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Date: 19991110

Dossier: 97-3756-IT-I

ENTRE :

LORNE W. MARTIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Les appels dont il s'agit sont interjetés contre des cotisations pour les années d'imposition 1994 et 1995 de l'appelant.

[2] Après une enquête de la Police provinciale de l'Ontario sur de présumées activités de narcotrafic de l'appelant — enquête qui a donné lieu à une condamnation —, des documents relatifs aux affaires financières de l'appelant ont été remis au ministère du Revenu national et ont été analysés par un enquêteur de ce ministère, M. Michael L. Towns. Une correspondance entre M. Towns et l'appelant s'en est suivie. Le résultat a été l'établissement de cotisations selon l'avoir net pour les années 1994 et 1995.

[3] Il n'est pas nécessaire que je répète ce qui a été dit sur les cotisations selon l'avoir net dans d'autres causes. Le fondement législatif de telles cotisations se trouve aux paragraphes 152(4) et 152(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'effet du paragraphe 152(7) a été exprimé clairement dans les affaires suivantes : Dezura v. Minister of National Revenue, [1948] R.C. de l'É. 10, Morrow c. La Reine, C.A.F., no A-245-89, 30 juin 1992 (92 DTC 6380), Kerr c. La Reine, C.F. 1re inst., no T-9211-82, 19 juin 1989 (89 DTC 5348), Chernenkoff v. Minister of National Revenue, 49 DTC 680, et Ramey c. La Reine, C.C.I., no 91-547(IT)G, 20 avril 1993 (93 DTC 791). La détermination du revenu d'un contribuable par la méthode fondée sur l'avoir net est nécessairement quelque peu arbitraire et imprécise et ne se fait que comme dernier recours.

[4] En l'espèce, M. Towns a suivi la méthode traditionnelle, qui a consisté à déterminer (ou à chercher à déterminer) l'avoir net de l'appelant au début et à la fin de chaque année en question et à ajouter à la différence les dépenses de l'appelant. La tâche de M. Towns n'a pas été facilitée par l'attitude combative et agressive de l'appelant, qui, dans ses lettres à M. Towns, appelait ce dernier [TRADUCTION] “ M. l'Inquisiteur ” ou [TRADUCTION] “ M. le Phénomène freudien ”.

[5] La meilleure façon pour un contribuable de contester une cotisation selon l'avoir net est de démontrer quel a été son revenu réel ou de prouver que son revenu correspond effectivement à ce qui a été indiqué dans la déclaration de revenu. Dans les appels de cotisations selon l'avoir net que j'ai vus, cela n'est jamais fait. On suit plutôt la méthode beaucoup moins satisfaisante par laquelle la partie appelante cherche à saper les éléments constitutifs de la cotisation fondée sur l'avoir net.

[6] C'est ce que M. Martin a cherché à faire en l'espèce.

[7] Pour 1994 et 1995, l'appelant avait déclaré 8 916,87 $ et 24 052,99 $ de revenus. Dans les nouvelles cotisations établies à l'égard de l'appelant pour ces années-là, le ministre a augmenté le revenu de l'appelant de 22 964 $ et de 9 790 $ respectivement.

[8] Les principaux arguments qu'a avancés l'appelant contre les cotisations selon l'avoir net étaient centrés sur la détermination des dépenses de l'appelant faite par M. Towns et sur l'hypothèse de M. Towns selon laquelle ces dépenses correspondaient à un revenu non déclaré. L'appelant a fait valoir notamment ce qui suit :

a) M. Towns a mal additionné les dépenses. J'ai invité l'appelant à présenter des éléments de preuve pour démontrer cela, mais il ne l'a pas fait.

b) M. Towns n'a pas tenu compte de l'allégation de l'appelant selon laquelle ce dernier avait reçu des dons d'un oncle riche, décédé en 1995. L'identité de cette personne ainsi que les montants et dates des dons n'ont pas été établis. D'une manière générale, lorsque l'on cherche à attaquer une cotisation selon l'avoir net en invoquant la générosité d'un oncle riche, c'est une bonne idée d'établir l'identité du bienfaiteur ainsi que l'ampleur de ses largesses.

c) M. Towns n'a pas tenu compte d'un montant de 675 574,87 $ que la famille avait reçu en 1986 comme règlement dans le cadre d'une action pour faute professionnelle intentée contre des médecins et un hôpital. L'appelant avait reçu de 7 000 $ à 8 000 $, et sa mère avait reçu environ 25 000 $. Ce qu'il est advenu du reste n'a jamais été indiqué clairement. La mère de l'appelant est décédée en 1987 et avait 25 000 $ dans son compte bancaire. L'appelant a hérité d'une part substantielle de la succession de sa mère, mais l'importance de la succession n'a pas été précisée dans la preuve. L'appelant était l'exécuteur testamentaire et a dit que, en cette qualité, il avait à sa disposition les 25 000 $ de sa mère.

Or, il n'a pas été démontré que l'un ou l'autre de ces montants était la source des fonds nécessaires pour les dépenses effectuées par l'appelant en 1994 et en 1995.

d) M. Towns n'a pas tenu compte de sommes d'argent que l'appelant avait économisées sur le salaire qu'il avait gagné au cours de la période allant de 1987 à 1993. Il semble que l'appelant ait gagné et déclaré des revenus totaux d'environ 240 000 $ pour cette période de sept ans. Rien ne prouve qu'il a économisé de l'argent là-dessus ou qu'il a utilisé ses économies pour les dépenses qu'il a effectuées en 1994 et en 1995. En fait, la cotisation selon l'avoir net était basée sur le fait que, à la fin de 1993 et au début de 1994, l'appelant n'avait pas de liquidités ni de comptes bancaires autres qu'un compte contenant 30,99 $. Si, comme il le prétend, il avait des économies importantes qu'il gardait dans un bas de laine ou sous son matelas, il n'a rien fait pour rectifier l'hypothèse contraire de M. Towns et ne m'a pas prouvé qu'il avait de telles réserves de liquidités.

e) M. Towns n'a pas tenu compte de l'assertion de l'appelant selon laquelle il avait gagné de l'argent à la loterie. On ne m'a présenté aucune preuve établissant que l'appelant a réalisé de tels gains.

f) En déterminant le montant des paiements de cartes de crédit qui faisaient partie des dépenses de l'appelant, M. Towns n'a pas tenu compte du fait que ce dernier payait un compte de carte de crédit à l'aide d'une autre carte de crédit. L'appelant n'a pas établi que cela soit effectivement arrivé.

[9] Bref, il n'y a rien qui me permet de conclure que l'appelant a démontré l'existence d'erreurs dans les cotisations, sauf dans un cas. En effet, en déterminant les dépenses de l'appelant pour 1995, M. Towns a inclus la somme de 1 642,40 $ comme paiement fait à Wayne Larsen Enterprises Inc., une entreprise de réparation d'automobiles. En fait, le paiement semble avoir été effectué au moyen d'un chèque de la Zurich Compagnie d'Assurances. En conséquence, pour 1995, les dépenses et, partant, le revenu de l'appelant selon la cotisation établie par le ministre devraient être réduits de 1 642,40 $.

[10] L'appel pour 1994 est rejeté. L'appel pour 1995 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation de manière à réduire de 1 642,40 $ le revenu de l'appelant.

[11] Il n'y aura pas d'ordonnance quant aux dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de novembre 1999.

“ D.G.H. Bowman ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 9e jour de novembre 2000.

Erich Klein, réviseur

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