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Date: 19990521

Dossiers: 97-1962-UI; 97-1964-UI

ENTRE :

L'INSTITUT DE RÉADAPTATION EN DÉFICIENCE PHYSIQUE DE QUÉBEC,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LOUISE LEBLANC,

intervenante,

ET

ENTRE :

L'INSTITUT DE RÉADAPTATION EN DÉFICIENCE PHYSIQUE DE QUÉBEC,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Québec (Québec), le 9 mars 1999.

[2] L'appelant interjette appel des décisions du ministre du Revenu national, (le “Ministre”) selon lesquelles l'emploi exercé par Louise Leblanc et Mario Bessette au cours de la période du 2 septembre au 27 décembre 1996 auprès de l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (l'Institut), le payeur, était assurable au motif qu'il existait entre les travailleurs et l'appelante un contrat de louage de services.

[3] Le paragraphe 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi se lit comme suit :

a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

...”

[4] Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante. Cette dernière se doit d'établir selon la prépondérance de la preuve, que les décisions du Ministre étaient mal fondées en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[5] Le Ministre s'est fondé pour rendre sa décision dans l'appel 97-1962(UI), concernant la travailleuse Louise Leblanc, sur les faits suivants qui ont été admis, ignorés ou niés :

“a) L'appelante est un organisme public ayant pour but la réadaptation de personnes souffrant de déficience physique. (admis)

b) L'appelante relève entre autres du Centre François Charron de Québec (le “Centre”) qui embauche différents intervenants en réadaptation. (nié)

c) La travailleuse a été embauchée par l'appelante, en vertu d'une entente écrite, afin d'offrir ses services auprès du Centre. (admis)

d) La travailleuse devait participer au projet d'application pédagogique de logiciels auprès de la clientèle du Centre, soumettre des rapports au Centre et former la clientèle sur ordinateur. (nié)

e) La travailleuse travaillait principalement au Centre sous la supervision de M. Maurice Blouin, responsable du projet auprès de l'appelante. (nié)

f) La travailleuse devait respecter un horaire de travail correspondant au service offert à la clientèle; elle travaillait généralement entre 9 h et 16 h du lundi au vendredi. (nié)

g) La travailleuse devait travailler uniquement auprès de la clientèle déterminée par M. Maurice Blouin; il s'agissait de la clientèle du Centre. (nié)

h) La travailleuse utilisait tous les équipements ou outils pédagogiques appartenant au Centre; elle n'avait aucune dépense à encourir dans le cadre de son travail auprès de l'appelante. (nié)

i) L'appelante avait le loisir de mettre fin au contrat de travail de la travailleuse en tout temps. (nié)

j) La travailleuse recevait une rémunération fixe de 840 $ par 2 semaines pour 30 heures de travail par semaine. (nié)

k) La travailleuse était rémunérée par dépôt direct par le Centre. (ignoré)

l) La travailleuse travaillait en vertu d'un contrat de travail définissant ses conditions de travail, sa rémunération et la durée de son contrat (renouvelable au besoin). (nié)

m) Le travail effectué par la travailleuse était pleinement intégré aux besoins de l'appelante.” (nié)

[6] Les faits allégés par le Ministre sont similaires dans l'appel 97-1964(UI), concernant le travailleur Mario Bessette.

[7] L'appelante est un organisme public ayant pour but la réadaptation de personnes souffrant de déficience physique. La Commission des écoles catholiques de Québec (C.E.C.Q.) a une entente avec l'organisme afin que la clientèle visée puisse recevoir les services éducatifs requis.

[8] Maurice Blouin est un agent de recherche à mi-temps auprès de l'appelante depuis 12 ans. Il est à la recherche de contrats et reçoit des subventions. Il a travaillé au laboratoire il y a environ 10 ans et le contrat principal était avec la C.E.C.Q.

[9] Le laboratoire était un projet spécifique de l'appelante et cette dernière s'engageait, par l'entremise de Maurice Blouin, à fournir les services requis par la C.E.C.Q. Maurice Blouin avait son propre laboratoire, le dirigeait lui-même et se chargeait d'obtenir des subventions de certaines compagnies Ce laboratoire fonctionnait selon les exigences reliées au projet de la C.E.C.Q.

[10] Le Centre François Charron qui n'est pas une entité juridique engage les travailleurs selon un contrat écrit et signé par Maurice Blouin par lequel les travailleurs s'engageaient dans le projet d'application de logiciels auprès de la clientèle du Centre et à soumettre un rapport ou tout autre document demandé par ce centre.

[11] Les liens sont les suivants : Maurice Blouin est un employé de l'appelante. L'appelante signe un contrat avec la C.E.C.Q. L'appelante devait rendre des services à une clientèle selon les exigences de la C.E.C.Q. à l'intérieur de ce contrat. Le Centre devait fonctionner selon les exigences du projet de la C.E.C.Q. et pour ce faire, engageait des spécialistes pour rendre à la clientèle des services dont les normes sont fournies par la C.E.C.Q. La C.E.C.Q. s'engage à payer l'Institut et le Centre pour les services rendus.

[12] Maurice Blouin a retenu les services de cinq personnes en 1996 dont les deux travailleurs mentionnés dans ces appels. Chaque travailleur a signé un contrat avec le Centre. Le mode de paiement à chacun des travailleurs est déterminé selon les montants des subventions et selon leurs qualifications. Louise Leblanc recevait un montant fixe de 840 $ par deux semaines pour 30 heures de travail par semaine. Mario Bessette recevait un montant fixe de 1 080 $ par deux semaines pour 30 heures de travail par semaine.

[13] Maurice Blouin affirme que l'équipement du laboratoire, évalué à environ 130 000 $, serait, une fois celui-ci fermé, la propriété de l'appelante.

[14] Les travailleurs sont payés régulièrement par l'appelante à toutes les deux semaines.

[15] Maurice Blouin affirme que la supervision des travailleurs est minime. Il vérifie le travail une fois par jour. Une feuille de présence est signée par le travailleur et Maurice Blouin. Selon ce dernier, les heures de travail variaient mais les travailleurs devaient être dans les locaux de l'appelante. Deux lettres provenant de l'appelante en date du 20 janvier 1997 et du 22 octobre 1998, confirment que les travailleurs étaient à l'emploi de l'appelante.

[16] Pierre Bédard, directeur des ressources humaines chez l'appelante depuis 1989, a témoigné à l'audition de ces appels. Il s'occupe de la rémunération des employés. Le nombre d'employés de l'appelante s'élève à 1,200. Ces employés ont des conditions de travail différentes et oeuvrent à différents sites dans la région de la Ville de Québec. L'appelante, selon ce témoin, a environ 60 services et embauche des employés permanents et à temps partiel. D'autres employés étaient également engagés pour un temps déterminé pour remplacer un travailleur permanent.

[17] Une lettre provenant de l'appelante datée du 22 octobre 1998, indique que Mario Bessette était à son emploi du 14 octobre 1997 au 16 avril 1998. Ce travailleur devait signer une fiche de présence. Selon Pierre Bédard, l'appelante n'avait aucune fiche sur Mario Bessette en tant qu'employé et, toujours selon Bédard, le laboratoire géré par Maurice Blouin ne faisait pas partie avant 1996 de l'Institut. La lettre datée du 20 janvier 1997 et provenant de l'appelante indique que Louise Leblanc a été à l'emploi du Laboratoire d'informatique et de terminologie de la réadaptation et de l'intégration sociale du Centre à titre d'éducatrice spécialisée du 30 août 1995 au 17 janvier 1997. Cette lettre a été signée par Maurice Blouin. Pierre Bédard affirme qu'à titre de gestionnaire des ressources humaines, il était le seul à émettre une attestation d'emploi et affirme qu'il n'a jamais eu de dossier concernant Louise Leblanc.

[18] Pierre Bédard affirme qu'il y a un budget pour tous les services et ajoute que le laboratoire géré par Maurice Blouin ne fait pas partie de l'Institut; le laboratoire se finance par des subventions. Selon lui, chaque gestionnaire est responsable de son budget. Il admet par contre qu'il ne travaille pas à la direction des finances.

[19] Caroline Bergeron, traductrice, a également témoigné. Celle-ci se dit travailleuse autonome à l'Institut et rend des services à Maurice Blouin depuis cinq ans, mais ne travaille pas spécifiquement au laboratoire.

[20] Louise Leblanc a également témoigné à l'audition des appels. Elle déclare qu'elle a travaillé pour Maurice Blouin en tant qu'éducatrice spécialisée du 30 août 1995 au 31 janvier 1997. C'est seulement le 23 août 1996 qu'elle a signé un contrat. Elle dit que l'équipement appartient au laboratoire. Son horaire de travail, pouvant être modifié par Maurice Blouin, était 9 h à 12 h et 13 h à 16 h, cinq jours par semaine. Le taux horaire était déterminé par Maurice Blouin et son salaire, après les déductions d'impôt, lui était versé à toutes les deux semaines par dépôt bancaire direct. Elle n'a jamais préparé et envoyé de factures et n'a encouru aucune dépense pendant la période d'embauchement. Selon ses dires, les critères de fonctionnement n'étaient pas déterminés par le travailleur.

[21] Il s'agit de définir le contrat de louage de services et le contrat d'entreprise.

Contrat de louage de services :

“Un contrat de louage de services est un contrat en vertu duquel une partie, le préposé ou l'employé convient pour une période déterminée ou un temps indéfini, à temps complet ou à temps partiel, de travailler pour l'autre partie, le commettant ou n'envisage ordinairement pas l'exécution d'un travail particulier mais stipule ordinairement que le préposé offre ses services au commettant pour une certaine période de temps.”(...)

Contrat d'entreprise :

“Un contrat d'entreprise de services est un contrat en vertu duquel une partie accepte d'effectuer pour une autre un certain travail très précis, stipule au contrat (...) (il) envisage ordinairement (...) l'exécution d'un travail ou d'une tâche nettement délimitée et n'exige ordinairement pas que le contractant exécute personnellement quelque chose”.

Afin de distinguer le contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise, il faut examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties. Une jurisprudence constante reconnaît quatre éléments de base pour distinguer un contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise.

[22] La jurisprudence la plus citée est la décision de la Cour fédérale d'appel dans la cause Wiebe Door Services Ltd. v. M.R.N. [1986] 3 C.F. 553. Les éléments de base énumérés sont les suivants :

1. Le degré ou l'absence de contrôle exercé par l'employeur;

2. La propriété des outils;

3. La possibilité de profit ou le risque de perte;

4. L'intégration du travail de l'employé à l'entreprise de l'employeur.

[23] Il y a dans la présente un débat quant à l'identité de l'institution ou service qui a embauché les travailleurs. Maurice Blouin est un employé de l'Institut qui est un organisme ayant pour but la réadaptation de personnes souffrant de déficience physique. En vertu d'un contrat signé entre l'appelante et la C.E.C.Q., l'appelante assure un service à la clientèle que la C.E.C.O. ne peut desservir.

[24] L'appelante a environ 60 services qui sont exploités dans différents endroits dans la région de la Ville de Québec. Un des services offert est le laboratoire. Le Centre est géré par Maurice Blouin qui est un employé de l'appelante. Aucune preuve ne fut présentée pour établir que ce service est une entité juridique.

[25] L'appelante prétend que les activités offertes à la clientèle sont celles de la C.E.C.Q. et non de l'Institut. Il est vrai que la C.E.C.Q. a établi certains critères pour desservir cette clientèle spécialisée. Les faits ont démontré que l'appelante est intimement liée à ce service spécialisé.

Contrôle

[26] Maurice Blouin, un employé de l'appelante, a engagé les travailleurs par l'entremise du Centre. Les montants payés aux travailleurs et l'assiduité au travail sont déterminés par Maurice Blouin. Bien que les travailleurs étaient des spécialistes dans ce domaine, la supervision n'est pas aussi étroite que pour une personne assumant un poste de moindre importance. Si les travailleurs s'absentaient, ils devaient demander la permission à Maurice Blouin. Le fait que Mario Bessette travaillait également ailleurs n'est pas un facteur déterminant. Les travailleurs recevaient la visite de Maurice Blouin au moins une fois par jour. Pour ces raisons, il faut conclure que l'appelante, par l'entremise de son employé Maurice Blouin, avait contrôle sur les travailleurs.

La propriété des outils

[27] La preuve a démontré que les travailleurs n'avaient pas d'outils de travail. Bien que le Centre avait un budget distinct de l'Institut d'une valeur de 130 000 $, les travailleurs étaient payés par l'appelante par dépôt bancaire direct après déductions d'impôt habituelles; donc les outils devenaient la propriété de l'appelante.

La possibilité de profit ou le risque de perte

[28] Les travailleurs étaient payés régulièrement à un taux horaire déterminé par Maurice Blouin. Les travailleurs n'ont jamais préparé de factures pour l'appelante; donc les travailleurs n'avaient pas de chance de profit et il n'y avait pas de risque de perte.

Intégration

[29] Pour déterminer le degré d'intégration du travail de l'employé à l'entreprise du payeur, il faut regarder la relation globale entre les parties. C'est l'ensemble de la preuve qu'il faut retenir. Les témoignages de Maurice Blouin et de Pierre Bédard et les documents démontrent que le laboratoire, le Centre et l'Institut sont intimement liés. Le laboratoire et l'Institut offraient des activités professionnelles de même nature. L'Institut ne pouvait fonctionner sans la spécialité offerte par les travailleurs durant un temps continu. Il faut donc conclure que le travail des travailleurs était intégré dans l'entreprise de l'appelante.

[30] L'appelante, par l'entremise de son procureur, a soumis de la jurisprudence au soutien de ses appels, mais ce sont des cas d'espèce. L'appelante avait le fardeau d'établir que les décisions du Ministre étaient mal fondées en fait et en droit. L'appelante ne s'est pas déchargée de ce fardeau de preuve.

[31] Les travailleurs occupaient un emploi assurable pendant la période en litige, au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi, car l'appelante et eux étaient liés par un contrat de louage de services.

[32] Les appels sont rejetés et les décisions du Ministre sont confirmées.

Signé à Ottawa (Canada), ce 21e jour de mai 1999.

“ J.F. Somers ”

D.J.C.C.I.

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