, des compagnies ou une combinaison des deux, agissent de concert et dans le même intérêt pour diriger ou dicter la conduite d'une autre, le “ cerveau ” directeur peut à mon avis être celui de l'ensemble des parties agissant de concert ou celui d'une seule d'entre elles qui remplit un rôle ou des fonctions particulières qu'il faut accomplir pour atteindre l'objectif commun. De plus, à mon sens, il n'y a lieu de faire aucune distinction à ce titre entre des personnes qui agissent à leur propre compte pour en contrôler d'autres et celles qui, quelque nombreuses qu'elle soient, se font représenter par une autre. D'autre part, si l'une des parties à une transaction agit dans un intérêt différent de celui des autres ou le représente, le fait que le but commun soit de diriger les actes d'une autre partie de façon à obtenir un résultat bien précis ne suffira pas en soi à enlever à la transaction son caractère de transaction entre personnes traitant à distance. Selon moi, l'affaire Sheldon's Engineering [précitée] en est un exemple.

Enfin, il est à noter que l'existence d'une relation sans lien de dépendance est exclue si l'une des parties à l'opération en cause exerce un contrôle de fait sur l'autre. À cet égard, on peut mentionner la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Robson Leather Company Ltd. v. M.N.R., 77 DTC 5106.

[20] Dans l'affaire qui nous occupe, je conclus à partir de la preuve que les négociations entre l'appelante et la CJC étaient dirigées par la même personne ou le même cerveau. Pour quelle autre raison l'appelante aurait-elle transféré à la CJC ses précieux actifs? MM. Lee, Smith et Atkinson ont dicté les conditions de la convention de Nalcap-CJC. Ils étaient également administrateurs des deux sociétés. Lorsque la 395848, filiale en propriété exclusive de l'appelante, a acheté 51 p. 100 des actions ordinaires de la West F.C., qui détenait une participation de 38 p. 100 dans la CJC, l'appelante a imposé comme condition que tous les administrateurs de la CJC démissionnent, sauf John Fleming, et que les mandataires de la 395848 soient nommés. Les mandataires étaient MM. Lee, Smith et Atkinson. L'appelante a souligné que la majorité des actionnaires avaient voté en faveur de la convention de Nalcap-CJC. Il semble que M. Lee ait décidé que le prix d'achat serait de 30 000 000 $ et non le montant de 36 000 000 $ indiqué dans l'évaluation.

[21] L'appelante, M. Lee et la CJC avaient décidé, avant le vote de l'actionnaire minoritaire, de transférer les actifs en redevances, à leurs conditions. M. Lee, un homme d'affaires remarquablement talentueux, a déterminé le prix de vente, qui était inférieur de 20 p. 100 à la juste valeur marchande établie par un évaluateur professionnel. Je suis convaincu que les parties agissaient de concert. Le prix d'achat a été déterminé avant l'obtention du rapport d'évaluation. Il est indubitable que l'appelante était bien au courant des avantages financiers liés au fait d'accéder aux pertes de la CJC en fournissant à cette société une source de revenu. Cette approche renforce la conclusion selon laquelle les parties ne traitaient pas ensemble sans lien de dépendance. L'appelante a soutenu qu'elle agissait dans le plus grand intérêt de ses actionnaires. Le juge Bonner avait traité d'un argument semblable dans l'affaire Noranda Mines Ltd. v. M.N.R.[9], et l'observation suivante du juge s'applique à notre cas :

L'avocat de l'appelante a soutenu que Noranda et Orchan étaient des sociétés dont les actioins (sic) étaient diffusées dans le public et que les administrateurs et les directeurs de ces sociétés avaient des responsabilités de fiduciaire vis-à-vis de leurs sociétés. Il a déclaré que laisser entendre qu'un administrateur ou qu'un directeur d'Orchan pouvait être guidé par d'autres intérêts que ceux de sa société revenait à prétendre qu'il avait dérogé à ses devoirs de fiduciaire vis-à-vis d'Orchan. À mon avis, le fait de conclure qu'une même volonté ait présidé aux agissements des deux parties à la transaction n'implique pas nécessairement que cette volonté n'agissait pas honnêtement et de bonne foi vis-à-vis de ces deux société (sic) et en tenant compte de leurs intérêts les mieux compris.

[22] Même si l'on convient que l'appelante et la CJC agissaient dans le plus grand intérêt des deux sociétés, il reste qu'elles agissaient de concert. Il est indubitable que l'appelante contrôlait de fait la CJC, à l'époque du transfert des actifs en redevances, en ce sens qu'elle avait le droit absolu de nommer les membres du conseil d'administration de la CJC[10]. Pour ces motifs, je conclus que l'appelante et la CJC avaient un lien de dépendance.

Critère du droit à titre bénéficiaire

[23] Pour ce qui est de la seconde condition de l'application du paragraphe 56(4), est-ce que les sommes payables à l'égard des actifs en redevances auraient, si le droit n'avait pas été ainsi transféré ou cédé (à la CJC), été incluses dans le calcul du revenu du contribuable? Me fondant sur une interprétation simple et évidente du sens ordinaire des termes précités, je n'ai aucun mal à conclure que la somme aurait été incluse dans le revenu de l'appelante n'eût été le transfert à la CJC. L'appelante était clairement propriétaire du revenu de redevances avant le transfert.

[24] L'appelante invoquait le jugement Shaw et al. v. The Queen[11]. Dans cette affaire-là, les appelants avaient exploité une station-service BP dans le cadre d'une société de personnes. En 1975, ils avaient transféré à leur compagnie tous les biens de la société de personnes, sauf l'immeuble. Les conventions initialement conclues par les appelants et la compagnie pétrolière avaient été remplacées par de nouvelles conventions contenant, en matière de paiements selon le volume de gallons, des clauses semblables à celles du bail principal. La Cour avait statué que le transfert de biens de la société de personnes à la compagnie comprenait le transfert du bail principal et que le droit aux paiements selon le volume de gallons était détenu par la compagnie. La Cour avait conclu qu'il n'y avait eu aucun transfert du droit à la somme, car ce droit appartenait déjà à la nouvelle compagnie. Cette conclusion de la Cour fédérale distingue clairement l'affaire Shaw de celle qui nous occupe, et je conclus que le droit à la somme appartenait ici clairement à l'appelante.

Exclusion relative au transfert d'un bien

[25] Jusqu'ici, les sommes représentant un revenu seraient incluses dans le revenu de l'appelante, “ sauf si le revenu provient d'un bien que le contribuable a également transféré ou cédé ”. Cette exclusion énoncée à la fin du paragraphe 56(4) est assortie de deux exigences :

1. le revenu doit provenir d'un bien;

2. le bien duquel provient le revenu doit avoir été transféré ou cédé.

L'intimée prétendait que le revenu de redevances provenait de l'entreprise de l'appelante et non d'un bien. Elle citait un certain nombre de jugements à l'appui de cette thèse[12]. Le revenu en cause est évidemment le revenu tiré des actifs en redevances. Ces actifs, définis dans la convention de Nalcap-CJC, constituent un “ bien ” au sens du paragraphe 248(1)[13].

[26] Chercher à établir une distinction entre un revenu provenant d'une entreprise et un revenu provenant d'un bien est difficile. Cette distinction doit être faite, car la thèse de l'intimée en dépend. Le paragraphe 56(4) est une disposition anti-évitement concernant le transfert de droits sur un revenu. Assurément, l'exclusion correspondant aux termes “ sauf si le revenu provient d'un bien ” ne doit pas être interprétée étroitement au point d'empêcher un contribuable de bénéficier de cette exclusion lorsque le revenu provient d'un bien faisant partie intégrante de son entreprise. Le juge McNair souscrit à cette opinion dans l'affaire Shaw,précitée, où il déclare, à la page 5205 :

À mon avis, le loyer à payer en contrepartie de l'utilisation et de la jouissance d'un bien et le bail stipulant le paiement de ce loyer sont tous deux inclus dans la définition large du mot “ biens ” du paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. J'en suis déjà venu à la conclusion que le contrat de vente de 1975, la résolution adoptée par les administrateurs le 2 janvier 1976 et la conduite constante des demandeurs, envisagés d'un point de vue commercial pratique quant à leur substance et non à leur forme, ont eu pour effet d'investir Jack Shaw Enterprises Limited des avantages et des obligations de l'entreprise de station-service, laquelle entreprise comprenait le bail principal et le loyer supplémentaire payable aux termes de ce dernier. De plus, j'estime que le sous-bail verbal intervenu entre les demandeurs et Jack Shaw Enterprises Limited dissipe tout élément de doute et permet d'affirmer que le résultat net de toute l'opération a été de transférer à la compagnie le bail principal et le loyer calculé d'après le volume de gallons, même si le bail principal lui-même n'a pas fait l'objet d'une cession formelle et expresse. Je suis donc d'avis que les demandeurs ont le droit de se prévaloir de l'exclusion contenue au paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

La cession que l'appelante a faite de son intérêt à titre bénéficiaire dans les actifs en redevances ne peut être distinguée de la nature du transfert que les Shaw avaient fait, à une compagnie, de leur intérêt dans le contre-bail de BP.

[27] Il semble que l'intimée se soit intéressée à ce cas parce que l'on suspectait que le seul but du transfert des actifs en redevances était d'éviter l'impôt. Initialement, l'intimée invoquait la disposition générale anti-évitement[14] de l'article 245, que le juge Bowman considérait comme une artillerie lourde[15]. Le ministre a expressément abandonné cette voie avant l'audition des présents appels. Je ne crois pas que le paragraphe 56(4) vise une réattribution de revenu lorsque l'auteur du transfert a disposé de la totalité de son intérêt dans un bien pour la juste valeur marchande, compte tenu de considérations commerciales supplémentaires comme facteurs motivant le transfert. Nous avons affaire en l'espèce à un contribuable, l'appelante, qui paye de l'impôt sur environ 8 000 000 $ de paiements en redevances par année. Par une série de manoeuvres complexes, l'appelante obtient le contrôle de fait d'une compagnie, la CJC, ayant 60 000 000 $ de pertes. Elle lui transfère le droit sur ce revenu et les contrats de location donnant droit au revenu, pour un prix de vente de 30 000 000 $. Vraisemblablement, la CJC peut utiliser ses pertes pour compenser le revenu de redevances. Aucun élément de preuve n'indique que la CJC a payé à l'appelante, après le transfert, des dividendes qui, soutient l'intimée, seraient libres d'impôt. M. Lee déclarait qu'il avait cru comprendre que de tels dividendes seraient imposables entre les mains de l'appelante. La preuve indiquait que la CJC avait effectivement reçu les redevances après le transfert. Le témoignage, non contredit, de M. Lee indiquait en outre que des considérations commerciales, y compris le fait de sauver de la faillite la CJC, qui avait une importante dette envers la Voyager Energy Inc.[16], représentaient la principale motivation.

[28] J'accepte le témoignage de M. Lee selon lequel des considérations commerciales représentaient une raison importante du transfert. Je conclus que le transfert n'était pas uniquement motivé par des considérations fiscales, mais cette conclusion n'influence pas ma décision selon laquelle l'appelante entre dans le cadre de l'exception prévue au paragraphe 56(4)[17]. Encore là, les mots clés sont “ sauf si le revenu provient d'un bien que le contribuable a également transféré ou cédé ”.

[29] Dans les multiples contrats de location, l'appelante était en droit d'exploiter les droits miniers de Wabush Iron selon certaines éventualités. Il est clair que l'appelante a transféré à la CJC plus qu'un simple droit de recevoir des sommes, soit un “ bien ” de l'appelante. Le mot “ bien ” est défini comme suit au paragraphe 248(1) de la Loi :

“ biens ” signifie des biens de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la portée générale de ce qui précède,

a) un droit de quelque nature qu'il soit, une action ou part,

b) à moins d'une intention contraire évidente, de l'argent,

c) un avoir forestier, et

d) les travaux en cours d'une entreprise qui est une profession libérale;

Dans l'affaire Shaw, précitée, le juge McNair parle de la “ définition large du mot “ biens ” du paragraphe 248(1) ” (passage précité). Je n'ai aucun mal à conclure que les actifs en redevances sont des “ biens ” au sens du paragraphe 248(1). Cette conclusion est conforme à celle du juge McNair dans l'affaire Shaw. L'appelante a transféré à la CJC plus qu'un simple droit de recevoir des sommes. Les contrats de location incluaient des intérêts de révision et le locateur, soit alors la CJC, avait à certaines conditions le droit de se lancer dans l'entreprise minière. Ces droits représentaient clairement des “ biens ” pour l'application de la Loi. Le revenu provenait de ces droits patrimoniaux.

Les actifs en redevances ont-ils été “ transférés ou cédés ” à la CJC?

[30] Ayant décidé que les actifs en redevances étaient des biens, on doit se demander si ces biens ont été “ transférés ” à la CJC. L'intimée soutient qu'aucun bien n'a été transféré dans le contexte de l'exception prévue au paragraphe 56(4). Il est nécessaire de citer la convention de Nalcap-CJC. Le paragraphe 2.1 se lit comme suit :

[TRADUCTION]

2.1 La Nalcap s'engage par les présentes à transférer et à céder à la CJC l'ensemble de ses droit, titre et intérêt comme bénéficiaire à l'égard des actifs en redevances, sous réserve des charges autorisées, en contrepartie d'une somme égale au montant de la détermination finale, laquelle somme devra être payée par la CJC conformément à l'article 3 du contrat.

Je conclus que la totalité de l'intérêt à titre bénéficiaire de l'appelante dans les actifs en redevances a été transférée conformément à la convention de Nalcap-CJC le 1er janvier 1992. Après cette date, l'appelante n'avait plus aucun droit à des paiements découlant des actifs en redevances et, en fait, ces paiements ont été déposés dans le compte bancaire de la CJC. Celle-ci assumait les obligations prévues aux conventions, y compris l'obligation de faire des paiements à la Nalco (au gouvernement de Terre-Neuve, en fait). L'appelante avait en outre signé en faveur de la CJC une déclaration de fiducie incluant ce qui suit :

[TRADUCTION]

La Nalcap détient ou détiendra les actifs en redevances en fiducie pour la CJC.

La Nalcap reconnaît qu'elle n'a aucun intérêt dans les actifs en redevances, sauf comme simple fiduciaire, que tous les fonds, profits et avantages provenant des actifs en redevances seront détenus par elle en fiducie pour la CJC et que la CJC est propriétaire bénéficiaire des actifs en redevances.

La Nalcap accepte de rendre compte à la CJC de tous les fonds, profits et avantages tirés des actifs en redevances par la Nalcap.

[31] Comme les actifs en redevances sont des biens et qu'ils ont en fait été transférés, il n'y a aucun intérêt de révision en faveur de l'appelante. Le revenu de redevances est exclu du capital de l'appelante en application du paragraphe 181.2(3) de la Loi. Les appels sont admis, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d'août 1999.

“ C. H. McArthur ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 2e jour de juin 2000.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]               L.R. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée.

[2]               L'appelante a changé de nom de nombreuses fois. Aux fins des présents appels, les noms suivants doivent être considérés comme renvoyant à une seule et même compagnie : Canadian Javelin Foundries & Machine Works Limited, Canadian Javelin Limited, Javelin International Limited, Nalcap Holdings Inc., Arbatax International Inc. et MFC Bancorp Ltd.

[3]               Maintenant appelée Mercer Corporation.

[4]               L'évaluation figure sous la cote A-4.

[5]               L'appelante détenait 100 p. 100 de la 395848, qui détenait 51 p. 100 de la West F.C., laquelle détenait 38 p. 100 de la CJC.

[6]               Stephen W. Semeniuk, C.F.A., Recherches et conseils financiers — Évaluation de redevances afférentes à du minerai de fer de Wabush — 31 août 1992, déposée sous la cote A-4 et mentionnée dans la note de bas de page no 4.

[7]               RMM Canadian Enterprise Inc. et al. v. The Queen, 97 DTC 302, à la p. 310.

[8]               97 DTC 111.

[9]               87 DTC 379, à la p. 384.

[10]             Pièce A-1 – Recueil conjoint de documents, section 12, page 8, paragraphe 5.

[11]             89 DTC 5194 (C.F. 1re inst.), confirmé par la Cour d'appel fédérale dans 93 DTC 5213.

[12]             The Commissioners of Inland Revenue v. The Korean Syndicate, Ltd., (1921) 12 T.C. 181; The Commissioner of Inland Revenue v. The South Behar Railway Co. Ltd., (1921) 12 T.C. 657; Charwood Investments Limited v. M.N.R., 61 DTC 651; Anderson Logging Company v. The King, 52 DTC 1209; M.R.T. Investments Ltd., et al. v. The Queen, 75 DTC 5224; Canadian Marconi Company v. The Queen, 86 DTC 6526; American Leaf Blending Co. v. Director-General of Inland Revenue, [1979] A.C. 675; Supreme Theatres Limited v. The Queen, 81 DTC 5136 (C.F., 1re inst.); Fontaine Watch Company Limited v. M.N.R., 60 DTC 535 (C.A.I.).

[13]             Matt Vavasour l'a reconnu pour l'intimée dans son interrogatoire préalable, à la page 86, aux question et réponse no 387.

[14]             Réponse à l'avis d'appel, paragraphes 9 à 12.

[15]             Affaire RMM Canadian Enterprises Inc. et al., précitée.

[16]             Voir l'alinéa 19g) de l'exposé conjoint des faits, précité.

[17]             Nous ne traitons pas du paragraphe 245(2), soit la disposition générale anti-évitement.

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