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Date: 19991112

Dossier: 96-4842-GST-G

ENTRE :

VANEX TRUCK SERVICE LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Le présent appel est interjeté à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre, dont l'avis porte le numéro 11DU-113852941 et est daté du 26 septembre 1996, pour les périodes de déclaration allant du 1er janvier 1991 au 31 juillet 1994.

[2] Dans le cadre de ses observations préliminaires, l'avocat de l'appelante a admis que la question en litige comportait deux volets : 1) est-ce qu'une fourniture a été effectuée par l'appelante? 2) dans l'affirmative, s'agissait-il d'une fourniture taxable?

[3] L'avocat de l'appelante a également présenté une requête visant à faire modifier l'avis d'appel afin d'y ajouter un plaidoyer de diligence raisonnable. La Couronne s'y est opposée, et la requête a été rejetée.

Faits

[4] Zeta Leong était représentante principale en matière de permis pour l'Insurance Corporation of British Columbia (I.C.B.C.), qui délivre les permis applicables aux véhicules commerciaux qui effectuent des transports en Colombie-Britannique ainsi qu'à l'extérieur de la province et gère les permis au prorata à l'égard des véhicules qui circulent dans la province et en sortent. Les frais sont perçus par l'I.C.B.C. D'autres ententes existent également. Si un transporteur ne possède pas de permis au prorata, il doit s'arrêter à chaque point d'entrée et obtenir un permis. Cette façon de procéder est plus onéreuse et ne peut être utilisée qu'un certain nombre de fois par année. Toutes les provinces du Canada, mais pas les territoires, et tous les États américains, sauf Hawaii, ont conclu des ententes avec la Colombie-Britannique. Les propriétaires de tracteur travaillent pour une entreprise détenant un permis (d'exploitation) et transfèrent par écrit l'immatriculation de leur tracteur à cette entreprise (par exemple l'appelante), tout en demeurant propriétaires de fait du tracteur.

[5] On trouve à l'onglet 16 de la pièce A-1, admise de consentement, le genre de formulaire utilisé en Colombie-Britannique pour l'immatriculation ou le transfert de propriété d'un véhicule; c'est un tel formulaire que remplissaient l'appelante et le propriétaire (de fait) des tracteurs. L'onglet 17 de la pièce A-1 contient un formulaire de transfert similaire utilisé pour les remorques à plateforme. Le témoin a déclaré que le vendeur avait transféré le véhicule à des fins d'assurance et d'immatriculation, mais qu'il ne s'agissait pas d'une vente.

[6] Le témoin a dit que son service considérait Vanex Truck Service Ltd. (appelée ci-après “ Vanex ”) comme étant propriétaire du véhicule et responsable en cas de dommage. L'onglet 13 contient une copie de certificat d'assurance du propriétaire et de permis d'utilisation de véhicule automobile ainsi qu'un fac-similé de l'immatriculation au nom de Vanex Truck Service Ltd. Le témoin a indiqué que Vanex était le propriétaire immatriculé. L'onglet 15 contient une copie de certificat d'assurance du propriétaire et de permis d'utilisation de véhicule automobile ainsi qu'un fac-similé de l'immatriculation au nom de Vanex Truck Service Ltd. Vanex est l'assurée et l'I.C.B.C., l'assureur. L'assurance était souscrite par Vanex. Celle-ci était propriétaire du permis et souscrivait l'assurance, le permis et l'assurance ne pouvant être ni transférés, ni cédés.

[7] La raison amenant un tractionnaire à transférer son véhicule à Vanex est qu'il peut ainsi avoir l'usage du permis détenu par cette dernière et être assuré. Si un transporteur fait immatriculer cinq véhicules ou plus, il peut souscrire une police flotte. Vanex possédait une telle police. Une police flotte donne droit à une réduction de prime. Ce système est typique du secteur du camionnage. Ces dispositions étaient approuvées par l'I.C.B.C. et par l'organisme responsable des permis.

[8] Lors du contre-interrogatoire, le témoin a mentionné que tout tractionnaire indépendant devait détenir un permis et une assurance, et qu'il devait produire un rapport. Pour qu'une personne puisse se prévaloir d'une police flotte, elle doit transférer la propriété du véhicule au cessionnaire. Le propriétaire de fait demeurait comptable de la taxe de vente. Rien n'empêche un cessionnaire (comme Vanex) de conclure une entente avec un tractionnaire en vue de remplacer un véhicule si ce dernier subit des dommages, ou d'acquitter d'autres frais éventuels. En cas d'accident, l'indemnité d'assurance est versée par l'I.C.B.C. au propriétaire immatriculé.

[9] Lorsque le transfert s'effectue du tractionnaire à un cessionnaire, le tractionnaire reçoit un formulaire de permis et de taxe, qui lui permet de récupérer ultérieurement le véhicule. Aucune taxe de vente ne s'applique à ce moment-là.

[10] Lors du réinterrogatoire, le témoin a déclaré que l'organisme provincial compétent n'intervient pas dans le but d'obliger le cessionnaire à remplir le formulaire de permis et de transfert pour transférer de nouveau le véhicule au tractionnaire. Aucun chauffeur ou exploitant de flotte n'est tenu de souscrire une assurance de l'I.C.B.C., mais il doit alors obtenir une dispense.

[11] Les chauffeurs doivent conserver les reçus d'achat de carburant, et ils doivent consigner ces achats et l'endroit où ils ont été effectués dans un carnet de route, où ils inscrivent aussi le nombre total de milles parcourus dans chaque État ou province. L'I.C.B.C. ne délivre pas de police tant que la prime n'a pas été versée. Si les primes ne sont pas payées, l'I.C.B.C. les réclame au propriétaire immatriculé.

[12] Ruth Hall s'occupait de la comptabilité. Elle a déclaré qu'elle accomplissait des tâches pour Vanex. Elle a dit être la contrôleuse. Son travail avait également trait à la trésorerie de la société; elle était responsable des méthodes comptables, accomplissait certaines tâches relatives au personnel et à la paie, produisait les déclarations de revenu et établissait au nom de la société les rapports exigés par divers organismes. Elle aidait les responsables de la société à prendre leurs décisions. Elle n'était pas actionnaire de Vanex.

[13] Vanex comptait de 30 à 35 employés environ. De ce nombre, 24 étaient des chauffeurs, et six occupaient d'autres fonctions. On comptait deux répartiteurs et deux commis affectés à la facturation et au classement. Il y avait un directeur général, qui était responsable des carnets de route. Entre 1991 et 1994, les ventes annuelles totales de Vanex variaient entre 2 et 5 millions de dollars, dont la plus grande partie provenait du transport de marchandises. Aucune partie de ce revenu n'était tirée de la vente de carburant, d'huile, de pneumatiques, de permis ou d'assurance.

[14] Le témoin a décrit les activités de Vanex comme étant celles d'un transporteur. Des marchandises étaient transférées du point A au point B en contrepartie de frais. Vanex menait ses activités en Colombie-Britannique de même que dans d'autres provinces et dans des territoires, dont le Yukon et l'Alberta, et elle possédait une autorisation commerciale inter-États valide aux États-Unis. Les frais étaient payés par les clients. Le témoin a expliqué le sens de certains termes utilisés dans ce secteur d'activité. On parle d'expéditeur pour désigner l'endroit où s'effectue le ramassage des marchandises. Le destinataire correspond à l'endroit où les marchandises sont livrées. Le client peut être l'un ou l'autre. Vanex exécutait aussi des activités de transport de marchandise pour d'autres entreprises du même secteur. On dit de ces activités qu'elles constituent des échanges intercompagnies.

[15] Vanex établit les factures destinées aux clients. Les factures incluent la TPS. Par contre, les factures relatives aux échanges intercompagnies ne comprennent pas la TPS. Le revenu attribuable aux échanges intercompagnies représente 10 pour cent du total.

[16] Vanex possède de 28 à 30 tracteurs. Il existe deux catégories de chauffeurs, soit les employés ou employés permanents, qui offrent uniquement leurs services à la société, et les tractionnaires, qui offrent à la fois leurs services et l'usage d'un tracteur à la société. En tout, 22 des 28 tracteurs avaient été transférés à Vanex par les tractionnaires. Vanex était propriétaire immatriculée et détentrice de permis à l'égard de tous les véhicules automobiles exploités aux termes de son permis de transport routier.

[17] Les chauffeurs permanents conduisaient les véhicules achetés par Vanex. Le nom de la société était inscrit sur la porte. Il était également inscrit sur la porte des autres tracteurs. Le témoin a indiqué que la remorque est le véhicule dans lequel les marchandises sont transportées. Vanex possédait quatre types de remorques : les remorques à plateforme surbaissée, les remorques à cadre de châssis surbaissé, les bi-trains et les fourgons frigorifiques ou conteneurs réfrigérés. Les remorques à plateforme surbaissée servaient au transport de machinerie; les remorques à cadre de châssis surbaissé, qui comportent un élément unique, étaient utilisées pour le transport de machinerie de petite taille et de bois débité. Les bi-trains servaient au transport de buses, de ponts et d'acier. Ils se composent de deux éléments joints. Les conteneurs réfrigérés servaient au transport de marchandises réfrigérées.

[18] Le revenu de Vanex prend la forme de frais ou de tarifs. Ces frais ou tarifs dépendent du genre de marchandises transportées, du temps nécessaire à l'expédition et d'autres facteurs commerciaux. Les frais sont calculés d'après le poids et la catégorie des remorques utilisées. Le délai de paiement accordé aux clients est de 30 jours. La société verse la totalité de la TPS calculée à l'égard des activités de transport, sauf celles qui relèvent d'échanges intercompagnies. Les responsabilités des employés permanents consistent à inspecter les véhicules, à vérifier avant le départ les tracteurs et les remorques, à veiller à ce que les marchandises soient chargées et arrimées de manière sûre, à assurer le respect de la réglementation applicable ainsi que la sécurité des opérations, et à vérifier que les carnets de route sont tenus comme il se doit. La description des marchandises transportées est fournie sur les lettres de voiture ou sur les factures pro forma. La société établit les factures à partir des lettres de voiture.

[19] Les employés permanents ne pouvaient exercer d'activités de transport pour d'autres entreprises. S'ils l'avaient fait, ils auraient été congédiés. La société utilisait 30 remorques, dont 28 avaient été acquises à titre onéreux, les deux autres appartenant à des chauffeurs à contrat. Certains des chauffeurs à contrat avaient acquis le tracteur et la remorque à titre onéreux. Parfois, les chauffeurs à contrat utilisaient les remorques acquises à titre onéreux par Vanex, mais, la plupart du temps, ils utilisaient la leur. Ni les chauffeurs à contrat, ni les employés n'utilisaient de permis ou de permis de transporteur routier établi à leur propre nom, et ils n'avaient pas souscrit d'assurance à titre personnel à l'égard des tracteurs et des remorques.

[20] La plupart des tracteurs fonctionnaient au carburant diesel, mais quelques camions légers fonctionnaient à l'essence. Ces derniers n'étaient pas utilisés pour le transport de marchandises. Parfois, les chauffeurs payaient le carburant et l'huile puis obtenaient un remboursement. La société avait conclu avec Shell un contrat d'utilisation de cartes-accès, dans le cadre duquel chaque utilisateur avait son propre NIP, aucun préposé de station-service n'ayant à intervenir.

[21] On trouve à l'onglet 23 de la pièce A-1 un formulaire de demande de cartes-accès présenté par Vanex à Shell. Le témoin a estimé que les achats de carburant se chiffraient à environ 70 000 $ par mois.

[22] Plus d'une vingtaine de cartes avaient été délivrées à Vanex, qui les confiait aux chauffeurs. Vanex consignait les numéros de cartes et les NIP. Il était indiqué sur le contrat conclu avec Shell que le client était Vanex. Les relevés devaient être envoyés à Vanex. Il incombait à celle-ci de payer les sommes dues, et elle payait en effet les sommes dues au titre du carburant et de l'huile, ainsi que la TPS. La société avait droit à une remise sur quantité par rapport au prix courant du carburant. Un tractionnaire indépendant n'aurait pu obtenir une remise semblable, même s'il avait utilisé une quantité comparable de carburant. Il aurait probablement eu à payer un prix plus élevé. Les cartes étaient confiées aux employés permanents et aux tractionnaires, qui devaient cependant s'en servir uniquement dans le cadre des activités de Vanex, et non pour leur propre usage ou dans le cadre des activités commerciales de quelqu'un d'autre.

[23] L'onglet 24 de la pièce A-1 contient une demande de crédit présentée par Vanex à Petro-Canada en vue d'obtenir une carte-accès. Vanex pouvait ainsi obtenir une remise sur quantité. On trouve à la page 2 une demande d'achats en gros portant sur des produits autres que le carburant, par exemple des lubrifiants. Selon le témoin, les pièces présentées aux onglets 23 et 24 étaient en vigueur de 1991 à 1994. Elles n'ont jamais été cédées à un chauffeur à contrat ni à un employé permanent. Vanex s'est conformé à l'article 9 relativement à l'assurance-responsabilité. Le contrat s'appliquait uniquement aux activités de Vanex. Tous les employés et chauffeurs à contrat étaient tenus de le respecter, faute de quoi ils s'exposaient à un congédiement.

[24] Vanex était tenue de faire rapport du nombre de milles parcourus et de litres achetés sur le territoire de chaque administration. Il existait une disposition prévoyant un paiement additionnel au titre de la taxe sur le carburant dans l'éventualité où la société consignait un plus grand nombre de milles parcourus en Colombie-Britannique et une plus petite quantité de carburant acheté dans cette province. La société devait alors acquitter le montant de taxe supplémentaire en envoyant un chèque à l'administration provinciale.

[25] L'onglet 19 contient la copie d'une police d'assurance de transporteur routier souscrite au nom de Vanex auprès de la Laurentienne Compagnie d’Assurance de Dommages. Vanex ne souscrivait pas d'assurance par l'entremise de l'I.C.B.C. Elle profitait d'une police flotte. La société devait avoir au moins cinq véhicules immatriculés afin de pouvoir profiter d'une prime fondée sur le revenu brut. Cela signifie en gros que la prime était calculée, du moins en partie, en fonction du revenu brut tiré par Vanex du transport de marchandises. Tel était le type de police en vigueur durant les années 1991, 1992, 1993 et 1994. La police d'assurance souscrite auprès de la Laurentienne Compagnie d’Assurance de Dommages englobait toutes les polices établies au nom de Vanex.

[26] L'onglet 9 contient la liste du matériel de Vanex, établie à l'interne en 1992, et l'on retrouve à l'onglet 10 une liste équivalente pour les années 1990 à 1994. Tout ce matériel était couvert par la police. Le paiement de la prime se faisait au moyen d'un versement initial et de chèques postdatés, aux termes d'un accord de financement. La prime définitive était calculée à la fin de l'année, un crédit ou un débit, selon le cas, étant alors inscrit au compte. La police n'a jamais été cédée ni transférée à un chauffeur à contrat. Vanex n'est pas autorisée à exploiter une entreprise d'assurance en Colombie-Britannique.

[27] Vanex ne perçoit pas de primes d'assurance auprès des chauffeurs à contrat, et aucun de ceux-ci n'a payé une telle prime. Aucun chauffeur à contrat n'a effectué un paiement à Vanex au titre du carburant facturé à cette dernière, et aucun n'a effectué un paiement au fournisseur pour le compte de Vanex. Les chauffeurs à contrat pouvaient au choix acheter leur propre carburant ou utiliser la carte de crédit. Certains d'entre eux achetaient eux-mêmes leur carburant.

[28] En cas d'accident, l'indemnité d'assurance était payée à Vanex. Concernant l'allégation énoncée à l'alinéa 8i) de la réponse, le témoin a déclaré que Vanex n'avait jamais demandé aux chauffeurs à contrat de payer plus, au titre de l'assurance, que ce qu'elle payait elle-même.

[29] L'onglet 5 contient la copie de la convention collective entre Vanex et la Transport, Construction and General Employees Association, section locale 66 (CLAC), convention ratifiée par le directeur général Dwayne Dunkley au nom de la société. Cette convention était en vigueur en 1992, 1993 et 1994. Du mois de janvier au 11 août 1991, aucune convention collective ou autre n'était en vigueur. Se reportant à la clause 1, le témoin a déclaré que les tractionnaires étaient réputés être des employés et étaient visés par la convention. Les cotisations syndicales étaient retenues sur la paie et versées à la CLAC. Les cotisations étaient versées et retenues. Les primes d'assurance-invalidité de courte et de longue durée, dont le paiement incombait aux employés, étaient retenues sur la paie et versées par Vanex.

[30] Le témoin s'est reporté à la clause 6 de la convention collective, qui stipulait que la rémunération des employés demeurerait conforme à la pratique en vigueur, et qu'elle pourrait faire l'objet de modifications ponctuelles, au gré des parties. Concernant la pratique en vigueur, le témoin a indiqué que trois taux étaient utilisés pour calculer la rémunération des chauffeurs : 1) le pourcentage du revenu; 2) un taux par mille; 3) un taux horaire.

[31] Le taux était de 28 pour cent dans le cas des bi-trains et de 29 pour cent pour les remorques à cadre de châssis surbaissé. Dans le cas des conteneurs réfrigérés, la somme payée était calculée d'après le nombre de milles parcourus, au taux de 42 cents le mille. Le taux applicable aux remorques à plateforme surbaissée s'établissait à 17,50 $ pour les chauffeurs qui étaient employés permanents. Les chauffeurs recevaient en outre 70 $ par mois au titre de l'assurance-soins médicaux, et ils avaient droit à une indemnité de congés payés. Cela constituait leur rémunération brute. La société effectuait des retenues au titre de l'impôt sur le revenu, de l'assurance-emploi (A-E) et du Régime de pensions du Canada (RPC), ainsi que des cotisations syndicales et de la prime d'assurance-invalidité de courte et de longue durée.

[32] Le taux de rémunération des tractionnaires s'élevait à 70 pour cent pour les remorques à cadre de châssis surbaissé, et à 75 pour cent pour les bi-trains. Le taux par mille était de 1,12 $ le mille pour les conteneurs réfrigérés et les petites remorques à deux essieux, et de 1,16 $ le mille pour les remorques à deux essieux les plus longues.

[33] Ainsi que cela a été indiqué, ces sommes constituaient la rémunération brute des tractionnaires, et les dépenses engagées par Vanex pour les déplacements en étaient déduites, y compris les frais d'assurance des véhicules et les autres dépenses se rapportant aux tracteurs durant le mois. Des retenues étaient également faites au titre des cotisations syndicales et des primes d'assurance-invalidité de courte et de longue durée.

[34] Aucun tractionnaire ne payait à Vanex le carburant, les primes d'assurance ou les permis de transporteur routier et d'utilisation de véhicules automobiles. Les taux variaient parce que les employés permanents offraient uniquement des services de chauffeur, tandis que les tractionnaires fournissaient en outre leur tracteur-remorque.

[35] Les tractionnaires avaient tous la possibilité d'acheter leur propre permis, de souscrire eux-mêmes une assurance, d'exercer leurs activités sous la bannière de Vanex et de payer leur carburant. S'ils l'avaient fait, Vanex n'aurait pas défalqué ses coûts. Vanex faisait également appel aux services d'autres transporteurs, notamment Kilrich Industries.

[36] Le témoin a fait mention de l'onglet 6 de la pièce A-1, qui contient une lettre envoyée par Frank Kooger, représentant de la section locale 66 de la CLAC pour la Colombie-Britannique, à Dwayne Dunkley, à propos du renouvellement de la convention collective. Cette lettre porte la date du 13 décembre 1994. Le témoin a indiqué que la société avait accepté de verser une rémunération horaire de 18,50 $. Les clauses 2 et 3 ont été mises en application, tandis que la clause 5 l'a été en partie.

[37] On a présenté l'onglet 17 de la pièce A-1 au témoin, qui a indiqué que ce genre de formulaire de transport était rempli pour tous les tracteurs et remorques des tractionnaires. Vanex a payé les frais de permis de tous les tracteurs pour chaque année en cause. Vanex ne transférait ni ne cédait les permis d'utilisation de véhicules automobiles aux chauffeurs à contrat, sauf si l'un deux cessait de travailler pour la société et qu'un transfert eût lieu. Il s'agissait d'une pratique courante. Cette pratique était approuvée par l'I.C.B.C. Vanex était propriétaire du permis de transporteur routier, ainsi que le montrait l'onglet 25. Le permis était assorti de certaines restrictions, que la société respectait.

[38] Le témoin a expliqué qu'il n'y a pas de frais annuels en contrepartie du permis de transporteur routier, mais que la société, en l'instance Vanex, paie la plaque d'immatriculation des véhicules délivrée à l'égard de ce permis. Une copie est présentée à l'onglet 26. Aucun permis d'aucune sorte n'était transféré aux tractionnaires, et la société n'a pas présenté à la commission des transports routiers de demande en vue de céder ou de transférer des permis. Quelques tractionnaires possédaient des permis de transporteur routier, mais ils exerçaient leurs activités pour le compte de Vanex. S'ils avaient utilisé le permis de transporteur routier de Vanex afin de transporter des marchandises pour le compte d'autres personnes, ils auraient été remerciés de leurs services. Vanex n'autorise pas les tractionnaires à exercer des activités de transport pour d'autres transporteurs ou pour leurs propres clients.

[39] L'onglet 7 de la pièce A-1 contient des bordereaux de paie et d'autres types de documents relatifs aux tractionnaires qui montrent la manière dont leur rémunération était calculée. D'après le témoin, le dernier de ces documents avait trait à une personne nommée Kilrich. Aucuns frais n'ont été engagés par Vanex au regard de cet entrepreneur indépendant, celui-ci payant lui-même tous ses frais. Lorsque le tractionnaire a droit à une rémunération calculée selon la distance parcourue, il reçoit un montant égal au taux applicable multiplié par le nombre de milles parcourus. Sa rémunération peut également être calculée selon un pourcentage du revenu de Vanex.

[40] Le témoin a répété que la société n'a jamais majoré les frais d'assurance. Elle demandait le montant exact qu'elle était tenue de payer. Vanex ne fournissait aucun service aux tractionnaires. Les sommes qu'ils recevaient correspondaient à la rémunération des services qu'ils offraient à Vanex.

[41] L'onglet 8 contient un bordereau de paie semblable à ceux fournis aux tractionnaires. Le témoin a également reconnu un avis de nouvelle cotisation à l'onglet 3, l'avis de décision à l'onglet 4, une liste de renouvellement du parc de véhicules de Vanex à l'onglet 11, et un état récapitulatif préparé à l'intention de l'I.C.B.C. pour les années 1994 et 1995 à l'onglet 12. Selon le témoin, les pratiques courantes en vigueur chez Vanex avant la convention collective sont demeurées inchangées pour l'essentiel une fois que cette convention a pris effet.

[42] Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a confirmé qu'elle était contrôleuse pour Vanex. Elle était au service de la société en juillet 1992. Elle travaille maintenant à temps partiel. Elle se considère comme une sous-traitante. Elle a admis que la production des déclarations aux fins de la TPS était l'une de ses responsabilités. Elle n'était pas actionnaire de Vanex. Elle remplissait une déclaration de TPS tous les trimestres. Les états financiers étaient établis chaque année, et elle communiquait au comptable les données requises pour qu'il puisse les préparer. Elle possédait une connaissance générale des activités de la société. Une déclaration de TPS a été produite à l'égard de la période allant du 1er au 31 janvier 1991, soit un mois, et tous les trois mois par la suite, et ce, jusqu'en octobre 1994. Les déclarations produites pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er février 1992 et le 31 octobre 1994 ont été déposées de consentement et constituent les pièces R-1 à R-10. Le témoin utilisait un programme informatique pour générer la déclaration de TPS. Elle imprimait la déclaration à la fin de la période de déclaration.

[43] Elle a indiqué qu'un certain Norman Ferris s'était fait restituer son véhicule, transféré antérieurement à la société. Interrogée à propos des documents sur la rémunération, elle a dit qu'ils étaient établis pour chaque chauffeur à contrat, chaque mois. Une feuille de route était établie pour chaque mois. Un numéro était attribué à chaque déplacement. Chaque remorque portait un numéro. Chaque tracteur portait également un numéro. Il y avait aussi un état récapitulatif mensuel des déplacements. Les pièces R-11 à R-34 ont été admises en preuve.

[44] Elle était bien au courant des méthodes comptables de la société. Elles établissait les bordereaux de paie des employés et des chauffeurs à contrat. Elle connaissait le genre de bordereau que l'on retrouvait à l'onglet 7 de la pièce A-1, et elle a indiqué qu'elle préparait des bordereaux semblables. Les retenues étaient inscrites en dessous du chèque. Lorsqu'on l'a reportée à l'onglet 37 de la pièce R-28, elle a précisé qu'il s'agissait d'une feuille de route de Troy Shallard et qu'elle se rapportait au numéro de véhicule 027 pour janvier 1995. La somme de 1 725 $ indiquée comme revenu correspondait au montant facturé au client. On établissait la rémunération totale payable au chauffeur à contrat, dont une partie était retenue pour fins d'impôt d'après la rémunération totale, et était versée au gouvernement. Des retenues étaient également effectuées au titre de l'assurance-invalidité de courte et de longue durée et des cotisations syndicales, et le solde était versé au chauffeur à contrat.

[45] Lors des années 1991 à 1994, il était convenu que les chauffeurs à contrat au service de Vanex recevaient 75 pour cent du revenu brut ou un taux par mille, moins les coûts engagés au titre du véhicule. Il n'existait pas de convention écrite durant cette période. Le chiffre de 75 pour cent s'appliquait alors. Le témoin n'avait rien à voir avec le taux par mille. Il n'existait pas de convention relativement aux dépenses. Les dépenses étaient ici les coûts engagés par Vanex pour les déplacements.

[46] Au sujet de la pièce R-33, elle a indiqué que le montant de 14 365,41 $ désigné comme revenu était le montant gagné par Bob Cleland, et non le montant relatif au véhicule portant le numéro 004. Les cotisations syndicales étaient celles payables par Bob Cleland.

[47] Interrogée au sujet du bordereau de paie de Bob Cleland pour le mois de février 1993, elle a indiqué que la somme de 4 501,43 $ avait été retenue sur sa paie, ce montant correspondant à la valeur du carburant acquis au moyen de la carte attribuée par la société à Bob Cleland pour le tracteur. De plus, les frais d'assurance retenus, soit 6 010,53 $, constituaient une dépense engagée par Vanex, de la même manière que le coût du carburant. Les réparations apportées au tracteur constituaient une autre dépense.

[48] Elle a été interrogée de nouveau au sujet du montant de 14 365,41 $, qui est inscrit à titre de revenu, et elle a déclaré que ce montant représentait la fraction du revenu brut de Vanex qui était attribuée à ce tracteur. Le solde était attribué à la remorque. Elle a indiqué que le chauffeur utilisant son propre tracteur peut recevoir de 86 à 87 pour cent du revenu. Elle a admis qu'une partie du revenu gagné était conservée par Vanex.

[49] Au sujet de la pièce R-33, le témoin a expliqué que le revenu attribué au tracteur (14 365,41 $) représentait 75 pour cent du revenu de Vanex relativement à ce véhicule. Au sujet des frais de carburant de 4 501,43 $, elle a précisé que ce montant incluait la TPS. Lorsque le véhicule 004 a été transféré de nouveau à Bob Cleland, aucun amortissement ne lui a été imputé. Les frais de carburant mensuels relatifs à chaque remorque étaient élevés.

[50] Les dépenses de certains entrepreneurs étaient considérées comme étant celles de Vanex. Interrogé au sujet du rapport de fin d'année de Vanex daté du 31 juillet 1993 (l'état des résultats), le témoin a indiqué que le revenu de la société se chiffrait au 31 juillet 1993 à 4 349 939 $. Le coût du carburant et des lubrifiants était de 133 813 $. Ce montant se rapportait uniquement aux chauffeurs qui étaient des employés de la société, et non aux chauffeurs à contrat. Un autre traitement était prévu pour ces derniers. Le comptable les considérait comme des sous-traitants. On n'effectuait pas de retenues au titre de l'A-E, du RPC ou de l'impôt sur le revenu dans le cas des chauffeurs à contrat.

[51] Le témoin s'est reporté au bilan de la société au 31 juillet 1993. Elle a précisé que les chiffres portant sur les salaires et les retenues se rapportaient aux chauffeurs autres que ceux à contrat, c'est-à-dire aux employés permanents. Interrogée au sujet de l'état des frais d'exploitation au 31 juillet 1993, elle a dit que la somme de 160 855 $ avait trait aux frais d'assurance et de permis. Il lui a été souligné que ce montant représentait moins de 4,25 pour cent du revenu brut. On a évoqué la possibilité que le montant en question se rapportât uniquement aux chauffeurs des camions fournis par Vanex, mais le témoin n'était pas de cet avis. Elle a mentionné qu'il s'agissait d'un chiffre net, une fois déduits les frais reliés aux chauffeurs à contrat. Cette réponse a été source de confusion pour la Cour. On lui a demandé s'il se pouvait que le chiffre de 2 779 437 $ inscrit au titre des salaires et des avantages sociaux comprenne les frais d'assurance. Elle a répondu qu'elle l'ignorait.

[52] À ce moment de l'interrogatoire, le témoin ne semblait pas parfaitement sincère, et soit elle esquivait volontairement la question, soit elle ignorait à quoi ce chiffre correspondait. Le témoin a pris connaissance de la pièce R-33, qui montrait qu'un montant de crédit de taxe sur les intrants s'élevant à 243,91 $ avait été réclamé sur le relevé relatif à Shell, alors que les frais en question avaient été réclamés entièrement à Bob Cleland, ainsi qu'on le constatait sur le relevé établi à son nom. On a demandé au témoin comment le chauffeur pouvait devoir de l'argent à Vanex si les sommes ainsi retenues étaient comptabilisées à titre de dépenses de Vanex. Elle a répondu qu'il pouvait s'agir de dépenses additionnelles rattachées à un emprunt contracté auprès de la société, etc.

[53] L'état de l'évolution de la situation financière de la société pour l'année se terminant le 31 juillet 1993 révélait une baisse de 2 006 $ des débiteurs relativement aux chauffeurs à contrat, ce qui a été attribué à une diminution des sommes dues par ces chauffeurs à la société.

[54] On a présenté au témoin une déclaration de TPS produite par la société auprès de Revenu Canada et dans laquelle un montant de crédit de taxe sur les intrants était réclamé. Le témoin a déclaré qu'elle avait dans une certaine mesure participé à la préparation de l'avis d'opposition présenté à Revenu Canada, et qu'elle avait rencontré l'avocat à ce sujet. Elle a pris connaissance d'un avis d'opposition, des motifs invoqués et de l'exposé des faits, et elle a reconnu la signature du président de la société. Elle a indiqué que, si un chauffeur à contrat quittait la société, le nom de cette dernière ne devait plus apparaître sur la porte de son véhicule.

[55] Vanex possédait une police d'assurance englobant tous les véhicules utilisés par les chauffeurs à contrat. En cas d'accident, l'indemnité d'assurance était versée à un compte et le tractionnaire était payé. La société ne percevait pas auprès des tractionnaires de TPS additionnelle en sus de celle indiquée sur la facture de Shell. Il en allait de même des frais de permis et d'assurance.

[56] On a demandé au témoin si elle était au courant du fait que les chauffeurs à contrat réclamaient des crédits de taxe sur les intrants. Elle a répondu qu'elle l'ignorait au départ, mais qu'elle l'avait appris par la suite. Elle a admis que Vanex réclamait des crédits de taxe sur les intrants à l'égard du carburant fourni par Shell et Petro-Canada.

[57] Le témoin a pris connaissance du bilan pour l'année se terminant le 31 juillet 1993 et du chiffre de 476 109 $ inscrit sous la rubrique ACTIF, et elle a déclaré ne pas savoir à quoi ce chiffre correspondait. Elle a ajouté qu'elle supposait qu'il s'agissait uniquement des actifs de Vanex, à l'exclusion des actifs transférés à la société par d'autres personnes.

[58] On a présenté au témoin les notes accompagnant les états financiers pour l'année se terminant le 31 juillet 1993 et le chiffre de 1 311 258 $ au titre des immobilisations - véhicules automobiles. Elle a dit que, à son avis, ce chiffre visait les six remorques de Vanex.

[59] Elle a été interrogée au sujet du sens de l'expression “ [traduction] absence de supplément pour carburant ” dans la lettre de la CLAC à Vanex datée du 13 septembre 1994. Elle a répondu qu'il s'agissait de frais en sus de ceux demandés à la société par Shell et Petro-Canada. La société n'a pas signé la convention, car elle était en désaccord avec plusieurs de ses stipulations; elle n'était d'accord qu'à propos de la première ligne de la lettre, concernant le taux horaire réel applicable au 1er janvier 1995, soit 18,50 $. Le témoin a précisé que Vanex n'appliquait pas de majoration en 1994.

[60] On lui a présenté les bordereaux de paie de Bob Cleland à compter du 7 janvier 1993, et elle a déclaré qu'ils étaient généralement représentatifs des rapports envoyés par Vanex aux tractionnaires.

[61] Lors du réinterrogatoire, interrogée à propos du montant de 476 189 $ figurant au titre des immobilisations, elle a dit que, si un camion était acquis et que l'acquisition n'était pas effectuée à titre onéreux, aucun montant n'était ajouté au total des immobilisations relativement à ce camion. À propos du bordereau de paie de Bob Cleland concernant le véhicule numéro 004 pour 1993, elle a dit que la société communiquait aux chauffeurs la méthode de calcul utilisée, de façon qu'ils sachent que “ [traduction] la société n'essayait pas de les rouler ”. Si tous les calculs n'avaient pas été indiqués, le revenu inscrit sur le bordereau aurait été de 995,15 $ plutôt que de 14 365,41 $. La somme de 995,15 $ était indiquée au coin inférieur droit, une fois toutes les retenues effectuées.

[62] Au sujet des tractionnaires ou chauffeurs à contrat, le témoin a indiqué qu'ils avaient la possibilité d'embaucher des chauffeurs et que le bordereau de paie était alors établi de la même manière.

[63] Questionnée de nouveau au sujet du montant de 14 365,41 $ constituant le revenu total de Bob Cleland relativement au véhicule numéro 004 pour février 1993, elle a dit que celui­-ci avait peut-être tracté une remorque lui donnant droit à un taux par mille. Elle ne pouvait préciser si tous les transports effectués par ce chauffeur lui donnaient droit au taux de 75 pour cent. Toujours à propos de ce montant, elle a indiqué qu'un montant total de 19 153,88 $ avait été facturé aux clients par Vanex si le taux de 75 pour cent était en vigueur. Ces chiffres apparaîtraient dans les comptes de Vanex à titre de montants facturés. Si le chauffeur avait payé toutes ses dépenses, il aurait reçu 14 365,41 $, soit 75 pour cent des revenus de Vanex rattachés au véhicule, plus la prime d'assurance-soins médicaux, et Vanex n'aurait procédé à aucune retenue.

[64] Le témoin a été interrogé à propos d'une feuille de route pour un dénommé Kilrich en février 1993, sur laquelle apparaissait un montant total de 1 051,36 $ et un revenu de 914,68 $. Elle a dit que le chiffre de 1 051,36 $ représentait le revenu tiré par Vanex du véhicule. Ce montant avait été facturé au client. Le chiffre de 914,68 $ représentait 87 pour cent de ce total, soit 75 pour cent pour le tracteur et 12 pour cent pour la remorque. Cela représentait le revenu de M. Kilrich. Celui-ci était un entrepreneur indépendant qui fournissait son tracteur ainsi que sa remorque, achetait lui-même son carburant et possédait son propre permis et sa propre police d'assurance.

[65] Gordon Edward Oakford était conseiller principal en contrôle des sinistres à la division des transporteurs routiers chez Axa Pacific Insurance Corporation (anciennement la Laurentienne). Il a reconnu la page couverture contenue à l'onglet 19, qui était la police flotte. L'assurée était Vanex. L'assurance était fondée sur les revenus bruts dans le cadre d'une police flotte. Cette police offrait une protection contre les dommages matériels touchant les marchandises, les entrepôts et les biens, et le taux était de 4,25 $ par tranche de 100 $ de revenu. L'assurance portait sur l'ensemble du matériel enregistré au nom de Vanex. Les véhicules qui n'appartenaient pas à Vanex ou n'étaient pas immatriculés au nom de la société n'étaient pas assurés. Une liste est fournie pour bien préciser le matériel assuré. Le témoin a dit que, de façon générale, les polices flottes étaient souscrites par des entreprises qui étaient propriétaires de plus de cinq véhicules immatriculés à leur nom.

[66] Le taux de 4,25 $ était calculé en fonction de différents facteurs, notamment la quantité de matériel, les montants en jeu, le revenu brut (estimatif), les régions où la société exerce ses activités (au Canada ou aux États-Unis), les sinistres subis antérieurement et les résultats de l'évaluation en matière de sécurité. D'autres types de polices existaient, mais il s'agissait de polices en coassurance. On peut assurer de un à cinq véhicules au moyen d'une police en coassurance. Les taux ne sont pas les mêmes.

[67] Un chiffre de base est calculé, puis d'autres facteurs sont pris en considération, dont le matériel, les sinistres antérieurs, les régions où s'exercent les activités assurées et le genre de protection souhaitée. L'écart entre le coût d'une police flotte et celui d'une police en coassurance peut être de 20 pour cent, ou même plus.

[68] En cas de sinistre, Vanex recevait l'indemnité d'assurance. L'assurance n'était ni cessible ni transférable. Aucune des polices souscrites n'a été cédée.

[69] L'assureur savait que Vanex faisait appel à des tractionnaires. Ceux-ci n'étaient pas couverts par la police. Seule Vanex l'était. Si un tractionnaire avait un accident au volant d'un véhicule assuré, l'accident était couvert et Vanex recevait l'indemnité d'assurance. Pour ce qui est des tractionnaires utilisant les remorques de Vanex afin d'exécuter des travaux pour leurs propres clients, Vanex ne payait pas de prime à cet égard. Le tractionnaire qui avait un accident alors qu'il transportait des marchandises pour un client ne faisant pas affaire avec Vanex n'était pas assuré.

[70] Lors du contre-interrogatoire, le témoin a indiqué que la police couvrait des remorques n'appartenant pas à Vanex mais utilisées dans le cadre des activités de cette dernière.

[71] En Colombie-Britannique, c'est l'I.C.B.C. qui assure la première tranche de 250 000 $. Au delà de ce montant, le propriétaire peut s'adresser à un autre assureur. Il n'a pas à obtenir la permission de l'I.C.B.C. pour faire appel à un autre assureur, sauf si ses activités sont circonscrites à la province. S'il possède des plaques aux termes d'un permis au prorata, le transporteur peut exercer un choix et cesser automatiquement de participer au régime de l'I.C.B.C. Il doit présenter une preuve d'assurance souscrite auprès d'un autre assureur. Les permis au prorata étaient encore en vigueur dans le cas qui nous occupe. Le témoin a estimé que les entreprises étaient les propriétaires immatriculés et les propriétaires en common law. Toute indemnité payable au titre de l'assurance est versée à Vanex et remise directement par celle-ci au tractionnaire ou à un autre sinistré. L'indemnité aurait pu être versée directement au tractionnaire ou à un autre sinistré, avec la permission de Vanex. Toutefois, la société d'assurances était tenue légalement de verser l'indemnité à Vanex.

[72] L'intimée a fait comparaître comme témoin Robert Cleland, tractionnaire et chauffeur de camion. Il possédait 32 ans d'expérience. Il conduisait son propre camion. Il connaissait bien Vanex. Il a travaillé de façon occasionnelle pour cette société pendant 17 ans. Au départ, il était employé, puis il est devenu tractionnaire. Il a débuté à la fin des années 1970. Il conduisait les camions de Vanex, dont il fut l'employé pendant trois ou quatre ans. Il a ensuite acheté un des camions de la société et a travaillé pour elle à titre de tractionnaire. Concernant la rémunération, lorsqu'il était employé, il recevait un salaire horaire plus 38 cents par mille, sans compter d'autres avantages. En 1984, il a acheté le camion et a par la suite reçu 70 pour cent du revenu.

[73] Le véhicule 004 lui appartenait. S'il générait 20 000 $ de revenu, il recevait 70 pour cent de ce montant. La société touchait 20 000 $ et lui en remettait 70 pour cent. Il acquittait tous les coûts relatifs à l'ensemble tracteur-remorque, y compris le carburant, l'assurance, les pneus, les réparations, les lubrifiants et les paiements relatifs à l'acquisition du camion. Il pouvait utiliser le compte de la société ou son propre compte. Il se servait de la carte d'achat de carburant et du permis de Vanex. Celle-ci déduisait de son chèque mensuel de rémunération les coûts correspondants. Le processus n'a jamais changé, mais les taux ont varié.

[74] Lorsque les Dunkley ont acheté Vanex, le taux est passé à 75 pour cent. Le témoin connaissait Dwayne, Dean et David, qui ont acquis Vanex. Il estimait qu'ils étaient les propriétaires. Ses conditions de travail avec la société n'ont pas été modifiées. Il finançait l'achat de son camion par l'entremise d'une société et effectuait des paiements mensuels sous forme de retenues sur sa part de 70 pour cent du revenu. Il a par la suite échangé son véhicule contre un autre, de 1989, et il a laissé son nouveau véhicule immatriculé au nom de la société (Vanex). Ils ont signé un document qui établissait que le camion lui appartenait. Ce document a été rédigé par un avocat.

[75] Le témoin a reconnu ses bordereaux de paie mensuels, qui constituent la pièce R-33, ainsi que les retenues, à la pièce R-34. Ces documents étaient établis par Vanex puis lui étaient transmis. Le montant de 14 505,41 $ est le montant qu'il a reçu de Vanex. Toutes les sommes retenues, exception faite d'un montant de 140 $ ajouté au revenu de 14 365,41 $, étaient payables à la société. Il a ajouté que le montant de 19 148,88 $ était le revenu total reçu par Vanex relativement au véhicule 004 durant la période en question. Le montant de 14 365,41 $ représentait 75 pour cent de ce revenu.

[76] Il a reconnu une note de crédit d'un montant de 2 578,45 $ de Crown Tire Service Ltd. Il a aussi reconnu un relevé d'achat de carburant de Shell, qui représentait le coût de l'essence qu'il avait consommée et qui avait été payée à l'aide de la carte de crédit Shell de Vanex pour le mois, ce coût étant de 3 728,57 $. Un montant de TPS se chiffrant à 243,91 $ était indiqué sur le relevé. Le témoin a affirmé avoir demandé à la société d'inscrire séparément la TPS payable. Il a déclaré ceci : “ [traduction] La société nous faisait payer le montant total, y compris la TPS. Nous déclarions la TPS ainsi payée et récupérions ce montant. ” Il a également reconnu l'ordre de travail no 1568, qui précisait les travaux qui avaient été effectués sur le véhicule 004 le 28 février 1993, travaux dont le coût s'établissait à 228,38 $. Ce montant incluait la TPS. Il en allait de même dans le cas des ordres de travail no 1509 et no 1532.

[77] Le témoin a déclaré que les camions, dont le sien, étaient immatriculés au nom de Vanex uniquement pour l'application des permis. Il était le propriétaire du camion. Il avait souscrit son assurance par l'entremise de Vanex. Les camions étaient immatriculés aux termes d'un permis au prorata, ce qui signifie que l'opération devait se faire par le truchement de Vanex. Il devait payer la franchise puisqu'il s'agissait de son camion. Il a vu un chèque établi à l'ordre de Vanex et du tractionnaire.

[78] Le témoin a reconnu la pièce R-35. Il s'agissait de sa déclaration de revenu de l'année 1993. Il l'a remplie, de même que le relevé des dépenses de la même année. Il a notamment inscrit des frais de repas et d'hébergement. Dwayne Dunkley a également signé le document. Il a reconnu une note relative aux frais indiqués et sa propre signature. C'est son écriture que l'on retrouvait sur l'enveloppe, qu'il a envoyée à Revenu Canada. Les pièces R-33 et R-34 ont servi à la préparation de la pièce R-35. Le total était déduit sur chaque bordereau. Il a reconnu d'autres parties de la déclaration de revenu, y compris des paiements de location, des factures de carburant, des comptes externes, des frais de plaque d'immatriculation, et il a indiqué que Vanex payait tous ces frais, mais a ajouté qu'il versait la somme correspondante à la société. Dans ce cas également, il a indiqué qu'il se servait des bordereaux de paie.

[79] Si les chauffeurs achetaient du carburant sans se servir de la carte de crédit, Vanex voulait qu'ils déclarent ce qu'ils avaient acheté et en indiquent le montant. S'il payait comptant, il communiquait à Vanex le montant de l'achat et précisait qu'il avait payé comptant, de façon que Vanex puisse verser la taxe sur le carburant applicable, mais cette dernière ne le remboursait pas. Il calculait le revenu d'entreprise net. Il a fait l'objet d'une vérification et a dû payer un montant complémentaire.

[80] Il a cessé de travailler pour Vanex en juin 1995 parce que la société allait lui imposer un supplément pour le carburant. Il a obtenu son propre permis. Lorsqu'il a quitté Vanex, il a repris son camion. Il n'a versé aucune contrepartie pour le camion. Il l'a acquis en mars. Il n'a pas payé de taxe de vente lors du transfert du camion de Vanex à son propre nom, puisque le camion lui appartenait déjà. Il n'y a pas eu de vente.

[81] Lors du contre-interrogatoire, le témoin a dit qu'il était titulaire d'un permis de transporteur routier. Il avait présenté une demande de permis en 1995. Il ne possédait pas de permis avant. Il a reconnu les droits de circulation de Vanex aux onglets 25, 27, 28 et 29 de la pièce A-1. Il a indiqué avoir travaillé aux termes du permis de Vanex, dont il payait 25 pour cent. Il ne pouvait exercer d'activités sans ce permis. Il a reconnu à l'onglet 19 la police d'assurance de transporteur routier de Vanex Truck Service Ltd. Il a dit qu'il n'en avait pas pour sa part. Il possédait un certificat valide d'assurance de responsabilité, mais il ne payait pas de prime à la société d'assurances. Il la payait à Vanex. Selon le témoin, en Alberta, “ [traduction] il n'est pas possible de travailler en indépendant, il faut être au service d'une entreprise qui possède des droits de circulation. ” Il aurait pu en obtenir s'il avait suivi toutes les étapes.

[82] Il a reconnu le document figurant à l'onglet 23, qui a trait à la carte-accès de Vanex, et il a indiqué en avoir vu une semblable auparavant, mais il n'a pas reconnu celle-là en particulier. Il a admis qu'il n'avait pas conclu de contrat de carte-accès avec Shell. Il existait une convention orale entre Vanex et lui. Il ne participait pas au contrat de carte-accès conclu par Vanex.

[83] De 1991 à 1994, le témoin a été tractionnaire, soit chauffeur à contrat. Il ne savait pas ce qu'était un entrepreneur indépendant. Interrogé au sujet de la pièce R-35, il a dit que toutes les dépenses inscrites avaient été engagées dans le cadre des activités de transport exercées pour Vanex. On lui a montré la convention collective figurant à l'onglet 5 du recueil de documents de l'intimée. Il ne pensait pas qu'il s'agissait de celle qu'il avait. Cette convention ne contenait aucune clause relative aux chauffeurs à contrat. Il en existait une, mais il ne l'avait pas vue. Il a admis qu'aucune clause de la convention ne stipulait expressément qu'il devait payer certaines sommes au titre du carburant, de l'assurance ou des permis. Il a par contre déclaré ceci : “ [traduction] Ils prennent mon argent et le conservent 60 jours. Je le récupère lorsque je pars. Ils en retiennent une partie pour le carburant, le permis et l'assurance. ”

[84] On a demandé au témoin en quoi consistaient les responsabilités des employés. Il a dit que les employés devaient effectuer des vérifications avant le départ, arrimer le chargement, conduire prudemment et respecter l'horaire, mais cette dernière exigence n'était pas appliquée de façon stricte. Ils devaient aussi établir un état récapitulatif des transports, obtenir la signature des destinataires, et c'étaient là ses tâches comme employé. Au sujet de l'horaire, il a déclaré : “ [traduction] Nous exerçons un certain contrôle, étant donné que nous ne sommes autorisés à conduire que pendant 60 heures par période de sept jours. ” En cas d'accident, Vanex et lui-même font l'objet de la demande d'indemnisation. Lorsqu'il est devenu tractionnaire, il effectuait les vérifications avant départ ainsi que l'essentiel des autres tâches incombant aux employés, mais il devait en outre veiller à l'entretien du camion. Il devait payer la peinture, les pneus, les réparations, etc. Il s'est procuré l'argent nécessaire pour acheter son camion. Celui-ci lui appartenait. Conformément à une entente avec Vanex, il a organisé lui-même le financement du camion. Il a conclu un contrat de crédit-bail. Il a fait affaire avec une société de crédit-bail ayant une très bonne réputation. Il devait immatriculer le véhicule au nom de Vanex. Toutefois, il pouvait conserver le véhicule à son départ. Il a signé le contrat de financement du véhicule à titre de débiteur principal. Vanex était cosignataire. “ [traduction] L'aide-comptable n'a pas apporté en cour tous les documents relatifs au véhicule, étant donné que c'est lui qui a signé. ”

[85] À propos de la carte servant à l'achat de carburant, c'est le témoin qui était responsable du carburant. Il avait droit à 75 pour cent des frais facturés par Vanex aux clients. Une autre convention était en vigueur, qui prévoyait des taux de rémunération des chauffeurs différents de ceux mentionnés à l'onglet 6 du recueil de documents de l'intimée. Le motif sous-jacent à cette convention était que les chauffeurs pouvaient se syndiquer. C'était tout ce qu'il savait de la convention. Conformément aux conditions d'embauche, le chauffeur recevait 75 pour cent du revenu. Il recevait lui-même 75 pour cent du revenu, puis Vanex effectuait les retenues.

[86] Il n'était pas d'accord avec la méthode utilisée par Vanex pour calculer le revenu. Il n'existait aucun moyen de savoir quelle quantité de carburant le camion consommerait au cours d'une journée donnée. Vanex ne calculait pas sa paie en fonction de ses coûts. “ [traduction] Lorsque la société vous engage, il est prévu que vous aurez droit à 75 pour cent de son revenu brut. ” La convention ne contient aucune disposition relative aux dépenses de la société. Si Vanex avait acheté le carburant, les chauffeurs ne se seraient pas souciés du coût du carburant. Une copie du relevé de compte était envoyée aux chauffeurs. Ceux-ci avaient reçu comme directive de Vanex de ne pas communiquer d'information sur le carburant qu'ils utilisaient. De 1991 à 1994, le témoin a effectué des transports pour Vanex, mais il ne transportait que des conteneurs. Il a réclamé des crédits de taxe sur les intrants au titre du carburant acheté pour les années 1991 à 1994, et on ne les lui a pas refusés. Il a été interrogé de nouveau à propos de la pièce R-33, et il a indiqué avoir payé la TPS. L'aide-comptable de Vanex savait qu'ils déclaraient la TPS, et il lui a été demandé de la répartir sur la carte Shell de la même manière que sur la carte Petro-Canada. Des copies étaient jointes au bordereau de paie du témoin, et il estimait quant à lui que cela signifiait que ces sommes lui avaient été attribuées.

[87] Il avait convenu avec Revenu Canada d'effectuer une retenue de 40 pour cent, une fois déduits les frais relatifs au carburant et à l'assurance. La pièce R-35 contenait son état des revenus et des dépenses, sur lequel apparaissaient des paiements effectués conformément au contrat de crédit-bail portant sur le camion de 1989. Il n'a jamais établi de chèque au nom de Vanex pour le carburant, mais c'était lui qui le payait. Il n'a jamais versé d'argent comptant à Vanex pour le carburant, les permis ou l'assurance.

[88] Dean Dunkley a effectué du travail de répartition pour Vanex. Vers 1990, les Dunkley ont acheté les actions de Vanex. Son ancien patron a dit qu'il voulait assurer le maintien du taux auquel il (Bob Cleland) avait droit, et il a discuté avec David Dunkley. Le témoin avait les mêmes conditions de travail avec Vanex. Il devait recevoir 75 pour cent du revenu. Un taux par mille était accordé aux chauffeurs de camions-viviers, tandis que lui avait uniquement droit à un pourcentage du revenu généré par son véhicule. Parfois, il était impossible de dire si un supplément lui était imposé pour le carburant uniquement en examinant les factures.

[89] Le témoin a été interrogé au sujet de l'époque où il était répartiteur, et il a indiqué qu'il avait embauché quelqu'un pour conduire son camion durant cette période. Il recevait 1 000 $ par mois pour son camion lorsqu'il effectuait du travail de bureau. Il a répondu ainsi à une question : “ [traduction] Pourquoi m'auraient-ils donné ce montant s'il s'agissait de leur camion? Je leur ai dit que c'était ce que je voulais. Je payais le carburant, j'effectuais les paiements relatifs à l'acquisition du camion et j'acquittais tous les autres coûts. J'ai signé un contrat à cet égard également. ”

[90] Il a décrit la remise sur quantité à l'égard du carburant comme une formule aux termes de laquelle la remise accordée augmentait en fonction de la quantité de carburant utilisée. Le prix dépendait du volume. Les tractionnaires de Prince George avaient conclu une entente de ce genre.

[91] En 1994, il y a eu désaccord avec la société d'assurances à propos d'un sinistre et Vanex “ [traduction] n'a pas levé le petit doigt. Le chèque a été établi à l'ordre de Vanex et de Ken Schulure, étant donné qu'il s'agissait de son camion. ” Il n'existait pas de stipulation concernant l'utilisation qu'il faisait du carburant, exception faite du fait qu'il ne pouvait l'utiliser dans le but d'exercer des activités de transport pour un autre propriétaire.

[92] Au cours du réinterrogatoire, il a déclaré ne pas avoir de police d'assurance avec Vanex. Les plaques étaient obtenues par l'entremise de l'I.C.B.C., et il en payait le coût. La police d'assurance était souscrite auprès d'une société d'assurances au prorata, et il payait la prime. En cas d'ennui avec le camion, il communiquait avec la société d'assurances, non avec Vanex. Aux termes des conditions en vigueur, il avait droit à 75 pour cent du revenu brut, et la société payait 70 $ par mois au titre de l'assurance-soins médicaux. Ils profitaient d'une assurance-soins médicaux, puis la société en recouvrait le coût, et elle déclarait qu'elle n'imposerait pas de supplément aux tractionnaires pour le carburant, les pièces, etc. mais elle le faisait néanmoins. Pour ce qui est de l'assurance, le témoin a déclaré ceci : “ [traduction] Le coût imposé à la société, c'était nous qui le subissions en bout de ligne ” (“ nous ” désignant ici les chauffeurs à contrat). Les chauffeurs à contrat recevaient 75 pour cent du revenu parce qu'ils fournissaient le tracteur. Vanex obtenait 25 pour cent pour les permis et l'immatriculation, les cartes d'achat du carburant et l'assurance. Vanex payait les pneus des véhicules conduits par ses employés.

[93] Frank Kooger était représentant syndical à la Christian Labour Association of Canada. Il connaissait Vanex depuis l'été 1991. Il a eu une rencontre informelle avec l'employeur; il a discuté de divers sujets, notamment l'accès qu'avaient les employés à un régime d'avantages sociaux. Il a rencontré les employés et a conclu un accord de reconnaissance volontaire. L'accord portait sur des points comme l'agrément, le règlement des différends, les cotisations au titre d'avantages sociaux, les versements, les cotisations syndicales et le maintien de la rémunération accordée. Les parties s'entendaient de façon périodique sur ces points.

[94] Le témoin a été interrogé à propos de l'onglet 5 du recueil de documents de l'intimée et a dit que la convention collective en question avait été conclue entre Vanex et son association. La convention était datée du 17 octobre 1991. Elle s'appliquait à tous les employés, c'est-à-dire les employés embauchés directement ainsi que les tractionnaires. Elle a été en vigueur jusqu'en 1994.

[95] En 1994, le témoin a rencontré Dwayne Dunkley afin de définir les pratiques en vigueur en matière de rémunération. Dwayne a fourni une note sur les pratiques en vigueur. Le témoin possédait cette note, qui apparaît à l'onglet 51 du recueil de documents de l'intimée et qui a été désignée comme étant la pièce R-36. Il y était indiqué que les tractionnaires recevaient 75 pour cent du revenu brut, 25 pour cent revenant au transporteur. D'autres taux étaient également prévus. La note a été rédigée par Dwayne Dunkley en présence du témoin. Lorsque la société était propriétaire des camions, 27 pour cent du revenu brut était versé aux chauffeurs. Le tractionnaire qui transportait du poisson par camion-vivier avait droit à un taux de 1,12 $ par mille. Des taux particuliers étaient prévus pour les remorques à plateforme surbaissée louées, 70 pour cent du revenu étant accordé. La note exposait toutes les modalités entourant la rémunération, à l'exception de l'assurance-soins médicaux. Le tractionnaire devait acquitter ses propres frais pour ce qui est de la nourriture, du carburant, de l'assurance, etc.

[96] Le lendemain, le témoin a rencontré les employés pour rédiger une ébauche de proposition de renouvellement de convention. L'objet de cet exercice était de procéder à un échange de vues avec les chauffeurs au sujet de leurs revendications. La note qu'il avait rédigée a servi de point de départ. Il y a eu des discussions à propos de la rémunération des tractionnaires, qui correspondait à une répartition 75/25 du revenu brut. Interrogé à propos de l'onglet 50 du recueil de documents de l'intimée, le témoin a dit qu'il s'agissait du compte rendu de la réunion tenue avec Vanex le 26 janvier 1994. Sa proposition prévoyait que, à compter du 1er septembre 1994, le taux horaire soit de 18,50 $, que le taux par mille passe à 44 cents et que les pourcentages de revenu accordés aux chauffeurs demeurent inchangés; le tractionnaire qui fournissait uniquement le camion continuait de recevoir 75 pour cent du revenu, et la société, 25 pour cent; s'il fournissait à la fois le camion et la remorque, il recevait 90 pour cent du revenu, contre 10 pour cent à la société; le taux par mille pour les camions-viviers, qui était de 1,12 $, passait à 1,15 $; le taux par mille de 1,16 $ passait pour sa part à 1,25 $. Le témoin a établi ces taux. La proposition a été transmise par lettre à l'employeur en avril.

[97] Le témoin a fait mention d'une lettre envoyée par Frank Kooger à Vanex le 12 juillet 1994 (onglet 53 du recueil de documents de l'intimée). Cette lettre reprenait de façon exacte les propositions formulées lors de la réunion syndicale et traitait de la rémunération désirée. Le revenu devait être réparti dans une proportion de 75/25 lorsque les tractionnaires fournissaient uniquement le camion, et de 90/10 lorsqu'ils fournissaient le camion et la remorque.

[98] La question des coûts d'exploitation du véhicule des tractionnaires n'était pas abordée, mais il était convenu que ces coûts devaient être assumés par les tractionnaires. L'employeur a présenté une contre-proposition le 1er septembre 1994. Les taux horaires demeuraient les mêmes pour les chauffeurs de la société, et les tractionnaires devaient payer le coût de leur régime d'assurance-soins médicaux. L'employeur ne faisait aucune concession qui se serait traduite par une hausse de ses coûts : les taux horaires étaient maintenus, le partage du revenu avec les autres chauffeurs de la société et les taux par mille n'étaient pas modifiés, et le partage du revenu avec les tractionnaires continuait de se faire dans une proportion de 75/25 si ceux-ci fournissaient uniquement le camion, et de 90/10 s'ils fournissaient le camion et la remorque. L'employeur voulait que les tractionnaires paient le coût de leur régime d'avantages sociaux, qui se chiffrait à 120 $ par mois.

[99] Le témoin a envoyé à la société la lettre datée du 12 juillet 1994 (onglet 52 du recueil de documents de l'intimée), en vue du renouvellement de la convention collective. Le 13 décembre 1994, il a écrit une lettre à Dwayne Dunkley, lettre qui apparaît à l'onglet 6 du recueil de documents de l'appelante et qui, selon le témoin, avait pour effet de conclure la nouvelle convention et qui énonçait les modifications apportées jusque-là aux pratiques courantes. Il a indiqué que les syndiqués l'avaient ratifiée. La proposition consistant à faire payer le coût de l'assurance-soins médicaux de 70 $ par les tractionnaires devait être abandonnée.

[100] Le témoin a déclaré que, selon la convention, le tractionnaire recevait 75 pour cent du revenu brut, il fournissait uniquement le tracteur et aucune retenue n'était effectuée pour les frais connexes. Il a indiqué que les tractionnaires devaient prendre en charge les frais rattachés au tracteur.

[101] Au cours du contre-interrogatoire, il a déclaré que, de son point de vue, l'expression “ entrepreneur indépendant ” et le terme “ tractionnaire ” étaient synonymes. En Colombie-Britannique, les membres d'une unité de négociation n'ont pas tous à être des employés. Les tractionnaires peuvent être représentés par un syndicat. Une personne peut être un employé à des fins de négociation collective uniquement. Conformément à la clause 4.03 de la convention collective, les seules retenues sur la rémunération des employés avaient trait au coût de l'assurance-invalidité de courte et de longue durée. Les primes payables étaient retenues sur la rémunération des employés et devaient être versées en leur nom. L'employeur ne pouvait effectuer d'autres retenues sur la rémunération des employés aux termes de la convention.

[102] Il n'aurait pas été possible pour Vanex de calculer la revenu des tractionnaires d'après leurs frais. Vanex achetait le carburant d'un fournisseur à un prix moins élevé. Ses tractionnaires bénéficiaient de ce bas prix. Dans le cas de Vanex, le témoin savait que les chauffeurs à contrat recevaient 75 pour cent du revenu et Vanex, 25 pour cent.

[103] Cosima Stea était agent des appels à Revenu Canada. Il a reçu un avis d'opposition produit au nom de Vanex le 23 juin 1995, au bureau de Prince George, et l'a transmis à Vancouver le 7 juillet suivant. Il a décrit la documentation pertinente versée au dossier ministériel, y compris le dossier du bureau de Prince George. Il a également décrit un avis d'opposition reçu au ministère. Il a reconnu la pièce R-38, soit un avis d'opposition et des pièces jointes qui ont été admis en preuve.

Thèse de l'appelante

[104] L'avocat de l'appelante a soutenu que la question en litige comportait trois volets : 1) l'appelante aurait-elle dû exiger la TPS à l'égard de la fourniture de services d'assurance aux tractionnaires? 2) Vanex aurait-elle dû exiger la TPS à l'égard de la fourniture présumée de permis de transporteur et de permis d'utilisation de véhicules automobiles établis à son nom aux tractionnaires exerçant des activités pour elle? 3) Vanex aurait-elle dû exiger la TPS à l'égard de la fourniture présumée de carburant diesel et d'huile aux tractionnaires?

[105] L'avocat a prétendu que Vanex n'avait pas effectué de fourniture aux tractionnaires à l'égard des permis, puisque c'était elle qui était titulaire de ces permis. Ceux-ci n'étaient ni transférables ni cessibles, et ils n'ont jamais été transférés ni cédés. De plus, Vanex ne fournissait pas de services d'assurance aux tractionnaires, étant donné qu'elle était l'assurée aux termes des polices et que celles-ci n'étaient ni transférables ni cessibles, et qu'elles n'ont pas été transférées ni cédées.

[106] Le ministre a supposé que Vanex avait souscrit une assurance auprès de l'I.C.B.C. et qu'elle l'avait transférée aux tractionnaires, mais il est clair au vu de la preuve qu'aucune assurance n'a été souscrite auprès de l'I.C.B.C., car elle l'a été par l'entremise d'un autre assureur.

[107] En ce qui a trait au carburant et à l'huile, c'est Vanex qui acquérait la fourniture de Petro-Canada et de Shell, et les produits ainsi acquis devaient être utilisés par les tractionnaires à la seule fin d'expédier pour Vanex les marchandises à ses clients. Par conséquent, l'acquéreur du carburant était Vanex, non les tractionnaires. Ces derniers n'avaient pas la possession du carburant. Ils ne pouvaient l'utiliser que pour le transport de produits pour le compte de Vanex aux clients de cette dernière.

[108] Concernant le témoignage de M. Cleland, celui-ci a indiqué qu'il ne voulait pas risquer d'essuyer une perte égale au coût du carburant dans l'éventualité où la société ferait faillite et où il ne pourrait obtenir un remboursement. C'est pourquoi il voulait utiliser la carte fournie par Vanex pour l'achat de carburant. Dès lors, s'il recevait le carburant et que Vanex dût fermer ses portes, il n'essuierait pas de perte. À l'opposé, M. Kilrich, à partir du moment où il acquérait lui-même le carburant, aurait subi une perte dans un tel cas.

[109] Même si les permis, l'assurance, le carburant et les lubrifiants étaient fournis aux tractionnaires, ceux-ci ne payaient pas de contrepartie à ce titre. Ils ne versaient pas d'argent et ne remettaient pas de biens de valeur à la société, et la seule forme de contrepartie possible pour ces articles aurait consisté en éléments compensatoires. D'après les faits révélés par la preuve dans la présente affaire, il n'existait pas de dette mutuelle permettant de compenser le coût de ces articles, puisque c'est à Vanex qu'il incombait de l'acquitter. Les sommes versées par Vanex aux tractionnaires représentaient uniquement la rémunération de leur travail, plus un montant au titre du rendement de leurs investissements (soulignement ajouté). Ils n'avaient pas droit au pourcentage parce qu'ils ne payaient pas leurs frais comme le faisait M. Kilrich. La convention collective déposée en preuve constituait le contrat entre les tractionnaires et Vanex. Aux termes de cette convention, Vanex ne pouvait effectuer que trois retenues sur la rémunération des tractionnaires : (1) les cotisations syndicales; (2) les primes d'assurance-invalidité de courte durée; (3) les primes d'assurance-invalidité de longue durée (les sommes correspondantes étaient payées par Vanex, puis soustraites de la rémunération des tractionnaires). Dans son témoignage, Ruth Hall a indiqué que Vanex n'avait pas à accorder aux tractionnaires de pourcentage du revenu si ceux-ci ne payaient pas leurs propres frais. Or, ils ne le faisaient pas.

[110] Concernant l'assurance, tout ce que voulaient les tractionnaires était d'être payés au titre des dommages subis par leur véhicule. Toutes les autres responsabilités incombaient à Vanex, non aux tractionnaires. La police d'assurance couvrait Vanex, non les tractionnaires.

[111] Au sujet des permis de transporteur routier, aucun des tractionnaires n'en possédait un à titre personnel. Seul le titulaire d'un permis peut conduire des véhicules sur les routes. Les tractionnaires exerçaient leurs activités dans le cadre du permis de Vanex. Les permis n'étaient ni cessibles ni transférables, et ils n'ont pas été cédés ni transférés. Dans le cas des permis d'utilisation de véhicules automobiles, les propriétaires des véhicules étaient les titulaires des permis. Vanex était propriétaire de tous les véhicules, sauf pour l'application de la taxe de vente au moment de l'acquisition initiale des véhicules.

[112] L'avocat s'est reporté aux onglets 25, 26 et 27 de la pièce A-1 et a indiqué que tous les documents en question avaient été délivrés en application de la Motor Carrier Act.

[113] La Motor Carrier Act définit “ license ” (permis), “ licensees ” (détenteurs de permis), “ public freight vehicle ” (véhicule de transport public) et “ public vehicle ” (véhicule public). Suivant l'article 3 de cette loi, les tractionnaires n'auraient pu exercer leurs activités si Vanex n'avait pas détenu de permis. Aucun de ces tractionnaires ne détenait de permis de transporteur routier. Ils exerçaient donc leurs activités uniquement pour le compte de Vanex.

[114] L'article 7 concerne les transferts et les cessions, et l'avocat a souligné que les permis n'ont pas été cédés ni transférés, et qu'aucune demande n'a été faite en ce sens. Cela signifie que seule Vanex avait le droit d'exploiter les véhicules et que les tractionnaires travaillaient uniquement pour son compte. Vanex était titulaire des permis tout au long de la période en cause.

[115] L'avocat a fait allusion aux définitions de “ fourniture ” et de “ vente ”. Il a soutenu que, dans le cas présent, le permis était un bien selon la définition énoncée dans la loi pertinente. Les permis conféraient le droit d'utiliser les véhicules. Ils n'étaient pas vendus, ce qui signifie qu'ils n'étaient pas fournis par vente au sens des définitions de “ fourniture ” et de “ vente ” Le terme “ transfert ” n'est pas défini. En l'espèce, le permis était dévolu à Vanex, et à personne d'autre.

[116] Selon la définition du terme “ barter ” (troc) dans le Black's Law Dictionary, il n'y a pas eu d'échanges de permis dans la présente affaire. Les permis ont toujours été dévolus à Vanex. De plus, il n'y a pas eu échange selon la définition de ce terme. Vanex ne s'est pas départie des permis, ne les a pas transférés, donnés ni rien de la sorte; les permis ont toujours été établis à son nom, et elle ne pouvait délivrer à son tour des permis aux tractionnaires. Seule l'administration provinciale a ce pouvoir.

[117] Il n'y a pas eu d'aliénation dans la présente affaire. Vanex n'a pris aucune telle mesure à l'égard des permis d'utilisation de véhicules automobiles.

[118] Vanex était propriétaire immatriculée de tous les tracteurs et remorques. Les documents montrent qu'une opération taxable a eu lieu lors de l'achat d'origine par le tractionnaire. Le tractionnaire a ensuite rempli les formulaires de transfert. Cela a permis d'effectuer le transfert de propriété du propriétaire à Vanex. Celle-ci est devenue propriétaire en common law après le transfert. Aucun prix d'achat n'était indiqué à l'égard de l'opération sur ce formulaire de transfert. Le transfert était effectué uniquement à des fins d'obtention de permis et d'assurance. Il s'agissait simplement d'une mesure administrative de la part des autorités fiscales afin de permettre aux tractionnaires d'être couverts par la police d'assurance. Il était ainsi possible d'effectuer le transfert de propriété pour toute fin autre que l'application de la taxe de vente. L'administration compétente a décidé de ne pas percevoir de taxe dans ces circonstances. Il s'agissait d'une décision stratégique du gouvernement.

[119] Dans l'affaire Technogold Imports Inc. v. The Queen, [1998] 2868 ETC, (C.C.I.), le juge Bowman a jugé que le véritable propriétaire était le propriétaire immatriculé. (Se reporter au paragraphe 8, page 4.) Dans l'affaire Seawest Financial Corp. v. Town Centre Chevrolet Oldsmobile Ltd., [1984] B.C.J. No. 1301 (C.S.C.-B.), [Q.L.], le transfert n'avait pas été enregistré, mais la Cour a jugé que le propriétaire demeurait la personne nommée sur le document. L'enregistrement n'est pas nécessaire pour que le transfert soit valable.

[120] Dans la présente affaire, un formulaire de transfert a été rempli chaque fois. Vanex était la propriétaire immatriculée. En l'espèce, il y avait un document de transfert ainsi qu'une immatriculation. Dans l'affaire Westbrook v. Arlent, [1994] B.C.J. No. 1728 (C.S.C.-B.), la Cour a jugé que le propriétaire immatriculé était le véritable propriétaire. Dans cette affaire, la Cour a décidé que le propriétaire immatriculé était le propriétaire véritable et le propriétaire de fait.

[121] L'avocat a soutenu que les tractionnaires avaient un motif valable de transférer leur véhicule au nom de Vanex, puisqu'ils profitaient d'un allégement de l'ordre de 20 pour cent sur leurs primes d'assurance. Par contre, M. Kilrich n'a pas transféré son véhicule à Vanex et payait sa propre prime d'assurance. Également, il était avantageux pour les tractionnaires d'effectuer ce transfert afin de profiter des plaques d'immatriculation aux termes du permis au prorata. Un formulaire de transfert était signé. Ce document équivalait à un acte de vente. Vanex signait le formulaire de transfert et veillait à ce que le véhicule soit couvert par la police d'assurance en l'inscrivant sur la liste de son matériel. La totalité de son matériel était couvert par la police d'assurance. Vanex recevait un permis d'utilisation de véhicule automobile pour chaque tracteur et remorque. Elle obtenait le permis, payait les frais et recevait un certificat de propriété.

[122] Il est vrai que le nom de l'acheteur d'origine était mentionné, mais uniquement pour qu’il soit indiqué qu'il avait payé la taxe pour les services sociaux. Si le véhicule était transféré de nouveau au tractionnaire, le transfert était exonéré de taxe. Vanex était le véritable propriétaire pour toutes fins autres que l'application de la taxe pour les services sociaux. Chaque véhicule avait un numéro de flotte. De plus, le nom de Vanex était apposé sur le flanc de chaque véhicule.

[123] Les parties convenaient que les frais relatifs au permis de transporteur routier étaient exonérés de TPS lors de la vente de celui-ci à Vanex. (Toutefois, le ministre a soutenu que cette exonération visait les frais d'origine, non le transfert aux tractionnaires.)

[124] Le permis a été délivré sous le régime de la Commercial Transport Act. L'article 3 de cette loi portait que certaines dispositions de la Motor Vehicle Act étaient réputées faire partie de cette loi, plus particulièrement les articles 79 à 81, l’expression “ commercial vehicle ” étant utilisée à la place de “ motor vehicle ”. L'article 5 se rapportait aux permis et à l'immatriculation. Aux termes de cet article, Vanex était propriétaire en common law et propriétaire immatriculée, et elle obtenait un permis l'autorisant à utiliser les véhicules sur n'importe quelle route. Le permis n'était ni cessible ni transférable. Même si les tractionnaires payaient des frais, ils n'avaient pas droit à un permis en contrepartie. Ils avaient uniquement le droit d'exercer des activités pour le compte de Vanex.

[125] Selon l'article 79 de la Motor Vehicle Act, Vanex pouvait être tenue responsable du fait d'autrui au titre de tout dommage causé par ses véhicules lorsque ceux-ci étaient utilisés par des tractionnaires. Cette responsabilité était également prévue dans la Commercial Transportation Act, par renvoi. Aux termes de l'article 81, si un chauffeur commettait une infraction, Vanex pouvait en être tenue responsable. Cette disposition figurait également par renvoi dans la Commercial Transportation Act. Vanex était titulaire du permis. Le permis n'a jamais été dévolu aux tractionnaires. Tout au plus ceux-ci exerçaient-ils des activités pour le compte de Vanex. Par conséquent, peu importe comment on définit le terme “ fourniture ”, Vanex n'effectuait pas la fourniture de permis. Ceux-ci étaient constamment dévolus à Vanex.

[126] Également, concernant la question de l'assurance, l'avocat a fait référence aux alinéas h) et i) de la réponse du ministre et a indiqué que cette hypothèse avait été réfutée parce qu'il était clair, au vu de la preuve, que l'assurance n'avait pas été souscrite auprès de l'I.C.B.C. Dans l'affaire M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd., 64 DTC 5184 (C. de l'Échiquier), il n'y avait pas fourniture d'une assurance.

[127] Une police d'assurance était en vigueur. Elle avait été souscrite par Vanex d'après une estimation fondée sur différents facteurs, notamment le revenu d'entreprise et les statistiques de sinistres. Vanex payait les primes. Si les tractionnaires effectuaient des transports pour quelqu'un d'autre que Vanex, ces transports n'étaient pas couverts par l'assurance. Aucune prime n'était payée relativement à ces transports. Vanex était l'assurée. La police n'a pas été cédée ni transférée. Aucun tractionnaire n'était un assuré aux termes de la police. Il s'agissait d'une police flotte, qui couvrait tous les véhicules appartenant à Vanex; si chaque véhicule avait été immatriculé séparément, les primes auraient été plus élevées de 20 pour cent.

[128] L'avocat a aussi indiqué que la protection prévue par la police était très étendue, et beaucoup plus en fait que ce dont avaient besoin la plupart des tractionnaires. La police offrait bien plus qu'une simple assurance des dommages accidentels causés au véhicule en vue d'en indemniser le propriétaire. Vanex payait la prime.

[129] Il a été soutenu que, même si la Cour décidait de faire abstraction de l'affaire Pillsbury,précitée, et tenait compte de la police d'assurance qui était en vigueur, elle devait constater que Vanex n'en avait pas effectué la fourniture aux tractionnaires. On ne retrouvait dans les actes de procédure aucune autre allégation selon laquelle l'assurance avait fait l'objet d'une fourniture. La société d'assurances n'était pas tenue de verser les indemnités d'assurance aux tractionnaires, mais, si elle décidait de le faire, ce n'était pas une fourniture taxable, puisqu'il ne s'agissait pas d'un bien. Il ne s'agissait pas non plus d'un service, étant donné qu'il n'y avait pas de biens ni d'argent en jeu. La TPS est applicable uniquement à l'égard de la fourniture de biens ou de services. Par conséquent, si une somme d'argent était versée aux tractionnaires au titre de la police d'assurance, il ne s'agissait ni d'un bien, ni d'un service.

[130] Ainsi que le montrent les pièces, aucune police d'assurance n'a été souscrite par Vanex au nom des tractionnaires. Ces derniers n'avaient pas droit aux indemnisations prévues par la police.

[131]L'article 165 de la Loi est la disposition qui impose une responsabilité. Cet article porte que l'acquéreur d'une fourniture est la personne tenue de payer. Le terme “ acquéreur ” est défini. Dans la présente affaire, Vanex était tenue de payer la contrepartie de la fourniture, et elle l'a fait. Il s'agissait d'une fourniture détaxée, ce qui signifie que les alinéas b) et c) ne s'appliquaient pas.

[132] Concernant les permis, dans la mesure où il y a accord concernant la fourniture, l'acquéreur est tenu de payer les primes, et Vanex doit payer cette contrepartie.

[133] En ce qui concerne la perception de la taxe, cette responsabilité incombe au fournisseur aux termes de la Loi. Si Vanex est l'acquéreur, elle n'est pas le fournisseur, et elle n'a donc pas à la percevoir. Une seule personne était tenue de payer la prime, et c'était Vanex, ainsi que le démontre la preuve. Si les tractionnaires avaient été tenus d'effectuer ces paiements, la convention collective aurait contenu une clause en ce sens. Or, aucune disposition de la convention ne prévoit que les tractionnaires aient à payer quoi que ce soit, exception faite de l'assurance-invalidité de courte et de longue durée. Si un relevé donne à croire que tel n'était pas le cas, ce relevé est erroné.

[134] À propos du carburant et de l'huile censément fournis par l'appelante aux tractionnaires, la preuve a montré que Vanex présentait une demande aux sociétés pétrolières afin d'obtenir des cartes-accès établies à son nom. Chaque carte correspondait à un numéro de compte et était assortie d'un NIP, mais l'accord prévoyait que la cliente était Vanex. Ces cartes étaient obtenues dans le cadre d'un accord d'achat de carburant en grande quantité. Vanex était tenue de payer le carburant acheté au moyen des cartes aux termes de l'accord. Il était prévu dans l'accord qu’il revenait au client de payer.

[135] L'article 10 de l'accord stipulait que l'avantage ne pouvait être cédé sans le consentement du vendeur. En l'espèce, cet avantage n'a été ni cédé ni transféré.

[136] Concernant l'huile et les lubrifiants, l'achat de ces produits donnait également droit à une remise. Vanex était l'acquéreur de la fourniture effectuée par les fournisseurs. Les tractionnaires n'achetaient pas le carburant. Vanex était tenue de payer le carburant et le faisait bel et bien. Elle réclamait des crédits de taxe sur les intrants. Vanex assumait la responsabilité associée à ces activités commerciales. Elle exigeait la TPS sur les factures présentées aux clients, calculait la taxe nette payable et versait le montant en question.

[137] Au sujet de M. Cleland, en dépit de son témoignage, il ressort qu'il n'assumait pas le risque associé au carburant. Il en allait de même de tous les autres tractionnaires. Par contre, M. Kilrich achetait son carburant et était tenu d'en acquitter la facture. Il assumait le risque associé à l'achat de carburant.

[138] Ruth Hall a dit dans son témoignage que le carburant ne pouvait être consommé que pour le transport de marchandises effectué pour le compte de Vanex. Si un tractionnaire utilisait le carburant à d'autres fins, il risquait d'être remercié de ses services. S'il transportait des marchandises pour quelqu'un d'autre qu'un client de Vanex, il n'était pas couvert par l'assurance et ne pouvait se prévaloir des permis. Les employés permanents étaient assujettis aux mêmes contraintes.

[139] Dans la présente affaire, Vanex était propriétaire en common law et propriétaire de fait de tous les véhicules. La seule manière pour elle de recouvrer ses coûts était de facturer ses clients. Le carburant était réservé aux véhicules de Vanex. C'est Vanex qui avait la possession du carburant, non les tractionnaires. Ces derniers avaient tout au plus un “ droit d'utilisation limité ” du carburant.

[140] Les employés étaient rémunérés uniquement pour leur travail. Les sommes versées aux tractionnaires correspondaient à la rémunération de leur travail, plus un montant au titre du rendement de leurs investissements. L'avocat a mentionné l'affaire Imperial Drywall Contracting Ltd. v. The Queen, [1997] ETC 2951 (C.C.I.). Il a soutenu qu'elle cadrait parfaitement avec la présente affaire. Comme dans cette dernière, aucune fourniture n'avait été effectuée, étant donné que les employés avaient un “ droit limité ” d'utilisation des matériaux. S'il y avait fourniture, celle-ci était détaxée. Dans la présente affaire, les tractionnaires avaient un choix. S'ils achetaient leur propre carburant, ils n'avaient pas droit à une remise. S'ils ne l'achetaient pas, ils avaient droit à une remise grâce à l'accord d'achat en grande quantité.

[141] M. Kilrich était un entrepreneur indépendant, puisqu'il engageait directement ces coûts. Les tractionnaires faisaient un choix. Ils obtenaient un tarif d'assurance avantageux, profitaient d'une remise dans le cadre de l'accord d'achat en grande quantité, bref, ils s'en tiraient mieux qu'ils ne l'auraient fait s'ils avaient agi comme M. Kilrich. Dans la présente affaire, les tractionnaires étaient payés uniquement au titre de la rémunération de leur travail et du rendement de leur investissement. Ils accomplissaient des activités pour l'appelante aux termes d'un contrat, cette dernière ayant elle-même conclu un contrat avec ses clients à l'égard des activités en question.

[142] L'avocat a soutenu que les faits relatifs à la présente affaire étaient identiques à ceux de l'affaire Imperial Drywall, précitée. Le carburant utilisé par les tractionnaires servait uniquement au transport de marchandises pour le compte de Vanex. Les permis étaient détenus par Vanex, de même que la police d'assurance. Vanex n'a jamais aliéné les droits relatifs à la police d'assurance ou aux permis.

[143] L'avocat a admis que la question relative au carburant était quelque peu différente, mais il a dit que le carburant était assorti d'un droit d'utilisation limité, même si c'étaient les tractionnaires qui le consommaient en bout de ligne.

[144] Au sujet des documents comptables, l'avocat a prétendu que les factures avaient été établies par erreur. Les relevés de compte étaient la seule preuve que les tractionnaires avaient versé quoi que ce soit à Vanex. Toutefois, il s'agit uniquement de relevés de compte, rien de plus. Dans la présente affaire, une retenue était inscrite au titre du carburant, mais il n'y avait pas de montant sur lequel cette retenue pouvait être effectuée. Même si la Cour juge que les relevés en question sont exacts, il n'y avait néanmoins aucun montant de taxe payable, puisque le carburant était assorti d'un droit d'utilisation limité et que les permis et l'assurance ne faisaient pas l'objet d'une fourniture.

[145] Il n'y avait pas de dettes mutuelles en l'espèce. Vanex n'était pas légalement tenue de payer les tractionnaires d'après le pourcentage de son revenu, et les tractionnaires n'étaient pas tenus pour leur part de payer Vanex. Celle-ci ne pouvait transférer ses droits, ce qui signifie que, même si les tractionnaires payaient une contrepartie à ce titre, ils ne recevaient ni carburant, ni permis ni assurance de Vanex. Vanex n'a jamais aliéné ses droits à cet égard.

[146] Se reportant à l'affaire David Robinson v. M.N.R., 93 DTC 254 (C.C.I.), l'avocat a soutenu que, de même que dans la présente affaire, il n'y avait pas eu aliénation des droits du contribuable en faveur des tractionnaires.

[147] En l’espèce, il n'y a jamais eu de dette mutuelle, ce qui signifie qu'il ne pouvait y avoir compensation. Il n'y a pas eu de retenues. Les chiffres indiqués sur le relevé ne constituaient qu'une étape du calcul de la rémunération des tractionnaires. On se reportera également à l'affaire Ed Sinclair Construction & Supplies Ltd. et al. v. M.N.R., 92 DTC 1163 (C.C.I.), à la page 9.

[148] En résumé, l'avocat a soutenu que les permis n'avaient jamais été l'objet d'une fourniture. Ces permis ont toujours été dévolus à Vanex et n'ont jamais été cédés ni transférés. Il en a été de même des permis d'utilisation de véhicules automobiles. Vanex était la propriétaire en common law et la propriétaire de fait des véhicules. Les tractionnaires n'étaient pas titulaires des permis. Ils n’avaient pas en propre le droit d'exercer leurs activités. Vanex payait tous les frais et était l'acquéreur d'une fourniture exonérée, soit les permis. Elle ne pouvait transférer les droits qui lui étaient accordés par ces permis, et il lui était donc impossible d'effectuer la fourniture des droits à un tractionnaire.

[149] Au sujet de l'assurance, l'avocat a réitéré que cette allégation, formulée dans la réponse, avait déjà été réfutée, puisque l'I.C.B.C. n'avait pas fourni de police d'assurance à Vanex. S'il existait d'autres éléments de preuve relatifs à l'établissement d'une autre police d'assurance, la Cour devait considérer que Vanex était également l'acquéreur de la fourniture, non les tractionnaires.

[150] Les tractionnaires ne se voyaient accorder aucun droit aux termes de la police, et aucune police n'a été établie à leur nom. Même si les tractionnaires avaient droit à des paiements au titre des dommages subis par leur véhicule, on n'avait pas invoqué un tel droit.

[151] Au sujet du carburant et des lubrifiants, l'affaire Imperial Drywall, précitée, offre une réponse parfaite à l'argumentation de l'intimée. Le fait que, dans l'affaire en question, les travailleurs aient eu accès au compte ne signifiait pas que les matériaux étaient l'objet d'une fourniture à ces derniers. Ici encore, l'avocat a soutenu que les factures présentées par Vanex aux tractionnaires étaient erronées.

[152] L'appel devrait être accueilli avec frais.

Thèse de l'intimée

[153] Dans le cadre de son argumentation orale et écrite, l'avocate de l’intimée a indiqué que l'appelante est une société de la Colombie-Britannique établie à Prince George, qui exploite une entreprise de transport de marchandises. L'appelante possédait une flotte de tracteurs et de remorques ainsi que d'autre matériel de transport, et elle embauchait ses propres chauffeurs pour le transport des marchandises de ses clients. Toutefois, l'appelante faisait également appel aux services de tractionnaires, qui conduisaient leur propre véhicule. Dans le présent appel, la question n'est pas de déterminer la responsabilité civile éventuelle liée à la propriété des tracteurs, mais plutôt de savoir si la taxe sur les produits et services s'applique à l'égard des retenues faites sur la rémunération brute de ces tractionnaires au titre du coût du carburant, des permis et de l'assurance que leur fournissait l'appelante.

[154] Au sujet des permis, Vanex payait des frais annuels pour obtenir un permis au prorata autorisant ses camions à voyager sur le territoire d'autres administrations. L'I.C.B.C. perçoit les frais pour les autres administrations et les répartit entre elles. Pour être visés par le permis au prorata de Vanex, les véhicules devaient être immatriculés au nom de la société, et ce, uniquement à des fins d'assurance et d'application de permis. La police d’assurance est établie au nom de Vanex. L'indemnité d'assurance doit également être versée à Vanex en cas de sinistre. Vanex ne peut transférer ni céder un permis. Le souscripteur d'une police flotte obtient un tarif plus avantageux que s'il souscrivait une police unique. L'I.C.B.C. approuve l'immatriculation des véhicules au nom de la société de camionnage. Il n'y a rien qui interdise à une entreprise de camionnage de transférer le coût du permis au prorata et de la police flotte aux tractionnaires.

[155] Le tractionnaire qui souhaitait acheter son propre permis d'utilisation de véhicule automobile pouvait le faire tout en continuant à exercer ses activités sous la bannière de Vanex. S'il le faisait, Vanex ne tenait pas compte de ses propres coûts dans le calcul de la rémunération du tractionnaire. Vanex faisait appel à des chauffeurs qui étaient ses employés permanents ainsi qu'à des tractionnaires. Sur 28 véhicules au total, 6 avaient été acquis par Vanex et 22 avaient été transférés au nom de Vanex par des tractionnaires à des fins d'assurance et d'application de permis. Ces tractionnaires exerçaient leurs activités aux termes du permis de transporteur routier de Vanex et étaient protégés par sa police d'assurance.

Carburant

[156] Si un chauffeur qui était employé permanent de Vanex payait son carburant, la société le remboursait. Les chauffeurs utilisaient des cartes-accès assorties d'un NIP. Chaque carte est confiée à un chauffeur particulier pour un tracteur donné. Vanex obtenait une remise calculée en fonction du volume de carburant acheté. Le relevé de Shell indique le coût du carburant et de l'huile, plus la TPS. Les tractionnaires n'auraient pu profiter de la même remise, sauf s'ils avaient acheté un volume équivalent de carburant. Vanex achetait le carburant auprès d'un fournisseur, pouvait négocier un prix inférieur au prix de détail normal et faisait profiter les tractionnaires de cette économie.

[157] Les tractionnaires ne payaient pas directement Shell ou Petro-Canada, les paiements s'effectuant plutôt par l'entremise du compte de Vanex. Les tractionnaires pouvaient acheter leur propre carburant ou utiliser une carte-accès de Vanex. S'ils avaient acheté leur propre carburant, le coût du carburant supporté par Vanex n'aurait pas été pris en considération dans le calcul de leur rémunération. Des relevés distincts relatifs à la carte-accès de chaque chauffeur étaient produits chaque mois par la société pétrolière. Vanex délivrait les factures aux tractionnaires en les joignant aux bordereaux de paie mensuels.

[158] Le paiement du carburant incombait toujours aux tractionnaires, même si ce n'était pas indiqué dans la convention collective. Mme Hall a donné à entendre que les tractionnaires pouvaient en bout de ligne devoir de l'argent à Vanex s'ils consommaient beaucoup de carburant et que leur facture de carburant pour le mois fût élevée. Cela indique que les coûts étaient à la charge des tractionnaires. La consommation variant d'un parcours à l'autre, il était impossible d'établir à l'avance combien il en coûterait de carburant. C'est pour cette raison que les tractionnaires tenaient à savoir à l’avance quelle serait leur rémunération pour un déplacement donné. Sinon, les chauffeurs ne se seraient pas souciés du volume de carburant qu'ils consommaient, étant donné que c'est Vanex qui l'aurait payé. Ce fait ressortait du témoignage de M. Cleland, qui a été très explicite sur ce point. Il a déclaré que c'était une chose que d'acheter le carburant, et que c'en était une autre que de le payer.

[159] S’il avait en tant que tractionnaire utilisé sa propre carte pour acheter le carburant et que Vanex eût éprouvé des difficultés financières, M. Cleland aurait risqué de perdre la somme versée pour le carburant et de ne pas être payé à l'égard des transports effectués au cours du mois pour Vanex. S'il avait utilisé la carte-accès de Vanex et que celle-ci éprouvât des difficultés financières et ne le payât pas pour les transports effectués, M. Cleland n’aurait pas perdu la somme versée pour l'achat du carburant. Vue sous cet angle, l'utilisation de la carte-accès de Vanex par M. Cleland servait ses intérêts.

[160] Il est ressorti de la preuve que les tractionnaires recevaient une copie de la facture de carburant pour le mois, étant donné que c'étaient eux qui payaient le carburant, comme l'a révélé le témoignage de M. Cleland. Celui-ci a déclaré qu'il payait le carburant de la même manière que s'il l'achetait à une station Shell ou à un autre endroit. Bien qu'il n'eût pas conclu d'entente avec Shell pour obtenir le carburant au prix réduit, il avait conclu une convention orale avec Vanex. Les tractionnaires pouvaient utiliser les cartes-accès pour acheter du carburant à des fins personnelles, et ils n'étaient pas contraints d'acheter du carburant uniquement en vue de le consommer au service de Vanex, étant donné que c’étaient eux qui le payaient en bout de ligne. Vanex n'exerçait pas de mesures de contrôle à l'endroit des tractionnaires afin de déterminer quelle quantité de carburant ils achetaient chez Shell.

[161] La preuve a montré que le montant total de TPS exigé de Vanex par Shell et Petro-Canada était visé par une demande de crédits de taxe sur les intrants au cours de la période en cause.

[162] Ruth Hall, qui a témoigné pour le compte de Vanex, savait que les tractionnaires réclamaient des crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS applicable à la fourniture du carburant, puisqu'ils lui avaient demandé d'indiquer la TPS à part sur les relevés de carburant. Vanex imputait la TPS aux tractionnaires. Cela ressort du témoignage de M. Cleland.

Assurance

[163] Vanex avait souscrit une assurance d'excédent auprès de la Laurentienne / Axa Pacific Insurance Company. Il était possible de ne pas être assujetti à l'assurance fournie par l'I.C.B.C. si celle-ci jugeait que la protection fournie par d'autres polices était adéquate. L'I.C.B.C. percevait les frais de permis au prorata. Vanex pouvait profiter d'une prime fondée sur le revenu brut, à condition d'avoir au moins cinq véhicules immatriculés à son nom. Le taux était calculé en fonction du volume d'affaires estimatif. Les polices étaient au nom de Vanex. Celle-ci fournissait à Axa la liste de ses propres véhicules, et les véhicules des tractionnaires étaient indiqués à part. Vanex ne détenait pas de permis l'autorisant à exploiter une entreprise d'assurance en Colombie-Britannique. La prime, calculée au taux de 4,25 pour cent du revenu mensuel de Vanex, était imputée aux tractionnaires chaque mois en contrepartie de l'assurance. Les tractionnaires n'effectuaient pas les paiements à Axa, ils payaient plutôt la prime d'assurance directement à Vanex.

[164] La preuve montrait que la société d'assurance établissait les chèques d'indemnité à l'ordre de Vanex. Toutefois, si Axa convenait d'un règlement avec Vanex relativement au camion d'un tractionnaire, l'indemnité d'assurance au titre des dommages subis par le camion était versée au tractionnaire. Axa ne se soucie pas de l'identité du bénéficiaire en bout de ligne. Vanex pouvait donner comme instruction que l'argent soit versé à la personne de son choix, par exemple à un tractionnaire, et Axa s'y conformait. Ce fait ressort du témoignage de M. Cleland, qui a déclaré qu’il avait vu un chèque établi à l'égard d'un accident subi par un tractionnaire, Ken Shallard, et que ce chèque était établi à l'ordre de Ken Shallard et de Vanex.

[165] Si un tractionnaire voulait profiter des taux réduits accordés à Vanex au titre des permis et de l'assurance, il devait transférer son véhicule au nom de Vanex. Celle-ci ne majorait pas les primes d'assurance. Les tractionnaires pouvaient souscrire leur propre assurance, pourvu qu'ils aient une protection adéquate. S'ils le faisaient, le “ [traduction] coût de Vanex ” n'était pas pris en considération dans le calcul de la rémunération des tractionnaires.

[166] La franchise était à la charge du tractionnaire si son tracteur subissait un accident. Selon le témoignage de M. Cleland, les tractionnaires ont constitué une caisse afin de faciliter le paiement de la franchise en cas d'accident. C'était le tractionnaire qui devait faire les démarches nécessaires auprès de la société d'assurances pour le règlement des sinistres relatifs à son tracteur aux termes de la police, car c'était lui qui devait acquitter les frais, même si Vanex effectuait le paiement pour lui. Personne chez Vanex ne traitait avec l'agent d'assurance concernant ces demandes d'indemnité. Le tractionnaire souscrivait son assurance par l'entremise de Vanex. Sa prime correspondait à 4,25 pour cent du revenu brut gagné au moyen de son tracteur.

Clauses de la convention conclue avec les tractionnaires

[167] Vanex appartenait à la famille Jex avant d'être achetée par les Dunkley. Selon les conditions de travail en vigueur à l'époque, les employés recevaient un salaire horaire plus un taux par mille, et tous les avantages sociaux étaient payés. Dans la période en cause, les tractionnaires devaient recevoir 70 pour cent du revenu généré par leur tracteur et en acquitter le coût d'utilisation. Il n'existait pas de convention écrite concernant les taux de rémunération et les retenues. Mme Hall ne savait pas au juste comment les pourcentages avaient été calculés, car ils étaient déjà en vigueur lorsqu'elle avait commencé à travailler pour Vanex. Elle n'a pas participé aux négociations ayant conduit à la fixation de ces chiffres. On lui a précisé quels étaient les taux en vigueur. Elle connaissait uniquement les taux applicables, mais ignorait comment ils avaient été calculés.

[168] D'après M. Cleland, les conditions de l'ancienne convention sont demeurées les mêmes lorsque les Dunkley ont acheté la société aux Jex. M. Cleland a déclaré au cours de son témoignage avoir demandé de façon explicite à Dwayne Dunkley si la convention demeurerait la même.

[169] La convention collective avec la CLAC a été signée par Dwayne Dunkley au nom de Vanex. Cette convention s'appliquait à tous les employés, y compris les tractionnaires. Vanex était tenue d'effectuer des retenues sur la rémunération des employés permanents et des tractionnaires au titre des cotisations syndicales, de l'assurance-soins médicaux et de l'assurance-invalidité. Le taux de rémunération des employés permanents était énoncé dans la convention collective. Des retenues étaient également effectuées sur la rémunération des employés permanents au titre de l'impôt sur le revenu, des cotisations au RPC et des cotisations d'A-E. La rémunération des tractionnaires était calculée d'après un taux par mille et un pourcentage du revenu. Ils ne recevaient pas un salaire horaire comme les employés permanents. Ce que Mme Hall appelait les “ [traduction] dépenses de Vanex ” était déduit de la rémunération brute des tractionnaires. Les seules retenues sur la rémunération des tractionnaires autorisées par la convention collective étaient les cotisations syndicales et la prime d'assurance-invalidité. Le fait que la convention collective n'ait pas contenu de stipulations à propos des retenues est dénué de pertinence.

[170] La question de la responsabilité des tractionnaires à l'égard du coût d'utilisation de leur véhicule n'était pas abordée dans la convention collective de 1991, et l'on tenait simplement pour acquis qu'il revenait aux tractionnaires de fournir le camion, de l'entretenir, d'acheter le carburant et de payer tous les coûts relatifs aux services de préposés.

[171] Après l'achat de Vanex par les Dunkley, les tractionnaires recevaient 75 pour cent du revenu généré par leurs déplacements, tout dépendant de la catégorie de remorque et du genre de déplacement. Dans leur témoignage, M. Cleland et Ruth Hall ont commenté un exemple des retenues effectuées sur la rémunération de M. Cleland calculée au taux de 75 pour cent ou selon un taux par mille.

[172] Il est manifeste que la déduction de 25 pour cent représente le montant payé par les tractionnaires pour exercer leurs activités aux termes des permis de Vanex. Celle-ci fournissait les remorques et les permis, et elle percevait l'argent auprès des clients en vue de payer les transports effectués par les tractionnaires. Le pourcentage de revenu conservé par Vanex, 25 pour cent ou 13 pour cent selon le cas, servait à payer les frais de répartition et le coût des remorques, lorsque les tractionnaires utilisaient les remorques de Vanex.

[173] Il était prévu dans la convention collective conclue avec la CLAC que la rémunération des employés serait conforme à la pratique en vigueur, sauf si les deux parties convenaient d'apporter des modifications. Ce fait a été confirmé par M. Cleland et par M. Kooger. Selon la pratique en vigueur en 1991, les frais relatifs au carburant, aux permis et à l'assurance ne faisaient pas l'objet d'une majoration. Les tractionnaires étaient responsables de l'entretien de leur matériel, mais il n'en allait pas de même des employés, d'après le témoignage de M. Cleland. Les tractionnaires fournissaient non seulement leur travail, mais aussi leur tracteur; aussi recevaient-ils plus d'argent.

Propriété des camion non acquis à titre onéreux par Vanex

[174] Il est possible de constater à la pièce R-26, onglet 32, page 2, que les immobilisations énumérées par Vanex n'incluaient pas les tracteurs des tractionnaires. On voit à la page 5 qu'aucun amortissement n'a été imputé au titre des tracteurs des tractionnaires. D'après le témoignage de M. Cleland, la vente effectuée par les Jex aux Dunkley était assortie d'une reconnaissance du fait que les camions immatriculés au nom de la société appartenaient aux tractionnaires. M. Cleland a déclaré avoir en sa possession un document juridique établissant que son tracteur lui appartenait, même s'il avait décidé de le laisser immatriculé au nom de Vanex. Celle-ci retenait sur sa rémunération le montant payable relativement à l'acquisition du tracteur.

[175] Les tractionnaires devaient payer la franchise si leur tracteur subissait un accident. Ils devaient la payer puisque le tracteur leur appartenait. Ce fait est établi directement par le témoignage de M. Cleland. Les tractionnaires ont constitué un fonds pour faciliter le paiement de cette franchise, ainsi que cela a été indiqué précédemment. S'il fallait remplacer les pneus d'un tracteur, le tractionnaire devait les acheter, étant donné qu'il s'agissait de son véhicule. Il n'y avait pas réellement vente, le but étant simplement de profiter des avantages conférés par les permis.

[176] M. Cleland a déclaré que, en 1994, il avait loué son tracteur à Vanex, qui lui versait à ce titre 1 000 $ par mois. Si le véhicule avait appartenu à Vanex, pourquoi celle-ci l'eût-elle payé? La même question a été soulevée par M. Cleland dans son témoignage.

[177] Les paiements relatifs au tracteur étaient retenus sur la rémunération de M. Cleland, en dépit du fait que Vanex était l'emprunteur en titre ou le cosignataire de l'emprunt pour le tracteur, et qu'il incombait à M. Cleland de conclure d'autres modalités de financement s'il cessait de travailler pour Vanex. Pourquoi M. Cleland aurait-il eu cette responsabilité si le véhicule ne lui avait pas appartenu? Lors de son témoignage, Ruth Hall a mentionné un certain Norm Ferris, également tractionnaire, qu'elle qualifie de propriétaire de fait. M. Cleland a dit que, lorsque Norm Ferris avait cessé de conduire pour Vanex, son camion, immatriculé au nom de Vanex, avait été transféré à son nom.

[178] Qui est responsable de ces dépenses? La preuve montre que les frais relatifs aux pneus et aux réparations des véhicules conduits par les employés étaient payés par Vanex. Pour leur part, les tractionnaires devaient payer les frais d'utilisation de leur tracteur, selon le témoignage de M. Cleland. Les tractionnaires pouvaient se servir du compte de la société ou payer directement leurs dépenses. Les dépenses en question incombaient aux tractionnaires même s'ils utilisaient un compte de Vanex, puisqu'elles étaient alors retenues sur leur rémunération mensuelle.

[179] Le tractionnaire ne voulait pas engager les dépenses à titre personnel, au cas où une société comme Vanex ferait faillite, car alors il ne toucherait pas son revenu, mais il n'aurait pas non plus à payer le carburant et les autres dépenses engagées dans le cadre de ses activités pour Vanex. Autrement, le tractionnaire risquait de devoir payer le carburant tout en n'étant pas payé pour le déplacement. Par conséquent, il utilisait la carte de Vanex, qui lui offrait en ce sens une protection partielle. On peut constater à l'examen des relevés que les dépenses n'étaient pas déduites du revenu brut généré par le tracteur dans le mois, mais plutôt de la fraction du revenu brut attribuée au tractionnaire. Ce fait ressort du témoignage de M. Cleland.

[180] D'après le témoignage de Ruth Hall, il n'existait pas d'entente prévoyant que les dépenses puissent être retenues. Le tractionnaire devait payer tous les coûts, y compris l'assurance, le carburant, les plaques et tous les autres frais reliés à l'utilisation du véhicule, à partir de sa rémunération constituée par le taux par mille ou son pourcentage du revenu brut. Les chauffeurs qui étaient des employés de la société n'avaient pas à payer ces coûts.

[181] M. Cleland a déclaré clairement et explicitement que son revenu correspondait à 75 pour cent du revenu brut généré par son tracteur. Le chèque qu'il recevait correspondait à sa rémunération nette, une fois toutes les retenues effectuées. Son compte était débité de tous les paiements. Le résultat net ne correspondait pas au revenu généré par le véhicule.

[182] Lorsque les Dunkley ont acheté Vanex, il était convenu que les conditions de travail demeuraient inchangées, c'est-à-dire qu'un pourcentage du revenu était versé aux tractionnaires, mais certains pourcentages ont été haussés en fonction de la catégorie de remorque utilisée. Cela ressort du témoignage de M. Cleland. De plus, ce dernier a témoigné qu'il additionnait le revenu indiqué sur ses bordereaux de paie pour calculer son revenu d'entreprise brut aux fins de l'impôt sur le revenu, puis qu'il soustrayait les dépenses (notamment le coût du carburant, de l'assurance et des permis) pour obtenir son revenu net. Il a dit qu'il considérait à cette fin que son revenu était le chiffre figurant à la première ligne ou à la ligne du revenu.

[183] On trouve à la pièce A-7 une copie de la première page du bordereau de paie de Bob Cleland de février 1993. Le bordereau comportait deux sections. Le revenu inscrit sur la section du haut était de 14 365,41 $, et la prime d'assurance-soins médicaux se chiffrait à 140 $, ce qui donnait en tout 14 505,41 $. Les retenues effectuées sur ce montant de revenu brut sont énumérées sur le bordereau. Parmi les dépenses ainsi déduites, on note le coût du carburant et de l'assurance. Il s'agissait de sommes dues par le tractionnaire à Vanex ainsi que d'autres retenues sur son revenu brut qu'il avait autorisées, entre autres une pension alimentaire pour enfants et les cotisations syndicales. La pièce R-33 est une version plus détaillée, à laquelle est jointe la pièce A-7. Une explication détaillée de chaque retenue a été fournie par M. Cleland. Il a déduit dans sa déclaration de revenu des frais de repas et d'hébergement se rapportant à ses activités de transport. Cela indique qu'il n'était pas un employé.

[184] M. Cleland a indiqué dans son témoignage que, pendant l'année où il a travaillé comme répartiteur pour Vanex, il a touché un loyer de 1 000 $ pour son tracteur, et Vanex a payé tous les frais relatifs au tracteur, notamment le carburant et les paiements relatifs à l'acquisition du camion. Il n'a pas reçu de bordereaux de paie mensuels au cours de l'année en question. La raison en est qu'il était un employé, non un tractionnaire.

[185] En ce qui concerne M. Kilrich, il a été démontré qu'il possédait son propre tracteur et sa remorque, qu'il utilisait son propre permis et avait souscrit sa propre assurance, et qu'il avait son propre compte pour l'achat de carburant, de sorte qu'il recevait l'intégralité de son revenu, soit 87 pour cent du revenu généré, sans qu'aucune retenue ne soit effectuée. La raison pour laquelle M. Kilrich recevait la totalité du pourcentage de 87 pour cent est qu'il payait lui-même toutes ses dépenses. Selon Ruth Hall, si M. Cleland avait acheté lui-même son carburant, obtenu son permis, souscrit sa propre assurance et payé ses réparations, son bordereau de paie aurait été identique à celui de M. Kilrich. M. Cleland aurait reçu le plein montant attribué au tracteur si aucune dépense n'avait été payée par Vanex. Il aurait reçu intégralement la fraction de 75 pour cent du revenu généré s'il avait fourni son carburant, ses permis et son assurance. Le fait que M. Cleland ait acheté ces produits et services à Vanex ne signifie pas que les dépenses en question ne lui incombaient pas.

[186] Ruth Hall ne savait pas au juste qui avait établi la forme du bordereau de paie des tractionnaires, car ce modèle existait depuis des années. Elle a commencé à travailler pour Vanex en juillet 1992.

[187] La pièce A-7 consiste en une page de la pièce R-33, soit le bordereau de paie de Bob Cleland du mois de février. Ce bordereau montre que la facture de carburant de Shell s'élevait à 3 728,57 $, dont 243,91 $ de TPS, et que la facture de carburant de Petro-Canada se chiffrait à 772,86 $, TPS comprise, soit une facture totale, TPS comprise, de 4 501,43 $ pour le carburant, étant donné que Vanex avait déduit ce montant du revenu de Bob Cleland pour le mois. Vanex avait réclamé des crédits de taxe sur les intrants à l'égard de la TPS indiquée sur la facture de carburant et déduite du revenu de M. Cleland. Celui-ci a indiqué avoir communiqué avec Revenu Canada au sujet de la possibilité de ne pas utiliser le montant de revenu brut aux fins de l'ordre de payer, et d'effectuer le calcul une fois déduits les frais relatifs au carburant et à l'assurance, de sorte qu'il lui soit plus facile de rembourser sa dette. Il est clair que Revenu Canada considérait le revenu brut comme étant celui de Bob Cleland.

[188] Ruth Hall avait pour tâche de fournir des données comptables aux comptables de Vanex pour la préparation des états financiers. Dans les états financiers (pièce R-26, onglet 32), les données sur les employés et celles sur les tractionnaires étaient présentées séparément. Le coût direct du carburant utilisé par les employés était l’objet d’une écriture particulière à la page 3, mais le coût du carburant utilisé par les tractionnaires était intégré à l'écriture relative aux sous-traitants. Le témoin a été incapable de fournir la moindre explication concernant certaines écritures des états financiers et n'avait pas en sa possession le grand livre général. Mme Hall ne pouvait préciser si le montant de 60 000 $ se rapportait uniquement aux chauffeurs employés par la société et si le taux de 4,25 pour cent au titre de l'assurance était pris en considération dans les états financiers. Elle a convenu que le montant de 2 779 437 $ au haut de la page 3 des états financiers (pièce R-26, onglet 22) représentait le total des revenus indiqués sur l'ensemble des bordereaux de paie des tractionnaires pour l'année à laquelle se rapportaient les documents de cette pièce. Vanex estimait qu'il s'agissait exclusivement de ses dépenses. Ce total était obtenu par l'addition de tous les chiffres indiqués au haut des bordereaux de paie.

[189] Après avoir examiné le bordereau de paie de M. Cleland, Ruth Hall a déclaré que la part de Vanex avait été déduite avant que le montant de revenu fût inscrit. Bien que le titre de la pièce A-7 soit “ [traduction] Bordereau de paie de Bob Cleland, numéro 004, pour février 1993 ”, Mme Hall a témoigné qu'il s'agissait du revenu attribuable au tracteur, non du revenu de M. Cleland. Elle a toutefois reconnu que les dépenses retenues étaient celles de M. Cleland, non celles relatives au tracteur. M. Cleland a dit dans son témoignage que les pièces R-33 et R-34 étaient ses bordereaux de paie.

[190] Un tractionnaire pouvait devoir de l'argent à Vanex après avoir effectué plusieurs transports dans un mois donné, soit lorsque les dépenses engagées excédaient le revenu gagné. Tel n'était pas le cas si le chauffeur était un employé de la société. Un chauffeur ne pouvait en arriver à devoir de l'argent à la société que si les dépenses étaient à sa charge plutôt qu'à la charge de la société.

[191] Il faut se rappeler que les dispositions régissant la TPS portent que toute fourniture est taxable, sauf si elle est expressément exonérée ou détaxée. La responsabilité de percevoir la TPS incombe à la personne effectuant la fourniture taxable, soit, en l'instance, Vanex. Dans la présente affaire, il revenait à Vanex de percevoir la TPS à l'égard de la nouvelle fourniture, étant donné que celle-ci n'était alors plus détaxée ni exonérée.

[192] Une fourniture est définie à l'article 123 comme la “ livraison de bien ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation ”. L'intimée soutient que Vanex, soit a effectué la fourniture du carburant, des permis et de l'assurance aux tractionnaires par vente, transfert ou aliénation, soit a fourni un service. L'article 178 de la Loi porte que “ la somme que l'acquéreur d'un service rembourse au fournisseur pour les frais que celui-ci a engagés lors de la fourniture, sauf dans la mesure où il engage ces frais à titre de mandataire de l'acquéreur, est réputée faire partie de la contrepartie de la fourniture ”. Dans la présente affaire, Vanex a engagé les dépenses pour fournir des services de permis, du carburant et des services d'assurance aux tractionnaires, mais elle a été remboursée pour ces services au moyen des retenues effectuées sur le revenu brut des tractionnaires au titre du coût du permis, du carburant et de l'assurance.

[193] Dans l'affaire Customs and Excises Commissioners v. Oliver, [1980] All E.R. 353 (B.R.), on définit une fourniture comme “ [traduction] le transfert de possession de biens, conformément à une entente aux termes de laquelle le fournisseur convient de se départir des biens et l'acquéreur, d'en prendre possession. Le terme “ possession ” signifie en l'instance l'exercice d'un contrôle sur les biens, c'est-à-dire la possibilité de les utiliser immédiatement. Cela peut s'accompagner, mais pas nécessairement, du déplacement des biens d'un endroit à un autre. ”

[194] L'avocat de l'appelante a donné à entendre que les tractionnaires n'avaient pas la possession des produits ou des services. Toutefois, les tractionnaires recevaient le carburant ainsi qu'un relevé indiquant la quantité qu'ils avaient achetée. La possession de ces produits était suffisante pour que la Cour juge qu'ils avaient reçu “ [traduction] la fourniture de ces produits ”.

[195] Dans l'affaire Imperial Drywall Contracting Inc. v. The Queen, précitée, la Cour devait déterminer ce qui constituait une fourniture. Par contre, cette affaire était différente en ce que l'intimée n'avait pas présenté de preuve. Cela se comparerait à la présente affaire si la seule preuve présentée l'avait été par l'appelante. La conclusion aurait pu être différente dans l'affaire Imperial Drywall si une preuve avait été présentée au nom des sous-traitants afin d'exposer leur position au sujet de l'effet des retenues ainsi qu'à l'égard de la question de savoir à qui les dépenses en cause étaient imputables. Cette affaire ne cadre pas parfaitement avec la présente affaire. Elle était à sens unique.

[196] La suggestion de l'avocat de l'appelante voulant que la fourniture soit destinée à une utilisation limitée et qu'elle ne puisse de ce fait être considérée comme une fourniture est certes originale. Le terme “ fourniture ” vise notamment les cas de louage, qui sont des fournitures même si l'utilisation est alors limitée. Encore une fois, aucun élément de preuve présenté dans l'affaire Imperial Drywall ne permet de savoir dans quelle mesure l'utilisation des matériaux par les sous-traitants était limitée, contrairement à la présente affaire. Ici, le témoignage de M. Cleland a montré en quoi consistaient ses droits.

[197] Dans la présente affaire, la preuve produite montrait que les tractionnaires payaient les fournitures. Dans l'affaire Imperial Drywall, la société effectuait un suivi des fournitures et estimait leurs coûts. Le témoignage de Bob Cleland a bien montré que la quantité de carburant nécessaire variait d'un jour à l'autre et ne pouvait être estimée. C'est pourquoi Vanex faisait payer aux tractionnaires le carburant utilisé. Cette mesure les incitait à contrôler leur consommation de carburant. Vanex ne se préoccupait pas du coût, puisqu'elle savait que les tractionnaires ne recevaient que 75 pour cent du revenu généré et qu'ils payaient le carburant.

[198] L'avocate a formulé la question suivante : si le coût du carburant était en fait à la charge de Vanex, pourquoi les tractionnaires se voyaient-ils attribuer un NIP, et pourquoi leur transmettait-on une copie des relevés? La réponse inévitable est qu'il était ainsi possible de savoir avec exactitude la quantité de carburant qu'ils avaient utilisée, et qu'ils pouvaient vérifier si le montant exigé d'eux était exact.

[199] L'avocate a posé une autre question : pourquoi le coût du carburant était-il soustrait en totalité de la partie du revenu attribuable au tractionnaire si la dépense était vraiment à la charge de Vanex? Le coût du carburant n'aurait-il pas dû être soustrait du montant total payé par le client pour le transport, et non de la partie de ce montant qui revenait au tractionnaire? Cette façon de faire montre que la dépense était effectuée par le tractionnaire. S'il recevait 100 $ à titre de partie du travail accompli durant le mois, il pouvait à sa guise acheter le carburant à Vanex ou à un fournisseur indépendant. En bout de ligne, les 100 $ lui appartenaient. Si la dépense avait été à la charge de Vanex, elle aurait été soustraite du revenu total généré par le camion, non de la partie qui revenait au tractionnaire.

[200] L'avocate a soutenu qu'aucune des nouvelles fournitures n'était exonérée ni détaxée. L'appelante n'a pas produit d'élément de preuve montrant que les fournitures en question appartiennent à l'une ou l'autre de ces catégories. Par conséquent, si la Cour jugeait que les nouvelles fournitures étaient taxables, la TPS devait être perçue et versée.

[201] Vanex a adopté une méthode selon laquelle elle achetait le carburant, obtenait des permis et souscrivait une assurance, puis se faisait rembourser pour les services de permis et d'assurance, et effectuait une nouvelle fourniture du carburant aux tractionnaires. La contrepartie des nouvelles fournitures prenait la forme d’un remboursement des dépenses engagées par Vanex pour le carburant, les permis et l'assurance, pour un prix plus avantageux que celui que les tractionnaires auraient pu obtenir à titre personnel. La preuve a clairement démontré que les tractionnaires auraient pu acquérir eux-mêmes ces produits et services, et que Vanex ne leur aurait alors rien demandé à cet égard. Les tractionnaires auraient simplement payé un tiers pour les obtenir. Les tractionnaires ont décidé d'acheter ces produits et services par l'entremise de Vanex et de payer Vanex plutôt que les différents fournisseurs. La TPS aurait donc dû être perçue par Vanex à l'égard de ces nouvelles fournitures.

[202] Selon le témoignage de M. Cleland, celui-ci n'aurait pas travaillé pour une entreprise qui ne fournissait pas le carburant. La raison n'en était pas que Vanex était responsable de la fourniture du carburant, ou que le prix était plus économique, mais plutôt qu'il se protégeait ainsi sur le plan financier contre le risque associé au secteur du camionnage. Les entreprises de camionnage obtiennent des permis et des droits de circulation. Il s'agit ici encore de la pratique en vigueur dans ce secteur, sauf que, exception faite des propres véhicules de Vanex, les coûts connexes n'incombent pas à celle-ci mais aux tractionnaires, qui ont pour responsabilité de mettre à la disposition de Vanex un tracteur en état de marche, en contrepartie de 75 pour cent du revenu généré ou d'un taux par mille. Si les dépenses des tractionnaires étaient en fait à la charge de Vanex, pourquoi existerait-il deux taux distincts de rémunération pour les transports? Les tractionnaires reçoivent plus que les chauffeurs qui sont des employés permanents, et la raison en est qu'ils doivent payer eux-mêmes les coûts relatifs à leur tracteur, à la différence des employés permanents. Ces dépenses des tractionnaires étaient soustraites de leur fraction de 75 pour cent du revenu.

[203] L'avocate a formulé la question suivante : si la partie du revenu qui est attribuée aux tractionnaires ne comprend pas une composante relative aux coûts et que les coûts sont en fait à la charge de Vanex, pourquoi alors en tenir compte de quelque manière que ce soit? Pourquoi ne pas simplement fixer un pourcentage donné à titre de contrepartie de l'investissement du tractionnaire? Les coûts ne devraient pas être pris en considération du tout si l'on s'efforce uniquement de rétribuer le tractionnaire pour son investissement.

[204] Selon le témoignage clair et sans équivoque de Bob Cleland, étayé par celui de M. Kooger, les tractionnaires recevaient 75 pour cent du revenu brut des déplacements, et les retenues sur cette rémunération brute avaient trait aux dépenses incombant aux tractionnaires. Le bordereau de paie mensuel fourni à chaque tractionnaire donnait le détail des retenues sur sa rémunération brute au titre du carburant, des permis et de l'assurance.

[205] L'avocate a renvoyé la Cour à l'affaire Carlton Lodge Club v. Customs and Excises Commissioners, [1974] All E.R. 798 (B. R.), qui portait sur la question de savoir ce qui constitue une fourniture, plus particulièrement aux pages 800 et 801.

[206] Elle a indiqué qu'aucun des Dunkley n'a été appelé à témoigner au sujet des clauses d'une convention quelconque conclue avec les tractionnaires, et Mme Hall a déclaré qu'elle n'avait pas participé à l'élaboration de la convention et de ses modalités. Elle accomplissait simplement le travail comptable relié à l'établissement des bordereaux de paie des tractionnaires de la manière qui était en vigueur avant qu'elle entre au service de Vanex en qualité d'aide-comptable. Dès lors, la preuve présentée à la Cour concernant les modalités de l'autre convention est constituée par les témoignages de Bob Cleland et de M. Kooger.

[207] L'avocate a répété sa question : s'il s'agissait réellement des dépenses de Vanex, pourquoi n'étaient-elles pas soustraites du revenu brut total généré par les tractionnaires chaque mois plutôt que de la partie de ce revenu brut qui revenait aux tractionnaires pour le mois?

[208] Il faudrait, pour que l'exigence de paiement de la TPS ne s'applique pas, que les fournitures soient détaxées ou exonérées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

[209] En outre, la facture de carburant jointe aux bordereaux de paie qui constituent les pièces R-33 et R-34 montre que la TPS était incluse dans le montant retenu sur la rémunération brute des tractionnaires au titre du carburant. Le montant de TPS ainsi inclus dans les retenues aurait dû être versé par Vanex pour chacune de ces nouvelles fournitures. Il faut bien comprendre que des crédits de taxe sur les intrants ont été réclamés à l'égard de ces fournitures non seulement par Vanex, mais également par les tractionnaires. De ce fait, dans la présente affaire, tandis que l'utilisateur final payait à Vanex la TPS à l'égard de son carburant, Vanex ne versait pas la TPS, ce qui fait que le ministre, tout en ne recevant pas la TPS, accordait des crédits de taxe sur les intrants à la fois à Vanex et aux tractionnaires. Si elle avait versé à Revenu Canada le montant de TPS payable à l'égard des factures de carburant, Vanex aurait eu pleinement droit aux crédits de taxe sur les intrants, mais elle ne l'a pas fait.

[210] Bien que la fourniture initiale des permis et de l'assurance par le gouvernement ou la société d'assurances à Vanex fût exonérée ou détaxée, conformément à l'annexe V et à la partie VI de l'annexe VI de la Loi sur la taxe d'accise, respectivement, elle n'était pas exonérée ni détaxée lorsque Vanex portait le coût de ces services au débit des tractionnaires. Vanex n'a pas réclamé de crédits de taxe sur les intrants à l'égard de l'assurance et des permis, et elle n'y avait pas droit, étant donné qu'elle n'a pas effectué de paiement de TPS, ces fournitures de la société d'assurances ou du gouvernement à Vanex étant soit détaxées, soit exonérées.

[211] L'alinéa 20c) de la partie VI de l'annexe V prévoit l'exonération de certaines fournitures effectuées par des organismes du secteur public. Vanex n'était pas un organisme du secteur public, et les fournitures de permis aux tractionnaires effectuées par elle n'étaient donc pas exonérées ni détaxées. Vanex n'était pas mandataire des tractionnaires, la preuve ayant montré que ceux-ci étaient responsables aux yeux de la loi à l'égard de la fourniture initiale qui leur était faite du carburant, des permis et de l'assurance, ce qui signifie qu'aucun mandat n'avait été confié. Vanex n'a produit aucun élément de preuve donnant à penser qu'elle agissait en qualité de mandataire des tractionnaires aux fins de l'acquisition de ces fournitures. Si Vanex avait effectué les achats en qualité de mandataire des tractionnaires, les fournitures auraient été exonérées, mais le témoignage des tractionnaires montre qu'ils étaient responsables en l'instance et que Vanex n'était pas leur mandataire.

[212] L'avocate a mentionné l'affaire Parkland Crane Service Ltd. v. The Queen, [1994] G.S.T.C. 58 (C.C.I.), qui avait trait aux permis de circulation applicables aux grues. Dans cette affaire, Parkland avait obtenu les permis et en avait ensuite porté le coût au débit de ses clients, mais elle n'avait pas inclus la TPS dans le montant débité. La Cour a jugé que Parkland n'était pas mandataire des clients, pour l'application de l'article 178, et qu'elle ne pouvait effectuer une nouvelle fourniture exonérée de TPS dans le cas des services en question. Vanex n'était pas la mandataire des tractionnaires, ces derniers n'étaient pas à l'abri de tout risque relativement à ces opérations et ils tiraient avantage de ces services, du fait qu'ils pouvaient exploiter leur entreprise en obtenant ces services mais qu'ils devaient donner une contrepartie pour les obtenir. Les tractionnaires avaient la possibilité d'obtenir les mêmes services sans s'adresser pour cela à Vanex.

[213] Dans l'affaire National Transit Insurance Co. Ltd. v. Customs and Excises Commissioners, [1975] 1 All E.R. 303 (B.R.), on a jugé que la somme en cause ne constituait pas un remboursement à un mandataire. De même, il n'y a pas de mandat en cause dans la présente affaire. Il n'y avait pas remboursement à un mandataire.

[214] Vanex n'était pas une société d'assurances, ce qui signifie qu'elle ne pouvait effectuer une fourniture détaxée ou exonérée de services d'assurance. Elle devait exiger et verser la TPS de 7 pour cent applicable à la fourniture. Dans l'affaire Stobbe Construction Ltd. v. The Queen, [1996] G.S.T.C. 41 (C.C.I.), la Cour a jugé que la nouvelle fourniture de l'assurance, des impôts fonciers et des services publics, bien que libre de TPS au moment de l'acquisition, n'était plus libre de TPS lorsqu'elle était effectuée de nouveau et imputée au locataire. Il importe peu que la société ait effectué la fourniture. Le coût était refacturé.

[215] L'avocate a évoqué l'argument avancé par l'avocat de l'appelante voulant qu'une partie de l'assurance soit au profit de Vanex et non au profit des tractionnaires. Pourtant, le coût de l'assurance était intégralement soustrait de la fraction du revenu attribuée aux tractionnaires à titre de rémunération brute pour un mois ou un travail donné. Il semble que ce coût n’ait aucunement été payé sur la fraction de 25 pour cent ou de 13 pour cent du revenu conservée par Vanex.

[216] L'avocate a admis que l'alinéa h) de l’acte de procédure de l'intimée était inexact en ce qu'il faisait expressément mention de la police d'assurance de l'I.C.B.C., mais elle a soutenu que le reste de cet alinéa était exact et déclaré que l'intimée le maintenait. Sa thèse était que la preuve présentée à la Cour était suffisante pour que celle-ci puisse conclure que l'assureur de fait était au départ la Laurentienne, dont le nom est ensuite devenu Axa Pacific Insurance. La preuve étaye également l'hypothèse du ministre selon laquelle l'assurance souscrite portait et sur les tracteurs conduits par les employés permanents, et sur les véhicules des tractionnaires.

[217] De même, l'alinéa i) de l’acte de procédure était inexact lorsqu'il faisait expressément état d'une légère majoration des coûts imputée aux tractionnaires, mais l'hypothèse selon laquelle une fraction de ce coût était imputée à chaque tractionnaire est validée par la preuve, une proportion de 4,25 pour cent du revenu mensuel brut des tractionnaires étant retenue au titre de l'assurance. Par conséquent, l'hypothèse n'est pas entièrement à rejeter, puisqu'il y avait bel et bien une société d'assurances et que le coût de l'assurance était transféré aux tractionnaires. L'appelante n'est pas parvenue à s'acquitter du fardeau qui lui incombait de prouver que la cotisation établie était erronée.

[218] Il est possible que l'appelante ait réfuté certains éléments des hypothèses avancées, mais elle n'est pas parvenue pour autant à démontrer que la cotisation était erronée, car la preuve présentée à la Cour était suffisante pour établir que la prémisse de ces hypothèses était exacte.

[219] Les témoignages de Ruth Hall et de Bob Cleland ont révélé que, si un tractionnaire décidait de se procurer le carburant, l'assurance et les permis auprès d'autres fournisseurs, il recevait l'intégralité du revenu indiqué sur les bordereaux de paie mensuels. La manière dont il se les procurait apparaissait sans importance. Si le tractionnaire se les procurait lui-même, il avait droit à l'intégralité du pourcentage du revenu mensuel généré par son tracteur. S'il achetait une partie de son carburant auprès d'un autre fournisseur, cela ne changeait rien pour Vanex : des retenues étaient tout simplement effectuées sur la rémunération brute du tractionnaire au titre du carburant.

[220] Le fait que les tractionnaires se procuraient à rabais le carburant, l'assurance et les permis par l'entremise de Vanex n’a pas pour effet de transformer les coûts correspondants en dépenses de Vanex. Ces coûts demeuraient à la charge des tractionnaires, et ce fait est mis en évidence par les témoignages de MM. Cleland et Kooger.

[221] À partir du moment où elle décidait de se procurer ces services puis d'en effectuer une nouvelle fourniture au profit des tractionnaires, Vanex était tenue, comme le serait tout fournisseur autre qu'un courtier d'assurance agréé ou un organisme du secteur public, d'exiger, de percevoir et de verser la TPS applicable au taux de 7 pour cent sur ces nouvelles fournitures.

[222] Le témoignage de Bob Cleland a montré clairement que l'assurance ne s'appliquait pas à Vanex, mais bien aux tractionnaires. C'étaient eux qui payaient la franchise, qui traitaient avec la société d'assurances et qui payaient les primes à Vanex au moyen de retenues mensuelles. La raison pour laquelle l'assurance était souscrite par le truchement de Vanex plutôt que directement avait trait au coût. Il était clair que, même si les tracteurs étaient immatriculés au nom de Vanex, les tractionnaires en étaient les propriétaires de fait. S'ils avaient vraiment appartenu à Vanex, celle-ci aurait été obligée de les assurer, et le coût de l'assurance n'aurait pas été prélevé sur la rémunération brute des tractionnaires, car il aurait été à la charge de Vanex.

[223] Encore une fois, concernant le coût du carburant, l'achat du carburant était effectué par l'entremise de Vanex uniquement parce que c'était pratique et économique pour les tractionnaires. Ruth Hall et Bob Cleland ont précisé lors de leur témoignage que les tractionnaires pouvaient acheter le carburant ailleurs en utilisant leur propre compte, et qu'alors Vanex ne leur imputait pas de frais à cet égard. Bob Cleland a indiqué que, à ses yeux, l'utilisation de la carte fournie par Vanex lui offrait une certaine protection. Selon son témoignage, il n'était payé pour le mois de janvier qu’à la fin février. S'il avait payé au départ le carburant utilisé en janvier et qu'il ne reçût pas sa rémunération brute pour ce mois, la perte qu'il essuierait serait égale à sa rémunération brute plus le coût du carburant. De cette manière, il n'avait pas à payer le carburant et il recevait sa rémunération totale pour le mois où ce carburant avait été consommé.

[224] Au sujet des permis au prorata obtenus par Vanex relativement au droit de circulation sur le territoire d'autres administrations, le témoignage de Mme Leung a montré qu'il n'existait pas de politique interdisant le transfert du coût des permis au prorata et de l'assurance aux tractionnaires. C'est ce qu'a fait Vanex dans la présente affaire. Ici encore, le motif qu'avaient les tractionnaires d'agir ainsi était que le permis au prorata, s'il était obtenu par l'entremise de Vanex, coûtait moins cher que si un tractionnaire se le procurait directement. Vanex était tenue d'appliquer la TPS de 7 pour cent à l'égard de cette nouvelle fourniture car, comme elle n'était pas un organisme du secteur public, la nouvelle fourniture des permis n'était ni exonérée ni détaxée.

[225] Les seuls éléments de preuve concernant la convention orale existant entre Vanex et les tractionnaires proviennent des témoignages de MM. Cleland et Kooger. Mme Hall n'a pas pris part aux négociations et n'était pas au fait des clauses de la convention. Il ressort de la preuve présentée à ce sujet que 75 pour cent du revenu indiqué sur les bordereaux de paie correspondait au pourcentage du revenu mensuel généré par chaque tracteur qui était attribué aux tractionnaires. Les retenues effectuées sur ce revenu se rapportaient aux dépenses engagées par les tractionnaires pour utiliser leur tracteur ou étaient expressément autorisées soit aux termes de la convention collective soit par le tractionnaire lui-même, qui pouvait par exemple autoriser Vanex à effectuer des retenues au titre d'une pension alimentaire pour enfants.

[226] L'affirmation de Ruth Hall voulant que ces dépenses soient celles de Vanex ne tient pas, étant donné qu'elle se fonde, non pas sur sa connaissance de faits précis, mais sur ce qu'elle sait des pratiques comptables. Lorsque cette affirmation est examinée à la lumière du témoignage convaincant et crucial de Bob Cleland, étayé par celui de M. Kooger, selon lequel il s'agissait de dépenses des tractionnaires soustraites de leur revenu brut, elle perd toute valeur.

[227] L’assertion de l'avocat de l'appelante voulant que les bordereaux de paie aient contenu des erreurs parce qu'ils ne correspondaient pas à la connaissance qu'avait Mme Hall des clauses de la convention orale est sans fondement. Mme Hall a dit lors de son témoignage qu'elle ignorait sur quoi étaient fondés ces chiffres, qu'elle se contentait d'effectuer les calculs. Comment peut-on à partir de cela soutenir que les bordereaux de paie étaient erronés? Le témoignage de M. Cleland montre clairement que ces bordereaux étaient conformes à la pratique habituelle et aux conventions conclues entre lui-même et les prédécesseurs des Dunkley.

[228] Le fait que Bob Cleland ait déclaré la rémunération brute figurant sur les bordereaux de paie comme étant son revenu brut aux fins de l'impôt, puis qu'il ait déduit les dépenses reliées à l'utilisation de son tracteur, montre qu'il savait très clairement en quoi consistaient son revenu et ses dépenses.

[229] Les états financiers figurant à l'onglet 22, déposés en preuve à titre de pièce R-26, appuient la thèse selon laquelle les dépenses en cause étaient celles des tractionnaires. Il n'y avait pas dans les états financiers de montant correspondant précisément à la fraction des coûts de carburant, de permis et d'assurance imputable aux tracteurs des tractionnaires. Seuls figuraient les montants correspondant aux dépenses attribuables aux tracteurs conduits par les employés permanents. On peut constater par contre à la page 3 qu'un coût direct global était comptabilisé par Vanex au titre des sous-traitants, soit les tractionnaires, ce coût étant égal au total des revenus bruts inscrits sur les bordereaux de paie de l'ensemble des tractionnaires.

[230] De plus, la preuve a clairement démontré que les frais d'entretien généraux (par exemple les réparations et les pneus, ainsi que les repas pris au cours des déplacements) devaient être payés par les tractionnaires, non par Vanex. De façon générale, un employé n'a pas à assumer les frais généraux d'exploitation de l'entreprise. Dans la présente affaire, les retenues habituelles, entre autres l'impôt sur le revenu et les cotisations au RPC, n'étaient pas effectuées sur la rémunération des tractionnaires, mais uniquement sur le salaire des chauffeurs qui étaient des employés permanents. Il est clair que les tractionnaires, même s'ils étaient désignés comme employés dans la convention collective pour l'application de celle-ci, n'étaient par ailleurs pas des employés, mais des entrepreneurs indépendants.

[231] Dans l'affaire Fedderly Transportation Ltd. v. The Queen, [1998] G.S.T.C. 77 (C.C.I.), qui portait sur des activités de camionnage, la preuve produite était des plus ténue. La Cour a jugé que le carburant était assujetti à la TPS, mais que l'assurance et les permis ne l'étaient pas, et que le remboursement constituait une partie de la contrepartie des services de courtage. Toutefois, dans la présente affaire, aucune preuve de la prestation de services de courtage n'a été fournie, de sorte que tous les coûts imputés aux tractionnaires étaient taxables. Cette décision s'apparentait à l'argument fondé sur le mandat. Par conséquent, cette cour n'est pas liée par les conclusions énoncées dans cette autre affaire.

[232] Enfin, il existait dans la présente affaire une fiction juridique, c'est-à-dire que les tracteurs des tractionnaires étaient en réalité ceux de Vanex, mais cela ne change rien à l'identité de la personne assujettie à la TPS. Vanex n'effectuait pas d'échanges intercompagnies relativement aux services en question, et la renonciation à la TPS sur le transfert à Vanex ne change rien à cette situation.

[233] L'appelante n'est pas parvenue à s'acquitter du fardeau qui lui incombait de prouver que la cotisation établie par le ministre était erronée. L'appel devrait être rejeté avec frais, et la cotisation du ministre, confirmée.

Contre-preuve

[234] En contre-preuve, l'avocat de l'appelante a déclaré que l'affaire Fedderly, précitée, était différente parce que la cotisation avait été établie en application de l'article 178 et que l'article 175 porte que le remboursement est réputé taxable de la même manière que le service. Dans l'affaire Fedderly,le ministre alléguait qu'il y avait un service, tandis que dans la présente affaire il allègue qu'il y avait une fourniture. Il n'est aucunement allégué dans la présente affaire qu'un service a été fourni. Par conséquent, le ministre ne peut invoquer l'article 178 en l'espèce. L'avocat a évoqué l'affaire Her Majesty The Queen v. Continental Bank of Canada, 98 DTC 6501 (C.S.C.) pour étayer sa thèse. L'argument de l'avocat est que le ministre ne peut se fonder sur un article qu'il n'a pas invoqué en l'instance.

[235] L'avocat a soutenu que la Loi de l'impôt sur le revenu avait été modifiée de façon à autoriser le ministre à se fonder sur un article de cette loi même s'il n'en avait pas plaidé l'existence ou le contenu, mais les dispositions régissant la TPS n'ont pas été modifiées. Pour l'avocat, l'affaire Continental Bank, précitée, “ [traduction] vient brouiller les cartes ”, étant donné que l'on tenait pour acquis auparavant que c'était la cotisation qui était visée par l'appel, non les motifs sous-jacents. Dans la présente affaire, le ministre a établi une cotisation en se fondant sur un article donné, et il ne peut maintenant y apporter de modification.

[236] Ruth Hall a témoigné du fait que la société ne fournissait aucun service; le ministre souhaite peut-être invoquer l'article 178, mais la preuve indique qu'il n'a aucun motif de le faire. En outre, M. Kooger a dit qu'il ignorait quelle était la pratique en vigueur, tandis que le ministre soutient que son témoignage étaye sa thèse selon laquelle la pratique en vigueur était d'accorder une rémunération au pourcentage aux tractionnaires.

[237] Au sujet des états financiers, il n'est pas possible d'en déduire quoi que ce soit, puisque Vanex ne tirait aucun revenu des présumés services. Les activités de Vanex consistaient à transporter des marchandises, non à fournir des services d'assurance, du carburant, de l'huile, etc. Les montants en cause étaient inscrits au bilan, mais cela ne veut rien dire puisque Vanex n’assumait pas ces coûts.

[238] Même si la Cour devait prêter foi au témoignage de M. Cleland et conclure que la convention entre Vanex et lui était conforme à la description qu’il en a faite, rien ne prouve que les autres tractionnaires travaillaient selon la même convention, et le témoignage de Ruth Hall contredisait entièrement celui de M. Cleland.

[239] Si Vanex recevait des crédits de taxe sur les intrants au titre de la TPS, cette question concernait Vanex et les tractionnaires. Le ministre n'avait pas à s'en occuper.

[240] L'avocat a également fait référence au passage du témoignage de M. Cleland où celui-ci indiquait avoir déclaré des frais de repas et d'hébergement sur un formulaire destiné à être utilisé par les employés aux fins de l'impôt.

[241] En outre, aucun des tractionnaires n'a produit de déclaration aux fins de la taxe sur le carburant. Vanex l'a fait. Si les tractionnaires avaient acheté le carburant à Vanex, ils auraient dû le déclarer.

[242] L'avocat a encore répété que les faits en cause dans l'affaire Imperial Drywall, précitée, cadraient parfaitement avec la présente affaire. Il a contesté l'argument de l'avocate de l'intimée voulant qu'il n'y avait aucun élément de preuve dans l'affaire Imperial Drywall concernant le droit limité d'utilisation des matériaux. Le fait est que les matériaux, une fois utilisés, faisaient partie intégrante de l'immeuble. Dans l'affaire Parkland Crane Service Ltd., précitée, la société imputait également le coût du permis à part sur la facture. On a parlé à ce propos de nouvelle fourniture, mais cette expression ne figure pas dans la Loi. L'avocat de l'appelante a parlé à ce propos de “ jargon juridique ”. Dans l'affaire en question, on ne fournissait pas les permis aux clients, et aucun d'eux ne déplaçait les grues. La fourniture du service de grue était taxable, mais le coût du permis n'était pas réputé faire partie de la contrepartie taxable du service.

[243] Dans l'affaire Stobbe Construction Ltd., précitée, il n'y a pas eu examen des questions à proprement parler. Si elle avait analysé les questions et les faits en cause, la Cour aurait jugé que les taxes ne se rapportaient pas à des biens ou à des services. De toute façon, dans cette affaire, l'utilisation des services publics n'était assortie d'aucune restriction.

[244] L'avocat a contesté l'argument avancé par l'avocate de l'intimée voulant que les coûts soient recouvrés auprès des tractionnaires. Il a dit que tel n'était pas le cas. Tout ce que recevaient les tractionnaires était le coût de leur travail, plus une contrepartie au titre de leur investissement, tout comme dans l'affaire Imperial Drywall, précitée.

[245] Il a réitéré sa thèse voulant que les relevés et les factures aient été erronés en l'espèce.

[246] De plus, les décisions rendues au Royaume-Uni ne sont pas pertinentes dans la présente affaire, puisqu'il n'y avait pas eu dessaisissement des biens. L'utilisation des biens par les tractionnaires était limitée. La TPS s'applique uniquement à l'égard des locations à des fins commerciales, et les locations conclues par une province sont exonérées.

Réponse à la contre-preuve

[247] En réponse à la contre-preuve, l'avocate de l'intimée a déclaré que, aux termes de la Loi, les fournitures englobent les services. Le ministre a plaidé l'existence d'une fourniture. L'intimée est fondée à faire valoir cet argument en l'espèce.

[248] La preuve montre que les bordereaux des tractionnaires, présentés aux pièces R-12 et R-21, étaient établis de la même manière que ceux de M. Cleland. Il n'y avait aucune différence entre eux. Il n'existe aucun élément de preuve montrant que M. Cleland recevait un montant au titre de son investissement, et le témoignage de Ruth Hall indiquait le contraire.

Analyse et décision

[249] Un certain nombre de questions soulevées en l'espèce ont été l'objet de témoignages contradictoires, comme le constate la Cour en comparant le témoignage de M. Bob Cleland, l'un des tractionnaires, à celui de Ruth Hall, qui a dit être la contrôleuse de l'appelante. Il n'y a aucun doute que celle-ci participait à d'autres aspects des activités de la société, notamment en ce qui concerne la trésorerie, les méthodes comptables, le personnel, la paie et, dans une certaine mesure, la production de déclarations de revenu et la production de rapports à des organismes pour le compte de la société. Elle a également déclaré qu'elle aidait les responsables de la société à prendre leurs décisions. Par contre, lorsqu'on a insisté pour qu'elle explique les données en cause, soit ses réponses étaient source de confusion, soit elle disait qu'elle ignorait la réponse. De même, elle ne savait pas qui avait établi le modèle des bordereaux de paie des tractionnaires.

[250] Interrogée par l’avocate de l'intimée, elle a été incapable d'expliquer certaines des inscriptions que l'on retrouve dans les états financiers, et elle n'avait pas en sa possession le grand livre général. Elle ne pouvait dire si le montant de 60 000 $ visait uniquement les chauffeurs qui étaient des employés, et elle ne pouvait non plus préciser si le pourcentage de 4,25 pour cent au titre du coût de l'assurance était reflété dans les états financiers, ainsi que le demandait l'avocate de l'intimée, qui avait mentionné ce point dans son argumentation.

[251] Lorsqu'il a été question des bordereaux de paie de Bob Cleland, Mme Hall a confirmé que la part du revenu revenant à Vanex était soustraite avant que le montant de revenu soit inscrit sur le bordereau, même si la pièce était désignée comme le bordereau de paie de Bob Cleland du mois de février à l'égard du véhicule numéro 004. Elle a reconnu que les dépenses déduites étaient celles de M. Cleland, non celles se rapportant aux tracteurs.

[252] Ce témoin n'a pas été d'une franchise totale au cours de son témoignage. Soit Mme Hall esquivait volontairement la question, soit elle ignorait à quoi certains des chiffres correspondaient. Par conséquent, quand elle déclarait que la société ne fournissait aucun service aux tractionnaires ou que les dépenses en cause étaient celles de Vanex, non celles des tractionnaires, la Cour, en l'absence de faits venant étayer ces affirmations, ne peut leur accorder beaucoup de poids.

[253] Il nous semble qu'il aurait été facile d'éclaircir certaines des questions importantes en cause dans la présente affaire en faisant témoigner un représentant averti de la société, qui aurait pu expliquer la raison pour laquelle les bordereaux envoyés aux tractionnaires étaient établis selon ce modèle, en s'appuyant sur les origines de ces bordereaux, et qui aurait peut-être été en mesure de soutenir la thèse de l'avocat de l'appelante voulant que les bordereaux aient été erronés et n'aient pas vraiment indiqué ce qu'ils semblent indiquer.

[254] L'appelante a décidé de s'en remettre au témoignage de Mme Hall pour appuyer sa thèse, et ce témoin a été contredit à de nombreuses reprises, en particulier par les témoignages de MM. Kooger et Cleland. Ce témoignage aurait dû être étayé par des explications plus complètes relativement à ces questions contestées.

[255] À l'inverse de ce témoignage, celui de Bob Cleland a été clair et complet. Le témoin connaissait à fond les activités de camionnage de l'appelante ainsi que le secteur du transport routier dans la région où l'appelante exerçait ses activités. Il avait été employé de l'appelante, avait loué à un moment son véhicule à l'appelante et avait reçu une contrepartie généreuse à ce titre. Il était au courant du processus de traitement des demandes d'indemnité présentées à la société d'assurances; il connaissait ses droits à l'égard du véhicule qu'il utilisait et qui, selon ses propres paroles, lui appartenait. Il n'a pas dévié de son témoignage, même lorsque l'avocat de l'appelante l'a talonné sur différentes questions.

[256] Son témoignage ne laisse aucun doute quant au fait qu'il estimait être un entrepreneur indépendant, que le véhicule qu'il utilisait, même s'il avait été transféré temporairement à Vanex, demeurait sa propriété, et que, dès le moment où il cessait de travailler pour Vanex, il était en droit de retransférer le véhicule à son propre nom. Il a soutenu que les dépenses lui incombaient. Il avait le droit de réclamer des crédits de taxe sur les intrants à l'égard de ces dépenses, et il l'a fait dans ses déclarations de revenu. La somme qu'il recevait était calculée à partir d’un pourcentage de 75 pour cent du revenu brut. Même s'il a déclaré que la convention ne prévoyait rien à propos de ses dépenses, il a indiqué que, si Vanex avait acheté le carburant, les chauffeurs ne se seraient pas souciés du coût de ces achats et ce coût ne leur aurait pas été imputé. De même, il a réclamé un montant de crédit de taxe sur les intrants à l'égard du carburant pour les années 1991 à 1994. Lorsqu'il a reçu ce montant, il pensait y avoir droit. Également, il a demandé à Mme Hall d'inscrire la TPS à part sur les relevés des sociétés pétrolières, de façon à pouvoir réclamer ce montant.

[257] Le témoignage de Mme Hall ne concordait pas non plus, jusqu'à un certain point, avec celui de Frank Kooger, qui a confirmé que les tractionnaires devaient recevoir 75 pour cent du revenu s'ils fournissaient uniquement le camion, et 90 pour cent s'ils fournissaient le camion et la remorque. Il a déclaré que les coûts rattachés à l'utilisation du véhicule des tractionnaires n’étaient aucunement mentionnés dans la convention, mais qu'il était entendu que tous ces coûts devaient être à la charge des tractionnaires. À ses yeux, l’expression “ entrepreneur indépendant ” et le terme “ tractionnaire ” étaient synonymes. Il a dit qu'il était impossible que Vanex ait pu calculer la rémunération des tractionnaires en se fondant sur leurs dépenses. Il savait que les tractionnaires travaillant pour Vanex recevaient 75 pour cent du revenu et Vanex, 25 pour cent.

[258] La Cour juge que les témoignages de Bob Cleland et de Frank Kooger sont plus crédibles que celui de Ruth Hall à l'égard de toute question cruciale, et elle les préfère à ce dernier en cas de contradiction.

[259] Il est également à noter que Bob Cleland a été le seul tractionnaire appelé à témoigner. Si certains points touchant la thèse des tractionnaires, telle qu'elle a été décrite par Bob Cleland, étaient inexacts, l'appelante avait toute latitude pour faire comparaître un ou plusieurs autres tractionnaires, de façon à démontrer que l'argumentation de l’intimée était erronée. Or, elle ne l'a pas fait. Par conséquent, ce témoignage a constitué le seul élément de preuve fourni par un travailleur averti à propos des pratiques en vigueur chez Vanex au regard des diverses questions en cause. Il ne pensait certes pas que ce qu'il recevait de Vanex constituait une forme de rendement de son investissement, comme l'a soutenu l'avocat de l'appelante.

[260] L'avocat de l'appelante a avancé que Vanex ne fournissait pas de permis aux tractionnaires, étant donné que Vanex était la titulaire de permis dans les deux cas et que ces permis n'étaient ni transférables ni cessibles, et qu'ils n'ont jamais été transférés ni cédés. De même, Vanex ne fournissait pas l'assurance aux tractionnaires, étant donné qu'elle était l'assurée visée par les polices et que celles-ci n'étaient ni transférables ni cessibles, et qu'elles n'ont pas été transférées ni cédées. La Cour est toutefois convaincue qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'il y ait eu fourniture des permis et de l'assurance aux tractionnaires, que la police ait été transférée ou cédée. Le permis autorise essentiellement Vanex à utiliser ses véhicules sur les routes, et la police d'assurance couvre la responsabilité civile à l'égard des véhicules lorsque ceux-ci circulent sur les routes. Les tractionnaires continuaient de profiter de ces avantages après avoir transféré leur véhicule à Vanex uniquement à des fins de permis et d'assurance, puisqu'ils utilisaient eux-mêmes leur véhicule sous la protection de la police d'assurance et aux termes des permis obtenus par Vanex. De toute évidence, c'était la prestation de la protection prévue par la police d'assurance et du droit, pour les tractionnaires, d'utiliser leur véhicule aux termes des permis obtenus par Vanex qui constituait l'objet de la fourniture effectuée aux tractionnaires par Vanex.

[261] Ainsi que l'a fait observer l'avocate de l'intimée et comme le montrait clairement la preuve, les polices étaient établies au nom de Vanex. Celle-ci communiquait une liste de son matériel à Axa, liste sur laquelle étaient inscrits séparément ses propres véhicules et ceux des tractionnaires. Toutefois, une fois que les tractionnaires étaient visés par la police d'assurance de Vanex, ils étaient assurés, même s'ils n'avaient pas forcément droit à une couverture totalement identique à celle accordée à Vanex aux termes de la police flotte. En outre, la preuve montre clairement qu'un taux égal à 4,25 pour cent du revenu mensuel de Vanex était imputé aux tractionnaires chaque mois au titre de leur assurance. Les tractionnaires n'effectuaient pas les paiements à Axa, mais ils payaient néanmoins l'assurance de leur véhicule.

[262] Le mode de paiement des indemnités d'assurance en cas de sinistre, que la société d'assurances les verse à Vanex ou aux tractionnaires, ne permet pas de trancher les questions en cause. Toutefois, il ressort du témoignage de M. Cleland, fondé sur ses connaissances personnelles à ce propos, que, si le véhicule d'un tractionnaire subissait des dommages lors de l'exécution de services pour le compte de Vanex alors qu'il était assuré par la police de la société, l'indemnité d'assurance au titre de ces dommages était versée en bout de ligne au tractionnaire. Dans la mesure où Vanex donnait instruction à la société d'assurances de verser l'argent aux tractionnaires, cela était possible et se passait effectivement ainsi. De plus, les tractionnaires étaient indubitablement responsables du paiement de la franchise en cas d'accident subi par leur tracteur, et M. Cleland a d'ailleurs déclaré que les tractionnaires avaient constitué un fonds pour faciliter le paiement de cette franchise. Également, il incombait aux tractionnaires de traiter avec la société d'assurances pour toute demande d'indemnisation relative à leur tracteur aux termes de la police d'assurance.

[263] Dans la même veine, concernant les permis, il est clair que Vanex payait des frais annuels pour obtenir un permis au prorata permettant aux camions de circuler sur le territoire d'autres administrations. Pour que le permis au prorata de Vanex s'applique à un véhicule, celui-ci devait être immatriculé au nom de Vanex, aux fins de permis et d'assurance uniquement. Si un tractionnaire voulait acheter son propre permis d'utilisation de véhicules automobiles, il pouvait le faire et continuer d'exercer ses activités sous la bannière de Vanex. Toutefois, les tractionnaires ne pouvaient utiliser leur véhicule s'ils ne possédaient pas un tel permis établi à leur nom ou s'ils n'exerçaient pas leurs activités aux termes du permis de Vanex. Par conséquent, ce que Vanex leur fournissait était le droit de circuler sur les routes en se prévalant des permis de Vanex, et ils payaient l'utilisation de ces permis.

[264] L'avocat a déclaré que, si les permis, l'assurance, le carburant et les lubrifiants étaient fournis aux tractionnaires, ceux-ci ne payaient aucune contrepartie pour ces produits et services. La Cour rejette entièrement cet argument, car la preuve a démontré clairement, ainsi que cela est indiqué précédemment, qu'ils payaient bel et bien pour l'assurance et pour l'utilisation des permis et que le coût du carburant et des lubrifiants achetés à crédit et portés au compte de l'appelante leur était imputé chaque mois, sous forme de retenues sur la rémunération payable chaque mois aux chauffeurs à contrat, ces opérations étant consignées sur un bordereau de paie envoyé par Vanex à chaque tractionnaire.

[265] Il se peut fort bien que Vanex ait été responsable envers les fournisseurs, étant donné qu'elle était la détentrice des cartes de crédit. Cela ne change toutefois rien au fait que, en fin de compte, les chauffeurs à contrat payaient les produits qu'ils avaient utilisés et considéraient que les produits en question étaient les leurs, qu'ils les avaient achetés, qu'ils avaient droit à des crédits de taxe sur les intrants à ce titre, et que la seule raison pour laquelle ils effectuaient ces achats par l'entremise de Vanex était qu'ils pouvaient ainsi obtenir de meilleurs prix.

[266] La Cour rejette entièrement l'argument de l'avocat de l'appelante voulant que la somme payée par Vanex aux employés ait été versée uniquement au titre de leur travail et du “ [traduction] rendement de leur investissement ”.

[267] La Cour est convaincue que toute interprétation raisonnable de la preuve doit l'amener à conclure que les tractionnaires avaient droit à la rémunération au pourcentage.

[268] En dépit du fait que la convention collective n'ait pas précisé que les dépenses devaient être retenues sur la rémunération des tractionnaires, il ressort de la preuve que c'était bien la pratique en vigueur, malgré la déclaration de Ruth Hall selon laquelle Vanex n'avait pas à verser aux tractionnaires la rémunération au pourcentage, sauf s'ils payaient leurs propres dépenses. Il n'est pas possible en toute logique de tirer cette conclusion à partir de la preuve présentée dans cette affaire.

[269] La Cour est convaincue que la décision dans la présente affaire doit être fondée non sur la question de la responsabilité civile liée à l'identité du propriétaire des tracteurs, mais bien sur la question de savoir si la taxe sur les produits et services s'applique aux retenues effectuées sur la rémunération brute des tractionnaires au titre du coût du carburant, des permis et de l'assurance qui leur étaient censément fournis par l'appelante. Ainsi que cela a été indiqué précédemment, l'issue de la présente affaire ne dépend pas de l'identité du propriétaire immatriculé des tracteurs et des remorques. Il est vrai que le transfert de propriété des propriétaires des tracteurs et des remorques à Vanex pour des fins limitées était accepté par les autorités provinciales et qu'il s'agit apparemment d'une pratique courante dans le secteur du camionnage. Il est cependant clair que les tractionnaires avaient entièrement le droit de récupérer leur véhicule lorsqu'ils cessaient de fournir des services à Vanex, et qu'ils avaient un droit de propriété sur ces véhicules, peu importe les termes utilisés pour décrire ce droit. Par conséquent, la Cour juge que les affaires que l'avocat de l'appelante a mentionnées et qui touchent la question de la propriété ne permettent pas de trancher les questions en cause dans la présente affaire.

[270] La Cour est convaincue que, en ce qui touche l'assurance, l'appelante effectuait une fourniture d'assurance aux tractionnaires dans le cadre de sa police flotte. Il est vrai qu'il incombait à Vanex de payer la prime à la société d'assurances, mais il est également vrai et tout à fait évident que Vanex percevait des primes auprès des tractionnaires au titre de l'assurance qu'ils obtenaient aux termes de la police flotte, et dont Vanex les faisait bénéficier. Bien que ce fait ne soit pas déterminant, aucune clause précise de la convention n’obligeait les tractionnaires à payer quoi que ce soit, exception faite de l'assurance-invalidité de courte et de longue durée. La preuve a clairement montré que les tractionnaires devaient payer cette assurance, et qu'ils le faisaient bel et bien chaque mois.

[271] En ce qui touche le carburant, l'huile et les lubrifiants, ces produits étaient également achetés dans le cadre d'un accord conclu avec les sociétés pétrolières. Il est vrai que, aux termes de cet accord, le droit de se prévaloir de celui-ci ne pouvait être cédé sans l'autorisation du vendeur. Il n'y a pas eu cession des droits prévus par cet accord, mais cela ne change rien au fait que Vanex mettait à la disposition des tractionnaires les produits obtenus aux termes des accords d'achat en grande quantité, et qu'elle imputait aux tractionnaires le coût de ces produits. Ceux-ci étaient obtenus en vertu de l'accord par les tractionnaires eux-mêmes, utilisés par eux et payés par eux. L'argument de l'appelante selon lequel les tractionnaires n'achetaient pas le carburant, l'huile ou les lubrifiants est sans fondement. Ici encore, bien qu'il ait incombé à Vanex de payer ces produits à la société pétrolière, cela ne change rien au fait que Vanex les vendait ensuite aux tractionnaires, qui les payaient. C'est ainsi que les choses se déroulaient, et ce, même si ni M. Cleland ni les autres tractionnaires n'étaient redevables aux sociétés pétrolières au titre du carburant qu'ils se procuraient au moyen des cartes reçues de Vanex. Ils étaient cependant redevables à Vanex du paiement de ces fournitures, qui leur étaient facturées et qu'ils payaient.

[272] Même si un tractionnaire pouvait être remercié de ses services s'il utilisait le carburant à des fins autres que le transport de marchandises pour Vanex, ainsi que l'a laissé entendre Ruth Hall, le fait demeure que les tractionnaires achetaient les produits à Vanex. Selon le témoignage de M. Cleland, les autres tractionnaires et lui pouvaient utiliser le carburant à n'importe quelle fin, sauf la fourniture de services pour des concurrents de Vanex.

[273] La Cour rejette l'argument de l'avocat de l'appelante voulant que le carburant ait été en possession, non des tractionnaires, mais de Vanex. La Cour ne retient pas l'argument selon lequel les tractionnaires avaient un “ [traduction] droit d'utilisation limité ” du carburant. Il ressort de la preuve que les tractionnaires avaient possession du carburant depuis le moment où ils se le procuraient jusqu'au moment où il était entièrement consommé. Ils mettaient ce carburant dans leur propre véhicule et pouvaient l'utiliser à leur guise, sous réserve de la restriction mentionnée plus haut, et cette utilisation n'était certes pas limitée.

[274] L'avocat de l'appelante a soutenu que les tractionnaires recevaient un paiement au titre de leur travail et du rendement de leur investissement, ainsi que cela a été mentionné précédemment. À l'appui de cette thèse, il a invoqué l'affaire Imperial Drywall, précitée, et a déclaré que cette affaire cadrait parfaitement avec la présente affaire. Dans l'affaire en question, le juge McArthur, de la C.C.I., a souscrit à l'argument formulé pour le compte de l'appelante, soit que les sous-traitants n'obtenaient pas la propriété des matériaux. Il a admis que leur droit se limitait à l'utilisation des matériaux dans l'installation de cloisons sèches et de revêtements isolants pour les clients de l'appelante. Il a jugé que ce droit ne constituait pas une fourniture; or, sans fourniture, il n'y a pas de TPS. Il a également souscrit à la prétention selon laquelle les sous-traitants n'ont jamais eu la propriété en droit ni la propriété de fait des matériaux, et n'avaient pas le droit de vendre les matériaux ou de les utiliser dans le cadre de travaux effectués pour un client autre que l'appelante. La Cour a jugé que l'appelante ne payait les sous-traitants que pour leur travail.

[275] L'avocate de l'intimée a prétendu que l'affaire Imperial Drywall différait de la présente affaire en ce que l'intimée n'avait présenté aucun élément de preuve dans l'affaire en question. Si, dans la présente affaire, seule l'appelante avait produit une preuve, les choses auraient pu être différentes. L'avocate a soutenu que, si des éléments de preuve avaient été présentés au nom des sous-traitants pour exposer leur position concernant l'incidence des retenues sur la question de savoir qui engageait réellement les dépenses en cause, l’issue aurait peut-être été autre.

[276] La Cour est convaincue que l'on peut établir une distinction entre l'affaire Imperial Drywall et la présente affaire, mais non en se fondant sur l'argument de l'avocate de l'intimée. Dans la présente affaire, la Cour est convaincue que les droits des tractionnaires à l'égard des produits fournis n'étaient pas aussi limités que c'était le cas pour les matériaux fournis dans l'affaire Imperial Drywall. La Cour est convaincue que les tractionnaires avaient la propriété des fournitures une fois qu'ils les avaient obtenues et mises dans leur véhicule, même si ces fournitures étaient obtenues grâce au crédit de Vanex, si les tractionnaires ne les payaient qu'une fois le coût retenu sur leurs bordereaux de paie mensuels, et si Vanex posait certaines conditions à leur utilisation, ainsi que cela a été mentionné précédemment. La Cour juge que l'utilisation des produits par les tractionnaires en établissait la propriété, et qu'elle n'était pas incompatible avec une fourniture de matériaux par l'appelante aux tractionnaires.

[277] Un commentaire de David Sherman dans [1997] G.S.T.C. 81, à propos de l'affaire dont il est question, mérite qu'on s'y arrête. M. Sherman écrit :

[TRADUCTION]

Malheureusement, l'appelante a délivré au sous-traitant une facture, ou un document qui y ressemblait fort. Si le sous-traitant avait été un inscrit aux fins de la TPS, l'ajout de la TPS au montant indiqué n'aurait posé aucun problème, étant donné que le sous-traitant aurait eu droit à des crédits de taxe sur les intrants. Toutefois, la plupart des sous-traitants n'étaient pas des inscrits et n'auraient donc pu demander des crédits de taxe sur les intrants. L'appelante n'a pas inclus la TPS sur ces “ factures ”.

Ces faits sont similaires à ceux de la présente affaire, dans laquelle l'appelante plaide que les factures établies étaient erronées.

[278] M. Sherman a mentionné le fait que l'avocat de l'appelante était parvenu à convaincre le juge de première instance que les matériaux n'avaient jamais été “ vendu[s] ” aux sous-traitants. Ils leur étaient “ fournis ”, et ce, uniquement pour l’exécution de contrats d'installation de cloisons sèches conclus par l'appelante. L'un des points clés dans cette affaire a été l'argument selon lequel l'appelante “ ne cède [pas] la propriété en common law ” de ces matériaux. Dans cette affaire, on retrouvait également l'argument de la double taxation. Le juge de première instance a également souscrit à cet argument. Enfin, bien que les matériaux aient été fournis aux sous-traitants, la Cour a jugé que cela ne constituait pas une “ fourniture ” au sens du paragraphe 123(1).

[279] M. Sherman a exprimé l'avis que la mention par le juge de la “ réalité commerciale ” constituait une forme d'application du critère de la “ primauté de la substance sur la forme ” à l'égard des frais relatifs aux matériaux et que, par le passé, les tribunaux avaient été très réticents à laisser les contribuables plaider la “ primauté de la substance sur la forme ” pour déroger au libellé d'un contrat auquel ils étaient parties.

[280] La Cour a fait observer ce qui suit dans l'affaire Stafford v. Canada, [1993] 1 C.T.C. 2284, à la page 2289 :

Les personnes qui cherchent à obtenir un certain résultat et qui, à cette fin, établissent leurs relations juridiques d'une certaine manière ont un lourd fardeau à assumer lorsqu'elles affirment qu'il ne doit pas être tenu compte de ces relations à d'autres fins. Il ne suffit pas de dire : “ Je ne faisais que plaisanter. ”

[281] Si, comme le prétend l'avocat de l'appelante, les faits dans l'affaire Imperial Drywall, précitée, cadrent parfaitement avec ceux de la présente espèce, la Cour aurait du mal à souscrire à la ratio decidendi dans cette affaire.

[282] L'avocat de l'appelante a fait valoir que les documents comptables avaient été établis de façon erronée, mais que de toute façon ils constituent uniquement des relevés de compte, et rien de plus. La Cour ne peut souscrire à cet argument parce qu'il ressort de la preuve que les relevés de compte ont été établis pendant une longue période, qu'ils étaient préparés par des représentants de l'appelante, qu'ils étaient envoyés à tous les tractionnaires, et que ceux-ci s'y fiaient et les utilisaient pour produire leurs propres déclarations de revenu. La Cour pourrait difficilement se ranger du côté de l'appelante si les documents qu'elle a elle-même préparés mènent à la conclusion raisonnable qu’ils signifient exactement ce qu'ils disent, même si le résultat ainsi obtenu n'est peut-être pas celui prévu par les personnes qui les ont préparés.

[283] La Cour n'estime pas qu'une interprétation raisonnable de l'affaire Continental Bank, précitée, étaye la prétention de l'avocat de l'appelante selon laquelle cette affaire “ [traduction] vient brouiller les cartes ”, et elle juge que ce que l'on supposait antérieurement, soit que c'est la cotisation qui est l'objet de l'appel, non les motifs qui sous-tendent la cotisation, est un point de vue inexact. L'avocat de l'appelante a déclaré en l'espèce que le ministre a établi une cotisation en se fondant sur un article donné, et qu'il ne pouvait maintenant y apporter de modifications. La Cour est d'avis que la décision rendue dans l'affaire Continental Bank signifie au fond que le ministre ne peut remplacer sa nouvelle cotisation initiale par une autre cotisation fondée sur une base différente. Ainsi que la Cour l'a indiqué, “ [l]es contribuables doivent savoir sur quelle base repose la cotisation qui leur est transmise afin de pouvoir présenter les éléments de preuve appropriés pour la contester. En l’espèce, il n’est pas évident que les faits étayent l’établissement d’une nouvelle cotisation sur la base invoquée par l’appelante. ” Toutefois ce n'est ce qui s'est produit dans la présente affaire.

[284] Souscrire à l'interprétation proposée par l'avocat de l'appelante reviendrait à conclure que le ministre, lorsqu'il établit une cotisation, doit énoncer tous les motifs susceptibles d'être invoqués pour justifier la cotisation, à défaut de quoi il ne pourra faire valoir ces motifs lors de l'appel.

[285] L'avocat de l'appelante a avancé comme argument que, selon le témoignage de Ruth Hall, la société ne fournissait aucun service et que, même si le ministre voulait invoquer l'article 178, la preuve ne contenait aucun élément le justifiant. La Cour est convaincue que le ministre est fondé en l'espèce à invoquer l'article 178, et que le témoignage de Ruth Hall ne l'en empêche pas.

[286] Selon la définition de ce terme figurant à l'article 123, on entend par “ fourniture ” la “ livraison de biens ou [la] prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation ”. L'avocate de l'intimée a fait valoir devant la Cour qu'il est notamment question de services dans cette définition, et que cela ne remet pas en cause la position du ministre.

[287] L'avocat de l'appelante a soulevé plusieurs questions concernant les actes de procédure. Le ministre a plaidé qu'il y avait majoration du coût imputé aux tractionnaires au titre de l'assurance, ce qui était faux. Par conséquent, cette hypothèse a été réfutée. Toutefois, la Cour est convaincue que la preuve était suffisante pour lui permettre de conclure qu'une société d'assurances fournissait une protection dans le cadre de la police flotte et que le coût de cette assurance était transféré aux tractionnaires. Par conséquent, l'appelante n'est pas parvenue à démontrer que la cotisation établie relativement à l'assurance était erronée.

[288] L'argument de l'avocate de l'intimée selon lequel, même si l'appelante a pu réfuter une partie des hypothèses, cela ne suffit pas à prouver que la cotisation était erronée, est fondé. La Cour est convaincue que la preuve qui lui a été présentée est suffisante pour prouver que la prémisse de ces hypothèses était valide. Par ailleurs, même si la présomption faite dans la réponse, selon laquelle la police d'assurance d'excédent avait été souscrite par l'entremise de l'Insurance Corporation of British Columbia, était inexacte puisque la preuve a bien montré que cette police avait été souscrite auprès d'Axa, cela ne porte pas un coup fatal à la thèse de l'intimée. De plus, la Cour est convaincue que, bien que Vanex ait été l'acquéreur de la fourniture, les tractionnaires étaient également acquéreurs de l'assurance, qui constituait une fourniture.

[289] La Cour souscrit à l'argument présenté par l'avocate de l'intimée dans sa réponse à la contre-preuve, à savoir que le terme “ fourniture ” s'entend de la prestation de “ services ” aux termes de la Loi. Le ministre a plaidé qu'il y avait fourniture, et l'intimée est fondée à faire valoir cet argument.

[290] En bout de ligne, la Cour est convaincue que l'appelante n'est pas parvenue à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la cotisation du ministre était erronée. De fait, la Cour est convaincue que l'appelante est redevable de la TPS, conformément à la cotisation, étant donné qu'elle a effectué la fourniture d'assurance, de carburant, d'huile et de permis aux tractionnaires et qu'elle n'a pas perçu ni versé la TPS applicable à l'égard de ces fournitures. Également, la Cour est convaincue que les fournitures en cause n’étaient ni détaxées ni exonérées.

[291] L'appel est rejeté, avec frais, et la cotisation du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de novembre 1999.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANçaise OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de juillet 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

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