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Date: 19981222

Dossier: 97-1060-IT-G

ENTRE :

HUSKY OIL LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance, interjeté sous le régime de la procédure générale, a été entendu à Calgary (Alberta) les 7, 8 et 9 décembre 1998. L'appelante a interjeté appel d'une cotisation établie pour l'année d'imposition 1987. Au début de l'audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits qui énonce les faits généraux et les questions en litige. Il est libellé dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

Les parties admettent les faits suivants, mais ces admissions ne sont faites qu'aux fins de l'appel en l'instance et ne pourront être utilisées par quiconque contre l'une ou l'autre partie à quelque autre occasion que ce soit.

Voici une liste des abréviations utilisées dans le présent document :

HOOL Husky Oil Operations Ltd.

HOML Husky Oil Marketing Ltd.

BVI Bow Valley Industries Ltd.

BVRS Bow Valley Resource Services Ltd.

BVHODLP Bow Valley Husky Offshore Drilling Limited Partnership

BVHODL Bow Valley Husky Offshore Drilling Ltd.

Bermuda Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd.

BVHOHL Bow Valley Husky Offshore Holdings Ltd.

PEN Programme énergétique national

PESP Programme d'encouragement du secteur pétrolier

SEE Société pour l'expansion des exportations

Maersk The Maersk Company (Canada) Ltd.

Texaco Texaco Canada Limitée

FAITS

Pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelante était une société résidant au Canada aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”).

En 1980, l'appelante était une société publique. Son principal actionnaire (dans une proportion de 68 p. 100 environ) était Nova Corporation of Alberta.

En 1980, l'appelante détenait la totalité des actions émises et en circulation de Husky Oil Operations Ltd. (“ HOOL ”) et de Husky Oil Marketing Ltd. (“ HOLM ”).

HOOL exploitait une entreprise d'exploration et d'exploitation pétrolière et gazière au Canada.

Bow Valley Industries Ltd. (“ BVI ”) et Bow Valley Resource Services Ltd. (“ BVRS ”) étaient des sociétés publiques. BVI détenait 78 p. 100 des actions émises et en circulation de BVRS.

Au mois d'octobre 1980, le gouvernement canadien a annoncé la mise sur pied du Programme énergétique national (“ PEN ”). Le PEN avait notamment pour objet d'encourager les compagnies sous contrôle canadien à effectuer des travaux d'exploration dans les régions pionnières du Canada.

Le PEN avait notamment pour composantes l'impôt sur les revenus pétroliers (“ IRP ”) et le Programme d'encouragement du secteur pétrolier (“ PESP ”).

En 1981, Bob Blair, président du conseil de l'appelante, et Doc Seaman, président et directeur général de BVI et administrateur de BVRS, ont entamé des discussions et fait le nécessaire pour que l'appelante, HOOL, BVI et BVRS participent à un programme d'acquisition foncière et de forage au large de la côte est ( le “ groupe Husky ” désigne les sociétés contrôlées par le groupe de sociétés de M. Blair et le “ groupe Bow Valley ” désigne les sociétés contrôlées par le groupe de sociétés de M. Seaman). Les sociétés ont agi ainsi pour tirer profit des paiements offerts dans le cadre du PESP sous le régime du PEN, entre autres motivations importantes.

Pendant toutes les périodes pertinentes, les sociétés faisant partie du groupe Husky n'étaient pas du tout liées aux sociétés du groupe Bow Valley, ni n'avaient de lien de dépendance avec elles.

L'objectif stratégique général était d’établir une position foncière forte au large de la côte est et d'y entreprendre des travaux de forage tout en profitant des avantages du PESP. Une partie de la stratégie consistait à faire construire des navires de forage en mer et des navires de ravitaillement. Finalement, deux navires de forage ont été construits et exploités, le Bow Drill 2 et le Bow Drill 3.

L'un des deux navires de forage, le Bow Drill 2, a été construit en Norvège. Il appartenait à la Bow Valley Husky Offshore Drilling Limited Partnership (“ BVHODLP ”), une société en commandite. HOML et BVRS étaient les commanditaires (34,965 p. 100 et 64,935 p. 100 respectivement), et Bow Valley Husky Offshore Drilling Ltd. (“ BVHODL ”) était le commandité (0,1 p. 100). Les actions de BVHODL étaient détenues par HOML (35 p. 100) et BVRS (65 p. 100). La structure du capital social du Bow Drill 2 est illustrée à la pièce A.

Le deuxième navire de forage, le Bow Drill 3, a été construit au Canada aux termes d'une entente conclue en octobre 1981 entre BVRS et la Saint John Shipbuilding and Dry Dock Co. (le “ contrat de construction ”).

En octobre 1981, BVRS a conclu avec HOOL et BVI des contrats de forage distincts aux termes desquels HOOL et BVI se sont engagés à utiliser le Bow Drill 3 pendant des périodes totalisant quatre années à compter de la date de livraison du Bow Drill 3 (les “ contrats de forage ”).

Le Bow Drill 3 a été livré en mars 1984.

HOOL et BVRS ont cherché à obtenir un financement pour la construction du Bow Drill 3 auprès de la Société pour l'expansion des exportations (“ SEE ”), une société d'État créée sous le régime de la Loi sur l'expansion des exportations.

Pour obtenir un financement de la SEE, il fallait que le navire de forage construit avec les fonds empruntés à la SEE soit exporté du Canada.

Pour satisfaire à la condition d’exportation posée par la SEE, Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. (“ Bermuda ”) a été constituée aux Bermudes en décembre 1981 en vue d'être propriétaire du Bow Drill 3 et d'obtenir le prêt de la SEE. Bermuda était détenue à 100 p. 100 par la Bow Valley Husky Offshore Holdings Ltd. (“ BVHOHL ”), une société canadienne. Pour des raisons qui ne sont pas claires aujourd'hui, MM. Seaman et Blair ont déterminé que le groupe Bow Valley détiendrait 65 p. 100 des actions avec droit de vote de la BVHOHL et le groupe Husky, 35 p. 100. La structure du capital social est décrite à la pièce B.

Bermuda résidait au Canada aux fins de la Loi et, en conséquence, elle a produit une déclaration de revenus canadienne.

Bermuda avait la propriété en common law et la propriété effective du Bow Drill 3.

Le contrat de construction et les contrats de forage ont été cédés à Bermuda.

Par un contrat daté du 30 décembre 1981, la SEE a prêté à Bermuda le montant de 120 000 000 $ (US) pour financer la construction du Bow Drill 3 (le “ prêt de la SEE ”). Le prêt de la SEE finançait 80 p. 100 du coût de la construction; le solde de 20 p. 100 a été financé par des prêts de HOOL et de BVRS dans une proportion de 35 p. 100 et de 65 p. 100 respectivement.

Les principales sources de revenus utilisées par Bermuda pour payer les intérêts et rembourser le principal du prêt de la SEE étaient les contrats de forage. Sous le régime du PEN, HOOL et BVI se voyaient rembourser, sous forme de paiements faits en vertu du PESP par le gouvernement canadien, approximativement 80 p. 100 des coûts des contrats de forage.

Entre autres garanties, la SEE a obtenu de HOOL et de BVRS qu'elles se portent cautions “ solidairement ” du remboursement du montant dû par Bermuda à la SEE, dans une proportion de 35 p. 100 et de 65 p. 100 respectivement (la “ garantie directe ”).

L'appelante a garanti à la SEE l'exécution par HOOL de ses obligations aux termes de la garantie directe.

En outre, l'appelante et BVI ont chacune accordé à la SEE des garanties d’utilisation ferme (les “ garanties d’utilisation ”), aux termes desquelles l'appelante et BVI avaient des obligations égales. Les garanties d’utilisation étaient fonction du nombre de jours où HOOL ou BVI étaient tenues, en vertu des contrats de forage, d'utiliser le Bow Drill 3.

En septembre 1984, les libéraux, qui avaient institué le PEN, ont perdu le pouvoir au profit des progressistes-conservateurs. En mars 1985, le gouvernement canadien a annoncé un plan visant à mettre fin au PEN et, par le fait même, au PESP, sous réserve de mesures transitoires s'étalant jusqu'au 1er mars 1986.

Vers 1985-1986, le secteur de l'exploration pétrolière et gazière a subi un déclin remarquable à l’échelle mondiale. Au début de l'année 1986, l'appelante a commencé à s'inquiéter des risques financiers élevés qu'elle courait du fait des engagements qu'elle et HOOL avaient pris relativement au Bow Drill 3. Ces risques étaient d'autant plus sérieux que BVRS éprouvait des difficultés financières en raison de la baisse considérable de ses activités de forage à contrat.

Du début de l'année 1986 à la fin du mois de septembre 1988, l'appelante a déployé des efforts concertés pour restreindre ses engagements financiers relativement au Bow Drill 3. Plus particulièrement :

le groupe Husky a envisagé la possibilité de répudier la structure de société qu'elle-même et le groupe Bow Valley avaient établie pour être propriétaire de Bow Drill 3 et l'exploiter;

le groupe Husky a sérieusement examiné la possibilité de répudier les différentes garanties accordées à la SEE;

la principale concession que le groupe Husky a obtenue au cours de cette période a été l’engagement du groupe Bow Valley de garder les revenus du Bow Drill 3 dans Bermuda et BVHOHL et de ne pas utiliser les revenus disponibles pour rembourser les prêts des actionnaires.

Avant le 14 octobre 1988, le groupe Husky avait tenté à plusieurs reprises d'obtenir la permission de la SEE de transférer le Bow Drill 3 à une société de personnes, mais la SEE avait toujours refusé pour le motif qu'un tel transfert risquait de miner la validité de son prêt.

Pendant toutes les périodes pertinentes avant le 14 octobre 1988 :

le groupe Bow Valley, et non le groupe Husky, avait le contrôle et de droit et de fait de Bermuda et de BVHOHL;

Bermuda était propriétaire en common law et propriétaire effectif du Bow Drill 3, sous réserve des garanties fixées de la SEE;

le groupe Husky n'avait aucun droit en common law ni aucun droit bénéficiaire ou en equity sur le Bow Drill 3, si ce n'est à titre d'actionnaire minoritaire de BVHOHL.

Le 15 septembre 1988, Bermuda n’a pas fait le paiement requis sur le prêt de la SEE.

Le groupe Husky ignorait quelle allait être la réaction de la SEE à la suite de ce défaut. Les possibilités étaient notamment les suivantes :

la SEE pouvait faire jouer les diverses garanties données par Husky;

la SEE pouvait saisir et mettre en vente le Bow Drill 3;

la SEE pouvait consentir à la vente du Bow Drill 3 par Bermuda;

le groupe Husky pouvait racheter la créance de la SEE.

Avant le 14 octobre 1988, la SEE a envisagé toutes les possibilités énumérées au paragraphe 33 et, de fait, le 14 octobre 1988, elle a consenti à la vente du Bow Drill 3 par Bermuda à un groupe chinois.

En date du 6 octobre 1988, les documents suivants ont été signés :

un contrat de société par lequel l'appelante, Bermuda et 384830 Alberta Inc. (une société détenue à 100 p. 100 par BVRS) ont convenu de former une société de personnes appelée la Bow Drill 3 Partnership (la “ société ”), dotée des apports suivants :

le Bow Drill 3, apporté par Bermuda;

360 000 $ de biens pétroliers et gaziers apportés par l'appelante;

10 $ fournis par 384830;

une entente entre Texaco et la société pour les services du Bow Drill 3.

En date du 14 octobre 1988, les documents suivants ont été signés :

une convention d'option d'achat du Bow Drill 3, la société étant le donneur d'option et Maersk, une société canadienne non liée, l'optant;

un contrat de cession entre la société, Texaco et Maersk portant sur la cession du contrat de forage à Maersk si cette dernière achetait le Bow Drill 3;

une convention entre l'appelante et la SEE aux termes de laquelle l'appelante achetait 34 497 889 $ US la créance de 35 329 053 $ de la SEE sur Bermuda.

En date du 15 octobre 1988, la société a signé des documents avec 384830 en vue d'exploiter le Bow Drill 3 conformément au contrat de forage conclu avec Texaco.

En date du 18 octobre 1988 :

Bermuda a signé un document transférant le Bow Drill 3 à la société;

l'appelante a signé un document aux termes duquel elle transférait 360 000 $ de biens pétroliers et gaziers à la société.

En date du 21 novembre 1988, l'appelante a signé un document aux termes duquel elle acquérait la participation de Bermuda dans la société en paiement partiel du prêt de la SEE à Bermuda, payable à l'appelante.

En date du 1er décembre 1988, Maersk a signé un document par lequel elle exerçait son option d'acheter le Bow Drill 3, qu'elle a payé 30 300 000 $ (US).

Le 16 décembre 1988, l'appelante a acquis la créance de BVRS, à titre d’actionnaire, sur BVHOHL.

Le 21 décembre 1988, HOOL a acquis la participation de 384830 dans la société.

Au cours de son exercice se terminant le 31 décembre 1988, la société a tiré un bénéfice net de 3 895 $ de la vente de sa production pétrolière et gazière et un bénéfice net de 655 974 $ des activités de forage du Bow Drill 3, et elle a subi une perte autre qu'une perte en capital de 26 506 798 $ après avoir déduit la perte finale de 27 245 805 $ découlant de la vente du Bow Drill 3. Sur le montant de la perte autre qu'une perte en capital, 26 568 798 $ ont été attribués à l'appelante, et un montant positif de 61 247 $, à HOOL. L'appelante a reporté à l'année d'imposition 1987 19 475 768 $ de la perte autre qu'une perte en capital subie en 1988.

Dans un avis de nouvelle cotisation daté du 5 octobre 1995 relativement à l'année d'imposition 1987 de l'appelante (la “ nouvelle cotisation ”), le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) :

a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour ramener à zéro le montant de la perte autre qu'une perte en capital subie en 1988 qu'elle pouvait reporter à son année d'imposition 1987 en lui refusant sa part de la perte de 26 568 045 $ de la société;

a établi une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1987 à l'égard de l'appelante après avoir appliqué les pertes autres que des pertes en capital des années d'imposition 1989 et 1990 de l'appelante, comme celle-ci l'avait demandé, en tenant compte de ce qui suit :

la société n'avait pas l'intention de réaliser des profits et, partant, elle n'existait pas;

la société était un trompe-l'oeil;

la règle générale anti-évitement (la “ RGAÉ ”) prévue à l'article 245 de la Loi s'applique;

les dispositions d'entrée en vigueur de la RGAÉ (les “ règles relatives aux droits acquis ”) n’empêchent pas d’appliquer la RGAÉ.

Le 18 décembre 1995, l'appelante a déposé un avis d'opposition à la nouvelle cotisation dans la forme et le délai prescrits dans la Loi.

L'appelante a interjeté appel à la Cour de l'impôt, conformément à l'article 165 de la Loi, dans un avis d'appel daté du 26 mars 1997, puisque plus de 90 jours s'étaient écoulés depuis la signification de l'avis d'opposition sans que le ministre ait avisé l'appelante s'il avait annulé ou ratifié la cotisation ou établi une nouvelle cotisation.

[...]

PIÈCE A

PIÈCE B

[2] Il est à signaler que, au début de l'audition, l'avocat de l'intimée a admis que la société décrite au paragraphe 35 existait en droit. À la fin du témoignage principal de M. Miller, l'avocat de l'intimée a fait les admissions et les résumés suivants :

La société en cause était en tout temps une société aux fins de l'article 96 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

L'intimée n'invoquerait pas le critère de common law de l'attente raisonnable de profit énoncé dans l'arrêt Moldowan.

L'intimée n'invoquerait aucune exigence relative à la source du revenu découlant du paragraphe 9(2) ou de l'article 96 de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de l'alinéa 1102(1)c) du Règlement.

Par conséquent, les questions qui demeurent en litige dans l'appel en l'instance sont les suivantes :

le trompe-l'oeil;

la RGAÉ;

Si la RGAÉ ne s'applique pas en raison des dispositions transitoires qui accompagnent son entrée en vigueur, les paragraphes 245(1) et 55(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année en question.

[3] Au cours de l'interrogatoire préalable par l'appelante du fonctionnaire travaillant pour l'intimée, J.S. Lawless, à la page 63, lignes 20 à 23 inclusivement, l'admission suivante a été faite :

[TRADUCTION]

Alors, lorsque vous avez établi cette nouvelle cotisation, avez-vous considéré que ce que je vais appeler l'ancien paragraphe 245(1) en était le fondement?

Non.

[4] L'appelante (“ HOL ”) a fait témoigner William R. Miller, c.a., qui a pris sa retraite en 1994 après avoir travaillé pour HOL pendant dix ans comme vice-président responsable des finances. Tout au long de son témoignage, M. Miller a été crédible. HOL est une compagnie pétrolière intégrée qui, pendant toutes les périodes pertinentes, exploitait une entreprise d'exploration, de production, de mise en marché, de raffinage, de réfraction et de distribution de pétrole, de gaz et d'hydrocarbures.

[5] Pour être compétitives sur le plan international, les compagnies pétrolières qui survivent doivent tirer profit des programmes pétroliers, de construction navale, de construction de plates-formes et de financement qu'offrent les divers pays. Pour ce faire, ces compagnies, dont HOL, concluent des ententes et des contrats de garantie et fonctionnent par l'intermédiaire de sociétés de personnes, de filiales à 100 p. 100 ou en propriété partielle dans différents pays du monde. Dans la présente affaire, c'est ce que HOL a fait. C'est ainsi qu'elle mène ses activités, toutes dans un but lucratif et dans l'attente raisonnable de réaliser un profit. Chaque activité doit être exploitée de façon optimale pour que HOL puisse rivaliser avec les autres compagnies et réaliser des profits.

[6] Une fois que HOL et BVI ont lancé leur entreprise extracôtière sous le régime du PEN, elles ont réalisé qu'elles seraient peut-être admissibles à des octrois de superficies au large des côtes directement du gouvernement du Canada. À ce moment-là, elles effectuaient des travaux de forage en vertu de contrats d'affermage conclus avec Mobil de façon à être admissibles à un pourcentage du pétrole découvert sur la superficie extracôtière octroyée à Mobil. Pour accroître leurs chances d'obtenir des octrois directs de superficies, elles ont construit le Bow Drill 3 et deux navires ravitailleurs au Canada.

[7] Le Bow Drill 3 a été construit au Canada à la demande du gouvernement canadien en dépit du fait qu'il était inférieur au Bow Drill 2. Le Bow Drill 2 a) avait été construit en Norvège, b) avait coûté 20 p. 100 moins cher que le Bow Drill 3 et c) sa construction avait été financée par l’État norvégien au moyen d'un programme d'encouragement, à un taux d'intérêt annuel d’environ 4 p. 100 inférieur à celui de la SEE pour le Bow Drill 3, au Canada. Le Bow Drill 3 avait aussi donné lieu à des dépassements de budget qui avaient nécessité des apports de fonds supplémentaires de HOL et BVI.

[8] Le Bow Drill 3 devait être la propriété d'une société étrangère pour que la SEE accorde son financement. Bermuda était cette société étrangère; elle était la propriété de BVHOHL. BVHOHL, société elle-même contrôlée par le groupe Bow Valley, qui en détenait 65 p. 100 des actions. La filiale de HOL, HOOL, était actionnaire minoritaire, détenant 35 p. 100 des actions. Cette structure de société permettait à Bermuda de verser des dividendes en franchise d’impôt.

[9] Le remboursement du prêt de la SEE pour la construction du Bow Drill 3 était garanti par HOL et par BVI et BVRS. On s'attendait à ce que le prix du baril de pétrole atteigne 100 $ lorsque la construction du Bow Drill 3 avait commencé. Or, en 1986, il est passé de 20 $ à moins de 10 $. Tout le programme extracôtier est devenu non rentable. Le prix des plates-formes de forage et des navires ravitailleurs a chuté brutalement. Les contrats de forage en mer étaient renouvelés à des prix beaucoup plus bas. Les subventions sous le régime du PESP ont pris fin en mars 1986.

[10] Ces événements ont eu un certain nombre de conséquences pour HOL qui, en 1986, a parfaitement réalisé que :

la garantie qu'elle avait accordée à la SEE relativement au prêt de cette dernière pour la construction du Bow Drill 3 était supérieure à la valeur de la participation de HOOL dans Bermuda, ce qui était grave car, au mois de juin 1986, il était clair que BVRS se trouvait au bord de l'insolvabilité. En outre, les garanties données par BVRS et BVI à la SEE étaient limitées, alors que celle de HOL ne l'était pas.

Il fallait mener à bien le contrat d'affermage avec Mobil pour obtenir la quote-part prévue dans la production tirée de la superficie en question. Les contrats de forage lucratifs du Bow Drill 3 expiraient en juillet 1988.

Une fois ces contrats expirés, Bermuda serait incapable de faire les paiements à la SEE. En fait, le premier défaut de paiement est survenu le 15 septembre 1988. La SEE avait alors le droit de déclarer l’emprunteur en défaut, mais elle ne l'a pas fait. Une date d'expiration prévue dans le contrat de prêt de la SEE, à savoir que les contrats de forage étaient terminés, était déjà survenue, et la SEE n'avait rien fait à cet égard.

HOOL était propriétaire de 35 p. 100 seulement de Bermuda et elle ne pouvait décider ni de ses activités, ni de la gestion de sa trésorerie.

[11] Cela étant, HOL :

a tenté d’obtenir une prolongation du financement accordé par la SEE (17 juillet 1986, pièce A-2, onglet 88);

a demandé à ses procureurs de préparer une poursuite en dommages-intérêts contre le gouvernement fédéral du fait de l'annulation du PESP et de ses effets sur HOL (31 juillet 1986, pièce A-4, onglet 94);

a tenté de négocier avec BVRS l’obtention d’un titre libre sur le Bow Drill 3 en offrant de régler sa participation de 35 p. 100 (8 août 1986, pièce A-1, onglet 11, et 14 août 1986, pièce A-1, onglet 9);

a vendu avec BVRS le Bow Drill 2 à une société de la République de Chine à l'automne de 1986 (pièce A-1, onglet 15). Par la suite, BVRS a tenté de vendre le Bow Drill 3 à Nanhai West Oil Corporation, une société de la République de Chine que les parties ont à l'occasion appelée les “ Chinois ”. HOL a donné son consentement à ces tentatives de BVRS;

a entamé des négociations avec la SEE pour transférer le Bow Drill 3 à une société de personnes en contrepartie du montant du prêt de la SEE de façon que les associés puissent appliquer la déduction pour amortissement en réduction de leurs obligations (12 août 1986, pièce A-2, onglet 96). Ces négociations ont finalement échoué;

a préparé une entente entre HOOL et BVRS afin que l'argent provenant des activités de forage de Bermuda reste disponible pour servir les intérêts du prêt de la SEE (5 septembre 1986, pièce A-2, onglet 100);

a réévalué sa position fiscale et envisagé le recours à une société de personnes relativement à sa participation de 35 p. 100 (7 février 1987, pièce R-2, A117);

a acquis la créance de HOOL sur BVHOHL relativement à Bermuda le 14 avril 1988, dans un document produit sous la cote A-3, onglet 143;

a offert de verser à la SEE 2,9 millions de dollars et de céder sa participation de 35 p. 100 pour être libérée de sa garantie (7 octobre 1988, pièce A-4, onglet 191).

[12] Au milieu de l'année 1988, la faillite de BVRS est devenue probable et la SEE a dû tenir compte de la publicité qui en résulterait. Le 3 juin 1986, HOL avait obtenu l'opinion d'un avocat selon laquelle elle ne serait peut-être pas tenue d’honorer sa garantie envers la SEE (pièce A-2, onglet 77). Cependant, il était certain que des actions en justice coûteuses concernant cette opinion s'ensuivraient, et HOL risquait d'être tenue responsable de toute façon. C'est à la lumière de ces éléments que le défaut de Bermuda de faire à la SEE le versement prévu le 15 septembre 1988 est remarquable. Le paragraphe 32 de l'exposé conjoint des faits est incorrect sur le plan de la forme. Bermuda n’a pas payé la SEE le 15 septembre 1988 parce qu'elle n'avait pas les moyens d'effectuer le paiement. Les garants n'ont pas effectué le paiement non plus. Toutefois, aux termes du contrat, la SEE devait mettre Bermuda en défaut. Or, elle ne l'a jamais fait, bien qu'elle ait eu la possibilité de le faire n'importe quand après le 15 septembre 1988.

[13] Le 26 septembre 1988, HOL a offert d'acheter à rabais à la SEE sa créance sur Bermuda pour le Bow Drill 3, “ sous réserve d'un contrat satisfaisant [ ... ] avec [ ... ] (Maersk en fin de compte) ” (26 septembre 1988, pièce A-3, onglet 165). L'offre a été acceptée le 27 septembre 1988 (pièce A-3, onglet 167). Après un processus public d'appel d'offres, Texaco a conclu, le 27 septembre 1988, une entente aux termes de laquelle elle devait effectuer des travaux de forage avec le Bow Drill 3 (pièce A-3, onglet 168). Le même jour, Maersk a convenu de fournir les services de forage (pièce A-3, onglet 169). HOL et Maersk ont commencé à négocier les modalités de la vente du Bow Drill 3 à la fin du mois de septembre 1988 (pièce A-3, onglets 170 et 171 et pièce A-4, onglet 173).

[14] La pièce A-7, datée du 26 septembre 1988, est la note de service du personnel de la SEE à son conseil d'administration concernant la vente de la créance à HOL. À la page 9, cette note expose les motifs de HOL à cet égard, selon l’analyse faite par le personnel de la SEE :

[TRADUCTION]

Nous supposons que la décision de Husky de présenter l'offre est motivée principalement par son désir a) de réduire ses obligations financières potentielles envers la SEE, b) de garantir son accès à une plate-forme dont elle est satisfaite pour achever ses programmes de forage, c) d'avoir accès à d’importants éléments fiscaux potentiels (pour des pertes et des reports de pertes) dont seule Bermuda a pu se prévaloir jusqu'à présent, et d) de tirer parti de son évaluation positive de la valeur marchande de la plate-forme à moyen terme.

M. Miller a déclaré qu'il ne se rappelle pas avoir mentionné le motif énoncé en “ d) ” du passage reproduit. Il a déclaré que HOL voulait simplement se retirer du forage en mer en minimisant ses pertes. Lorsque la SEE a accepté de vendre sa créance à HOL, la condition relative aux activités en mer sur laquelle la SEE avait insisté a pris fin.

[15] Le 3 octobre 1988, HOL a proposé, et BVRS a accepté, une série de mesures qui ont plus ou moins donné lieu à la documentation dans la présente affaire (pièce A-4, onglet 175). À l'époque, la vente du Bow Drill 3 aux Chinois demeurait une possibilité, tout comme la vente d'une option à Maersk. La lettre du 3 octobre faisait suite à deux ans de difficultés financières et de tensions entre BVRS et HOL en raison de la détérioration de leur situation. La lettre d'entente entre les parties datée du 3 octobre 1998 est le résultat de ces difficultés et de négociations qui se sont étalées sur deux ans. En voici les termes :

[TRADUCTION]

Husky Oil

707, 8e avenue S.O. William R. Miller, c.a.

Case postale 6525, succursale D Vice-président

Calgary (Alberta), Canada Husky Oil Ltd.

T2P 3G7 (403) 298-7354

3 octobre 1988

Bow Valley Resource Services Ltd.

1600, 321 – 6e avenue S.O.

Calgary (Alberta)

T2P 3R3

À l'attention de M. K.E. Myers

Vice-président, Finances

Objet : Bow Drill 3 (la “ plate-forme ”)

Monsieur,

Compte tenu de la situation actuelle concernant le prêt (le “ prêt ”) consenti à Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. (“ Bermuda ”) par la Société pour l'expansion des exportations (la “ SEE ”), nous soumettons à votre examen les mesures suivantes. La participation de Husky Oil Ltd. (“ HOL ”) et de ses sociétés affiliées est subordonnée à l'acceptation inconditionnelle par la SEE de l'offre d'achat du prêt que lui a faite HOL (ce qui inclut toutes les garanties consenties à cet égard) et à l’établissement d'un contrat satisfaisant entre la société de personnes, définie ci-dessous, et une compagnie appartenant au groupe de A. P. Moller (“ Maersk ”), concernant la plate-forme. Ci-après, l'expression “ prêt de la SEE ” désigne le prêt acquis par HOL ou par l'une ou l'autre de ses sociétés affiliées.

La participation de Bow Valley Resource Services Ltd. (“ BVRS ”) est subordonnée à un avis écrit de HOL informant BVRS que les conditions susmentionnées ont été respectées sans réserve. Si BVRS se conforme à la proposition et aux points énoncés sous la rubrique “ Autres points ” ci-après ou fait en sorte que la proposition et ces points soient observés, HOL libérera BVRS de toute obligation relative au prêt de la SEE et à la garantie s'y rapportant.

Proposition

1.                     La Bow Drill 3 Partnership (la “ nouvelle société ”) sera formée sous le régime des lois de l'Alberta par Bermuda, HOL et Bow Valley Offshore Drilling Ltd. (“ BVOD ”) ou toute autre compagnie du groupe BVRS désignée par BVRS (cette compagnie sera appelée ci-après le “ gérant ”). Le contrat de société contiendra les modalités décrites plus en détail ci-après.

2.                     BVRS cédera sa créance sur B.V.H. Offshore Holdings Ltd. (“ BVHOH ”) à HOL en contrepartie de 1 $ et, simultanément, BVRS sera libérée de sa garantie relativement au remboursement du prêt de la SEE à Bermuda. BVRS garantit par les présentes que cette créance sera libre de toute charge au moment de la transaction, laquelle sera conclue immédiatement après la conclusion de la vente résultant de l'exercice de l'une ou l'autre option prévue dans le contrat d'option conclu entre la nouvelle société et Maersk en date du 4 octobre 1988, ou vers cette date (le “ contrat d'option ”), ou le 16 décembre 1988, selon la première éventualité à se produire. HOL n'exigera aucun paiement de BVRS aux termes de sa garantie jusqu’à ce qu’elle soit libérée de celle-ci, à moins que BVRS ne respecte pas les obligations prévues dans la présente lettre.

3.                     HOL lèvera l'hypothèque grevant la plate-forme qui a été consentie pour garantir le remboursement du prêt de la SEE, laquelle hypothèque sera remplacée par une charge grevant la participation acquise par Bermuda dans la nouvelle société.

4.                     L'apport de Bermuda à la nouvelle société sera la plate-forme, libre de la garantie relative au prêt ou au prêt de la SEE. La participation de Bermuda dans la nouvelle société sera donnée en gage à HOL à titre de garantie du remboursement du prêt de la SEE. Au gré de HOL, la nouvelle société garantira le remboursement du prêt de la SEE à Bermuda et consentira une hypothèque sur la plate-forme à titre de garantie additionnelle.

5.                     Au choix de HOL, choix qui devra être exercé au plus tard le 31 décembre 1988, Bermuda transférera sa participation dans la nouvelle société à HOL en contrepartie de 31,7 millions de dollars US (la “ contrepartie ”). Le paiement de la contrepartie peut être effectué par réduction du montant dû par Bermuda à HOL relativement au prêt de la SEE.

6.                     Le 31 décembre 1988 au plus tard, HOL ou l'une de ses sociétés affiliées pourra, au gré de HOL, acquérir la participation du gérant dans la nouvelle société en contrepartie d'un montant égal à une estimation déterminée à l'avance de la juste valeur marchande de cette participation.

7.                     BVRS conviendra de produire les déclarations de revenus pour 1987 et 1988 de Bermuda et de produire de nouveau des déclarations de revenus pour les années antérieures à l'année d'imposition 1987, ainsi qu'il sera déterminé par HOL.

Modalités relatives à la société

Les modalités de l'entente régissant la nouvelle société sont notamment les suivantes :

1.                     Le gérant aura droit à une part prioritaire des bénéfices de la nouvelle société relativement à des services de gestion à convenir.

2.                     Le gérant aura droit à 1 p. 100 des bénéfices d'exploitation de la nouvelle société en sus de la part prioritaire mentionnée au paragraphe 1.

3.                     Le gérant aura droit à 2 p. 100 de tout gain constaté à des fins comptables par la nouvelle société lors de la disposition de biens appartenant à la nouvelle société.

4.                     Toutes les attributions requises par la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) seront faites aux personnes qui seront des associés à la fin de l'exercice de la nouvelle société (31 décembre); cependant, les pertes nettes, le cas échéant, de l'exercice seront portées au compte de l'associé majoritaire.

5.                     Après la distribution de la part prioritaire des bénéfices qui doit avoir lieu tous les mois, les autres distributions de la nouvelle société se feront au prorata des comptes de capital des associés au moment de la distribution.

6.                     Les droits de vote concernant les activités de la société seront attribués dans les proportions suivantes : 20 p. 100 au gérant, 5 p. 100 à HOL et 75 p. 100 à Bermuda, l'associé financier.

Autres points

Les parties aux présentes conviennent également de ce qui suit, sous réserve des conditions énoncées dans le premier paragraphe de la présente lettre.

1.                     HOL avancera les fonds nécessaires à Bermuda pour qu'elle puisse s'acquitter de ses obligations, après avoir utilisé les ressources de trésorerie existantes et les rentrées d'exploitation, ainsi qu'il est énoncé ci-dessous :

a)                    le coût de remplacement des anodes dans la plate-forme, subi par Bermuda et estimé à environ 400 000 $, et tout autre point semblable exigé par HOL;

b)                    les coûts raisonnables et habituels liés à l'entreposage de la plate-forme du 14 août 1988 au début de la période suivante d’utilisation de la plate-forme;

c)                    au plus tard le 31 octobre 1988, Bermuda achètera 500 000 $ US à Bow Valley Husky Offshore Drilling Limited Partnership (“ BVHOD ”) la tige de forage de 5 " (la “ tige ”) dont celle-ci est actuellement propriétaire et obtiendra un titre libre de toute charge sur cette tige. En outre, le 31 octobre 1988 au plus tard, Bermuda achètera à BVHOD le matériel suivant, qu'elle payera 160 000 $ US au moment de l'achat :

Matériel d'obturation Vetco et bâtis

Colonne de forage de qualité industrielle (30 raccords)

Commande acoustique du bloc obturateur

d)                    Bermuda payera à Bow Valley Offshore Drilling Limited Partnership (“ BVODLP ”) ou lui remboursera les frais de cessation d'emploi des employés de BVODLP ayant pris part à l'administration et aux activités de la plate-forme, à condition que, si un employé a pris part à l'administration et aux activités de plates-formes autres que la plate-forme ou à d'autres activités, ces frais soient raisonnablement réduits en conséquence;

à titre de commandité de BVODLP, BVOD fixera les montants de cessation d'emploi (y compris pour le counseling en replacement) et autres frais de cessation d'emploi applicables des employés de BVODLP; toutefois, BVRS convient que ces montants de cessation d'emploi doivent être raisonnables dans les circonstances;

BVOD avisera Bermuda du montant des frais en question et Bermuda payera ces montants sans tarder aux employés ou à BVODLP au moment où ce paiement devra être fait aux employés.

ces frais sont présentement estimés à 925 000 $, et HOL fournira une lettre de crédit de soutien irrévocable en faveur de Bermuda pour ce montant;

e)                    Bermuda remboursera sans tarder à BVODLP 50 p. 100 des frais raisonnables (cette proportion est présentement estimée à 35 000 $) engagés pour fermer le bureau de Halifax, et 100 p. 100 des frais raisonnables (présentement estimés à 20 000 $) engagés pour fermer le bureau de St. John's de BVODLP, tel qu'il est plus précisément envisagé dans le contrat de gestion conclu par Bermuda et BVODLP le 27 mai 1983;

f)                     Bermuda remboursera à BVRS tous les frais juridiques raisonnables et nécessaires et les frais remboursables engagés par BVRS relativement à la vente potentielle de la plate-forme et aux autres opérations envisagées dans les présentes;

g)                    Bermuda engagera des frais de cessation des activités estimés à 250 000 $ jusqu'au 30 avril 1989.

2.                     Bermuda n'effectuera aucun paiement, y compris par anticipation, au titre du montant qu'elle doit à BVHOH ou à la SEE, à moins qu'il soit approuvé par le conseil d'administration de Bermuda.

3.                     BVRS coopérera pleinement ou fera en sorte que les filiales et les sociétés affiliées concernées, y compris BVOD et BVODLP, coopèrent pleinement avec la nouvelle société relativement à la vente possible de la plate-forme à Maersk ou à son prête-nom, ce qui consiste notamment à donner à Maersk et à ses représentants accès à toute l'information et la documentation nécessaires relativement à la plate-forme, à l'exception des dossiers du personnel et des dossiers financiers, avant la date de signature des contrats, à remettre cette documentation et toute autre documentation en la possession de BVOD ou de BVODLP requises à l'annexe A du contrat d'option à Maersk à la date de signature des contrats, à coopérer pleinement avec Maersk relativement au transfert de la propriété de la plate-forme et des responsabilités opérationnelles concernant la plate-forme au plus tard à la date de signature des contrats, à permettre à Maersk d'utiliser les guides d'exploitation et de procédures de BVOD ou de BVODLP pour la plate-forme pour une période maximale de 9 mois après la date de signature des contrats, et à permettre à Maersk de convenir de modalités en matière d'emploi avec le personnel de BVODLP.

4.                     BVRS fera tout son possible, dans les limites du raisonnable, pour fournir à HOL une version provisoire de tout communiqué de presse ou autre déclaration publique que BVRS entend faire relativement au Bow Drill 3, vingt-quatre (24) heures avant de publier le communiqué ou de faire la déclaration, de façon que HOL puisse apporter des commentaires raisonnables à cet égard et que BVRS et HOL soient toutes deux raisonnablement satisfaites de ces communiqués de presse ou autres déclarations publiques; BVRS et HOL reconnaissent l'obligation de BVRS de divulguer rapidement l’information requise en application des règlements sur les valeurs mobilières applicables. Ces obligations cesseront à la fermeture des bureaux le 16 décembre 1988.

5.                     BVRS et HOL élaboreront ensemble la réponse qu'il convient de donner à la Nanhai West Oil Corporation.

6.                     HOL et BVRS feront en sorte que Bermuda assume et respecte ses obligations décrites dans les présentes.

7.                     HOL s'engage à faire en sorte que la nouvelle société change de nom au plus tard le 31 décembre 1988.

Si vous êtes d'accord avec la présente lettre, veuillez la signer et la retourner à HOL à l'adresse susmentionnée, à l'attention de W. R. Miller, avant 17 h, heure de Calgary, le 3 octobre 1988.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués.

HUSKY OIL LTD.

W.R. Miller ”(signature)

Le vice-président

W.R. Miller

R.L. Phillips (signature)

Le vice-président

R.L. Phillips

WRM/hjm

Lu et approuvé :

Bow Valley Resource Services Ltd.

Kenneth E. Myers ” (signature)

Arnold F. Bathgate ” (signature)

(pièce A-4, onglet 175)

[16] Le 7 octobre 1988, HOL a informé la SEE qu'il ne “ serait pas satisfait ” à la condition “ Maersk ” incluse dans son offre d'achat de la créance de la SEE du 26 septembre 1988 et qu'elle n'achèterait pas cette créance (pièce A-4, onglet 189). Le même jour, HOL a également offert de vendre son droit sur le Bow Drill 3 à la SEE et de verser à cette dernière 2,9 millions de dollars si elle acceptait de la libérer des garanties consenties relativement au prêt (pièce A-4, onglet 191).

[17] Les notes du 10 octobre 1988 de M. Miller indiquaient qu’une entente avec Maersk pouvait ne pas être possible (pièce A-4, onglet 192). En outre, ses notes du 13 octobre 1988 faisaient mention de la “ vente aux Chinois ” (pièce A-4, onglet 196).

[18] Le 14 octobre 1988, BVRS a écrit à la SEE que :

a)                    la vente aux “ Chinois ” avait été approuvée par son conseil sous réserve du paiement des frais de la vente par la SEE ou une autre partie;

b)                    il était possible que le Bow Drill 3 reste sans personnel étant donné les frais continuels que Bermuda et BVODLP ne pouvaient pas payer.

Il s'agit là d'une lettre d’une société qui, de toute évidence, se trouve dans une situation financière désespérée (pièce A-5, onglet 198). Le même jour, HOL a écrit à BVRS pour confirmer qu'il avait été satisfait aux modalités de l'entente conclue entre elles le 3 octobre 1988. La lettre (pièce A-5, onglet 197) se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Objet : Bow Drill 3 (la “ plate-forme ”)

Pour faire suite à notre lettre d'entente du 3 octobre 1988 (la “ lettre ”), nous souhaitons vous informer que la Husky Oil Ltd. (“ HOL ”) et la Société pour l'expansion des exportations (la “ SEE ”) ont conclu une entente conformément à laquelle HOL achètera la créance de la SEE au titre de son prêt à Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. et les garanties liées. Également, un contrat satisfaisant a été conclu relativement au Bow Drill 3 entre la société et Maersk, chacune étant définie dans la lettre.

HOL avancera également des fonds à Bermuda de la manière décrite dans la lettre au premier paragraphe de la rubrique intitulée “ Autres points ”, pour permettre à Bermuda de rembourser à Bow Valley Resource Services Ltd. les rajustements rétroactifs d'environ 120 000 $ US des primes d'assurance payées antérieurement, lesquels rajustements sont maintenant dus par Bermuda relativement au Bow Drill 3.

[19] C'est dans ces circonstances que le contrat de société a été signé “ en date du 6 octobre 1988 ”. Il donnait suite à l'entente du 3 octobre 1988. Il s'agissait d'un contrat de société en nom collectif qui était enregistré sous le régime de la Partnership Act de l'Alberta. Il y avait trois associés : Bermuda a apporté le Bow Drill 3, HOL, les biens pétroliers et gaziers d'exploitation, et 384830, (qui était détenue à cent pour cent par BVRS), 10 $. Le contrat de société énonçait les droits de vote dans les proportions suivantes : Bermuda : 75 p. 100, 384830 : 20 p. 100 et HOL : 5 p. 100 (pièce A-4, onglet 187, par. 11.1).

[20] Le 6 octobre 1988, la société de personnes a loué le Bow Drill 3 à Texaco (pièce A-4, onglet 188) 57 500 $ par jour d'exploitation.

[21] M. Miller a déclaré dans son témoignage, et la Cour accepte son témoignage à cet égard comme un fait établi, que la société a été formée et la créance de la SEE rachetée par HOL parce que BVRS était sur le point d'être insolvable en 1987 et en 1988, du fait de l'annulation du PEN et du PESP par le gouvernement progressiste conservateur. Bermuda n’a pu effectuer ses paiements à la SEE le 15 septembre 1988, à la suite de quoi l'appelante a consenti à la vente du Bow Drill 3 aux “ Chinois ”, bien qu'elle ait estimé que la vente possible à Maersk serait plus rémunératrice. Cette vente n'a pas abouti.

[22] Avant le 14 octobre 1988, à la demande de HOL et de BVRS, Maersk (qui avait envoyé un groupe passer environ deux semaines à Calgary avant le 14 octobre) et les Chinois ont examiné le Bow Drill 3, mais ils n'ont pas offert un prix acceptable. La SEE était inquiète et (ce que personne d'autre ne savait) elle était prête à réduire sa créance de 4 millions de dollars. Certaines sociétés du groupe Bow Valley, soit faisaient face à une faillite imminente, soit étaient insolvables. HOL et BVRS étaient aux prises avec un gouvernement peu coopératif, avec un créancier garanti réticent, la SEE, et avec une situation économique peu reluisante pour ce qui était du forage en mer par le Bow Drill 3.

[23] L'avocat de l'intimée a évoqué l'absence de documents pour la période qui a précédé immédiatement le 14 octobre et il a donné à entendre que cette absence soulevait des questions sur les intérêts de Revenu Canada. La réponse, évidemment, est que BVRS était alors au bord de la faillite. Cette faillite aurait pour effet d'immobiliser le Bow Drill 3 pendant une période indéterminée, ce qui entraînerait des frais considérables pour HOL et une mince possibilité de les recouvrer. L'absence de document lorsqu'on repousse les créanciers en situation d'insolvabilité est un phénomène courant; elle s'explique donc dans les jours qui ont précédé le 14 octobre 1988. Il était dans l'intérêt et de BVRS et de HOL d'éviter une faillite parmi les sociétés du groupe Bow Valley. Il était également dans leur intérêt de maintenir les négociations avec les Chinois et Maersk. Elles étaient ainsi susceptibles d'obtenir un meilleur prix pour le Bow Drill 3 et de profiter de deux possibilités de vente. Il n'y a aucune preuve que les Chinois ont été renvoyés ou refusés. Les Chinois sont toujours demeurés dans le coup en tant qu'acheteurs possibles.

[24] C'est dans ces circonstances que les documents décrits aux paragraphes 36 et 37 de l'exposé conjoint des faits ont été signés. Plus particulièrement, le contrat d'option conclu entre la société et Maersk (pièce A-5, onglet 202) n'a pas été signé “ en date du ”. Il était plutôt daté comme suit : “ Entente conclue le 14 octobre 1988 ”. Dans le premier paragraphe, la société accorde à Maersk l'option d'acheter le Bow Drill 3 30,3 millions de dollars US, laquelle option expire le 1er décembre 1988. Le paragraphe 4 donne à la société le droit de forcer Maersk à acheter le Bow Drill 3 30,8 millions de dollars US au cours de la période de 7 jours suivant, en fait, le 1er décembre 1988. Ce deuxième droit donnait à la société une autre chance de solliciter les Chinois, si cela était nécessaire.

[25] Les autres documents décrits au paragraphe 36 mettent en cause des tiers, soit Texaco, Maersk et la SEE, qui sont toutes des sociétés publiques. Ils attestent les ententes conclues le 14 octobre 1988. Il en va de même de l'entente conclue avec Texaco et décrite à l'alinéa 35 b) et au paragraphe 37. Les ententes décrites au paragraphe 37 ne font que donner suite au contrat de société du 6 octobre 1988.

[26] Au cours de la plaidoirie, l'avocat de l'intimée a consacré un certain temps au fait que, le 20 septembre, BVRS et HOL étaient disposées à accepter 33 millions de dollars US de Maersk pour le Bow Drill 3, mais que, le 14 octobre, elles ont signé une option de 30,3 millions de dollars US avec Maersk. La différence de 2,7 millions de dollars s’expliquait à son avis par la période durant laquelle la société exploitait le Bow Drill 3. Cette thèse soulève un certain nombre de difficultés. La première est que l'intimée n'avait aucune preuve à cet effet et qu'il n'existe aucune preuve en ce sens. Selon le dossier, les représentants de Maersk sont restés à Calgary pendant deux semaines, avant que l'option soit signée, pour examiner l'achat possible. Ils ont probablement su que le paiement du 15 septembre 1988 n'avait pas été fait à la SEE. La situation financière des compagnies de BVRS était à ce point évidente qu'elle était sans doute de notoriété publique et facile à découvrir en deux semaines, à Calgary. Maersk a su qu'elle avait affaire à un vendeur aux abois. De ce fait, elle a négocié plus durement en vue d'obtenir un prix inférieur, ce qu'elle a réussi à avoir. Cette conclusion est confirmée par les événements du 7 octobre décrits au paragraphe [16], par les événements décrits au paragraphe [17] et par la lettre du 14 octobre de BVRS décrite au paragraphe [18]. La réduction a modifié l'entente du 3 octobre 1988 conclue par BVRS et HOL et elle a été confirmée par BVRS le 26 octobre 1988 (pièce A-5, onglet 220). Le 15 octobre 1988, pour ces mêmes raisons et en raison de l'offre subséquente de 30,3 millions de dollars de Maersk, Husky a proposé à la SEE une réduction de 1,5 million de dollars US du prix d'achat offert les 26 et 27 septembre pour sa créance (pièce A-5, onglet 206). La SEE a accepté cette réduction dans la lettre du 17 octobre 1988 (pièce A-5, onglet 209). Ainsi, la SEE a, de façon indépendante, vérifié le pouvoir de négociation de BVRS et de HOL, qui se détériorait, ainsi que son propre pouvoir de négociation, qui s'affaiblissait également. Un dernier élément ayant pu influer sur le prix de Maersk est le fait que, ainsi qu'il est décrit au paragraphe [13], Texaco a accepté une offre de forer avec le Bow Drill 3 le 27 septembre 1988 (après que l'on eut fixé le chiffre du 20 septembre). La situation économique du Bow Drill 3 a changé du fait de l'acceptation de cette offre par Texaco. Cela a sans doute influé sur le prix du Bow Drill 3 après le 27 septembre 1988.

[27] Le transfert de la participation de Bermuda dans la société à HOL aux termes d'une entente conclue en date du 21 novembre a été reconnu par 384830 le 23 novembre 1988. Il mettait un terme à la cession de la participation de Bermuda dans la société faite à HOL le 18 octobre 1988 en contrepartie de la mainlevée par HOL de la garantie de la SEE à l'égard de Bermuda et du Bow Drill 3 et de l'annulation de toute créance ou garantie à l'égard du Bow Drill 3 lui-même (pièce A-5, onglet 213).

[28] Cette description de la preuve fondamentale relative aux faits essentiels figurant dans l'exposé conjoint des faits fournit les raisons commerciales pour lesquelles la société était nécessaire et représentait la seule voie légale possible. Le groupe Bow Valley était insolvable et certaines de ses sociétés risquaient de faire faillite, ce qui les aurait toutes compromises; il devait se débarrasser du Bow Drill 3 et du prêt de la SEE pour survivre. HOL voulait rompre ses liens avec Bow Valley, se libérer des garanties données à la SEE et se défaire du Bow Drill 3. Elle tentait d'y arriver depuis plus de deux ans sans rembourser la SEE, mais celle-ci refusait de donner son accord. BVRS tenait finalement les commandes dans les négociations car elle contrôlait 65 p. 100 de la société qui était propriétaire de Bermuda, de sorte qu'elle avait un droit de veto. Cependant, la situation de BVRS s'est affaiblie en même temps que ses finances. Le défaut de payer la SEE le 15 septembre 1988 a donné à HOL un pouvoir de négociation égal à celui du groupe Bow Valley. La position de la SEE s'en est trouvée également affaiblie puisqu’elle faisait alors face à la possibilité d'acquérir le Bow Drill 3 et d'être poursuivie par HOL. HOL avait les fonds nécessaires pour payer la SEE, mais elle n'était pas intéressée aux forages en mer et pouvait se passer d'une action en justice. Ainsi, les trois parties se sont retrouvées sur un pied d'égalité le 15 septembre 1988.

[29] Cependant, le Bow Drill 3 et sa dette restaient une charge pour les trois compagnies. Il n'y avait pas de vente certaine. HOL ne voulait pas se lancer dans le forage en mer et ne voulait pas acheter le Bow Drill 3. Parce que Bermuda était propriétaire du Bow Drill 3, HOL avait une responsabilité limitée à l'égard de la plate-forme elle-même. En créant la société, en faisant en sorte que Bermuda y apporte le Bow Drill 3 et en obtenant une garantie à l'égard de Bermuda :

1.                     BVRS conservait le contrôle de Bermuda.

2.                     HOL devait payer la totalité du prêt de la SEE et, en contrepartie,

3.                     HOL obtenait :

a)                    un titre libre sur le Bow Drill 3 dans la société,

b)                    une garantie à l'égard de Bermuda,

c)                    l'occasion de se défaire de BVRS et des difficultés qu'elle risquait d'éprouver avec ses créanciers,

d)                    un droit sur le prêt de BVHOHL à Bermuda moyennant 1 $,

et, pour cela,

e)                    la propriété directe d'un droit sur le Bow Drill 3 et une responsabilité à l'égard du Bow Drill 3 en tant qu'associé.

4.                     BVRS et ses compagnies se libéraient de leur obligation envers la SEE, du Bow Drill 3 et d’un risque de perte supplémentaire si la vente était conclue.

5.                     Le Bow Drill 3, sans dette, devenait économique.

6.                    

Tous les éléments décrits aux points 3 et 5 étaient à l’avantage, sur le plan commercial, de HOL en raison de la création de la société et du transfert du Bow Drill 3 à cette dernière. Dès lors que le Bow Drill 3 n'appartenait plus à Bermuda et que HOL détenait une garantie à l'égard de Bermuda, le contrôle pratique passait de BVRS à HOL. BVRS gardait le pouvoir de se défaire de la première dette envers la SEE. Toutefois, HOL tenait toujours BVRS responsable de cette dette si le Bow Drill 3 n'était pas vendu.

[30] Immédiatement après avoir été formée puis avoir acquis le Bow Drill 3, la société a commencé à exploiter la plate-forme. Le contrat de Texaco devait être respecté et un sérieux problème d'exploitation, lié aux moteurs Bergen, nécessitait l'intervention d'une équipe de réparation de la société, des travaux de garantie, tout en faisant en sorte que le Bow Drill 3 soit maintenu en état de fonctionner (pièce A-5, onglet 240).

[31] Le premier exercice de la société allait du 6 octobre au 31 décembre 1988. La société a réalisé un bénéfice avant amortissement du Bow Drill 3 et des biens pétroliers et gaziers.

[32] L'entente en question intéressait la SEE, BVRS et HOL, et devait être conclue à la satisfaction de toutes les parties. Elle a été pleinement documentée, et des relations juridiques ont été nouées à chaque intervalle entre toutes les parties. La société a été formée, le Bow Drill 3 lui a été transféré, l'option a été accordée à Maersk avec une option à la société (l'entente avec les Chinois demeurait une possibilité pour la société), la participation de Bermuda a été transférée à HOL moyennant contrepartie, le Bow Drill 3 a été transféré à Maersk moyennant contrepartie et la société a exploité activement une entreprise en 1988 et 1989. Ainsi que le juge Bowman l'a dit dans l'affaire Continental Bank of Canada et al v. The Queen, 94 DTC 1858, à la page 1868 :

Si les relations juridiques sont obligatoires et ne sont pas un paravent servant à camoufler un autre type de relation juridique, elles ne constituent pas un trompe-l'oeil, peu importe à quel point le résultat fiscal peut offenser le ministre ou, d'ailleurs, le tribunal, et peu importe le mobile économique global ultérieur. Lorsqu'il y a trompe-l'oeil, il existe nécessairement derrière la façade juridique une autre relation juridique véritable. Si la réalité juridique qui existe à la base de la relation juridique apparente est la même que celle qui apparaît à la surface, il n'y a pas de trompe-l'oeil.

La façade juridique reflète la réalité juridique dans la présente affaire. Il n'y a pas de trompe-l'oeil.

[33] D'après la preuve, HOL ne voulait pas effectuer la série d'opérations auxquelles elle a finalement pris part. Elle voulait que la SEE consente un prêt intérieur pour effectuer la vente du Bow Drill 3; elle a tenté d'obtenir ce consentement pendant deux ans. Elle ne voulait pas avoir la totalité du prêt concernant le Bow Drill 3; elle voulait plutôt limiter sa responsabilité à sa participation indirecte de 35 p. 100 dans Bermuda et la remplacer par une participation de 35 p. 100 dans le Bow Drill 3 lui-même. Toutefois, ni BVRS ni la SEE n'ont permis à HOL d'atteindre cet objectif. Il n'y a pas de preuve non plus que HOL souhaitait la constitution d'une société. Cela a été examiné en février 1987, mais HOL a offert de transférer le Bow Drill 3 et de verser 2,9 millions de dollars à la SEE le 7 octobre 1988 en contrepartie d'une mainlevée. L'aspect fiscal de la société de personnes et du transfert découlait des négociations et des ententes commerciales.

[34] La lettre du 3 octobre 1988 atteste l’établissement, entre HOL et BVRS, d’un contrat découlant de deux années de difficultés pour ces sociétés. En fait, elles ont officiellement modifié le prix fixé dans cette entente dans une lettre qu'elles se sont échangée le 26 octobre 1988 et dans laquelle il a été convenu que le prix de l'option de Maersk serait ramené de 31,7 à 30,3 millions de dollars US (pièce A-5, onglet 220). Les difficultés ont été le résultat de la création par le gouvernement fédéral du PEN et du PESP, du fait que BVRS et HOL, en tant que sociétés publiques canadiennes, ont agi en fonction de ces programmes dans l'intention d’en faire profiter leurs actionnaires, que l'on s'est lancé dans une entreprise extracôtière qui n'était pas économique sans le PESP, et que le gouvernement fédéral a annulé le PESP. Du côté des avantages, il y avait la possibilité d'être éventuellement propriétaire d'une superficie de forage en mer et d'un Bow Drill 3 amorti, mais en état de fonctionnement. Ces deux possibilités ont été compromises dès l'annulation du PESP. Il n'y a aucune preuve que BVRS et HOL aient obtenu une superficie en mer ni qu'elles auraient eu les moyens de l’obtenir si elle avait été disponible. D'après la preuve, le Bow Drill 3 était un mauvais investissement. Il est venu bien près de vider les coffres de BVRS. Il a provoqué une impasse entre la SEE, BVRS et HOL. La situation a finalement été réglée par ces parties sur le fondement de la proposition et des modalités convenues par HOL et BVRS le 3 octobre 1988.

[35] Au 3 octobre 1988, ainsi qu'il a été confirmé le 7 octobre, il était clair que la SEE exigerait un remboursement complet avec réduction et que seule HOL pouvait payer. Cependant, BVRS détenait 65 p. 100 du Bow Drill 3 et, par conséquent, elle en avait le contrôle. Elle était aussi responsable du remboursement du prêt de la SEE. Elle avait un autre prêt relativement au Bow Drill 3 et elle était à toutes fins pratiques insolvable, en partie en raison de la débâcle du Bow Drill 3 et des prêts. Se défaire de ces obligations de plusieurs millions de dollars réglerait bon nombre des problèmes de BVRS, qui jouissait d'un avantage : le contrôle de 65 p. 100. La SEE quant à elle détenait à l'égard du Bow Drill 3 une garantie qui rendait celui-ci peu économique. HOL avait l'argent, une obligation équivalant à 35 p. 100 et plus, et elle avait fait, dans le but de s'extirper de cette situation, des offres qui avaient été refusées. Elle a dû continuer à verser de l'argent et libérer BVRS de son obligation pour obtenir le contrôle. L'entente qui en est résultée n'était pas imposée par une partie contrôlante. Il s'agissait d'une entente négociée entre deux sociétés publiques et la SEE qui devait satisfaire aux exigences commerciales de toutes les parties, chacune faisant face à des répercussions importantes si les négociations échouaient. Dans ces circonstances, les concepts décrits par le juge Linden pour le compte de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Enno Tonn et al v. The Queen, 96 DTC 6001, concernant le droit des gens d'affaires de prendre des décisions d'affaires sans ingérence, ont leur légitimité. Dans la présente affaire, la SEE, BVRS et HOL, qui n'avaient entre elles aucun lien de dépendance, se sont engagées dans une entreprise dont elles pouvaient raisonnablement s’attendre à tirer un profit. Le Bow Drill 3 a été lancé après une analyse de marché approfondie fondée sur le PEN et le PESP. Peu après, le gouvernement fédéral a mis un terme au PEN et au PESP. La situation du Bow Drill 3 est devenue précaire. BVRS et ses sociétés sont alors devenues insolvables. La SEE a accepté le fait qu'elle allait perdre de l'argent. HOL a accepté le fait qu'elle allait perdre de l'argent. Chacune a tenté de réduire au minimum sa perte dans les limites des dispositions de la loi. Chacune a commis de bonne foi une erreur de jugement et a perdu de l'argent au lieu d'en gagner. Cette nouvelle cotisation découle du fait que ces parties ont, ensemble, pris des mesures pour parer aux pertes imprévues découlant de l'entreprise. En outre, elles l'ont fait alors qu'une entente pouvait être conclue soit avec Maersk, soit avec les Chinois. Ensemble, BVRS et HOL ont négocié la formation de la société. Ensemble, elles ont négocié une entente aux termes de laquelle le Bow Drill 3 a été transféré à cette société. En conséquence, le paragraphe 85(5.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu a eu pour effet de transférer la fraction non amortie du coût en capital du Bow Drill 3 à la société de personnes. Ensemble, elles ont convenu que HOL rembourserait le prêt de la SEE et qu'il en résulterait une perte lors de la vente du Bow Drill 3, étant donné les prix alors offerts par les Chinois et Maersk. Toutes deux ont subi des pertes, comme la SEE. Toutes ont survécu. Il s'agissait d'opérations commerciales conclues à des fins commerciales du début à la fin.

[36] Il était dans l'intérêt tant de HOL que de BVRS de créer une société de personnes. HOL a conservé une garantie à l'égard de BVRS jusqu'à ce que celle-ci ait satisfait à toutes les exigences de HOL, y compris la vente de sa créance sur BVHOHL pour 1 $ - une perte directe pour BVRS. HOL a conservé sa garantie à l'égard de BVRS jusqu'au premier en date du jour où le Bow Drill 3 serait vendu ou du 16 décembre 1988 (pièce A-4, onglet 175, page 2, paragraphe 2). BVRS a conservé le contrôle légal de Bermuda. Le Bow Drill 3 a été vendu le 1er décembre 1988 et HOL a racheté la créance sur BVHOHL le 16 décembre 1988.

[37] En application de l'article 245, l'avantage fiscal défini au paragraphe (1) doit découler d'une opération d'évitement au sens du paragraphe (3). Pour l'année 1988, les paragraphes 245(1), (2) et (3) étaient libellés dans les termes suivants :

245: Définitions.

(1)                  Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et au paragraphe 152(1.11).

“ attribut fiscal ” – “ attribut fiscal ” S'agissant des attributs fiscaux d'une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l'impôt ou l'autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable.

“ avantage fiscal ” – “ avantage fiscal ” Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant payable en application de la présente loi ou augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi.

“ opération ” – “ opération ” Une convention, un mécanisme ou un événement sont assimilés à une opération.

(2)                  Disposition générale anti-évitement. En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de sorte à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont cette opération fait partie.

(3)                  Opération d'évitement. L'opération d'évitement s'entend :

a)                   soit de l'opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables – l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

b)                   soit de l'opération qui fait partie d'une série d'opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables – l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable.

[38] Les objets principaux et véritables de la formation de la société et du transfert du Bow Drill 3 à celle-ci étaient tels que HOL a pu libérer le Bow Drill 3 de la garantie détenue par la SEE tout en maintenant la responsabilité de BVRS à cet égard. Le Bow Drill 3 est alors devenu économique et susceptible d’être vendu à la discrétion de HOL en contrepartie de la libération de BVRS. La société et ses contrats de garantie ont donné aux sociétés concernées un pouvoir égal en droit alors que Bermuda, contrôlée par BVHOHL, permettait à BVRS, qui était insolvable, de contrôler la situation. BVRS a conservé un contrôle suffisant pour négocier avec les Chinois, même si HOL estimait que cela était moins avantageux qu'une vente éventuelle à Maersk. Il s'agissait là d'opérations légales visant une fin commerciale pour toutes les parties. Les opérations ont été effectuées ou mises sur pied principalement pour des objets véritables autres que l'obtention d'un avantage fiscal. Elles relèvent donc toutes de l'exception énoncée à l'alinéa 245(3)a).

[39] Lorsque ces opérations ont été effectuées, le paragraphe 85(5.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu exigeait que la fraction non amortie du coût en capital du Bow Drill 3 devienne celle de la société puisque la juste valeur marchande du Bow Drill 3 était devenue inférieure à la valeur de la fraction non amortie de son coût en capital. Cette baisse de valeur peut, dans une faible mesure, être imputée au déclin des cours mondiaux du pétrole. Cependant, la raison principale pour laquelle la valeur du Bow Drill 3 a diminué est l'élimination du PESP par le gouvernement du Canada, qui avait créé le PESP et encouragé BVRS et HOL à construire le Bow Drill 3 et à entreprendre des travaux de forage en mer, lesquels n'étaient pas économiques sans le PESP.

[40] Les présents motifs de jugement ne sont pas fondés sur les dispositions transitoires prévues dans la DGAÉ et, par conséquent, il n'est pas nécessaire de traiter de la question (3) décrite par l'intimée au paragraphe [2] des présents motifs.

[41] L'appel est admis. Les frais entre parties sont accordés à l'appelante.

Signé à Saskatoon (Saskatchewan), ce 22e jour de décembre 1998.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de mai 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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