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Date: 20001204

Dossiers: 97-3757-IT-G; 97-3758-IT-G; 97-3759-IT-G

ENTRE :

THE ROYAL TRUST COMPANY, ROYAL TRUST CORPORATION OF CANADA,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Au début du procès, les parties aux présents appels ont déposé l'exposé conjoint des faits suivant :

[TRADUCTION]

A. RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX CONCERNANT LES APPELANTES

1. Chacune des appelantes était, durant toute la période pertinente aux fins des appels, et est toujours une “ institution financière ” au sens du paragraphe 181(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (la “ Loi ”).

2. Aux fins des appels, l’année d'imposition pertinente de chacune des appelantes se terminait le 31 décembre.

3. Ni l'une ni l'autre des appelantes n'est ou n'était, durant la période pertinente aux fins des appels, une “ compagnie d'assurances ” au sens du paragraphe 248(1) de la Loi.

4. Durant toute la période pertinente aux fins des appels, chacune des appelantes était une associée de la Royal Trust Leasing Partnership (la “ RTLP ”).

5. La participation de la RTCC et de la RTC dans la RTLP était d'environ 96 p. 100 et 4 p. 100, respectivement.

6. Aux fins des appels, l'exercice de la RTLP se terminait le 31 décembre.

B. OPÉRATIONS DE LOCATION-FINANCEMENT ET PRENEURS

7. Chaque appelante ou la RTLP a conclu, aux dates indiquées entre parenthèses, des contrats de location (désignés collectivement les “ baux ”), en tant que bailleurs, avec les sociétés [le terme employé à l'époque était “ corporation ”] suivantes (désignés collectivement les “ preneurs ”) relativement aux catégories de biens suivantes (désignés collectivement les “ actifs ”) :

a) Potash Corporation of Saskatchewan Mining Limited (le 16 décembre 1983) (le “ bail Potash no 1 ”) (équipement minier);

b) British Columbia Railway Company (le 30 décembre 1983) (le “ bail Railway ”) (locomotives);

c) Potash Corporation of Saskatchewan Mining Limited (le 23 août 1984) (le “ bail Potash no 2 ”) (équipement minier);

d) British Columbia Forest Products Limited (le 16 octobre 1984) (le “ bail Forest Products ”) (équipement d'usine);

e) British Columbia Transit (le 14 décembre 1984) (le “ bail Transit ”) (véhicules de transport automatique ultra-moderne);

f) Pacific Western Airlines (le 1er mai 1985) (le “ bail PWA ”) (avion);

g) Compagnie de navigation Canarctic Limitée (le 10 mai 1985) (le “ bail Canarctic ”) (navire);

h) Electric Furnace Products Limited (le 15 juin 1987) (le “ bail EFP ”) (matériel de fabrication d'oxyde d'éthylène et de glycol);

i) Air Canada (le 2 novembre 1987) (le “ bail Air Canada ”) (avion).

(Des copies de ces baux sont jointes comme pièces 1 à 9, respectivement.)

8. Conformément aux baux, les preneurs effectuaient des versements à chacune des appelantes ou à la RTLP pour leur utilisation des actifs.

9. Les appelantes ignorent — et ignoraient lors des années d'imposition 1990 à 1992 — à quel endroit les actifs étaient utilisés par les preneurs.

C. BILANS ET ÉTATS FINANCIERS DES APPELANTES — COMMENTAIRES D'ORDRE GÉNÉRAL

10. Chacune des appelantes a établi des états financiers vérifiés, incluant des bilans (les “ bilans ”), pour les années d'imposition 1990 à 1992, en conformité avec les principes comptables généralement reconnus (“ PCGR ”). Les bilans sont joints comme pièces 10 à 18.

11. Aux fins de la préparation des états financiers et de la comptabilité relative aux baux, les appelantes et la RTLP se sont fondées entre autres choses sur les renseignements qui figurent dans les documents suivants :

Royal Trust Company (RTC) – Rapprochement des comptes de location et des états financiers (1990, 1991, 1992) (pièce 19)

Royal Trust Corporation of Canada (RTCC) – Rapprochement des comptes de location et des états financiers (1990, 1991, 1992) (pièce 20)

RTC – Bilans détaillés établis selon le grand livre général et tableaux de regroupement (1990, 1991, 1992) (pièce 21)

RTCC – Bilans détaillés établis selon le grand livre général et tableaux de regroupement (1990, 1991, 1992) (pièce 22)

Royal Trust [RTC, RTCC et Royal Trust Leasing Partnership (RTLP)] – Rapprochement des tableaux d'amortissement et des comptes de location (1990, 1991, 1992) (pièce 23)

Décomposition des baux (RTC, RTCC et RTLP) – Sommaire (1990, 1991, 1992) (pièce 24)

Décomposition des baux (RTC, RTCC et RTLP) –1990 (pièce 25)

Décomposition des baux (RTC, RTCC et RTLP) –1991 (pièce 26)

Décomposition des baux (RTC, RTCC et RTLP) –1992 (pièce 27)

Royal Trust (RTC, RTCC et RTLP) – Historique des baux pour l'année se terminant le 31 décembre 1990 (pièce 28)

Royal Trust (RTC, RTCC) – Historique des baux pour l'année se terminant le 31 décembre 1991 (pièce 29)

Royal Trust (RTC, RTCC et RTLP) – Historique des baux révisé pour l'année se terminant le 31 décembre 1992 (pièce 30)

BC Ferries Partnership – Historique du 31 décembre 1991 au 6 juillet 1994 (pièce 31).

12. Les états financiers de chacune des appelantes et de la RTLP ont été vérifiés conformément aux PCGR; la vérification s'est fondée entre autres choses sur les documents énumérés au paragraphe 11 ci-avant.

13. Les bilans ont été présentés aux actionnaires de chacune des appelantes ainsi qu’aux associés de la RTLP.

14. Ni la consolidation, ni la méthode de comptabilisation à la valeur de consolidation n'ont été utilisées pour établir les bilans.

15. Les appelantes et la RTLP ont suivi les recommandations et les lignes directrices énoncées dans le Manuel de l'ICCA, plus précisément au chapitre 3065, pour la comptabilité relative aux baux lorsqu’elles ont vérifié leurs bilans conformément aux PCGR.

16. Dans leurs bilans, les appelantes et la RTLP ont présenté les baux comme des “ contrats de location-financement ”, ce qui était conforme aux PCGR.

17. Aux fins comptables, les appelantes et la RTLP ont traité les actifs comme s'ils avaient fait l'objet d'une disposition et les baux comme s'ils avaient donné lieu à des créances à long terme.

18. La présentation, dans les bilans des appelantes et de la RTLP, des baux comme donnant naissance à des créances au titre de baux financiers (les “ créances ”) et la présentation de ces dernières comme “ Autres prêts et placements ”, “ Prêts et placements ” ou “ Placements — location de matériel ” sont conformes aux PCGR, et plus précisément au chapitre 3065 du Manuel de l'ICCA.

19. Les bilans ont été acceptés par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF).

D. BILANS ET ÉTATS FINANCIERS DES APPELANTES — PRÉCISIONS

20. Le bilan de chacune des appelantes pour 1990 contenait un poste intitulé “ Autres prêts et placements ”, qui comprenait le montant des créances.

21. Le bilan de chacune des appelantes pour 1991 et 1992 contenait un poste intitulé “ Prêts et placements ”, qui comprenait le montant des créances.

22. Le classement des créances dans les “ Autres prêts et placements ” et les “ Prêts et placements ” dans les bilans de chacune des appelantes pour 1990 ainsi que pour 1991 et 1992, respectivement, était conforme aux PCGR.

23. Le bilan de la RTLP pour 1990 contenait un poste intitulé “ Placements — location de matériel ”, qui comprenait le montant des créances.

24. Le bilan de la RTLP pour les années 1991 et 1992 contenait un poste intitulé “ Placements nets — location de matériel ”, qui comprenait le montant des créances.

25. Le classement des créances dans les “ Placements — location de matériel ” et les “ Placements nets — location de matériel ” dans les bilans de la RTLP pour 1990 ainsi que pour 1991 et 1992, respectivement, était conforme aux PCGR.

26. Le montant de créances inscrit aux bilans des appelantes et de la RTLP a été calculé de la manière décrite dans les documents intitulés “ Décomposition des baux ” ci-joints (pièces 32 à 35).

27. Les créances n'étaient pas des biens corporels pour l'application de la partie I.3 de la Loi.

28. Les baux proprement dits n'étaient pas des biens corporels pour l'application de la partie I.3 de la Loi.

29. Les créances figuraient aux bilans des appelantes et de la RTLP en tant que biens incorporels, conformément aux PCGR.

30. Les seuls biens inscrits aux bilans à titre de biens corporels étaient des terrains, des bâtiments et du matériel appartenant aux appelantes ou à la RTLP.

31. Les actifs et autres biens corporels appartenant aux appelantes et à la RTLP qui étaient cédés à bail aux preneurs n'étaient pas inscrits aux bilans à titre d'éléments d'actif.

32. Les actifs visés par les baux n'étaient pas mentionnés dans les notes afférentes aux bilans; il ne s'agit pas d'une exigence prévue par les PCGR.

33. Les terrains, les bâtiments et le matériel sont des biens corporels pour l'application de la partie I.3 de la Loi.

34. La valeur comptable des terrains, des bâtiments et du matériel des appelantes figurant aux bilans correspondait à la valeur comptable nette, c'est-à-dire le coût moins l'amortissement cumulé pour les immobilisations, et le coût seulement pour les actifs non amortissables

35. Chacune des appelantes et la RTLP ont calculé la valeur comptable de leurs “ prêts et placements ” ou de postes similaires figurant aux bilans selon une méthode différente de celle ayant servi à calculer la valeur comptable de leurs terrains, de leurs bâtiments et de leur matériel.

36. Aux fins des appels, les questions touchant les années d'imposition 1990 à 1992 de chaque appelante sont uniformes. En outre, aucun vice de procédure n'a été invoqué.

E. DÉCLARATIONS AUX FINS DE L'IMPÔT DE LA PARTIE I.3

37. Chaque appelante a dûment produit sa déclaration aux fins de l'impôt de la partie I.3 pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992. Les copies de ces déclarations constituent les pièces 36 à 41.

38. L'une des appelantes, la RTCC, n'a pas inclus de montant au titre des actifs de la RTLP ou de son droit sur ces actifs dans le calcul de son “ capital imposable utilisé au Canada ” (au sens du paragraphe 181.3(1) de la Loi) aux fins du calcul de son impôt des grandes sociétés (IGS) payable pour ses années d'imposition 1990 à 1992 aux termes de la partie I.3 de la Loi.

39. L'autre appelante, la RTC, n'a pas inclus de montant au titre des actifs de la RTLP ou de son droit sur ces actifs dans le calcul de son capital imposable utilisé au Canada aux fins du calcul de son IGS payable pour les années 1990 et 1991 aux termes de la partie I.3 de la Loi, mais elle a (à tort, selon elle) inclus des montants au titre de ces actifs dans le calcul de son capital imposable utilisé au Canada pour son année d'imposition 1992. La RTC a par la suite fait opposition à l'inclusion de ces montants pour son année d'imposition 1992 et a porté la question en appel.

F. DÉCLARATIONS DE REVENUS AUX FINS DE LA PARTIE I

40. Dans leurs déclarations de revenus des sociétés (T2) produites pour l'application de la partie I de la Loi uniquement, chacune des appelantes a inclus, à l'égard de ses actifs, un montant de déduction pour amortissement (DPA) dans le calcul de son impôt de la partie I payable. La pièce 42 contient les annexes où figurent les montants de DPA déclarés par les appelantes et les montants accordés par le ministre à l'égard des actifs pour les années d'imposition 1990 à 1992.

G. RTC — NOUVELLES COTISATIONS

41. Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a envoyé des avis de nouvelle cotisation portant les dates indiquées ci-après à l'égard des années d'imposition 1990 à 1992 de la RTC :

Année Date

1990 Le 7 mars 1996

1991 Le 7 mars 1996

1992 Le 21 mai 1996

42. Le ministre a ajouté 177 055 023 $, 148 719 751 $ et 133 576 709 $ au “ capital imposable utilisé au Canada ” de la RTC, aux fins du calcul de son impôt des grandes sociétés pour ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992, respectivement, les montants redressés au titre de l'IGS se chiffrant à 711 821 $, 789 270 $ et 697 916 $ pour les années en question.

H. RTCC — NOUVELLES COTISATIONS

43. Le ministre a envoyé des avis de nouvelle cotisation portant les dates indiquées ci-après à l'égard des années d'imposition 1990 à 1992 de la RTCC :

Année Date

1990 Le 15 février 1996

1991 Le 22 novembre 1996

1992 Le 24 mars 1997

44. Le ministre a ajouté 67 487 313 $, 86 181 632 $ et 79 531 142 $ au “ capital imposable utilisé au Canada ” de la RTCC, aux fins du calcul de son IGS pour ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992, respectivement, les montants redressés au titre de l'ICG se chiffrant à 1 893 084 $, 2 260 434 $ et 1 934 869 $ pour les années en question.

I. MOTIFS DES NOUVELLES COTISATIONS ÉTABLIES PAR LE MINISTRE

45. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de chacune des appelantes, révisant à la hausse leur IGS, au motif que les actifs étaient des biens corporels des appelantes ou de la RTLP, qu'ils étaient utilisés au Canada et que leur valeur comptable correspondait au montant des créances figurant aux bilans de chacune des appelantes à l'égard des baux, y compris le droit de chacune sur les créances de la RTLP. Le ministre a donc inclus ces montants dans le calcul du “ capital imposable utilisé au Canada ” de chaque appelante.

46. Dans le cadre de l'établissement d'une nouvelle cotisation au titre de l'IGS payable par chacune des appelantes pour leurs années d'imposition 1990 à 1992 ainsi que du calcul de leur “ capital imposable utilisé au Canada ”, le ministre :

a) a examiné les créances inscrites aux bilans des appelantes et de la RTLP comme “ Autres prêts et placements ”, “ Prêts et placements ” ou “ Placements — location de matériel ”, dans le but de déterminer si ces créances se rapportaient à des biens corporels utilisés au Canada. En outre, toujours afin de déterminer si des biens corporels étaient utilisés au Canada, le ministre a étudié les relevés T2S(8), Déduction pour amortissement, de chacune des appelantes et de la RTLP pour l'application de la partie I de la Loi ainsi que les dossiers de travail se rapportant aux bilans et d'autres documents comptables de chacune des appelantes;

b) a traité les actifs mentionnés sur les relevés T2S(8) ayant servi au calcul de la DPA de chaque appelante pour l'application de la partie I de la Loi comme des biens corporels appartenant aux appelantes pour l'application de la partie I.3 de la Loi;

c) a utilisé comme valeur comptable des actifs pour l'application de la partie I.3 de la Loi les créances portées aux bilans des appelantes et de la RTLP;

d) n'a pas tenu compte du chapitre 3065 du Manuel de l'ICCA ni d'aucun autre PCGR applicable afin d’établir le caractère des actifs pour l'application de la partie I.3 de la Loi;

e) a estimé que les créances et les actifs étaient des éléments d'actif distincts;

f) a jugé que la présentation des actifs comme créances dans les bilans des appelantes et de la RTLP n'était pas pertinente aux fins du calcul de l'IGS de chacune des appelantes, malgré le fait que les bilans ont été dressés conformément aux PCGR;

g) a jugé que les actifs suivants inscrits aux bilans n'étaient pas des biens corporels pour l'application de la partie I.3 de la Loi;

(i) espèces et dépôts à court terme;

(ii) valeurs;

(iii) prêts hypothécaires;

(iv) baux portant sur du matériel (il considérait toutefois que le matériel cédé à bail, c'est-à-dire les actifs, devait être inclus dans les biens corporels pour l'application de la partie I.3);

(v) comptes clients et charges payées d'avance;

(vi) charges de retraite reportées;

(vii) impôts sur le revenu recouvrables;

(viii) “ autres prêts et placements ” ou “ prêts et placements ”;

h) a calculé le montant des créances de chacune des appelantes et de la RTLP pour 1990 et 1991 à partir des renseignements qu'ils ont fournis au BSIF pour les années en question;

i) a calculé le montant des créances de chacune des appelantes et de la RTLP pour 1992 à partir des renseignements qu'ils ont fournis au BSIF ainsi que de leurs historiques des baux et de leurs modèles d'impôt reporté pour l'année en question;

j) a fait l’hypothèse que le passage “ utilisé au Canada ” au paragraphe 181.1(3) de la Loi se rapportait à l'“ utilisation ” par les preneurs;

k) a fait l’hypothèse que les preneurs utilisaient les actifs au Canada en raison du fait que ceux-ci, les appelantes et la RTLP étaient des entités canadiennes;

l) n'a pas vérifié si les preneurs utilisaient les actifs au Canada;

m) n'a pas examiné les baux dans le cadre de la vérification;

n) s'est fondé entre autres choses sur les documents suivants des appelantes :

(i) les déclarations aux fins de l'impôt de la partie I.3;

(ii) les bilans;

(iii) les dossiers de travail se rapportant aux bilans;

(iv) les relevés T2S(8), Déduction pour amortissement;

(v) les grands livres généraux;

(vi) les tableaux d'amortissement;

(vii) les historiques des baux;

o) aux fins comptables, a traité les baux comme des contrats de location-financement et des instruments financiers;

p) ne s'est pas fondé sur la déclaration produite par la RTC aux fins de l'impôt de la partie I.3 pour son année d'imposition 1992, dans laquelle la RTC incluait des montants au titre des actifs dans le calcul de son capital imposable utilisé au Canada;

q) a formulé les hypothèses exposées dans les réponses aux avis d'appel modifiés se rapportant aux appels en l'instance.

J. OPPOSITION DE LA RTC ET RATIFICATION PAR LE MINISTRE

47. La RTC a dûment déposé des avis d'opposition portant les dates suivantes à l'égard de chacun des avis de nouvelle cotisation pour ses années d'imposition 1990 à 1992 :

Année Date

1990 Le 18 mars 1996

1991 Le 18 mars 1996

1992 Le 20 juin 1996

48. À la suite des avis d'opposition de la RTC, le ministre a envoyé un avis de ratification, daté du 10 décembre 1997, au motif que les montants indiqués au paragraphe 42 avaient été inclus comme il se doit dans le calcul du “ capital imposable utilisé au Canada ” de la RTC pour chacune des années d'imposition en cause.

K. OPPOSITION DE LA RTCC ET RATIFICATION PAR LE MINISTRE

49. La RTCC a dûment déposé des avis d'opposition portant les dates suivantes à l'égard de chacun des avis de nouvelle cotisation pour ses années d'imposition 1990 à 1992 :

Année Date

1990 Le 18 mars 1996

1991 Le 17 décembre 1996

1992 Le 9 juin 1997

50. À la suite des avis d'opposition de la RTCC se rapportant aux années d'impositions 1990 et 1991 ainsi qu'à l'année d'imposition 1992, le ministre a envoyé des avis de ratification, datés du 22 octobre 1997 et du 10 décembre 1997, au motif que les montants visés au paragraphe 44 avaient été inclus comme il se doit dans le calcul du “ capital imposable utilisé au Canada ” de la RTCC pour chacune des années d'imposition en cause.

L. CONCESSION DU MINISTRE

51. Les montants inclus par le ministre dans le calcul du capital imposable utilisé au Canada des appelantes, indiqués aux paragraphes 42 et 44 ci-avant, excédaient le montant réel des créances inscrit aux bilans des appelantes et de la RTLP, et le ministre est disposé à admettre que les montants excédentaires indiqués ci-après devraient être soustraits du capital imposable utilisé au Canada des appelantes :

RTC RTCC

1990 76 023 $ 2 009 313 $

1991 0 $ 1 496 632 $

1992 0 $ 0 $

[2] Outre cet exposé conjoint des faits, les appelantes ont fait appel à l'expertise de M. Philip D. Arthur, F.C.A., au sujet de la comptabilisation relative à certains contrats de location dans les bilans vérifiés faisant partie des états financiers vérifiés des appelantes pour les années d'imposition en cause[1].

[3] Dans son rapport, M. Arthur énonce les questions soumises ainsi que son opinion :

[TRADUCTION]

1.1 Vous avez demandé mon opinion sur des questions touchant la comptabilisation relative à certains contrats de location, énumérés à l'appendice A (les “ baux ”), figurant aux bilans vérifiés de la Royal Trust Company (RTC) et de la Royal Trust Corporation of Canada (RTCC) (les “ bilans ”), joints aux états financiers vérifiés de la RTC et de la RTCC pour les exercices et les années d'imposition se terminant le 31 décembre 1990, 1991 et 1992, que l'on retrouve à l'appendice B. Le cabinet Ernst & Young, qui a vérifié les bilans, a émis l'opinion qu'ils “ donnent une image fidèle de la réalité, selon les principes comptables généralement reconnus ”.

1.2 Plus précisément, vous avez requis mon opinion au sujet des questions suivantes :

a) Quel était le traitement comptable des contrats de location-financement selon les principes comptables généralement reconnus (PCGR) au Canada lors des années d'imposition 1990, 1991 et 1992 de la RTC et de la RTCC?

b) Quel était le traitement comptable des contrats de location-exploitation selon les PCGR lors des années d'imposition 1990, 1991 et 1992 de la RTC et de la RTCC?

c) Comment les baux ont-ils été comptabilisés aux termes des PCGR par la RTC et la RTCC lors de leurs années d'imposition 1990, 1991 et 1992?

d) Est-ce que les créances au titre des contrats de location-financement figurant aux bilans de la RTC et de la RTCC relativement aux baux peuvent, à des fins comptables et conformément à la terminologie comptable, inclure une fraction de la valeur comptable des biens corporels qui figurent aux bilans?

e) Quel est le sens des termes “ bien corporel ”, “ valeur comptable ” et “ figurent ” dans le contexte des PCGR et d'après l'utilisation qu'en font les comptables et les gens d'affaires?

f) En quoi consiste la “ valeur comptable ” des biens corporels dans les bilans?

g) Comment les actifs faisant l'objet des baux ou ceux qui sont affectés en garantie d'autres formes de contrats de prêt sont-ils comptabilisés une fois repris par la RTC et la RTCC?

1.3 Entre autres choses, afin de formuler ces opinions :

a) je me suis fondé sur l'opinion exprimée par Ernst & Young à la suite de la vérification (se reporter au paragraphe 1.1) pour établir que les baux présentent les caractéristiques de contrats de location-financement selon la définition des PCGR et que c'est à ce titre qu'ils ont été portés aux bilans, conformément aux PCGR;

b) j'ai lu les baux ainsi que certains des documents comptables justificatifs de la RTC et de la RTCC, et j'ai établi que chacune de ces dernières a présenté les baux dans ses bilans comme étant des “ créances au titre de baux financiers ” sous l'intitulé “ Prêts et placements ” ou “ Autres prêts et placements ”;

c) j'ai lu certains documents comptables justificatifs de la Royal Trust Leasing Partnership (RTLP), et j'ai établi que la RTLP a inscrit le bail auquel elle était partie à ses bilans non vérifiés pour les exercices et années d'imposition se terminant le 31 décembre 1990, 1991 et 1992, à l'appendice B de ses états financiers, sous l'intitulé “ Placements nets — location de matériel ”. J'ai supposé que le bail était classé comme contrat de location-financement, ainsi que cela était approprié, et qu'il était correctement inscrit aux bilans non vérifiés de la RTLP comme contrat de location-financement conformément aux PCGR;

d) j'ai examiné la manière dont les baux avaient été comptabilisés et classés aux termes des PCGR tels qu'ils s'appliquaient de 1990 à 1992;

e) j'ai consulté le Manuel de l'Institut canadien des comptables agréés (le “ Manuel de l’ICCA ”) et d'autres documents faisant autorité dans le domaine comptable pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992 de la RTC et de la RTCC.

1.4 Mes opinions reposent sur ma compréhension et mon expérience du sens et de l'usage courant des termes mentionnés précédemment dans le domaine commercial, sur 25 années d'expérience en vérification d'institutions financières et sur plus de 20 ans d'expérience en vérification d'opérations en matière de location.

[4] Voici comment M. Arthur a résumé son opinion :

[TRADUCTION]

2.1 Le traitement des contrats de location-financement selon les PCGR repose sur la présentation des baux comme étant des placements portant intérêt. Ces contrats sont considérés comme des placements donnant lieu à des créances à long terme (c'est-à-dire des “ créances au titre de baux financiers ”). Ce traitement selon les PCGR fait que, dès la conclusion du bail, les actifs visés ne figurent plus au bilan de la société concernée.

2.2 À des fins comptables, la “ valeur comptable ” des baux correspond au montant qui figure aux états financiers en ce qui concerne ces baux. Les comptables comprendront que le montant qui “ figure ” aux états financiers conformément aux PCGR à l'égard des baux représente le montant inscrit ou présenté en ce qui concerne ces baux. Selon les PCGR et pour les comptables, les baux et les créances au titre de baux financiers sont considérés comme des actifs financiers. Ils ne sont pas considérés comme des actifs corporels non financiers ou des immobilisations corporelles et ne peuvent être considérés comme des biens corporels. Les “ biens corporels ” figurant au bilan incluent uniquement les “ terrains, les bâtiments et le matériel ” faisant partie des “ Autres éléments d'actif ”. La valeur résiduelle garantie et la valeur résiduelle non garantie des baux sont considérées comme des composantes des placements nets du bailleur dans le bail et ne sont pas des “ biens corporels ” selon les PCGR. Les “ terrains, les bâtiments et le matériel ” sont considérés comme des “ biens corporels ” selon les PCGR. Ni les baux, ni les créances au titre de baux financiers ne sont des “ terrains, des bâtiments et du matériel ” inclus dans les “ Autres éléments d'actif ” qui figurent aux bilans.

2.3 Aucun montant inscrit aux bilans relativement aux baux ne peut être considéré comme incluant une fraction de la valeur comptable des “ biens corporels ” qui figurent aux bilans conformément aux PCGR. La détermination de la valeur comptable ne peut être effectuée sans que le caractère des actifs ne soit déterminé conformément aux PCGR. Il est impossible de déterminer la valeur comptable d'un actif à des fins comptables sans en établir au préalable le caractère comptable. Si les baux ou les actifs qui s'y rattachent étaient considérés comme des biens corporels plutôt que comme des actifs financiers, le traitement des actifs rattachés aux baux serait déterminé de façon très différente de celui des créances au titre de baux financiers (p. ex., à titre d'“ autres prêts et placements ”) figurant aux bilans.

2.4 Au moment de la reprise, le bailleur réinscrirait à son bilan la valeur comptable de son placement net dans le bail, sous forme d'immobilisation corporelle d'une valeur égale au moins élevé des montants suivants : la valeur de réalisation nette de l'actif repris ou la valeur comptable du placement net dans le bail. La valeur de réalisation nette correspond à un montant différent, calculé d'une manière différente de celle utilisée dans les contrats de location-financement, où les actifs cédés à bail sont conservés par le preneur. Voici comment le terme “ valeur de réalisation nette ” est défini dans Terminology for Accountants : [TRADUCTION] “ Prix de vente estimatif dans le cours normal des affaires, diminué des frais estimatifs d'achèvement et de mise en vente. ” La valeur de réalisation nette pour le bailleur au moment de la reprise pourrait correspondre à la valeur actualisée nette de la série de paiements de location que le bailleur pourrait s'attendre à recevoir dans le cadre d'un nouveau contrat de location s'il transférait l'actif repris à un autre preneur, ou elle pourrait être égale au produit net que le bailleur prévoit tirer de la vente de l'actif.

Question

[5] Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a ajouté 67 487 313 $, 86 181 632 $ et 79 531 142 $ au “ capital imposable utilisé au Canada ” des appelantes aux fins du calcul de leur impôt des grandes sociétés (IGS) payable pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992, respectivement, et il a fixé à 1 893 084 $, 2 260 434 $ et 1 934 869 $ leur IGS payable. La question à trancher en l'instance concerne le calcul du capital imposable utilisé au Canada des appelantes.

Thèse des appelantes

[6] Les appelantes prétendent que la valeur comptable des créances au titre de baux financiers ne devrait pas être incluse dans le calcul de leur “ capital imposable utilisé au Canada ” respectif aux fins de l'IGS pour les années d'imposition 1990 à 1992. Elles fondent leur position juridique sur les points suivants :

a) pour l'application des alinéas 181.3(1)a) et b) de la Loi, le terme “ bien corporel ” doit être interprété conformément au caractère comptable des biens, parce que la valeur comptable correspondante est établie à partir de notions comptables prévues par les PCGR. Les créances au titre de baux financiers ne sont pas des “ biens corporels ” pour l'application du paragraphe 181.3(1), non plus que les prêts et placements;

b) la valeur comptable des créances au titre de baux financiers ne correspond pas à la “ valeur comptable [...] d'un élément d'actif [...] qui est un bien corporel ”;

c) les alinéas 181.3(1)a) et b) visent uniquement les biens corporels qui sont bel et bien utilisés par un contribuable au Canada. Or, la location des actifs par chacune des appelantes et par la RTLP avait pour effets la possession et l'utilisation des actifs par les preneurs, et non par les appelantes ou la RTLP;

d) l'interprétation par chaque appelante des termes “ figurent ” et “ bien corporel ” — qui ne sont pas définis dans la Loi — pour l'application de la partie I.3 est conforme aux principes modernes d'interprétation des lois et à la pratique des tribunaux canadiens consistant à situer les mots dans leur contexte. Il ne convient pas de donner un sens générique aux termes “ figurent ” et “ bien corporel ” parce que la partie I.3 de la Loi fait appel à différentes notions comptables et que, plus particulièrement, l'impôt payable par chaque appelante en vertu de cette partie est déterminé en fonction de valeurs comptables qui figurent à un bilan lui-même établi conformément aux PCGR. Les valeurs comptables en question ne peuvent être calculées sans que l'on détermine au préalable, à des fins comptables, la nature des postes figurant au bilan;

e) la thèse de chacune des appelantes est également en concordance avec l'esprit et l’économie de la partie I.3 de la Loi. Le fait de ne pas inclure la valeur comptable des créances au titre de baux financiers des appelantes dans le calcul de leur capital imposable permet d'éviter une situation de double imposition aux termes de la partie I.3 et correspond au traitement réservé à d'autres formules de financement en application de cette même partie.

Thèse de l'intimée

[7] L'intimée ne conteste pas le fait que la comptabilisation relative aux baux dans les bilans des appelantes était conforme aux PCGR et que, aux fins comptables, les appelantes sont réputées avoir disposé des biens cédés à bail en faveur des preneurs et avoir conservé seulement le droit de recevoir les paiements prévus en vertu des baux. Par contre, l'intimée soutient que [TRADUCTION] “ le traitement des opérations en matière de location selon les PCGR et leur description dans les bilans en tant que créances au titre de baux financiers ne tiennent pas compte de la relation juridique entre les appelantes et les preneurs (c'est-à-dire une relation bailleur-preneur, non vendeur-acheteur) et y substituent une perception comptable de la nature économique des opérations en matière de location ”. Selon elle, il n'y a pas eu de disposition de biens, et il serait donc inapproprié de ne pas tenir compte du caractère juridique des baux aux fins du calcul du “ capital imposable utilisé au Canada ” des appelantes. Étant donné cette relation juridique, les montants inscrits à chacun des bilans présentent correctement la valeur comptable d'actifs nets de chacune des appelantes qui étaient des biens corporels utilisés au Canada.

[8] Cette conclusion repose sur le postulat selon lequel les PCGR ne doivent servir que pour établir “ la valeur comptable d'un des éléments d'actif d'une corporation ou tout autre montant ” nécessaire pour l'application de la partie I.3 aux fins du calcul du capital imposable d'un contribuable. De l'avis de l'intimée, la pertinence des PCGR tient uniquement au fait que, conformément au paragraphe 181(3) de la Loi, il faut utiliser le montant “ qui figure au bilan ” afin de déterminer la valeur comptable d'un élément d'actif. Cependant, même si le bilan doit servir à déterminer la valeur comptable d'un des éléments d'actif d'une société, la description ou le classement d'un poste donné du bilan conformément aux PCGR n'est pas forcément déterminant pour l'application de toutes les dispositions de la partie I.3. Le Parlement a établi quels postes doivent être inclus dans le calcul du capital assujetti à l'impôt de la partie I.3 et la question de savoir si les termes utilisés pour les définir s’appliquent à un poste donné relève du droit davantage que de la comptabilité. L'avocat de l'intimée a déclaré :

[TRADUCTION]

[...] dans cette affaire, il existe une ambiguïté découlant du libellé du paragraphe 181(3) et de l'alinéa 181.3(1)a) de la Loi. Ce dernier prévoit l'inclusion de la valeur comptable des éléments d'actif d'une institution financière qui sont des biens corporels utilisés au Canada, tandis que le paragraphe 181(3) indique la manière de calculer la valeur comptable de ces éléments d'actif. À des fins comptables, les actifs en cause, qui sont des biens corporels utilisés au Canada des appelantes, ne figurent pas aux bilans. En lieu de quoi, les placements des appelantes dans ces actifs sont inscrits aux bilans en tant que créances au titre de baux financiers, qui sont des biens incorporels.

Selon la thèse de l'intimée, le fait que les placements des appelantes dans les actifs soient décrits à des fins comptables comme étant des biens incorporels n'interdit pas de les inclure dans le calcul du capital imposable utilisé au Canada des appelantes.

[9] Cet argument de l'avocat de l'intimée se fonde sur l'utilisation, au paragraphe 181(3), des expressions “ valeur comptable d'un des éléments d'actif d'une corporation ” et “ les montants [...] qui figurent au bilan ” de la société, qu’on peut facilement considérer comme signifiant que l'intention du Parlement était de voir les contribuables utiliser des montants qui ne figurent pas directement au bilan. L'objet de la partie I.3 dans son ensemble est de percevoir des recettes afin de réduire le déficit, et c'est à cette fin que l'on a voulu inclure les actifs dans le calcul du capital imposable des appelantes[2]. Cet objectif ressort du libellé du paragraphe 181.3(1) ainsi que des notes techniques publiées lors de l'instauration de l'IGS. Le Parlement ayant clairement indiqué l'inclusion des biens corporels d'un contribuable dans le calcul de son capital imposable, une interprétation étroite de la “ valeur comptable ” des biens corporels “ qui figurent au bilan ” aurait pour effet d'exclure la valeur de ces biens du calcul du capital imposable, et donc de l'exclure de l'assiette du capital assujetti à l'impôt. L'avocat de l'intimée en conclut que notre cour devrait interpréter le libellé du paragraphe 181(3) au sens large, de façon à respecter l'intention du Parlement et le libellé de la partie I.3[3].

[10] L'avocat de l'intimée soutient également que le ministre a eu raison de considérer les créances au titre de baux financiers figurant aux bilans des appelantes comme représentant la valeur comptable des actifs pour l'application de la partie I.3. Cet argument se fonde sur le témoignage de M. Arthur, selon qui :

[TRADUCTION]

[...] au début des baux, lorsque, à des fins comptables, les appelantes sont réputées avoir disposé des actifs cédés à bail, le coût de ces actifs pour les appelantes est inscrit à titre de placement net dans le bail, soit le montant de la créance au titre de baux financiers.

Selon l'avocat de l'intimée, cette créance représente le capital investi par les appelantes dans les actifs auxquels les baux se rapportent. Par conséquent, les placements des appelantes dans les baux, tels qu’ils sont présentés dans les bilans, sont fonction du coût ou de la juste valeur marchande des actifs cédés à bail à ce moment et :

[TRADUCTION]

[...] à partir de ce moment, à des fins comptables, on soustrait du montant de la créance au titre de baux financiers — c'est-à-dire le principal de ce prêt théorique — le montant de principal théorique remboursé chaque année. De cette manière, à la fin de l'année, le montant de la créance est moins élevé que le coût, pour les appelantes, des actifs figurant au bilan à l'origine. Chaque année, on soustrait de la créance — le principal théorique engagé au départ — le montant de principal théorique remboursé.

L'avocat de l'intimée a fait valoir qu'il existe, entre le coût des actifs pour les appelantes et les créances inscrites aux bilans, une corrélation suffisante pour permettre de considérer que ces montants représentent la valeur comptable des actifs eux-mêmes. Il a ajouté que, compte tenu de l'intention du Parlement d'inclure la valeur comptable des éléments d'actif corporels d'une institution financière dans son capital imposable utilisé au Canada, il convient :

[TRADUCTION]

[...] d'interpréter les mots “ qui figurent au bilan ” comme un renvoi à la valeur comptable en vue d'inclure dans le calcul du capital imposable utilisé au Canada les créances au titre de baux financiers.

[11] L'avocat de l'intimée a également soutenu que le ministre a établi correctement la cotisation au motif que les actifs représentaient des biens corporels utilisés au Canada. Il a ajouté que rien dans le contexte de l'alinéa 181.3(1)a) n’indiquait que le bien corporel devait être utilisé directement par le propriétaire. La formulation employée est générale et s'étend à l'utilisation des actifs par les appelantes par voie de location à un tiers. Rien dans les dispositions pertinentes de la Loi ne semble limiter la portée du libellé employé, et rien n'indique que le Parlement ait eu l'intention de fixer une telle limite.

Analyse

[12] Le paragraphe 181(3) est une disposition cruciale aux fins du calcul de l'IGS payable par une institution financière. Voici les passages pertinents de ce paragraphe :

181(3) Pour déterminer la valeur comptable d'un des éléments d'actif d'une société ou tout autre montant en vertu de la présente partie afférent au capital d'une société, à sa déduction pour placements, à son capital imposable et à son capital imposable utilisé au Canada pour une année d'imposition ou afférent à une société de personnes dans laquelle une société a une participation :

a) la consolidation et la méthode de comptabilisation à la valeur de consolidation ne peuvent être utilisées;

b) sous réserve de l'alinéa a) [...] les montants à utiliser sont les suivants :

(i) soit ceux qui figurent au bilan présenté aux actionnaires de la société - s'il s'agit d'une société qui n'est ni une compagnie d'assurance à laquelle le sous-alinéa (ii) s'applique, ni une banque - ou aux associés de la société de personnes, ou, si un tel bilan n'est pas dressé conformément aux principes comptables généralement reconnus ou si aucun bilan n'est dressé, ceux qui y figureraient si un tel bilan était dressé conformément à ces principes,

(ii) soit ceux qui figurent au bilan accepté par le surintendant des institutions financières, s'il s'agit d'une banque ou d'une compagnie d'assurance tenue par la loi de faire rapport au surintendant [...]

Le paragraphe 181.1(1) est la disposition d'assujettissement à l'IGS. Concernant les années d'imposition 1991 et 1992 des deux appelantes, ce paragraphe prévoit ce qui suit :

181.1(1) Toute corporation doit payer, en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition, un impôt égal à 0,2 % de l'excédent éventuel de son capital imposable utilisé au Canada pour l'année sur son abattement de capital pour l'année.

Pour l'année d'imposition 1990 des appelantes, le taux était de 0,175 p. 100.

[13] Chacune des appelantes étant une institution financière au sens du paragraphe 181(1), elle est de ce fait assujettie à l'impôt prévu par la partie I.3 de la Loi. Plus précisément, aux termes du paragraphe 181.3(1), trois postes importants du bilan d'une institution financière doivent être inclus dans le calcul de son capital imposable. Ces postes figurent au bilan à titre d’éléments d’actif ou de passif. Voici le passage pertinent du paragraphe 181.3(1) aux fins des présents appels :

181.3(1) Le capital imposable utilisé au Canada d'une institution financière pour une année d'imposition correspond au total des montants suivants :

a) le total des montants dont chacun représente la valeur comptable à la fin de l'année d'un élément d'actif de l'institution financière (sauf un bien que l'institution détient principalement pour la revente et qu'elle a acquis, au cours de l'année ou de l'année précédente, du fait qu'une autre personne a manqué à ses engagements résultant d'une dette due à l'institution, ou y manquera vraisemblablement) qui est un bien corporel utilisé au Canada [...]

b) le total des montants dont chacun représente un montant, concernant une société dans laquelle l'institution financière a une participation à la fin de l'année, égal au produit obtenu en multipliant :

(i) le total des montants dont chacun représente la valeur comptable d'un élément d'actif de la société, à la fin de son dernier exercice financier se terminant au plus tard à la fin de l'année, qui est un bien corporel utilisé au Canada,

par le rapport entre :

(ii) d'une part, la part de l'institution financière sur le revenu ou la perte de la société pour cet exercice,

(iii) d'autre part, le revenu ou la perte de la société pour cet exercice;

c) l’un des montants suivants :

(i) dans le cas d'une institution financière [...] son capital imposable pour l'année par le rapport entre son actif canadien à la fin de l'année et son actif total à la fin de l'année.

[...]

[14] Chaque appel a trait à un différend relatif au calcul de l'IGS payable par chaque appelante en vertu de la partie I.3 de la Loi. Les années d'imposition 1990, 1991 et 1992 de chacune des appelantes se terminaient le 31 décembre, et les appelantes étaient les associées d'une société de personnes [à l'époque, le terme employé était “ société ”] exerçant des activités de location, dont les exercices 1990, 1991 et 1992 se terminaient également le 31 décembre. La partie I.3 est distincte et indépendante de la partie I de la Loi. Cette dernière comporte ses propres dispositions d'assujettissement du revenu et des gains en capital imposables à l'impôt. La partie I.3 comporte elle aussi des dispositions d'assujettissement et prévoit la perception annuelle d'un impôt sur le capital imposable des sociétés — plus précisément sur la fraction de leur “ capital imposable utilisé au Canada ” qui excède 10 millions de dollars.

[15] Aux termes de l'alinéa 181.3(1)a), qui fait partie de la partie I.3 de la Loi, il convient d'inclure dans le calcul du capital imposable des appelantes “ la valeur comptable [...] d'un élément d'actif [...] qui est un bien corporel utilisé au Canada ”. Le paragraphe 181(3) de la Loi indique le moyen de déterminer la valeur comptable de ces éléments d'actif. Il y est précisé que les montants utilisés à cette fin sont ceux qui figurent au bilan non consolidé d'une société, dressé conformément aux PCGR et présenté à ses actionnaires. L'IGS de chacune des appelantes pour les années d'imposition 1990 à 1992 est contesté parce que les parties ne s'entendent pas concernant l'inclusion de certains montants dans le calcul du “ capital imposable utilisé au Canada ” des appelantes. De façon plus précise, le différend porte sur la question de savoir si les montants désignés dans les bilans comme “ Autres prêts et placements ”, “ Prêts et placements ” ou “ Placements — location de matériel ” représentent “ la valeur comptable [...] d'un élément d'actif ” des appelantes “ qui est un bien corporel utilisé au Canada ”. Il est admis qu'aucun différend n'oppose les parties concernant les droits et obligations juridiques des appelantes à l'égard des baux, ni concernant les autres composantes du capital imposable des appelantes ou des autres dispositions de la partie I.3 de la Loi.

[16] La question essentielle en jeu dans ces appels est l'interprétation qu'il faut donner aux dispositions pertinentes de la partie I.3 de la Loi et, en particulier, le rôle des PCGR dans l'interprétation des termes “ bien corporel ” et “ figurent ” — non définis dans la Loi — pour l'application des alinéas 181.3(1)a) et b). Les appelantes soutiennent que les termes non définis de la partie I.3 doivent être interprétés dans le contexte de leur utilisation en comptabilité. L'intimée prétend pour sa part que, en dépit du rôle qu'ils jouent dans l'interprétation des dispositions pertinentes, les PCGR ne sont pas le point de référence exclusif pour l'interprétation de tous les termes de la partie I.3. De façon plus précise, l'avocat de l'intimée est d'avis qu’une interprétation fondée sur les PCGR ne doit prévaloir que lorsque les termes doivent être utilisés dans leur sens technique, par exemple lorsqu'il est question de “ valeur comptable ”, mais qu'elle ne devrait pas être retenue pour les termes “ figurent ” et “ bien corporel ”. Ces derniers devraient plutôt être lus et interprétés en conformité avec l'objet de la loi et l'intention du Parlement.

[17] Je ne puis souscrire à la thèse de l'intimée. Dans l'affaire Canfor Ltd c. Le ministre des Finances[4], la Cour suprême du Canada a jugé que les éléments non définis, dans la Corporation Capital Tax Act, R.S.B.C., 1973, ch. 24, tirent leur sens et leur effet des principes comptables. La Cour suprême a fait siens les motifs du jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Dans l'exposé de ces motifs, le juge Fulton, au nom de la Cour, a fait l'observation suivante :

[TRADUCTION]

Il ressort clairement de ces affaires que, lorsqu'un terme ou une expression utilisé dans une loi fiscale n'y est pas interprété ou défini expressément, et qu'il a une application ou un sens accepté conformément aux principes comptables ou commerciaux courants, cette application ou ce sens doit être retenu pour l'application de la loi (Dominion Taxicab Assoc. v. Minister, [1954] R.C.S. 82; Can. General Electric Co. v. Minister, [1962] R.C.S. 3).

[18] Dans l'affaire Upper Lakes Shipping Ltd. v. Ontario (Minister of Finance)[5], la Cour d'appel de l'Ontario a également jugé que le sens comptable des termes s'appliquait aux fins de l'interprétation des règles relatives à l'impôt provincial sur le capital. Dans cette affaire, la Cour avait à déterminer si certaines subventions de l'État devaient être incluses par le contribuable dans “ son surplus gagné, son surplus de capital et tout autre surplus ” (expression non définie) pour l'application des règles d'imposition du capital en vertu de la partie III de la Loi sur l'imposition des corporations de l'Ontario. En première instance, la cour avait rejeté l'affirmation de la contribuable voulant que les mots utilisés dans les passages non définis fussent des termes commerciaux devant être interprétés conformément aux PCGR. En appel, la Cour a observé, à la page 6265 :

[TRADUCTION]

[...] Nul doute que les PCGR ne déterminent pas le résultat. [...] Cela ne change rien au fait que, en l'absence de définition de l'expression “ surplus gagné, [...] surplus de capital et tout autre surplus ” dans la loi, il faut recourir aux principes commerciaux courants pour donner un sens à cette expression.

Dans ce contexte, le sens ordinaire de ces mots doit être celui qu’ils ont dans le vocabulaire qu’utilisent les comptables, et non les personnes qui n'ont rien à voir avec les bilans d’entreprises. Les responsables de l'établissement des cotisations d'impôt connaissent le vocabulaire comptable, tout comme les comptables qui vérifient les états financiers. Suivant les PCGR, les comptables n'incluent pas les subventions de l'État à titre de surplus de capital pour l'année du surplus. Les subventions sont plutôt traitées comme des bénéfices non répartis ou un “ surplus gagné ” au fil du temps, à mesure que l'élément d'actif est utilisé dans le cadre des activités de l'entreprise. Selon nous, c'est ainsi qu'il convient d'interpréter la loi.

Il faut remarquer que, contrairement à ce que l'on observe dans les présents appels, les lois en cause dans les affaires Canfor et Upper Lakes Shipping ne mentionnaient pas expressément l'application des PCGR. Malgré cela, les deux tribunaux ont clairement indiqué que les dispositions pertinentes devaient être interprétées selon le principe que [TRADUCTION] “ le sens ordinaire de ces mots doit être celui qu’ils ont dans le vocabulaire qu’utilisent les comptables, et non les personnes qui n'ont rien à voir avec les bilans d’entreprises ”.

[19] Le juge Archambault a adopté cette démarche dans l'affaire Oerlikon, précitée : la contribuable avait reçu des montants à titre d'avances en contrepartie de marchandises à livrer et de services à rendre. Aux fins de l'impôt, elle a inclus ces montants dans le calcul de son revenu aux termes de l'alinéa 12(1)a) et a déduit une provision en vertu de l'alinéa 20(1)m) de la Loi. Conformément aux PCGR, les montants en question constituaient des “ avances ”, et c'est ainsi qu'ils ont été inscrits par la contribuable à son bilan. Par contre, elle ne les a pas inclus dans le calcul de son “ capital imposable utilisé au Canada ”, considérant qu'il s'agissait de “ réserves ” pour l'application de la partie I.3 et qu'ils ne faisaient par conséquent pas partie de son “ capital ” aux termes de l'alinéa 181.2(3)b). Le ministre, lorsqu'il a établi la cotisation, a considéré les montants comme des “ avances ” au sens comptable du terme et les a de ce fait inclus dans le calcul du capital conformément à l'alinéa 181.2(3)c) de la Loi. Le juge Archambault a souscrit à la thèse du ministre et a jugé que la nature et la signification des éléments mentionnés à la partie I.3 de la Loi doivent être déterminées conformément à leur sens comptable. Pour arriver à cette conclusion, il a déclaré à la page 968 :

La partie I.3 de la Loi lève un impôt sur les grandes corporations calculé par rapport à leur “ capital imposable ” dont l’une des composantes importantes est le “ capital ”. Le paragraphe 181.2(3) de la Loi décrit les éléments constitutifs de ce capital. On retrouve généralement au bilan d’une corporation toutes les données pertinentes pour le calcul de ce capital. Il n’est donc pas surprenant de constater que le législateur dispose au sous-alinéa 181(3)b)(i) de la Loi que les montants à utiliser pour déterminer la valeur comptable de chacun des éléments du capital d’une corporation sont ceux qui figurent au “ bilan présenté aux actionnaires de la corporation ... conformément aux principes comptables généralement reconnus ”. Il va donc de soi que la terminologie utilisée dans la Loi pour identifier les éléments constitutifs du capital soit celle utilisée par les comptables dans la préparation d’un bilan. Il me paraît donc tout à fait approprié d’utiliser les dictionnaires de comptabilité pour définir la portée des éléments qui sont énoncés au paragraphe 181.2(3) de la Loi et dont la Loi ne fournit pas de définition.

(Les italiques se trouvaient dans l'original.)

Il a ajouté à la page 970 :

Je ne partage pas ce point de vue du procureur d’OA. J’estime plutôt que l’on doit retenir la notion comptable des expressions “ réserves ” et “ provisions ” que l’on retrouve au paragraphe 181(1) de la Loi et ceci pour plusieurs motifs. Tout d’abord, tel qu’il a été mentionné précédemment, le sous-alinéa 181(3)b)(i) de la Loi précise que la valeur comptable des différents éléments qui composent le capital est celle que l’on retrouve au bilan montré aux actionnaires de la corporation. Contrairement aux prétentions du procureur d’OA, je crois que les principes comptables doivent servir à déterminer non seulement la valeur mais aussi la nature des éléments mentionnés au paragraphe 181.2(3) de la Loi. La valeur que l’on retrouve dans un bilan n’a un sens que lorsqu’on la rattache à un intitulé.

[20] Dans l'affaire La Compagnie d'assurance-vie manufacturers c. La Reine[6], le juge O'Connor a également jugé qu'il faut recourir au sens comptable pour établir la signification et la nature des éléments mentionnés à la partie I.3. La question à trancher dans cette affaire consistait à savoir si certains montants inscrits au bilan de la contribuable étaient des “ réserves ” ou “ tout autre surplus ” pour l'application de cette partie. Le juge O'Connor a estimé que les montants en cause ne faisaient pas partie du “ capital imposable utilisé au Canada ” de la contribuable. Les termes “ réserves ” et “ surplus ” n'étaient pas définis, et la terminologie utilisée dans la partie I.3 devait de façon générale être interprétée conformément aux principes comptables. Les montants en question n'étaient pas des “ réserves ” ni des “ surplus ” au sens comptable de ces termes; ils n'étaient donc pas des “ réserves ” ni “ tout autre surplus ” pour l'application de la partie I.3.

[21] Dans les appels en l'instance, il ressort de la preuve que les comptables qui dressent les bilans attribuaient un caractère particulier aux “ biens corporels ”. Selon les PCGR, les “ biens corporels ” inscrits au bilan ne comprennent que les terrains, les bâtiments et le matériel présentés aux rubriques “ Immobilisations ” ou “ Autres éléments d'actif ” du bilan. Les actifs en cause n'étaient pas inclus dans cette section, et les baux ou les créances au titre de baux financiers ne faisaient pas partie des “ terrains, bâtiments et matériel ” inclus dans les “ autres éléments d'actif ” du bilan. En outre, selon le témoignage de M. Arthur, dès la conclusion des baux, les appelantes et la RTLP étaient réputées, aux fins comptables, avoir disposé des actifs en faveur des preneurs selon les PCGR. Par conséquent, les actifs ne figuraient plus aux bilans des appelantes et de la RTLP et n'étaient plus considérés comme des biens corporels selon les PCGR. Une fois cédés à bail aux preneurs, les actifs étaient la propriété de ces derniers selon les PCGR, et ce sont eux qui ont inscrit à leur bilan la valeur comptable des actifs à titre de biens corporels. Il s'ensuit que, sur le plan comptable, les actifs cédés à bail sont réputés ne plus exister pour le bailleur et n'avoir aucune valeur comptable au bilan de ce dernier[7].

[22] Je suis convaincu que le sens à attribuer au terme non défini “ bien corporel ” doit être fonction de son contexte immédiat ainsi que de la partie I.3 prise dans son ensemble. Dans cette partie de la Loi, on se fonde sur les bilans et les PCGR pour déterminer le “ capital imposable utilisé au Canada ” d'une société. Il apparaît raisonnable de conclure que les termes techniques se rapportant au bilan doivent être définis et interprétés, pour l'application de la partie I.3, conformément à la terminologie comptable. Les appelantes ont donc eu raison de ne pas inclure la valeur comptable des actifs dans leur “ capital imposable utilisé au Canada ” respectif, puisqu'elles n'avaient pas de “ biens corporels ” pour l'application du paragraphe 181.3(1).

[23] Je ne puis non plus souscrire à la thèse de l'intimée touchant la valeur comptable des actifs. Dans son rapport, M. Arthur a signalé que, selon les PCGR, on commence par déterminer la nature d'un élément d'actif. Dans ce cas-ci, on analyse les droits et obligations du bailleur et du preneur dans le cadre du bail afin de déterminer si la quasi-totalité des droits et des risques associés à la propriété des biens cédés à bail sont transférés au preneur. Lorsque cette condition est remplie, le bailleur est réputé détenir un placement dans un contrat de location-financement plutôt que le bien cédé à bail. Le contrat de location-financement ayant le caractère d'actif financier, sa valeur comptable est ensuite établie en conséquence. Elle correspond à la valeur actualisée des paiements minimums exigibles en vertu du bail — compte tenu de sa nature d'actif financier — plus la valeur résiduelle non garantie du bien cédé à bail revenant au bailleur. Cette méthode de détermination de la valeur comptable diffère très nettement de celle servant à établir la valeur comptable des immobilisations — coût initial moins déduction pour amortissement. En outre, de l'avis de M. Arthur, les créances au titre de baux financiers représentent la valeur comptable des baux et des créances à long terme qui s'y rattachent. Les créances au titre de baux financiers ne représentent pas la valeur comptable des actifs, qui est établie de façon complètement différente selon les PCGR s'ils sont la propriété des appelantes. Aux termes du paragraphe 181(3), la valeur comptable d'un élément d'actif est le montant qui figure au bilan dressé conformément aux PCGR pour cet élément d'actif. Si aucun montant ne figure au bilan relativement à cet élément d'actif, la valeur comptable de ce dernier est nulle. Le terme “ figurent ” n’étant pas défini non plus, il doit être interprété conformément aux principes d'interprétation des lois appliqués précédemment au terme “ bien corporel ”. M. Arthur a fait remarquer que, pour les comptables, le terme “ figurent ” désigne la manière dont une opération est inscrite ou présentée dans les états financiers. Il est utilisé également comme synonyme de “ inscrit ”, “ présenté ” et “ comptabilisé ”. De plus, selon M. Arthur, aucun montant ne figurait ou n'était inscrit au bilan au titre des actifs parce que leur valeur comptable en avait été supprimée et que les actifs n'existaient plus pour les appelantes et pour la RTLP. De ce fait, la valeur comptable des actifs était nulle[8].

[24] Le Parlement a eu recours à la partie I.3, de propos délibéré, à des termes comme “ valeur comptable ”, “ bien corporel ” et “ figurent ”, qui ont un sens précis en comptabilité. L'intimée, prétendant que le libellé du paragraphe 181(3) et de l'alinéa 181.2(3)a) était ambigu, a demandé instamment à la Cour d'examiner l'objet de ces dispositions. L'argument de l'intimée selon lequel l'objet de la partie I.3 est de percevoir des recettes pour réduire le déficit ne m'est d’aucune utilité pour interpréter ces dispositions. Je constate plutôt que la partie I.3 fait expressément appel au bilan et aux PCGR pour déterminer le “ capital imposable utilisé au Canada ” d'une société. À mon avis, l'interprétation des termes non définis “ bien corporel ” et “ figurent ” selon leur sens comptable cadre avec l'utilisation, par le Parlement, de notions comptables dans toute la partie I.3 de la Loi. Ainsi que l'a indiqué le juge Archambault dans l'affaire Oerlikon, précitée, “ [o]n retrouve généralement au bilan d’une corporation toutes les données pertinentes pour le calcul de ce capital. [...] Il va donc de soi que la terminologie utilisée dans la Loi pour identifier les éléments constitutifs du capital soit celle utilisée par les comptables dans la préparation d’un bilan ”.

[25] Pour ces motifs, les appels sont admis, avec dépens, et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations au motif que les montants ajoutés par le ministre dans le calcul du capital imposable des appelantes, indiqués aux paragraphes 42 et 44 de l'exposé conjoint des faits, ont été inclus à tort dans le calcul du capital imposable utilisé au Canada des appelantes pour chacune de leurs années d'imposition respectives.

Signé à Toronto (Ontario), ce 4e jour de décembre 2000.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Isabelle Chénard, réviseure



[1]               M. Arthur est devenu comptable agréé en 1972 et a obtenu le titre de Fellow de l’Institut des comptables agréés en 1994. Il est à la tête du groupe d'assurance d'Ernst & Young au Canada, et il est membre du réseau international de l'assurance et du comité consultatif sur la gestion du risque à l'échelle internationale du cabinet. Dans le cadre de ses activités, M. Arthur a travaillé auprès d’un certain nombre d'importantes institutions financières et sociétés d'assurances multinationales ainsi que de sociétés de services financiers de moindre envergure. Outre son rôle d'associé responsable de missions de vérification, il a pris part à la coordination des rôles des “ vérificateurs externes ” et des “ actuaires désignés ” des sociétés d'assurances canadiennes en qualité de président d'un groupe de travail de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA). Il préside actuellement les travaux du groupe de travail sur la comptabilité de l'assurance de l'ICCA, qui examine les changements élaborés par le Comité international de normalisation de la comptabilité (CINC) au sujet de la présentation de l'information financière par les assureurs.

[2]               Ministère des Finances, Documents budgétaires, Renseignements supplémentaires, 1989.

[3]               Corporation Notre-Dame de Bon-Secours c. Communauté Urbaine de Québec et al., [1994] 3 R.C.S. 3 (95 DTC 5017); La Reine c. Alberta and Southern Gas Co. Ltd., [1978] 1 C.F. 454 (77 DTC 5244); La Reine c. Golden et al., [1986] 1 R.C.S. 209 (86 DTC 6138); Oerlikon Aérospatiale Inc. c. La Reine, C.A.F., no A-460-97, 13 avril 1999 (99 DTC 5318); London Life Insurance Company c. La Reine, (96-3207(IT)G) (C.C.I.); Friesen c. La Reine, [1995] 3 R.C.S. 103, aux pages 112 et 113 (95 DTC 5551).

[4]               [1978] 1 R.C.S. 1047; [1976] 3 W.W.R. 519 à 522.

[5]               98 DTC 6264 (Ontario C.A.).

[6]               C.C.I., no 98-363(IT)G, 8 novembre 1999 (2000 DTC 1600).

[7]               Pièce A-2, rapport de M. Arthur, paragraphes 4.6, 4.7, 5.1 et 5.2.

[8]               Pièce A-2, rapport de M. Arthur, paragraphe 4.6.

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