Date: 19991019
Dossier: 98-2682-IT-I
ENTRE :
NICOLE DION,
appelante,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
Motifs du jugement
Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.
[1] Il s'agit d'un appel concernant le calcul des prestations fiscales pour les années de base 1995 et 1996.
[2] La question en litige est de déterminer qui, de l'appelante ou de monsieur Alain Rajotte, assumait principalement le soin et l'éducation de leur enfant, Gaël, pendant les périodes de juillet 1996 à juin 1997 et de juillet 1997 à juin 1998, au sens de la définition de “particulier admissible” à l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”).
[3] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le “Ministre”) s'est fondé pour rendre sa décision sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la “Réponse”) comme suit :
a) au cours des années 1996, 1997 et jusqu'au mois de juin 1998, l'appelante et son ex-conjoint, monsieur Alain Rajotte, avaient élu domicile à des adresses différentes;
b) l'appelante et son ex-conjoint sont les parents d'un fils nommé Gaël né au mois d'avril 1995;
c) en réponse à des requêtes pour garde d'enfant de la part de chacun des parents respectifs, l'honorable juge Jean Archambault accordait le 1er août 1996 la garde partagée de l'enfant mineur, Gaël;
d) l'enfant devait habiter une semaine chez le père et la semaine suivante chez l'appelante;
e) le père, monsieur Alain Rajotte, a déposé au mois de septembre 1996 une demande de prestation fiscale pour enfants, à l'égard de son fils Gaël, pour l'année de base 1995;
f) suite à une étude de garde partagée effectuée au mois de décembre 1996, le père fut présumé être la personne principalement responsable des soins et de l'éducation de l'enfant;
g) le Ministre, le 20 janvier 1997, procéda à l'émission d'un avis de prestation fiscale pour enfants qui déterminait que le père était la personne qui assumait principalement les soins et l'éducation de l'enfant Gaël depuis le mois de septembre 1996, à l'égard de l'année de base 1995;
h) l'appelante, madame Nicole Dion, a déposé au mois de novembre 1997 une demande de prestation fiscale pour enfants, à l'égard de son fils Gaël, pour l'année de base 1996;
i) suite à une deuxième étude de garde partagée effectuée au mois de janvier 1998, le père fut présumé par le Ministre, une deuxième fois, être la personne qui assume principalement le soin et l'éducation de l'enfant;
j) le 10 février 1998, le Ministre avisa l'appelante qu'il ne la considérait pas comme la personne qui assume principalement le soin et l'éducation de l'enfant Gaël, à l'égard de l'année de base 1996;
k) le 8 avril 1998, un jugement de la Cour supérieure accordait la garde légale de l'enfant à monsieur Alain Rajotte, le père, à partir du 15 août 1998.
[4] Les motifs invoqués à l'Avis d'appel sont les suivants :
...
Madame Dion aurait dû continuer à recevoir les prestations (PFE) puisque l'enfant Gaël faisait l'objet d'une garde partagée (1 semaine/1 semaine) et ce du 1er août 1996 jusqu'au 15 août 1998.
Madame Dion était et est toujours prestataire à la sécurité du revenu. Monsieur Rajotte a un emploi stable et des revenus annuels de l'ordre de 25 000 $ environ, celui-ci n'a jamais payé de pension alimentaire pour l'enfant; en contrepartie madame conservait les allocations familiales.
...
[5] L'appelante et monsieur Alain Rajotte ont témoigné. Ce dernier, à la demande de l'avocate de l'intimée.
[6] La pièce I-1 est le jugement, en date du 1er août 1996, mentionné à l'alinéa 7c) de la Réponse. Ce jugement dit notamment ceci :
...
Accorde aux parties la garde partagée dudit enfant à raison d'une semaine chez monsieur et une semaine chez madame et ainsi de suite, à partir du 2 août l'enfant sera avec madame jusqu'au vendredi 9 août à 16 h 30;
Ordonne à monsieur de payer au lieu d'une pension alimentaire tous les vêtements pour l'enfant Gaël lesquels devront suivre l'enfant.
...
[7] La pièce I-2 est le rapport d'une expertise psychosociale faite à la demande du juge, à la fin d'une audition sur la garde de l'enfant Gaël. Ce rapport est en date du 4 août 1997. Le rapport concluait à la garde majoritaire de l'enfant par son père. La pièce I-3 est l'ordonnance de cette expertise en date du 10 avril 1997. Le rapport (pièce I-2) concluait ainsi à la page 4 :
Étant donné
- Que les dispositions du père à l'égard de Gaël sont plus altruistes et ainsi plus favorables au meilleur développement et épanouissement de l'enfant.
Nous recommandons :
- Que le père ait la garde majoritaire de l'enfant
...
[8] Le 8 avril 1998, le jugement (pièce I-4) est rendu sur la requête en modification de garde d'enfant présentée par le père de l'enfant. Le jugement conclut à la garde majoritaire par le père de l'enfant.
[9] La pièce I-5 est la demande de prestation fiscale pour enfants, présentée par monsieur Alain Rajotte en date du 2 octobre 1996. La pièce I-6 est la même demande mais présentée par l'appelante en date du 7 novembre 1997. Les pièces I-7 et I-8 sont les questionnaires remplis par l'appelante relativement à l'évaluation de la personne qui est principalement responsable du soin et de l'éducation des enfants dans le cas de garde partagée. Les pièces I-9 et I-10 sont les mêmes questionnaires mais remplis par monsieur Alain Rajotte.
Analyse
[10] La définition de “particulier admissible” se lit comme suit à l’article 122.6 de la Loi :
S’agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :
a) elle réside avec la personne à charge;
b) elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de cette dernière;
c) elle réside au Canada;
d) elle n’est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);
e) elle est, ou son conjoint visé est, soit citoyen canadien, soit :
(i) résident permanent au sens de la Loi sur l’immigration,
(ii) visiteur au Canada ou titulaire de permis au Canada (ces expressions s’entendant au sens de la Loi sur l’immigration) ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,
(iii) quelqu’un à qui a été reconnu, en vertu de la Loi sur l'immigration ou de ses règlements, le statut de réfugié au sens de la Convention.
Pour l’application de la présente définition :
f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère;
g) la présomption visée à l’alinéa f) ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement;
h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.
(Le souligné est de moi.)
[11] L’alinéa 6301(1)d) du Règlement de l’impôt sur le revenu (le “Règlement”) Partie LXIII, Prestations fiscales pour enfants, se lit comme suit :
(1) Pour l’application de l’alinéa g) de la définition de “particulier admissible” à l’article 122.6 de la Loi, la présomption mentionnée à l’alinéa f) de cette définition ne s’applique pas dans les circonstances suivantes :
...
d) plus d’une personne présente un avis au ministre conformément au paragraphe 122.62(1) de la Loi à l’égard de la même personne à charge admissible qui réside avec chacune d’elles à des endroits différents.
[12] Donc la présomption mentionnée à l’alinéa f) de la définition de “particulier admissible” ne s’applique pas vu que les deux parents ont fait une demande de prestation fiscale pour enfants à l’égard de leur fils qui habite avec chacun d’eux. Il reste donc à savoir qui des deux parents s’occupait principalement de Gaël pour les périodes en litige. Ceci doit se faire en se fondant sur les critères décrits à l’article 6302 du Règlement (ci-après).
[13] L’article 6302 du Règlement se lit comme suit :
Pour l’application de l’alinéa h) de la définition de “particulier admissible” à l’article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible :
a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;
b) le maintien d’un milieu sécuritaire là où elle réside;
c) l’obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;
d) l’organisation pour elle d’activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;
e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu’elle est malade ou a besoin de l’assistance d’une autre personne;
f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;
g) de façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider;
h) l’existence d’une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.
[14] Après avoir entendu les deux parents, je suis d’avis que l'évaluation de l’analyste du Ministère qui a penché en faveur du père était raisonnable. La preuve a révélé que les deux parents aiment beaucoup leur enfant, chacun à sa manière, mais cette même preuve ne m’a donné aucun motif de modifier la détermination du Ministre que le père était la personne qui s'occupait principalement de l'enfant Gaël, lors de la période en litige. En m'appuyant sur les critères décrits aux alinéas a), d) et g) de l’article 6302 du Règlement, je suis d'avis que cette détermination est raisonnablement fondée.
[15] L'appel est en conséquence rejeté.
Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'octobre, 1999.
“Louise Lamarre Proulx”
J.C.C.I.