Date: 19990323
Dossier: 97-628-UI
ENTRE :
ÉMILE ROY,
appelant,
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
intimé.
Motifs du jugement
Le juge suppléant Porter, C.C.I.
[1] Cet appel a été entendu le 20 juillet 1998 à Edmundston (Nouveau-Brunswick).
[2] L'appelant interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), du 24 février 1997, selon laquelle son emploi chez St-Quentin Électronique Inc., le payeur, durant la période du 10 octobre 1994 au 13 avril 1995 n'était pas assurable au motif qu'il n'existait pas de contrat de louage de services entre l'appelant et le payeur. Le Ministre a rendu sa décision en vertu du paragraphe 61(3) de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ) et s'est appuyé sur l'alinéa 3(1)a) de la Loi.
[3] La preuve révèle que l'appelant travaillait pour le payeur pendant la période en cause et qu'au début le payeur l'avait embauché pour travailler à temps partiel dans sa franchise Radio Shack. Il était entendu au départ que l'appelant devait travailler la moitié du temps en tant que commis dans le magasin et l'autre moitié en tant que technicien en réparation d'appareils électroniques.
[4] En somme, l'appel vise à déterminer si l'appelant faisait son travail en vertu d'un contrat de louage de services, ce qui constituerait un emploi assurable selon le paragraphe 3(1) de la Loi, ou en vertu d'un contrat d'entreprise, ce qui constituerait un emploi non assurable.
[5] L'avocate de l'intimé a soulevé une autre question. Elle a demandé à la Cour de décider si l'appelant avait accumulé suffisamment d'heures d'emploi d'assurable selon le Règlement sur l'assurance-chômage (le « Règlement » ). Dans la Réponse à l'avis d'appel, il est indiqué que le Ministre a pris sa décision en se fondant sur les faits décrits au paragraphe 5. On y indique que l'appelant a travaillé un certain nombre d'heures et l'appelant a admis ce fait. L'avocate de l'intimé a fait valoir que, puisque l'appelant n'avait travaillé que les heures indiquées, cet emploi était exclu des emplois assurables en vertu du paragraphe 13 du Règlement. Cependant, le Ministre n'a pas fondé sa décision sur cette disposition du Règlement et cette question ne fait pas l'objet d'un appel devant cette cour. Cette question ne relève donc pas de la compétence de cette cour. Si le Ministre s'était fondé sur ce point pour rendre sa décision, tous les calculs seraient clairement étayés par la preuve, ce qui est loin d'être le cas en l'espèce. La Cour doit se limiter à l'examen du fondement de la décision prise par le Ministre tel qu'énoncé au paragraphe 2 de ces motifs.
Le droit
[6] L'approche à adopter pour trancher des causes de ce genre a été bien établie par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025. Les critères que devrait utiliser le juge de première instance pour rendre sa décision ont été repris par cette même cour dans l'arrêt Moose Jaw Flying Kinsmen Flying Fins Inc. v. M.N.R., 88 DTC 6099 où il est écrit :
"La cause décisive concernant cette question dans le contexte de la loi est la décision de la Cour dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. Le ministre du Revenu national, 87 D.T.C. 5025. Parlant au nom de la Cour, le juge MacGuigan a analysé des causes canadiennes, britanniques et américaines et, en particulier, il a mentionné les quatre critères pour rendre une telle décision qui sont énoncés par lord Wright dans l'affaire La ville de Montréal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1974] 1 D.L.R. 161, aux pages 169 et 170. Il a conclu à la page 5028 que :
Dans ce contexte, les quatre critères établis par lord Wright constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à [TRADUCTION] « examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties » . Quand il s'est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l'affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d'interpréter l'ensemble de la transaction.
À la page 5029, il déclare :
Je considère le critère de Lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé [TRADUCTION] « l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations » et ce même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.
À la page 5030, il poursuit :
Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles.
Il fait également observer : « Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents » .
...comme le juge MacGuigan, nous considérons les critères comme des subordonnés utiles pour peser tous les faits relatifs à l'entreprise de la requérante. C'est maintenant l'approche appropriée et préférable pour la très bonne raison que dans une cause donnée, et celle-ci peut très bien en être une, un ou plusieurs des critères peuvent être peu ou pas applicables. Pour rendre une décision, il faut donc considérer l'ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger.
[7] On pourrait résumer les quatre critères énoncés par la Cour comme suit :
1. le degré ou l'absence de contrôle exercé par l'employeur,
2. la propriété des outils nécessaires au travail,
3. la possibilité de profit et le risque de perte, et
4. le degré d'intégration du travail de l'employé à l'entreprise de l'employeur.
[8] La Cour a aussi pris note des propos du juge MacGuigan dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd., précité, où il a cité et approuvé l'approche prise en Angleterre :
« C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security [1968] 3 All. E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) :
[TRADUCTION] Les remarques de LORD WRIGHT, du LORD JUGE DENNING et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : « La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte » . Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement. »
[9] Finalement, j'ajouterais les propos du juge Décary de la même cour dans l'arrêt Le Procureur général du Canada et Normand Charbonneau [1996] C.A.F. no 1337 :
« Les critères énoncés par cette Cour ... ne sont pas les recettes d'une formule magique. Ce sont des points de repère qu'il sera généralement utiles de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu'il s'agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l'existence d'un véritable contrat, c'est s'il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu'il s'agisse d'un contrat de travail ... ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie tel qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise ou de service... En d'autres termes, il ne faut pas, et l'image est particulièrement appropriée en l'espèce, examiner les arbres de si près qu'on perde de vue la forêt. Les parties doivent s'effacer devant le tout. »
[10] Ce sont là donc les directives dont je devrai me servir pour parvenir à une conclusion.
Les faits
[11] En rendant sa décision, le Ministre s'est basé sur les faits suivants énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel :
« (a) le payeur est une personne morale dûment incorporée dans la province du Nouveau-Brunswick depuis le 10 avril 1991 et dont l'unique actionnaire pendant la période en litige était Gérald Bélanger;
(b) le payeur opérait une franchise « Radio Shack » qui consiste en la vente d'appareils électroniques au détail;
(c) le gérant de l'entreprise du payeur avait engagé l'appelant comme technicien pour la réparation des appareils électroniques;
(d) l'appelant faisait les réparations chez lui dans son propre atelier ou chez les clients;
(e) l'appelant se servait de ses propres outils pour faire les réparations;
(f) le payeur n'a jamais eu d'atelier de réparation attenante à son commerce;
(g) en dehors des périodes en litige, les réparations étaient faites sous des contrats d'entreprise;
(h) le payeur n'avait pas droit de contrôle sur l'appelant quant à ses heures de travail ni quant aux méthodes employées pour accomplir les réparations;
(i) l'appelant décidait lui-même de la date de ses payes en informant la commis-comptable du payeur qu'il avait travaillé une semaine pleine;
(j) le payeur n'avait pas l'information nécessaire pour vérifier les heures de travail de l'appelant;
(k) l'appelant a reçu du payeur 10 chèques de paye pour les semaines finissant aux dates suivantes :
1994 : 13 octobre, 17 novembre, 15 décembre
1995 : 12 et 27 janvier, 16 et 23 février, 9 et 24 mars, 13 avril;
(l) le 1er mai 1995, l'appelant a reçu du payeur un relevé d'emploi rapportant 10 semaines assurables à 332,00 $ chacune;
(m) pendant la période en litige, l'appelant a fait des réparations à la demande du payeur pendant quelques heures à chacune des semaines de la période en litige;
Nombre d'heures par semaine
1994
octobre : 4 semaines 13 h; 17 h; 14.5 h; 15 h;
novembre: 4 semaines 10 h; 9 h; 9 h; 8.5 h;
décembre : 5 semaines 4.5 h; 22 h; 16 h; 30 h; 10.5 h;
1995
janvier : 3 semaines 11 h; 14.5 h; 14.4 h;
février : 3 semaines 8 h; 15.5 h; 37.3 h;
mars : 2 semaines 14.5 h; 11.2 h;
avril : 2 semaines 12.5 h; 6 h;
mai : 2 semaines 5.5 h; 3.2 h;
(n) l'appelant avait besoin de 10 semaines assurables pour obtenir le total nécessaire de 12 semaines assurables afin d'être éligible aux prestations d'assurance-chômage et afin d'être éligible à un programme des ressources humaines qui a pour but de subventionner les participants qui veulent devenir des travailleurs indépendants;
(o) l'appelant avait déjà reçu un relevé d'emploi pour 2 semaines assurables comme journalier chez Viotel Inc.;
(p) après la période en litige, l'appelant a en fait continué à exercer le même métier comme travailleur indépendant;
(q) les modalités du contrat entre l'appelant et le payeur sont indicatifs d'un contrat d'entreprise;
(r) il n'y avait aucun contrat de louage de services entre l'appelant et le payeur. »
[12] L'appelant a admis les faits énoncés aux sous-paragraphes (a) à (c), (e), (g) en fournissant des explications, a admis en partie les faits énoncés aux sous-paragraphes (k) à (m), (o) et (p) et a nié les faits énoncés aux autres sous-paragraphes.
[13] L'appelant a témoigné au soutien de son appel. M. Jean-Pierre Caron, propriétaire du payeur et M. Ronald Roy, agent d'enquêtes auprès du Développement des Ressources Humaines Canada ont également témoigné.
[14] La preuve se rapportant au travail exécuté par l'appelant pendant la période en cause est assez confuse. Le témoignage de l'appelant a été contredit par celui de M. Caron en ce qui concerne plusieurs aspects importants. En matière d'assurabilité, le fardeau de la preuve incombe à l'appelant qui doit établir que la décision du Ministre est mal fondée.
[15] Il est clair qu'au début le payeur a embauché l'appelant à titre d'essai. Il devait s'agir d'un emploi à temps partiel où l'appelant devait travailler la moitié du temps dans le magasin et l'autre moitié à effectuer des réparations. M. Caron, le propriétaire du payeur, ne savait pas au moment de l'embauche si son chiffre d'affaires lui permettait d'embaucher un travailleur à plein temps. Antérieurement, le payeur avait conclu une entente avec un autre technicien en électronique du nom de Bernier, qui a travaillé pour le payeur en tant qu'entrepreneur indépendant pendant quelques années. Ayant accepté un autre emploi, M. Bernier n'était plus disponible pour faire toutes les réparations du payeur, sauf celles qui exigeaient une certaine expertise. L'appelant était également technicien en électronique. Au départ, l'appelant a été embauché par le payeur pour remplacer M. Bernier et pour travailler dans le magasin, à la caisse, au service à la clientèle, à la livraison et au placement de la marchandise sur les tablettes.
[16] L'appelant espérait que cet emploi à temps partiel deviendrait éventuellement un emploi à plein temps. Le payeur, par contre, avait des doutes à ce sujet.
[17] L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'il passait 75 pour 100 de son temps dans le magasin et l'autre 25 pour 100 à faire des réparations sauf pour les deux semaines précédant Noël où l'appelant et le payeur se sont mis d'accord que l'appelant passerait 100 pour 100 de son temps dans le magasin. Par contre, le payeur a affirmé dans son témoignage que l'appelant travaillait 25 pour 100 de son temps dans le magasin et l'autre 75 pour 100 à faire des réparations. Dans les deux cas, les témoins s'entendaient pour dire qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel.
[18] L'appelant a déclaré que l'épouse de M. Caron était rarement présente dans le magasin tandis que M. Caron a déclaré qu'elle y travaillait quotidiennement.
[19] M. Caron a déclaré que la plupart des réparations étaient faites par l'appelant à son domicile tandis que l'appelant a déclaré que la majorité des réparations étaient effectuées dans un petit atelier situé à l'arrière du magasin et qu'il faisait rarement des réparations chez lui.
[20] L'appelant et M. Caron ont admis que le payeur possédait quelques outils mais que l'appelant possédait ses propres outils pour faire les réparations.
[21] Même si l'appelant a indiqué qu'il désirait travailler à plein temps et non pendant seulement 10 semaines dans le but d'obtenir des prestations d'assurance-chômage, il est clair que M. Caron avait en tête une période de 10 semaines et qu'il savait que l'appelant avait besoin de ces semaines pour devenir admissible aux prestations en question.
[22] Les heures de travail de l'appelant et la méthode de paye étaient inhabituelles. Celui-ci a été rémunéré pour 10 semaines de travail par intervalles, soit le 13 octobre, le 17 novembre, le 15 décembre, le 27 janvier, le 23 février, les 9 et 24 mars et le 13 avril. À chacune de ces dates, il est évident que l'appelant n'avait pas nécessairement effectué une pleine semaine de travail. L'appelant faisait donc des heures supplémentaires, et ce sans rémunération, en contrepartie des heures qui lui avaient déjà été payées par le payeur.
[23] La preuve révèle également que l'appelant avait, à quelques occasions, payé certaines pièces d'équipement ou certains matériaux nécessaires pour les réparations, et qu'il avait réclamé, à titre de remboursement de ses dépenses, des heures dans le but d'augmenter le nombre d'heures travaillées figurant sur sa feuille de paie. L'appelant n'a donc pas travaillé toutes les heures figurant sur sa feuille de paie. Un certain nombre d'heures figurant sur sa feuille représentent donc le remboursement de dépenses encourues par l'appelant. Il semble à la Cour qu'il s'agit d'un arrangement conclu dans le seul but de procurer à l'appelant le nombre de semaines de travail nécessaires pour devenir admissible aux prestations d'assurance-chômage.
[24] La Cour est convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le témoignage de M. Caron, là où il diffère de celui de l'appelant, est plus digne de foi. L'enjeu pour l'appelant dans cette cause est assez important tandis que M. Caron n'a aucun intérêt dans l'affaire. À mon avis, il est beaucoup plus objectif. Je ne laisse pas entendre que l'appelant est malhonnête, mais je n'ai aucun doute que sa perspective de ce qui se passait entre lui et M. Caron est tendancieuse. Dans ces circonstances j'admets de préférence le témoignage de M. Caron.
[25] La Cour est convaincue que la plupart des faits énoncés dans la Réponse à l'avis d'appel sont vrais. L'allégation figurant au paragraphe 5c) est admise, bien que la Cour reconnaisse que l'appelant travaillait de temps en temps dans le magasin. L'allégation figurant au paragraphe 5d) est admise bien que la Cour reconnaisse que l'appelant a effectué certaines réparations dans le magasin.
[26] Quant au paragraphe 5e), il est clair que l'appelant n'utilisait pas seulement ses propres outils mais également ceux de M. Caron à l'occasion.
[27] L'allégation figurant au paragraphe 5f) est rejetée car la preuve a révélé qu'il y avait à l'arrière du magasin une petite table pour faire des réparations.
[28] L'allégation figurant au paragraphe 5h) est admise en ce qui concerne les réparations qui étaient faites chez l'appelant. Cependant, M. Caron exerçait un contrôle sur l'appelant lorsque celui-ci travaillait au magasin. D'ailleurs, l'appelant avait une pagette et M. Caron pouvait communiquer avec lui au besoin.
[29] Les allégations figurant aux paragraphes 5i) et 5j) sont admises en ce qui concerne les réparations faites au domicile de l'appelant.
[30] L'allégation figurant au paragraphe 5k) est admise. Il y a lieu de préciser que les deux témoins ont déclaré que la dernière paie a été versée en espèces et non par chèque.
[31] En ce qui concerne le paragraphe 5n), la Cour est convaincue que l'appelant n'avait pas eu connaissance de ce programme avant la fin de sa période de travail. De même, en ce qui a trait au paragraphe 5p), la Cour est d'avis que l'appelant avait chômé pendant plusieurs mois avant de lancer, au mois de novembre 1995, sa propre entreprise.
Application des critères
[32] En ce qui concerne les critères énoncés par la Cour d'appel fédérale, il est clair que pendant que l'appelant travaillait dans le magasin, M. Caron exerçait un contrôle sur lui et on pouvait bien le considérer comme un employé; pendant deux semaines ce travail a occupé 100 pour 100 de son temps. Durant les autres semaines, il a passé entre 25 et 75 pour 100 de son temps à travailler dans le magasin; je ne suis pas convaincu que c'était plus de 25 pour 100 étant donné la déposition contradictoire des deux témoins. L'appelant n'a pas établi qu'il effectuait des réparations sous le contrôle de M. Caron. Néanmoins, la Cour est convaincue que M. Caron avait un droit de contrôle même s'il ne l'a pas exercé.
[33] En ce qui concerne le critère des outils de travail, il est clair que l'appelant utilisait ses propres outils la majeure partie du temps et qu'il utilisait à l'occasion les outils appartenant à M. Caron. Vu sous cet angle, l'emploi semble avoir été exercé en vertu d'un contrat d'entreprise plutôt qu'en vertu d'un contrat de louage de services.
[34] En ce qui concerne la possibilité de profits ou le risque de pertes, il est évident que seul le payeur pouvait réaliser des profits ou subir des pertes. L'appelant recevait un salaire pour les heures travaillées à effectuer des réparations. C'était M. Caron qui facturait les clients pour les heures payées à l'appelant. À la lumière de ce critère, l'emploi semble avoir été exercé en vertu d'un contrat de louage de services.
[35] Quant au critère de l'intégration, la Cour est persuadée que le travail accompli par l'appelant, autant à titre de commis qu'à titre de technicien, était intégré à l'entreprise du payeur. Même si l'appelant travaillait seul et sans contrôle direct, son travail était relié directement aux activités de la franchise Radio Shack et y était complètement intégré. L'appelant n'avait pas d'autres clients pour lesquels il travaillait et il n'en cherchait pas. À cet égard, il travaillait à titre d'employé et non à titre d'entrepreneur indépendant.
Conclusion
[36] Comme c'est souvent le cas, on retrouve dans l'emploi en l'espèce des éléments qui appartiennent aux deux genres de contrats. Le fait que M. Caron avait engagé à l'essai l'appelant pour voir s'il pouvait se permettre de prendre un employé à temps partiel ou à temps plein vient compliquer les choses. La Cour prend en considération le fait que c'était une courte période de temps et que les besoins du payeur ont beaucoup changé durant le temps des Fêtes. La Cour s'est rendue compte que M. Caron voulait aider ce jeune homme de son mieux.
[37] La question des heures irrégulières de l'appelant totalisant dix semaines de travail complique également les choses. La Cour est d'avis que ni M. Caron ni l'appelant n'a utilisé un procédé malhonnête. Ils utilisaient simplement une méthode de comptabilité convenable. Cela explique également pourquoi l'appelant avait fait convertir le prix des pièces et matériaux en heures de travail. Personne n'avait essayé de cacher ces arrangements; tout ce qui s'est passé était consigné et peut être calculé assez facilement par les autorités compétentes. Cependant, le Ministre ne s'est pas fondé sur ces faits pour rendre sa décision et la Cour n'a pas non plus l'intention de fonder sa décision sur ces faits. Il est possible qu'en calculant les heures et les semaines déclarées par l'appelant dans le cadre de sa demande de prestations d'assurance-chômage il n'ait pas respecté le Règlement; néanmoins, la décision du Ministre ne s'appuyait pas là-dessus et la Cour n'a pas l'intention de trancher cette question.
[38] La Cour, après avoir pris en considération les critères énoncés ci-dessus, est convaincue, selon la prépondérance de la preuve, que le travail de l'appelant a été effectué en vertu d'un contrat de louage de services et non en vertu d'un contrat d'entreprise. Le fait que le travail était vraiment intégré dans l'entreprise du payeur amène la Cour à conclure que l'appelant travaillait plus comme un employé que comme un entrepreneur indépendant.
[39] Abstraction faite de la question du non respect du Règlement en ce qui concerne les heures et les semaines travaillées, l'emploi de l'appelant était, selon la Cour, un emploi assurable aux termes du paragraphe 3(1) de la Loi. C'est la seule question dont la Cour était saisie. Pour ces motifs, l'appel est accueilli et la décision du Ministre est annulée.
[40] Même si la Cour avait rejeté l'appel, elle n'aurait pas hésité à recommander à la Commission d'emploi et de l'immigration Canada d'exercer son pouvoir de défalcation à l'égard des sommes versées car, grâce aux prestations qu'on lui a accordées, il a lancé quelques mois plus tard sa propre entreprise. Selon son avis d'appel, sa situation financière était difficile. Je suis d'avis que l'appelant a fait de son mieux pour travailler et qu'il n'avait pas participé à un stratagème visant simplement à lui permettre d'obtenir des prestations d'assurance-chômage. Il serait dommage que l'appelant connaisse un autre revers financier qui pourrait l'amener encore une fois à dépendre de l'aide gouvernementale.
Signé à Calgary (Alberta), ce 23e jour de mars 1999.
« Michael H. Porter »
J.S.C.C.I.