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Date : 19990309

Dossier : 97-955-GST-I

ENTRE :

MARY CAMPEAU DEVELOPMENTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario) le 10 décembre 1998 et révisés à Ottawa (Ontario) le 9 mars 1999.)

Le juge Lamarre, C.C.I.

[1] Le 13 juin 1996, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi la cotisation suivante en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi » ) pour la période allant du 1er juillet 1991 au 31 décembre 1995 à l’égard de l’appelante : une somme de taxe nette de 94 743 $, des intérêts au montant de 3 910 $ et une pénalité au montant de 4 019 $.

[2] Cette cotisation comprenait un montant de taxe nette de 56 000 $ que l’appelante avait déjà versée le 31 octobre 1991 à l’égard de la vente, en date du 18 septembre 1991, de la propriété immobilière située au 817, Baybridge Drive, Kingston, Ontario (la « propriété immobilière » ) pour le prix de 800 000 $ (voir la pièce R-2). L’offre d’achat, (pièce R-3), prévoyait que le vendeur (l’appelante) avait l’obligation de payer toute TPS due par suite de la vente de la propriété immobilière et de garantir par écrit que la TPS serait versée intégralement. Selon l’offre d’achat, les parties avaient convenu que le prix d’achat incluait la TPS. Cette taxe ne devait donc pas être ajoutée au prix d’achat.

[3] Mme Mary Campeau, présidente de l’appelante, a déclaré que son avocat à l’époque avait versé la TPS de 56 000 $ au receveur général et qu’elle avait signé la déclaration pertinente au nom de l’appelante. Elle dit maintenant croire qu’aucune TPS n’était payable à l’égard de cette vente. L’appelante s’oppose à la cotisation pour le motif que la somme de 56 000 $ n’était pas payable et fait valoir que la cotisation devrait être réduite d’un montant équivalent.

[4] L’intimée soutient que le droit du ministre d’établir une cotisation à l’égard d’une taxe nette pour la période qui s’était terminée le 31 octobre 1991 était prescrit le 13 juin 1996, et que l’avis de cotisation est invalide à l’égard de cette période (voir le paragraphe 17 de la réponse à l’avis d’appel). En outre, l’intimée affirme que l’intérêt et la pénalité figurant dans la cotisation sont calculés sur la somme de 38 743 $, soit la taxe nette non versée à l’égard de la période débutant après le mois de juillet 1992.

[5] L’appelante ne prétend pas que la somme de 38 743 $ représentant la TPS nette pour la période subséquente à juillet 1992 n’est pas due. Toutefois, Mme Campeau estime que, puisque, selon elle, aucune TPS n’était payable à l’égard de la vente de la propriété immobilière en septembre 1991, la somme de 56 000 $ versée en 1991 devrait être appliquée contre celle de 38 743 $ qu’elle doit et que l’intérêt et la pénalité devraient être annulés.

[6] Même si Mme Campeau est d’avis que la somme de 56 000 $ n’aurait jamais dû être versée et que le versement de cette somme avait été une erreur, elle n’en a jamais informé Revenu Canada ni jamais demandé verbalement ou par écrit que cette somme soit appliquée à la TPS que l’appelante serait appelée à verser à l’avenir. Ce n’est qu’en mai 1996, lorsque le répartiteur de Revenu Canada a commencé sa vérification, qu’elle a jugé nécessaire de soulever la question.

[7] Son avocat à l’époque, Me David Hurley, a écrit à Revenu Canada le 27 janvier 1997 pour expliquer son erreur, et, le 5 mars 1997, l’appelante a de son côté demandé que le versement excédentaire de 56 000 $ lui soit remboursé en vertu du paragraphe 230(1) de la Loi.

[8] L’avocate de l’intimée est d’avis que le droit de réclamer ce remboursement est prescrit étant donné le temps qui s'est écoulé depuis la vente de la propriété immobilière. L’article 298 de la Loi sur la taxe d’accise édicte qu’une cotisation visant la taxe nette d’une personne pour sa période de déclaration ne peut être établie « quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l’article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration » .

[9] Je comprends que les deux parties conviennent que la déclaration de TPS à l’égard du trimestre qui s’est terminé le 30 septembre 1991 (soit le trimestre au cours duquel la responsabilité, s'il y en a bien une, de verser la somme de 56 000 $ a pris naissance) devait être produite au plus tard le 31 octobre 1991 (elle l’a été) et que le délai de quatre ans durant lequel une cotisation pouvait être établie a expiré le 31 octobre 1995. Les deux parties conviennent que, dans sa cotisation du 13 juin 1996, le ministre n’avait pas le pouvoir d’établir une cotisation de TPS à l’égard de la période de déclaration qui s’était terminée le 31 octobre 1991.

[10] La question sur laquelle les parties ne s’entendent pas est celle de savoir si le versement de 56 000 $ était ou non un paiement en trop. L’appelante est d’avis que cette somme n’aurait pas dû être versée et prétend de plus que, aucune cotisation n’ayant été établie durant la période prescrite, le ministre n’a plus le droit de considérer que l’appelante est redevable d’une somme de 56 000 $ à titre de TPS. L’appelant demande donc le remboursement du paiement en trop. Le ministre soutient que, même si aucune cotisation n’a été établie durant la période prescrite, l’appelante a, comme elle se devait de la faire, versé la somme de 56 000 $ puisque la vente de la propriété de la rue Baybridge était assujettie à la TPS. Que le ministre n’ait pas établi de cotisation à l’égard de l’appelante pour la période de 1991 ne modifie pas la responsabilité de l’appelante de verser la TPS pour cette période. De fait, selon le libellé du paragraphe 296(1) de la Loi, le ministre pouvait mais n’était pas obligé d’établir une cotisation pour déterminer la taxe nette de l’appelante pour la période de déclaration se terminant le 31 octobre 1991 (voir le paragraphe 16 de la réponse à l’avis d’appel). La Loi édicte clairement que le ministre peut établir une cotisation pour déterminer la taxe nette d’une personne pour sa période de déclaration.

[11] À mon avis, l’appelante ne pouvait s’opposer à payer une taxe relativement à la vente de la propriété immobilière que durant le délai de prescription de quatre ans.

[12] Comme l’a décidé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt The Queen v. Canadian Marconi Company, 91 DTC 5626, en l’absence de renonciation ou de présentation erronée des faits durant le délai de prescription de quatre ans, le ministre n’a pas le pouvoir, aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, d’établir une nouvelle cotisation à la guise du contribuable.

[13] À mon avis, le même raisonnement s’applique dans le cas de l’article 298 de la Loi sur la taxe d’accise, dont le libellé m’apparaît tout à fait clair. Cet article prévoit notamment ce qui suit :

298. (1) Période de cotisation – Sous réserve des paragraphes (3) à (6), une cotisation ne peut être établie à l’égard d’une personne en application de l’article 296 après l’expiration des délais suivants :

a) s’agissant d’une cotisation visant l’un des montants suivants, quatre ans après le dernier en date du jour où la personne était tenue par l’article 238 de produire une déclaration pour la période et du jour de la production de la déclaration :

(i) la taxe nette de la personne pour sa période de déclaration,

[. . .]

(4) Exception en cas de négligence, fraude ou renonciation Une cotisation peut être établie à tout moment si la personne visée a :

a) fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire;

b) commis une fraude en faisant ou en produisant une déclaration selon la présente partie ou une demande de remboursement selon la section VI ou en donnant, ou en ne donnant pas, quelque renseignement selon la présente partie;

c) produit une renonciation en application du paragraphe (7) qui est en vigueur au moment de l’établissement de la cotisation.

[. . .]

(7) Renonciation Toute personne peut, dans le délai prévu par ailleurs au paragraphe (1) ou (2) pour l’établissement d’une cotisation à son égard, renoncer à l’application de ces paragraphes en présentant au ministre une renonciation en la forme déterminée par celui-ci qui précise l’objet de la renonciation.

[14] L’appelante n’a pas présenté de renonciation durant le délai de prescription de quatre ans et a admis dans son avis d’appel qu’il n’y avait pas eu de présentation erronée des faits ou de fraude. L’appelante ne peut plus maintenant remettre en question sa responsabilité de payer la TPS à l’égard de la vente de la propriété immobilière en 1991.

[15] En ce qui concerne l’argument de l’appelante voulant que la responsabilité de verser la TPS n’existe plus parce que le ministre n’a pas établi de cotisation en temps et lieu à l’égard de la période de déclaration qui s’est terminée le 31 octobre 1991, je me contenterai de citer la décision de la Cour d’appel fédérale dans Riendeau v. The Queen, 91 DTC 5416, dans laquelle le juge Stone a statué à la page 5417:

Comme les décisions et les dispositions législatives qui ont été citées par le juge Cullen le montrent bien, c’est la Loi de l’impôt sur le revenu qui crée l’assujettissement à l’impôt, pas un avis de cotisation. L’assujettissement d’un contribuable au paiement de l’impôt est le même, peu importe que l’avis de cotisation soit erroné ou ne soit jamais expédié.

Les mêmes commentaires s’appliquent en ce qui concerne la Loi sur la taxe d’accise.

[16] L’argument selon lequel l’appelante ne pouvait contester une cotisation pour la période de 1991 parce qu’aucune cotisation n’avait été établie ne tient pas non plus. Comme je l’ai mentionné, l’appelante n’a pas informé Revenu Canada en temps et lieu qu’elle s’opposait au fait d’avoir à payer une taxe sur la vente de la propriété immobilière et elle n’a pas demandé que la somme de 56 000 $ soit appliquée aux versements qu’elle serait appelée à effectuer à l’avenir. Il incombait à l’appelante d’agir et son inaction ne permet pas, en droit, de faire renaître des droits qui sont prescrits.

[17] Pour les motifs ci-dessus, je ne puis accepter les arguments de l’appelante.

[18] Dans mon jugement daté du 11 décembre 1998, publié le 17 du même mois, j’ai simplement rejeté l’appel et, par le fait même, confirmé l’avis de cotisation. En fait, même si la taxe nette due incluait la somme de 56 000 $, l’avis de cotisation avait comme seul résultat net d’établir la taxe nette due par l’appelante pour la période débutant après le mois de juillet 1992 comprise dans le délai de prescription de quatre ans au moment où la cotisation a été établie.

[19] Malgré cela, je constate maintenant, en tenant compte des admissions des parties, que l’avis de cotisation doit être annulé et déféré au ministre pour nouvelle cotisation et nouvel examen pour le motif que seulement la taxe nette due (38 743 $) pour la période allant du 13 juin 1992 au 31 décembre 1995 plus l’intérêt et la pénalité devraient figurer dans l’avis de cotisation. La Cour canadienne de l’impôt dispose de la compétence inhérente pour modifier un jugement lorsqu’il s’y est glissé une erreur de rédaction, ou lorsque la véritable

intention de la Cour n’y est pas exprimée (voir Laskaris v. M.N.R., [1990] 1 C.T.C. 2464 (C.C.I.) où il est fait mention de l’arrêt Paper Machinery Ltd. v. J.O. Ross Engineering Corporation, (1934) R.C.S. 186). Mon jugement du 11 décembre 1998 contient une erreur d’inattention. Je le modifie, et l’appel est accueilli seulement aux fins susmentionnées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mars 1999.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de décembre 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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