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Date: 19981224

Dossier: 97-3059-IT-I

ENTRE :

LINDA LEGROULX,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] L'appelante a interjeté appel contre les cotisations établies pour ses années d'imposition 1994 et 1995, à l'égard desquelles le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a rejeté les déductions de 7 700 $ et 9 200 $ demandées par l'appelante pour chacune des années d'imposition en question. Le ministre estime que ces montants représentent des paiements forfaitaires de pension alimentaire faits à un ex-conjoint, qui ne constituent pas des versements “ périodiques ” en vertu des alinéas 60b) et 60c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) ni ne constituent des paiements antérieurs en vertu du paragraphe 60.1(3) de la Loi, les paiements n'ayant pas été faits avant la date de l'ordonnance du tribunal.

Les faits

[2] Les parties ont déposé un exposé “ conjoint des faits ” libellé comme suit :

[TRADUCTION]

1. Le 21 mars 1991, la Cour de district de l'Ontario a ordonné à l'appelante de verser à son conjoint, David Caldwell, une prestation provisoire d'entretien des enfants pour chacun des enfants issus du mariage, au montant de 500 $, à partir du premier avril 1991.

2. Le 11 février 1993, M. le juge Cunningham de la Cour de l'Ontario (Division générale) ordonnait à l'appelante de verser à son conjoint, David Caldwell, une prestation d'entretien pour chacun des deux enfants issus du mariage, soit la somme mensuelle de 500 $ pour chaque enfant.

3. Le 26 janvier 1995, la Cour de l'Ontario (Division générale) (Cour divisionnaire) annulait la prestation mentionnée au paragraphe 2 et ordonnait à l'appelante de verser à son conjoint, David Caldwell, “ une prestation d'entretien mensuelle de 825 $ par enfant, à compter du premier décembre 1992 ”.

4. Mme LeGroulx a payé, conformément à l'ordonnance du juge Cunningham, et Revenu Canada a permis la déduction de la prestation d'entretien mensuelle au cours des années d'imposition 1992, 1993, 1994 et 1995. M. Caldwell a reçu et ajouté à son revenu la prestation d'entretien mensuelle susmentionnée.

5. La somme de 16 900 $ était payable en vertu de l'ordonnance qui majorait de 325 $ par mois, par enfant, la prestation d'entretien à compter du premier décembre 1992. Les 16 900 $ étaient calculés comme suit :

Décembre 1992 650 $

Année d'imposition 1993 7 800 $

Année d'imposition 1994 7 800 $

Janvier 1995 650 $

Total 16 900 $

6. En avril 1995, l'appelante a fait deux paiements, 7 700 $ et 9 200 $ respectivement, à David Caldwell, conformément à l'ordonnance.

7. Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelante a déduit les sommes de 19 800 $ et 28 250 $ respectivement à l'égard d'une pension alimentaire ou prestation alimentaire. Le ministre a rejeté les montants de 7 700 $ et 9 200 $ déduites pour les années d'imposition 1994 et 1995 de l'appelante, respectivement, au motif que les sommes représentaient des paiements forfaitaires de pension alimentaire faits à un ex-conjoint qui ne constituaient pas des versements “ périodiques ” en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) ni ne constituaient des paiements antérieurs en vertu du paragraphe 60.1(3) de la Loi, les paiements n'ayant pas été faits avant la date de l'ordonnance du tribunal.

8. M. David B. Caldwell n'a pas ajouté à son revenu le paiement de 16 900 $ dans ses déclarations de revenu pour 1994 et 1995.

9. L'appelante concède que la somme de 7 700 $ qu'elle a déduite dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1994 n'a pas été versée au cours de l'année d'imposition 1994 et qu'elle ne peut pas la déduire au cours de l'année en cause.

10. L'intimée reconnaît que l'appelante a respecté les exigences de l'alinéa 60b) de la Loi à l'égard du paiement de la somme de 16 900 $ dans l'année d'imposition 1995, sauf pour ce qui est de l'obligation de payer l'allocation de façon périodique.

[3] Tel qu'il est dit dans l'exposé conjoint des faits, l'avocat de l'appelante concède maintenant que la somme de 7 700 $ n'est pas déductible en 1994 parce qu'elle n'a pas été payée au cours de cette année, mais il soutient qu'elle devrait être déductible en 1995 ainsi que l'autre somme, soit 9 200 $, constituant le montant total réclamé de 16 900 $.

[4] L'avocat de l'appelante affirme que la somme de 16 900 $ représentait un rattrapage des arriérés fait par l'appelante à son ex-conjoint conformément à l'ordonnance d'un tribunal, et qu'elle avait été versée à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins des enfants du bénéficiaire.

[5] L'avocate de l'intimée soutient que le paiement de 16 900 $ ne représente pas les arriérés de sommes que l'appelante devait verser à son ex-conjoint en vertu de l'ordonnance d'un tribunal puisque la somme à être payée conformément à l'ordonnance de la Cour divisionnaire à l'égard de la période allant du premier décembre 1992 à la date de l'ordonnance (le 26 janvier 1995) n'était pas devenue due et exigible avant la date de l'ordonnance, et qu'elle n'était pas payable périodiquement mais en un paiement forfaitaire.

Analyse

[6] Les alinéas 60b) et 60c) de la Loi sont rédigés comme suit :

60. Peuvent être déduites lors du calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

[...]

b) toute somme payée dans l'année par le contribuable, en vertu d’un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé, en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation, du conjoint ou de l'ex-conjoint à qui il était tenu de faire le paiement, le jour où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année;

c) toute somme payée au cours de l'année par le contribuable, en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent, à titre d'allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et d'enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé du conjoint à qui il était tenu de faire le paiement, le jour où le paiement a été effectué et durant le reste de l’année;


L'article 60.1 est rédigé en partie comme suit :

60.1(1) Dans le cas où une ordonnance, un jugement ou un accord écrit visé aux alinéas 60b) ou c), ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement périodique d'un montant par un contribuable :

a) soit à une personne qui est, selon le cas :

le conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable,

[...]

tout ou partie du montant, une fois payé, est réputé, pour l'application des alinéas 60b) et c), payé à la personne et reçu par elle.

(2) Pour l'application des alinéas 60b) et c), le résultat du calcul suivant :

A - B

où :

A représente le total des montants représentant chacun un montant, à l'exception d'un montant auquel les alinéas 60b) ou c) s'appliquent par ailleurs, payé par un contribuable au cours d'une année d'imposition en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendu par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, au titre d'une dépense [...] engagée au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente pour subvenir aux besoins d'une personne qui est :

soit le conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable,

[...]

ou pour subvenir aux besoins d'enfants confiés à la garde de la personne ou aux besoins à la fois de la personne et de ces enfants, si, au moment où la dépense a été engagée et durant le reste de l'année, le contribuable et la personne vivaient séparés;

B [ne s'applique pas]

est, lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à tout paiement effectué à leur titre, réputé être un montant payé par le contribuable et reçu par la personne à titre d'allocation payable périodiquement.

(3) Pour l'application du présent article et de l'article 60, lorsqu'une ordonnance ou un jugement d'un tribunal compétent ou un accord écrit, établi à un moment d'une année d'imposition, prévoit que tout montant payé avant ce moment et au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente est considéré comme payé et reçu au titre de l'ordonnance du jugement ou de l'accord, le montant est réputé payé à ce titre.

[7] L'intimée convient que l'appelante ne peut déduire la somme de 16 900 $ que si l'ordonnance de la Cour divisionnaire est réputée avoir été rendue nunc pro tunc ou, en d'autres termes, que si elle réputée rétroactive. Selon l'intimée, l'ordonnance de la Cour divisionnaire n'est pas rétroactive ou nunc pro tunc parce que la Cour ne l'a pas faite explicitement telle. D'après l'avocate de l'intimée, la Cour divisionnaire aurait clairement pu rédiger son ordonnance de façon à ne laisser aucun doute sur sa rétroactivité, mais elle ne l'a pas fait.

[8] L'inscription de la Cour divisionnaire (l'“ inscription ”) en date du 26 janvier 1995, déposée comme pièce numéro 3 dans le recueil conjoint des documents, dit en partie ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il s'agit d'un appel interjeté par le père contre le jugement du juge Cunningham qui a accordé une prestation d'entretien de 500 $ par mois par enfant pour les deux enfants, l'aîné ayant près de 11 ans, et le cadet ayant 6 ans et demi.

Le juge Cunningham a conclu que les frais de garde d'enfants mensuels du père s'élevaient à 2 500 $. Il a conclu que la responsabilité et la capacité de payer les frais de garde des enfants par chaque parent était égale. Suivant la formule Paras, il a réparti les frais de garde à égalité entre les parents pour arriver au montant de 1 250 $ chacun.

Le juge Cunningham a aussi conclu que la mère avait des frais de visite, calculés après impôt, d'environ 10 000 $ par an ou 833 $ par mois. Il a aussi conclu que le père devrait payer des impôts d'environ 50 % sur toute prestation d'entretien des enfants.

Le juge Cunningham n'a pas mal compris la preuve dont il disposait. Nous acceptons ses conclusions exposées plus haut.

Nous sommes toutefois d'avis que le juge Cunningham a commis une importante erreur lorsqu'il a conclu, en se fondant sur ces conclusions, que la prestation d'entretien des enfants que la mère était tenue de verser au père devrait s'élever à 1 000 $ par mois.

L'ensemble des frais de garde d'enfants subis par les parties s'élève à 3 333 $ par mois (2 500 $ + 833 $). La part de la mère selon la formule Paras serait de 1 667 $. La mère dépense maintenant 833 $ par mois en frais de visite, qui devraient être déduits de sa part de 1 667 $ pour tenir compte des frais qu'elle subit. Le solde de 834 $ serait le montant, avant que ne s'appliquent des considérations fiscales, que la mère devrait contribuer aux frais de garde des enfants subis par le père. Ces chiffres devraient être majorés pour tenir compte de l'impôt sur le revenu. Pour que le père reçoive la somme nette après impôt de 833 $ par mois, la mère devrait payer au père une prestation de soutien d'environ 1 650 $ par mois, soit 825 $ par mois par enfant.

Nous concluons que c'est là la prestation appropriée qui aurait dû être accordée. Conséquemment, l'appel est accueilli. La somme adjugée par le juge Cunningham est annulée. Jugement est rendu enjoignant à la mère de verser au père une prestation mensuelle d'entretien d'enfants de 825 $ par enfant, à compter du premier décembre 1992.

Et l'ordonnance de la Cour divisionnaire en date du 26 janvier 1995, déposée en tant que pièce numéro 4 dans le recueil conjoint des documents, dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

La Cour ordonne l'annulation de la somme adjugée par le juge Cunningham et jugement est rendu enjoignant à Linda LeGroulx de verser une prestation mensuelle d'entretien d'enfants à David Caldwell au montant de 825 $ par enfant, à compter du premier décembre 1992.

[9] Il ressort clairement de l'inscription de la Cour divisionnaire que l'appelante a reçu l'ordre de payer à son ex-conjoint une somme supplémentaire de 650 $ par mois à titre de prestation d'entretien d'enfants à compter du premier décembre 1992, et que cette somme était calculée de façon à tenir compte de l'incidence de l'impôt sur le revenu. En d'autres mots, pour que le bénéficiaire touche la somme mensuelle nette de 833 $ après impôt, l'appelante devait lui verser 1 650 $ par mois. Comme l'ordonnance antérieure de la Cour de l'Ontario (Division générale), en date du 11 février 1993, avait ordonné à l'appelante de payer au bénéficiaire la somme mensuelle de 1 000 $ en guise de prestation d'entretien, l'appelante devait verser à son ex-conjoint la différence de 650 $ par mois pour les années précédentes rétroactivement au premier décembre 1992, conformément aux termes de l'ordonnance de la Cour divisionnaire. L'ordonnance du 26 janvier 1995 doit s'interpréter simultanément avec l'inscription du tribunal.

[10] La règle 59.01 des Règles de procédure civile de l'Ontario prévoit que les ordonnances d'un tribunal prennent effet à la date à laquelle elles sont rendues, sauf disposition contraire.

[11] Premièrement, je conclus que le libellé de l'ordonnance dit assez clairement qu'elle doit s'appliquer rétroactivement. Elle peut se lire comme suit : “ jugement est rendu (enjoignant à l'appelante de verser au bénéficiaire une prestation mensuelle d'entretien d'enfants de 825 $ par enfant) à compter du premier décembre 1992 ”.

[12] De plus, dans l'arrêt The Queen v. Larsson, 97 DTC 5425, qui statue sur une affaire entendue en Colombie-Britannique, la Cour d'appel fédérale a fait les commentaires suivants à la page 5428 :

L'analyse ne se termine cependant pas là. Bien que l'on doive présumer qu'une ordonnance judiciaire prend effet à la date à laquelle elle est rendue, il est également raisonnable de présumer que, lorsqu'un tribunal rend une ordonnance, il veut que celle-ci produise certaines conséquences et ait un certain effet au moment où elle la rend. En l'espèce, la quatrième ordonnance vise expressément la nature des versements hypothécaires faits depuis 1989 par le contribuable. Toutefois, au moment du prononcé de la quatrième ordonnance, en 1993, le foyer conjugal avait été vendu et le contribuable ne faisait plus de versements hypothécaires. Ces faits démontrent à l'évidence que, si la Cour suprême de la Colombie-Britannique ne voulait pas que sa quatrième ordonnance ait un effet rétroactif, celle-ci serait sans objet. Ces faits révèlent donc à tout le moins un indice de rétroactivité et réfutent peut-être même la présomption de non-rétroactivité.

À mon avis, il serait abusif d'interpréter une décision judiciaire de manière à la rendre sans objet dès son prononcé. En l'espèce, si la quatrième ordonnance n'est pas interprétée rétroactivement, elle n'a aucun effet à compter du jour où elle a été rendue. Dans ces conditions, la seule interprétation raisonnable consiste selon moi à présumer que la Cour suprême de la Colombie-Britannique voulait que la quatrième ordonnance ait été prononcée nunc pro tunc.

[13] En l'espèce, les considérations fiscales dont a tenu compte la Cour divisionnaire lorsqu'elle a majoré la prestation d'entretien des enfants que devait verser l'appelante à compter du premier décembre 1992 sont sûrement un indice de rétroactivité, et tout comme c'était le cas dans l'arrêt Larsson, elles peuvent réfuter la présomption de non-rétroactivité. Dans une telle situation, à mon avis, il est raisonnable de tenir pour acquis que la Cour divisionnaire voulait que son ordonnance soit rendue nunc pro tunc.

En outre, l'une des définitions de l'expression nunc pro tunc figurant au Dictionary of Canadian Law, deuxième édition, est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

NUNC PRO TUNC. [L. maintenant pour alors] 1. L'ordre du tribunal qu'une instance porte une date antérieure à sa date réelle, ou que son effet soit le même que si elle avait eu lieu à une date antérieure. (Je souligne.)

À mon sens, cette définition vise une interprétation semblable à celle que j'ai donnée à l'ordonnance contestée.

[14] Ceci étant dit, je suis aussi d'avis que le paiement de 16 900 $ représentait effectivement les arriérés des sommes payables périodiquement par l'appelante à son ex-conjoint en vertu de l'ordonnance du tribunal. Comme l'a dit la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt The Queen v. Sills, 85 DTC 5096 à la page 5098, “ pourvu que l'accord prévoie que les montants d'argent sont payables périodiquement, l'exigence contenue à l'alinéa est respectée. Les paiements ne changent pas de nature pour la seule raison qu'ils ne sont pas effectués à temps. ”

[15] Je suis donc convaincu que le paiement de 16 900 $ effectué par l'appelante représentait effectivement les arriérés des allocations d'entretien et que celles-ci constituaient une allocation payable périodiquement en vertu de l'ordonnance de 1995 (voir aussi l'arrêt Soldera v. M.N.R., 91 DTC 987 (C.C.I.)).

[16] De plus, je ne suis pas d'accord avec l'intimée lorsqu'elle dit que donner un effet rétroactif à l'ordonnance de 1995 créerait une impossibilité juridique. Dans l'arrêt Aceti v. M.N.R., 92 DTC 1893, mentionné par l'avocate de l'intimée, le juge Rip, de la C.C.I., devait se prononcer sur une entente conclue entre les parties après que certains paiements ont été faits. Il n'y avait dans l'entente aucune stipulation claire que les paiements antérieurs devaient être considérés comme ayant été faits et reçus en vertu de l'entente conformément au paragraphe 60.1(3) de la Loi. En outre, l'entente exigeait que le payeur verse une prestation alimentaire mensuelle à compter d'une date antérieure à l'entente. Le juge Rip, de la C.C.I., a dit à la page 1897 :

L'accord conclu le 20 août 1988 a créé une impossibilité juridique, soit le paiement d'une somme à une date antérieure non seulement à la date de signature de l'accord, mais à sa date d'entrée en vigueur, le 22 mars 1988. Aucune somme ne peut être dite payable ni n'est payable en vertu d'un accord avant que cet accord ne soit conclu. Les sommes qui doivent être payées en vertu d'un accord à l'égard de périodes antérieures à celui-ci deviennent exigibles et payables en vertu de l'accord lorsque ce dernier est conclu, non pas à titre de paiements périodiques à l'égard des périodes antérieures à l'accord, mais à titre de paiement forfaitaire. Au cours des mois de janvier, février, mars et avril, aucune somme n'était susceptible d'être payée en vertu de l'accord parce qu'à cette époque, M. Gravino n'était pas tenu de verser des sommes en vertu de l'accord. À cette époque, les sommes n'étaient tout simplement pas payables et Mme Aceti ne pouvait donc pas prendre de mesures d'exécution afin qu'elles soient versées.

[17] La situation en l'espèce est nettement différente, car l'appelante devait respecter une ordonnance du tribunal qui annulait une somme adjugée dans une ordonnance antérieure existante, et cette ordonnance pouvait, en droit, être rendue rétroactivement. En effet, l'alinéa 17(1)a) de la Loi sur le divorce prévoit ce qui suit :

17.(1) Le tribunal compétent peut rendre une ordonnance qui modifie, suspend ou annule, rétroactivement ou pour l'avenir :

a) une ordonnance alimentaire ou telle de ses dispositions, sur demande des ex-époux ou de l'un d'eux;

[...]

[18] Comme l'a dit le juge Kempo, de la C.C.I., dans l'arrêt T.B. Howes v. M.N.R., [1988] 2 C.T.C. 2328, à la page 2333 :

L'effet rétroactif dépend, en l'espèce, à la fois de la compétence légale à rendre de telles ordonnances comme le permet la Loi sur le divorce et du libellé de l'ordonnance modificative elle-même. L'effet qui en résulte ne s'accorde manifestement pas avec la disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu portant que toute somme à être déduite doit être payée “ dans l'année, en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit ”. De toute évidence, les sommes qui ont été payées par l'appelant en 1982 et 1983 ne l'ont pas alors été “ en vertu de ” ou en exécution de l'accord de séparation en vigueur à l'époque. La fiction sur laquelle l'appelant s'est fondé a été essentiellement créée à partir de l'ordonnance modificative de 1986 avec effet rétroactif.

Je suis d'avis que la rétroactivité des ordonnances modificatives rendues d'après les dispositions de la Loi sur le divorce a une incidence sur l'expression “ en vertu de ” prévue par l'al. 60b) et sur l'expression “ une modification y relative ” visée à l'art. 60.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu. En décider autrement reviendrait à ignorer les termes exprès de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[19] Je conclus par conséquent que la somme de 16 900 $ était une somme que l'appelante a payée au cours de son année d'imposition 1995, en vertu de l'ordonnance d'un tribunal compétent, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins des enfants issus du mariage. La somme de 16 900 $ était donc déductible par l'appelante dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition 1995 conformément aux alinéas 60b) et 60c) de la Loi (l'article 60.1 ne s'applique pas à l'espèce).

[20] L'appel interjeté contre la cotisation établie à l'égard de 1994 est rejeté et l'appel interjeté contre la cotisation établie à l'égard de 1995 est admis en tenant compte du fait que la somme de 16 900 $ est entièrement déductible au cours de cette année.

[21] Le tout avec dépens conformément au tarif B de l'annexe II des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale)

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de décembre 1998.

“ Lucie Lamarre ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour d’août 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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