Date: 19991108
Dossiers: 98-1987-IT-I; 98-1989-IT-I
ENTRE :
JANE HEDGES-MCKINNON, RICHARD MCKINNON,
appelante,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée,
Motifs du jugement
Le juge Brulé, C.C.I.
[1] Les deux présents appels ont été entendus sur preuve commune à Vancouver (Colombie-Britannique) le 9 août 1999. Les appelants s’opposent aux cotisations que le ministre du Revenu national (le “ ministre ) a établies à l’égard de leurs activités dans le domaine du golf. Les cotisations pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, dans le cas de Richard McKinnon, et l'année d'imposition 1996, dans le cas de Jane Hedges-McKinnon, ont été établies en octobre 1997.
Les faits
[2] Les deux appelants sont mari et femme. Jane Hedges-McKinnon était joueuse de golf professionnelle. Elle participait aux tournois du circuit féminin, et les deux époux étaient des instructeurs professionnels de golf. Le ministre a prétendu que les appelants n’avaient aucune expectative raisonnable de profit à l’égard de leur entreprise, d'où les cotisations en cause. Chaque année, les appelants ont produit une déclaration de revenus avec une annexe détaillant les leçons de golf qu’ils avaient données et les tournois auxquels Mme McKinnon avait participé, et un état des activités professionnelles portant sur les deux mêmes activités. Deux personnes étaient propriétaires de l'entreprise, qui exerçait deux activités.
Analyse
[3] Il semble étrange que les fonctionnaires de Revenu Canada aient adopté à l’égard des appelants en l'espèce une attitude non conforme aux décisions publiées. Revenu Canada a d’abord soutenu que jouer au golf pour remporter des prix et enseigner le golf constituaient deux activités commerciales distinctes. Dans Bourque v. R., [1996] 3 C.T.C. 10, cette Cour a conclu que ces deux activités étaient si étroitement liées qu’elles constituaient une seule entreprise.
[4] Revenu Canada n'a pas utilisé les mêmes chiffres que les appelants pour ce qui est des pertes, mais a finalement accepté ceux des appelants. En ce qui concerne l’expectative de profit, le travail des appelants consistait uniquement à participer à des tournois et à donner des leçons de golf, et cela représentait leur principale source de revenu. Il a été mentionné qu'une golfeuse doit jouer pendant treize ans avant de gagner assez d’argent pour payer ses dépenses. Pour que l'appelante puisse atteindre ce niveau, les appelants ont acheté une résidence en Floride, où ils allaient pouvoir continuer à enseigner le golf. Ce n’est que lorsque l’argent a fait défaut parce qu’ils ne pouvaient avoir de commanditaires qu’ils ont cessé d’exploiter l’entreprise.
[5] Dans leur argumentation écrite, les appelants ont avancé ce qui suit :
[TRADUCTION]
Ainsi, l’agente de révision a repris en ses propres termes une partie de la décision Landry (Landry v. The Queen, 94 DTC 6624) pour justifier son avis selon lequel l’entreprise des coappelants n’était pas une entreprise, mais elle a omis précisément la partie de cette décision qui s’applique en tout point à la présente affaire, où les savants juges ont conclu, qu'il fallait tenir compte du facteur suivant :
le temps requis pour rentabiliser une activité de ce genre, la présence des ingrédients nécessaires à la réalisation éventuelle de profits.
[6] Dans Oleg Feldgajer v. R. [1996] 1 C.T.C. 2263, une cause qui ressemble à bien des égards à la présente affaire, le juge Bowman de cette Cour a dit ce qui suit :
[TRADUCTION]
Rien n'indique que les dépenses n’ont pas été engagées ou qu’elles n’étaient pas raisonnables. L’expression “ frais personnels ou de subsistance ” définie à l’article 248 ne s’applique pas aux dépenses engagées en l'espèce. L’appelant exploite une entreprise commerciale en vue de réaliser un profit depuis 1986, année où il a lancé l'entreprise de prestation de services d’expert conseil. Durant les années faisant l’objet de l’appel, l'appelant a consacré du temps à la recherche de contacts et de clients. Le fait que l'appelant fût encore à la recherche d’investisseurs ne signifiait pas qu’il n’y avait pas d’entreprise ni d’expectative raisonnable de profit. Les revenus que l’appelant a en fait gagnés ne peuvent être décrits que comme des revenus tirés d’une entreprise.
[7] Les appelants ont dit que :
[TRADUCTION]
Les conclusions du juge Bowman dans Feldgajer sont si pertinentes en l'espèce que nous les reproduisons ci-dessous avec certaines modifications qui nous semblent opportunes :
Il est clair que nous avons ici (une golfeuse) brillant(e) qui s’est lancé(e) dans une entreprise qui comportait certains risques puisqu’elle est à la fine pointe (du sport professionnel). Il est regrettable qu’une tentative pour mener à bien une entreprise qui se situe dans un domaine de pointe (du sport professionnel) et qui n’est par nature ni frivole ni intrinsèquement inapte à produire un profit soit découragée par le ministère du Revenu national simplement parce qu’elle ne génère aucun profit la première année. On ne peut s’attendre que tous ceux qui lancent une entreprise s’en tirent bien tout de suite.
[8] En outre, dans Freud v. M.N.R., [1969] R.C.S. 75, une affaire qui ressemble à la présente espèce puisque la décision porte sur le golf professionnel, un domaine où les revenus d'un athlète deviennent très substantiels durant une courte période de sa vie professionnelle, le juge Pigeon a dit ce qui suit :
[TRADUCTION]
Par équité envers le contribuable, nous avons l’obligation de prendre bien soin d’éviter de permettre que les profits soient imposés comme un revenu et que les pertes soient traitées comme des éléments imputables au capital et, par conséquent, non déductibles du revenu, alors que la situation est essentiellement la même.
[9] Pour les motifs susmentionnés, les appels sont admis sans frais et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations.
Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de novembre 1999.
“ J.A. Brulé ”
J.C.C.I.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 2000.
Erich Klein, réviseur