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Date: 19980507

Dossier: 97-1052-UI

ENTRE :

HUGUETTE BEAUSOLEIL,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] L’appelante en appelle d’une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), portant que pour la période du 1er janvier 1994 au 13 mai 1995, l’appelante n’occupait pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 3(2)c) de la Loi sur l’assurance-chômage et que pour la période du 1er mai 1996 au 9 novembre 1996, elle n’occupait pas non plus un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi » ).

[2] Au début de l’audience, l’appelante et son avocate, ont informé la Cour que l’appelante ne contestait pas la décision du Ministre rendue pour la période du 1er janvier 1994 au 13 mai 1995 parce que durant cette période, l’appelante cohabitait avec l’actionnaire unique du payeur, monsieur Claude Cloutier, mais qu’elle l’avait quitté le 26 mars 1996.

[3] Les faits sur lesquels s’est fondé le Ministre pour rendre sa décision sont décrits au paragraphe 8 de la Réponse à l’avis d’appel (la « Réponse » ) et sont les suivants :

(a) le payeur s'est incorporé le 28 mai 1987;

(b) le seul actionnaire du payeur est Claude Cloutier et ce, depuis l'incorporation;

(c) le payeur exploite une épicerie et depuis décembre 1995, il a débuté la location de vidéo cassettes;

(d) l'appelante et l'actionnaire unique du payeur étaient conjoints de fait;

(e) les heures de travail de l'appelante n'étaient pas enregistrées par le payeur;

(f) aucun enregistrement du travail exécuté par l'appelante n'a été effectué par le payeur;

(g) les tâches de l'appelante telle que décrites par l'appelante et le payeur sont très vagues et ne démontrent qu'en aucun temps, l'appelante avait de quoi s'occuper à plein temps;

(h) les revenus de l'entreprise ne démontrent aucune différence remarquable lorsque l'appelante travaillait à temps partiel que lorsqu'elle travaillait à temps plein;

(i) en aucun temps, l'appelante a travaillé à temps plein;

(j) l'appelante a été engagée pour effectuer les tâches de commis général i.e. placer la marchandise, faire les commandes, vente au comptoir et autre;

(k) l'appelante a effectué les mêmes tâches au cours des deux périodes en question;

(l) il est à noter que lors de l'embauche de l'appelante, celle-ci n'a remplacé personne et lors des mises à pied, personne ne l'a remplacé;

(m) lors de la première mise à pied, l'appelante a attendu 11 mois avant de présenter sa demande de prestations d'assurance-chômage;

(n) lorsque l'appelante a reçu la décision qu'elle n'était pas admissible en avril 1996, elle est retournée travailler pour le même payeur en mai 1996;

(o) la raison des mises à pied étaient « manque de travail » par contre ce n'est pas ce que les ventes démontraient car elles étaient à la hausse;

(p) aucune augmentation significative des ventes n'a été démontrée lorsque l'appelante a été embauchée à temps plein et aucune diminution remarquable n'a été notée lorsqu'elle a été mise à pied et non remplacée;

(q) l'appelante demeurait juste au dessus de l'entreprise avec l'actionnaire unique du payeur, ce qui facilitait ses déplacements car elle allait et venait de l'entreprise comme bon lui semblait;

(r) l'appelante et le payeur sont des personnes liées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu;

(s) si il est déterminé que l'appelante n'est pas liée au payeur en tout temps, il faut alors considérer, que de fait, l'appelante et le payeur ont un lien de dépendance;

(t) compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, il n'est pas raisonnable de conclure que l'appelante et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable, s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance.

[4] Les motifs d’appel de l’appelante, tels qu’exprimés à son Avis d’appel, sont les suivants :

1. J'ai travaillé pour le compte de Épicerie Masham Inc. à deux reprises soit du 1er janvier 1994 au 13 mai 1995, ainsi que du 15 mai 1996 au 9 novembre 1996;

2. Lors de mon premier contrat soit du 1er janvier 1994 au 13 mai 1995, j'ai travaillé pour le compte de Épicerie Masham Inc. à temps partiel et je demeurais à ce moment-là avec le propriétaire dudit commerce;

3. Lorsque j'ai fait une demande de prestations en mai 1995, le motif de refus a été à l'effet que je n'avais pas accumulé le nombre de semaines requises pour l'assurance-chômage à ce moment-là et par conséquent je n'avais pas droit à des prestations;

4. Le 26 mars 1996, j'ai cessé de vivre avec le propriétaire de Épicerie Masham Inc. et je demeure depuis cette date chez ma soeur Lise Beausoleil (voir affidavit ci-joint de cette dernière);

5. Le 1er mai 1996, le propriétaire de Épicerie Masham Inc. avait besoin de personnel et il m'a contacté pour me demander si je pouvais travailler à temps plein. Étant sans emploi, à ce moment-là et ayant besoin d'une source de revenus, j'ai accepté de prendre cet emploi;

6. Au moment de déposer ma demande d'assurance-chômage le 15 novembre 1996 je ne demeurais pas avec le propriétaire de Épicerie Masham Inc. et je n'avais aucun lien de dépendance ni économique ni légal face à celui-ci puisque je n'ai jamais été marié avec lui.

7. Vu les faits ci-haut relatés, l'article 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage et l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-emploi ne peuvent s'appliquer puisque ces articles concernent l'exclusion d'emplois lorsque l'employeur et l'employé ont un lien de dépendance entre eux ou lorsqu'ils sont des personnes liées entre elles: ce qui n'était absolument pas mon cas après le 1er mars 1996;

[5] L'affidavit mentionné au paragraphe 4 de l'Avis d'appel est le suivant :

AFFIDAVIT CIRCONSTANCIÉ

Je, soussignée, LISE BEAUSOLEIL, résidente et domiciliée au 366 chemin Kennedy, Masham, Québec J0X 2W0 déclare solennellement :

1. Je loue une chambre à ma soeur Huguette Beausoleil depuis le 26 mars 1996, date à laquelle, celle-ci a cessé de cohabiter avec le propriétaire de Épicerie Masham Inc.;

2. Huguette Beausoleil demeure toujours à cette adresse depuis plus d'un an maintenant et elle n'a aucun lien de dépendance avec le propriétaire de Épicerie Masham Inc.

...

[6] L’appelante et monsieur H. Mousseau, son beau-frère, ont témoigné à la demande de l’avocate de l’appelante. Monsieur Patras, agent des appels au ministère du Revenu national, a témoigné à la demande de l’avocate de l’intimé.

[7] Monsieur Mousseau est le beau-frère de l’appelante et le mari de madame Lise Beausoleil, soeur de l’appelante, qui a fait la déclaration attachée à l’avis d’appel. Il a expliqué qu’il était allé le 25 mars 1996 chercher l’appelante chez monsieur Cloutier et que cette dernière était en état de dépression profonde causée en partie par la détérioration de ses relations avec son conjoint de fait, propriétaire de Épicerie Masham Inc. Il a ajouté qu’à partir de ce moment, l’appelante avait habité avec lui et son épouse.

[8] Contrairement à ce qui est décrit au paragraphe 5 des motifs d’appel, l’appelante a dit, lors de son témoignage, que c’est elle qui a demandé à monsieur Cloutier de lui fournir du travail, et non ce dernier qui lui en aurait fait la demande. Elle dit qu’elle a travaillé au commerce mais qu’elle n’a pas repris la vie commune avec le propriétaire du commerce. Il lui arrivait parfois de lui préparer son souper, mais ne soupait pas avec lui.

[9] Les alinéas 8(a) à 8(c) de la Réponse n’ont pas été contredits donc je les considère comme admis. En ce qui concerne l’énoncé de l’alinéa 8(d), il était valable pour la première période mais non pour celle qui est en litige.

[10] La preuve a révélé que les alinéas 8(e) et 8(f) de la Réponse étaient exacts. D’après l’appelante, chaque employé prenait note de ses propres heures et à la fin de la semaine, inscrivait ses heures et se payait. Selon l’appelante, ce qui a été produit comme pièces A-2, I-2 et I-3 n’est pas représentatif du travail exécuté par les employés. La pièce A-2 est un extrait du livre de paye du payeur pour les années 1995 et 1996 concernant l’appelante. Les pièces I-2 et I-3 sont les relevés d'emploi. On voit à la pièce A-2 que la rémunération est identique chaque semaine pour un nombre de 30 heures. Or l’appelante a dit que certaines semaines elle pouvait travailler deux jours, d’autres sept jours de 8 h 00 du matin à 6 h 00 du soir, ce qui fait des semaines de 70 heures et qu’elle était payée au salaire minimum en vigueur. Elle a dit que ce que l’on trouve dans les listes de paye, c’est la comptabilité du payeur qui n’a rien à voir avec les salaires véritablement payés. De la même façon, les relevés de cessation d’emploi sont également fautifs puisqu’ils ne représentent pas la réalité des ententes entre les parties.

[11] Monsieur Mousseau a dit que monsieur Cloutier ne donnait jamais une « cenne » à l’appelante, et pourtant dans un relevé de cessation d’emploi daté du 16 mai 1995, monsieur Cloutier prétend avoir payé l’appelante en total 4 267 $ pour la première période. Il faut donc penser qu’il s’agit toujours d’une comptabilité parallèle qui a peu de ressemblance à la réalité des choses.

[12] En ce qui concerne les énoncés de l’alinéa 8(g) et 8(i) de la Réponse, l'appelante a dit qu’à certains jours, elle était occupée à plein temps et à d’autres non.

[13] Les alinéas 8(j) et 8(k) de la Réponse ont été admis.

[14] En ce qui concerne l’énoncé de l’alinéa 8(l) de la Réponse, il n’a pas été contredit par la preuve.

[15] L’énoncé de l’alinéa 8(m) de la Réponse est exact si l’on se fie aux dates des documents. L’appelante a fait sa première demande de prestations d’assurance-chômage le 1er avril 1996, donc peu de jours après avoir cessé la vie commune avec le propriétaire du commerce.

[16] L’énoncé de l’alinéa 8(n) de la Réponse est ce que dit l’appelante. Pourtant quand elle a cessé la vie commune le 26 mars 1996, elle était en état d’épuisement. Son beau-frère, monsieur Cloutier, témoigne dans le même sens.

[17] En ce qui concerne l’énoncé de l’alinéa 8(h) de la Réponse concernant un niveau régulier des ventes, il n'y a pas eu de preuve contraire faite par l'appelante. Dans une même perspective, l’alinéa 8(o) de la Réponse dit ce qui suit :

(o) la raison des mises à pied étaient « manque de travail » par contre ce n'est pas ce que les ventes démontraient car elles étaient à la hausse;

a été prouvé par l’agent du Ministre qui a demandé et obtenu les volumes des ventes du payeur pour chacun des mois de 1995 et 1996 et a témoigné à cet égard. L’énoncé de l’alinéa 8(p) de la Réponse qui va dans le même sens n'a pas non plus été contredit.

[18] L’énoncé de l’alinéa 8(q) de la Réponse n’est plus pertinent vu que dans la deuxième période, l’appelante ne résidait plus chez le propriétaire du commerce.

Arguments et conclusions

[19] L’alinéa 5(2)i) et le paragraphe 5(3) de la Loi se lisent comme suit :

5(2) N'est pas un emploi assurable :

...

i) l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance

5(3) Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

b) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[20] L’avocate de l’appelante fait valoir que cette dernière au cours de la deuxième période ne cohabitait plus avec l’actionnaire unique du payeur, que le payeur exploitait un dépanneur, qu’il avait besoin d’employés et que l’appelante était traitée comme les autres employés du payeur. Elle soutient donc que pour la deuxième période, celle qui est en litige, l’appelante et le payeur n’avaient plus entre eux un lien de dépendance et que l’emploi de l’appelante était un emploi véritable et par conséquent un emploi assurable au sens de la Loi.

[21] L’avocate de l’intimé soutient que même si l’appelante pour la deuxième période n’était pas une personne liée au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu vu qu’elle ne cohabitait plus avec l’actionnaire unique du payeur, ce dernier et l’appelante demeuraient tout de même des personnes ayant un lien de dépendance ou des personnes ne traitant pas à distance parce qu’ils n’avaient pas des intérêts distincts. À cet égard, l’avocate de l’intimé s’est référée au paragraphe 16 du Bulletin d’interprétation IT-419R qui se lit comme suit :

16. Les critères appliqués uniformément par les tribunaux pour déterminer si une transaction a été réalisée entre personnes n'ayant pas de lien de dépendance sont les suivantes :

— la présence d'une entité responsable de la négociation pour les deux parties à une transaction;

— le fait que les parties à une transaction agissent ensemble sans intérêt distinct;

— la présence d'un contrôle « de fait » .

[22] L’avocate de l’intimé fait valoir que dans les présentes circonstances, c’est le deuxième test qui s’applique car le premier test s’applique principalement quand les parties en cause sont des entités morales. Quand il s’agit de personnes naturelles, on applique le deuxième test.

[23] Ces tests ont été développés par la jurisprudence. En ce qui concerne le premier test, soit celui du même cerveau directeur, il a été exprimé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire M.N.R. v. Sheldon’s Engineering Limited [1955] S.C.R. 637, à la page 644, sous la plume du juge Locke au nom de la Cour :

[TRADUCTION]

Lorsqu'une même personne contrôle des compagnies directement ou indirectement, que cette personne soit un individu ou une compagnie, des compagnies contrôlées sont, aux termes de cet article, censées ne pas traiter entre elles à distance. Les dispositions de cet article mises à part, dans le cas d'une vente d'éléments d'actif dépréciables par un contribuable à une entité qu'il contrôle ou par une compagnie contrôlée par le contribuable à une autre compagnie également contrôlée par lui, le contribuable dictant à titre d'actionnaire majoritaire les conditions de la transaction, on ne peut à mon avis prétendre sérieusement que les parties traitaient entre elles à distance et que l'article 20(2) ne s'appliquait pas.

[24] Le juge Cattanach, dans l'affaire M.N.R. v. Merritt et al. [1969] 2 Ex. C.R. 51, aux pages 62 et 63,s’est de la même façon exprimé :

[TRADUCTION]

Selon moi, le principe fondamental sur lequel se fonde la présente analyse est le suivant : lorsque les négociations menées au nom de chacune des deux parties au contrat sont en fait dirigées par le même « cerveau » , on ne peut dire que les parties traitent à distance. En d'autres termes, lorsque la preuve révèle que la même personne « dictait » les « conditions de la transaction » au nom de chacune des deux parties, on ne peut dire que les parties traitaient à distance.

[25] Le deuxième critère, soit celui concernant les parties agissant de concert est énoncé dans la décision de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire Swiss Bank Corp. et al. v. M.N.R., [1971] C.T.C. 427, où le juge Thurlow, aux pages 437 et 438 dit ceci :

J'ajouterais que lorsque plusieurs parties, qu'elles soient des personnes physiques, des compagnies ou une combinaison des deux, agissent de concert et dans le même intérêt pour diriger ou dicter la conduite d'une autre, le « cerveau » directeur peut à mon avis être celui de l'ensemble des parties agissant de concert ou celui d'une seule d'entre elles qui remplit un rôle ou des fonctions particulières qu'il faut accomplir pour atteindre l'objectif commun. De plus, à mon sens, il n'y a lieu de faire aucune distinction à ce titre entre des personnes qui agissent à leur propre compte pour en contrôler d'autres et celles qui, quelque nombreuses qu'elles soient, se font représenter par une autre. D'autre part, si l'une des parties à une transaction agit dans un intérêt différent de celui des autres ou le représente, le fait que le but commun soit de diriger les actes d'une autre partie de façon à obtenir un résultat bien précis ne suffira pas en soi à enlever à la transaction son caractère de transaction entre personnes traitant à distance.

[26] Le troisième test est celui du contrôle de fait. Il n’y aura pas une relation sans lien de dépendance si l'une des parties à la transaction exerce un contrôle de fait sur l'autre. À cet égard, on peut mentionner la décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Robson Leather Co. Ltd. v. M.N.R., 77 DTC 5106.

[27] Tel qu’il vient d’être mentionné au paragraphe 25 de ces motifs, le test de l’action de concert fut développé par le juge Thurlow dans Swiss Bank Corporation (supra). Ce test est considéré comme une expansion du test du même cerveau directeur ou de la même âme dirigeante, qui est un test habituellement appliqué à des personnes morales alors que le test de l’action de concert est un test qui s’applique aux personnes naturelles. En ce qui concerne ce dernier test, ainsi que mentionné par le juge Thurlow, des personnes peuvent avoir des agissements concertés tout en agissant à distance parce que leurs intérêts sont distincts. Il est donc important de comprendre la notion d’intérêts distincts.

[28] À mon sens, une décision de la Cour fédérale de l’Australie dans l’affaire Furse Estate v. Federal Commissioner of Taxation, 91 ATC 4007 (C.F.A.) explique bien ce qu’il faut comprendre de cette notion d’intérêts distincts. Je cite le paragraphe 37, à la page 28 :

[TRADUCTION]

Il faut, pour déterminer si des parties traitaient l’une avec l’autre comme des parties sans lien de dépendance dans le cadre d'une transaction donnée, établir si, relativement à cette transaction, elles ont traité l'une avec l'autre comme des parties sans lien de dépendance le feraient normalement, de façon que la transaction soit le résultat d'une véritable négociation.

[29] Afin de déterminer si des parties non liées entre elles ont un lien de dépendance ou non, la Cour doit établir, en se fondant sur une constatation de faits, si, en ce qui concerne une entente donnée, les parties ont traité l’une avec l’autre comme des parties sans lien de dépendance le feraient normalement, c’est-à-dire de façon à ce que l'entente intervenue entre elles soit le résultat d’une véritable négociation.

[30] Ceci explique pourquoi l’emploi entre personnes ayant un lien de dépendance est toujours exclu selon l'alinéa 5(2)i) de la Loi, alors que l’emploi entre personnes liées cesse d’être exclu selon l'alinéa 5(3)b) de la Loi lorsque c’est un emploi qui aurait existé sur le marché du travail normal ou en d'autres termes que les modalités d’emploi sont le résultat d’une véritable négociation.

[31] Dans le cas de personnes non liées entre elles, c’est la nature de l'entente entre les parties, selon qu’il s’agit ou non du résultat d’une véritable négociation, et non la relation entre les parties, qui déterminera si ces personnes sont ou ne sont pas des personnes ayant un lien de dépendance. Aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, « l’expression personnes liées » s’entend de personnes qui ont entre elles un lien de dépendance indépendamment de l'opération juridique intervenue entre elles. Par conséquent, dans cette dernière situation, l’emploi n’est pas définitivement exclu, si le contrat de travail est un contrat de travail véritable.

[32] L’avocate de l’appelante a fait valoir que l’appelante n’était pas traitée de façon différente des autres employés, notamment le fils du propriétaire. Mais l’alinéa 5(2)i) de la Loi exige, pour avoir quelque signification, que cette comparaison se fasse avec un employé qui n’a pas de lien de dépendance avec l’employeur.

[33] Selon les normes habituelles du marché du travail, un employeur se départit d’un employé ou en embauche selon les besoins de l’entreprise. Il n’y a pas eu de preuve, ici, contraire aux allégués du Ministre voulant que la situation économique de l’entreprise n’ait pas varié avec l’embauche ou la mise à pied de l’appelante. Il faut aussi se rappeler que l’appelante aurait quitté la vie commune avec son supposé employeur en état de dépression totale. Il est difficile de comprendre qu’elle ait pu revenir accomplir des heures prolongées sur les lieux d’un travail qui l’a mise dans un état de dépression profonde.

[34] Normalement aussi, un employeur qui traîte à distance est un employeur qui tient le registre des heures de ses employés et qui les rémunère en fonction des heures travaillées. La preuve a révélé que l’employeur ne tenait pas compte des heures de ses employés mais que c’était ces derniers qui le faisaient et à la fin de la semaine se payaient eux-mêmes à partir de l’argent qui se trouvait dans la caisse.

[35] Il est aussi très important de se souvenir que la preuve a révélé que ni les montants, ni les heures de travail indiqués aux relevés d’emploi réflètent la réalité. Dans ces circonstances, un emploi ne peut être un emploi assurable.

[36] Il me faut conclure que l’emploi de l’appelante n’était pas un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi parce que les parties avaient entre elles un lien de dépendance bien qu’elles n’aient pas été des parties liées au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les parties avaient entre elles un lien de dépendance parce que les modalités de l’emploi n’étaient pas le résultat d’une négociation conforme aux règles normales du marché du travail. Cet emploi, parce qu’il n’est pas un emploi véritable, ne serait pas non plus un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mai, 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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