Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 19971029

Dossier : 96-4140-IT-G

ENTRE :

MOHAMMAD AKBAR HUSAIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] L'appel en instance, interjeté sous le régime de la procédure générale, a été entendu à Toronto (Ontario) le 24 octobre 1997. L'appelant a témoigné. L'intimée a appelé Ini Rajan, CGA, agent des appels à Revenu Canada, et Michael Vantil, conseiller technique à Revenu Canada.

[2] L'appelant interjette appel à l'encontre de nouvelles cotisations pour ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992 lui refusant des déductions au titre de dépenses qu'il dit être déductibles du revenu, soit des coûts d'habitation et des honoraires concernant quatre condominiums qu'il détenait dans la communauté urbaine de Toronto au cours de ces années-là.

[3] À l'ouverture de l'audience, l'intimée a demandé à modifier la réponse à l'avis d'appel de manière que le paragraphe 9 renvoie à l'alinéa 18(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”) plutôt qu'à l'alinéa 18(1)a) de la Loi et de manière qu'un dixième paragraphe soit ajouté. M. Husain s'opposait à ces modifications. La Cour a admis les modifications pour les motifs suivants :

1) Les modifications proposées ne prennent pas par surprise la partie adverse puisqu’elles décrivent l'essentiel du différend qui oppose les parties depuis le début.

2) Les modifications proposées n'influent pas sur les hypothèses de l'intimée, car aucune hypothèse n'a été formulée dans la réponse avant ou après les modifications.

Les paragraphes 9 et 10 figurant dans la réponse modifiée se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

9. Il soutient respectueusement que les honoraires et les coûts accessoires ont le caractère de dépenses de capital et ne peuvent donc être déduits en vertu de l'alinéa 18(1)b) de la Loi ou en vertu des paragraphes 18(3.1) et (3.3) de la Loi.

10. Il soutient respectueusement que, durant la période pertinente, l'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de profit à l'égard de ses activités de location. Donc, l'appelant n'exploitait pas une entreprise au sens de l'article 9 de la Loi et n'est pas en droit de déduire les dépenses en question.

[4] Les honoraires dont l'appelant dit qu'ils sont déductibles du revenu sont des honoraires de 4 558 $ pour 1990 concernant l'achat du condominium numéro 1402 du 1131, avenue Steeles et des honoraires de 1 867 $ pour 1991 concernant l'achat du condominium numéro 909 du 4460, Tucana Court. Les prétentions de l'appelant à la déduction de ces honoraires sont rejetées. Le plus gros de chaque série d'honoraires a trait à des frais juridiques et autres engagés en vue d'acheter les biens eux-mêmes. Dans chaque cas, une petite partie des frais a été engagée par l'appelant pour l'obtention d'une copie supplémentaire d'une formule requise dans le cadre de l’achat de chaque bien en immobilisation. Ces demandes de déduction sont rejetées parce qu'elles se rapportent à l'achat effectif des deux biens en immobilisation eux-mêmes. Il ne s'agit pas de dépenses engagées en vue de tirer un revenu des biens.

[5] Le dernier point en litige, ce sont les “coûts d'habitation” de 26 437 $ pris en charge par l'appelant en 1990. Ce montant est réparti comme suit dans l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

ADRESSE

NO D'UNITÉ


1990

1.

205, prom. Wynford

407

Intérêts hypothécaires

9 148

Impôts fonciers

1 258

Dépenses communes (électricité, chauffage, eau)


1 880

TOTAL :

12 286

2.

205, prom. Wynford

801

Intérêts hypothécaires

9 768

Impôts fonciers

1 267

Dépenses communes (éclairage, chauffage, eau)


1 897

TOTAL :

12 932

3.

1131, av. Steeles

1402

Intérêts hypothécaires, impôts fonciers et

dépenses communes (éclairage, chauffage, eau)


1 219

TOTAL PARTIEL :

26 437

L'intimée avait rejeté ces demandes de déduction pour le motif que l'appelant n'exploitait pas une entreprise de location immobilière en 1990. Pour l'essentiel, la question est de savoir si l'appelant avait une attente raisonnable de profit à l'égard de la location des biens en 1990.

[6] Les détails relatifs aux biens sont énoncés aux paragraphes suivants de l'avis d'appel. La formulation est très bonne, et les passages cités sont conformes à la preuve qui a été présentée au tribunal.

[TRADUCTION]

J'ai acheté les quatre biens suivants directement au constructeur, aux fins d'une entreprise de location :

ADRESSE

NO D'UNITÉ

CONSTRUCTEUR

DATE DU CONTRAT

1.

205, prom. Wynford

North York (Ontario)

407

Palisades Realty Holding Corporation

15 fév. 1987

2.

205, prom. Wynford

North York (Ontario)

801

Palisades Realty

Holding Corporation

25 fév. 1987

3.

1131, av. Steeles O.

North York

1402

Primrose Towers

Three Ltd.

4 janv. 1989

4.

4460, Tucana Court

Mississauga

909

Kingsbridge Grand

Ltd.

26 janv. 1989

Les dates de prise de possession de ces biens sont les suivantes :


ADRESSE

NO D'UNITÉ

DATE DE PRISE
DE POSSESSION

1.

205, prom. Wynford

407

16 oct. 1989

2.

205, prom. Wynford

801

1er nov. 1989

3.

1131, av. Steeles

1402

13 avril 1990

4.

4460, Tucana Court

909

1er nov. 1991

Les biens étaient loués à des parties sans lien de dépendance aux dates mentionnées en regard de chacun, et un revenu provenant d'une entreprise de location a été déclaré aux fins de l'impôt pour les années d'imposition pertinentes :


ADRESSE

NO D'UNITÉ

DATE DE LOCATION


REVENU DÉCLARÉ

1990

1991

1992

1. 205, prom. Wynford

407

1er nov. 1989

17 372

12 900

12 900

2. 205, prom. Wynford

801

1er déc. 1989

19 337

13 388

13 750

3. 1131, av. Steeles

1402

13 sept. 1990

7 007

14 400

12 240

4. 4460, Tucana Court

909

9 nov. 1991

-

1 646

11 615

À partir de la date de prise de possession, j'ai été responsable de tous les frais à payer comme les impôts fonciers, les intérêts hypothécaires, les assurances, les frais juridiques et les dépenses communes (éclairage, chauffage et eau) concernant ces biens. Ainsi, tous les droits accessoires au titre m'ont été dévolus à partir de la date de prise de possession.

Toutefois, pour ce qui est des biens nos 1, 2 et 3, le titre légal avait été conservé par le constructeur à cause de certaines différences et/ou pour des raisons techniques (plus d'un certain pourcentage des unités des immeubles devait être occupé ou possession devait en être prise avant que le certificat d'achèvement ne soit accordé par la municipalité). Donc, le titre légal sur les biens m'a été transféré aux dates suivantes, immédiatement après que les constructeurs eurent obtenu de la municipalité le certificat d'achèvement et/ou après que le problème des différences eut été réglé :

ADRESSE

NO D'UNITÉ

DATE DU TRANSFERT
DU TITRE LÉGAL

1. 205, prom. Wynford

407

24 juillet 1990

2. 205, prom. Wynford

801

25 juillet 1990

3. 1131, av. Steeles

1402

30 juillet 1990

Durant la période au cours de laquelle j'ai pris possession des biens susmentionnés et au cours de laquelle le titre légal m'a été transféré comme je l'ai mentionné précédemment, le constructeur a payé les impôts fonciers, intérêts hypothécaires et dépenses communes (éclairage, chauffage, eau) en mon nom et sur mon compte relativement à ces biens.

Les constructeurs ont été payés à cet égard par chèques postdatés pour ce qui est des biens nos 1 et 2; en ce qui a trait au bien no 3, le montant total a été versé au constructeur au moment où le titre m'a été transféré. Dans chaque cas, le montant total était réglé au moment du transfert du titre.

[7] Dans l'arrêt William Moldowan v. The Queen, (C.S.C.) 77 DTC 5213, le juge Dickson disait, à la page 5215 :

Une jurisprudence volumineuse traite de la signification de l'expression expectative raisonnable de profit, mais il ne s'en dégage aucune constante. A mon avis, on doit s'appuyer sur tous les faits pour déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. On doit alors tenir compte des critères suivants: l'état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s'engager, la capacité de l'entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive. Les facteurs seront différents selon la nature et l'importance de l'entreprise: La Reine c. Matthews [... (1974), 28 DTC 6193]. Personne ne peut s'attendre à ce qu'un fermier qui achète une affaire déjà productive subisse au départ les mêmes pertes que celui qui met sur pied une exploitation forestière sur un terrain vierge.

[8] Par rapport aux critères énoncés par le juge Dickson, voici ce qu'il en est :

1. L'état des profits et pertes pour les années antérieures

Aucun élément de preuve n'indique que l'appelant avait de l'expérience en matière de location d'habitations.

2. La formation du contribuable

Aucun élément de preuve n'indique que le contribuable avait une formation en matière de location d'habitations.

3. La voie sur laquelle il entend s'engager

L'appelant avait établi un plan et des projections concernant chaque bien qu'il avait acheté. Des taux d'intérêt de 9,25 p. 100 avaient été prévus, alors que les taux d'intérêt ont dépassé 12 p. 100 pour tous les biens. Les prévisions quant aux frais d'éclairage, de chauffage et d'eau, notamment dans le cas de l'énergie hydro-électrique, se sont révélées trop faibles de 25 p. 100. Aucun taux d'inoccupation n'avait été pris en considération. Le loyer devant être reçu avait été extrêmement surestimé. Aucune déduction pour amortissement n'avait été prise en compte. Le plan prévoyait un profit après quatre ans pour l'unité 909 du 4460, Tucana Court, et un profit après trois ans dans le cas des autres biens.

Il est à noter que, pour tous les biens, la date d'occupation prévue par l'appelant a été reportée pendant bien des mois, les taux d'intérêt ont augmenté radicalement, au point où ils ont pratiquement dépassé de 50 p. 100 les taux d'intérêt qu'avait prévu l'appelant à l'époque de l'établissement du plan, et les taux relatifs à l'énergie hydro-électrique ont augmenté soudainement, soit une augmentation correspondant aux 25 p. 100 susmentionnés. Les prix des logements ont en même temps chuté, à cause de la récession qui a commencé à sévir dans la région de Toronto vers 1990. Alors qu'il avait prévu de louer chacun des biens en 1988, sauf l'unité 909 du 4450, Tucana Court, l'appelant, à cause de divers retards, n'est entré en possession des biens qu'en 1990, année où il a fini par les louer.

L'appelant gérait les biens lui-même, les réparait lui-même et les louait lui-même. Il n'y a pratiquement pas eu d'inoccupation. Toutefois, les loyers se sont élevés à environ 12 000 $ par année, et le montant des intérêts hypothécaires relatifs à chaque bien a dépassé ou pratiquement égalé le montant des loyers chaque année. L'appelant a dû payer, outre les intérêts, des impôts fonciers, des frais d'entretien et de réparation, le coût de l'éclairage, du chauffage et de l'eau, des frais de publicité et d'autres dépenses.

Le plan initial de l'appelant concernant chaque bien prévoyait une augmentation annuelle de chaque loyer. En même temps, les prévisions de l'appelant quant aux frais d'intérêt indiquaient des réductions annuelles, et l'appelant n'avait pas prévu un taux d'inoccupation.

4. La capacité de l'entreprise, en “termes” de capital, de réaliser un profit après déduction de l'allocation à l'égard du coût en capital

Si une allocation du coût en capital avait été calculée, aucune des projections relatives à l'un quelconque des biens n'aurait indiqué une capacité de réalisation de profit dans un délai raisonnable après la prise de possession, notamment si un taux d'inoccupation avait été prévu.

[9] Sur la foi de la preuve, l'appelant s'est révélé être un bon gestionnaire, car il n'y a presque pas eu d'inoccupation, et il a vendu des biens pour restreindre ses pertes le plus possible et a géré et entretenu les biens lui-même. Jusqu'à maintenant, l'appelant n'a réalisé aucun profit.

[10] Les plans de l'appelant étaient détaillés et raisonnables, mais ne prévoyaient aucun taux d'inoccupation, aucune allocation du coût en capital et aucune marge d'erreur. L'appelant n'avait pas d'attente raisonnable de profit à l'égard de la location des biens en 1990. Il n'en avait pas non plus lorsqu'il a acheté les biens. L'appel concernant les coûts d'habitation pour 1990 est rejeté.

[11] L'appel est rejeté dans son ensemble.

[12] Comme l'appel est rejeté sur la foi de ces faits, la Cour n'estime pas nécessaire de passer en revue les motifs présentés par l'intimée au sujet de la préclusion ni la preuve relative à la question de la préclusion.

[13] L'intimée a droit à ses frais entre parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d'octobre 1997.

D. W. Beaubier

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour de mars 1998.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.