Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990812

Dossier: 98-299-IT-I

ENTRE :

PIERRETTE MONGEAU MANTHA,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel concernant l'année d'imposition 1996. La question en litige est de savoir si les coûts des aliments spécifiques à une diète sans gluten donnent droit à un crédit d'impôt pour frais médicaux au sens de l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”).

[2] Cet alinéa se lit comme suit :

118.2(2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

...

n) pour les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances — sauf s'ils sont déjà visés à l'alinéa k) — qui sont, d'une part, fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d'une maladie, d'une affection, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique et, d'autre part, achetés afin d'être utilisés par le particulier, par son conjoint ou par une personne à charge visée à l'alinéa a), sur ordonnance d'un médecin ou d'un dentiste, et enregistrés par un pharmacien;

[3] Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le “Ministre”) s'est fondé pour cotiser l'appelante sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la “Réponse”) comme suit :

a) l'appelante souffre de la maladie coeliaque;

b) l'appelante doit suivre une diète sans gluten;

c) l'appelante a fait provision au cours de l'année en litige d'aliments sans gluten dont le coût totalisait une somme de 1 083 $;

d) à titre de membre, l'appelante a versé une cotisation annuelle de 30 $ à la “Fondation québécoise de la maladie coeliaque”;

e) l'appelante a réclamé comme frais médicaux le coût des aliments sans gluten et la cotisation annuelle versée à la “Fondation québécoise de la maladie coeliaque”;

f) la réclamation fut rejetée parce que le Ministre estime que les aliments achetés par l'appelante avaient une valeur nutritive et n'avaient plus comme seule et unique propriété de traiter ou d'atténuer une maladie, et qu'ils n'avaient pas été prescrits sur ordonnance d'un médecin.

[4] L'appelante a témoigné. Les alinéas 7a) à 7e) de la Réponse ont été admis.

[5] En ce qui concerne la réclamation de la cotisation annuelle, l'avocat de l'appelante a mentionné que cette dernière ne la poursuivait plus.

[6] L'appelante a déposé comme pièce A-1 un certificat de son médecin traitant indiquant ce qui suit :

Le 22 septembre 1998

RX- La maladie de coeliaque fut découverte chez cette patiente, madame Pierrette Mongeau, depuis 1994.

Le seul et unique traitement prescrit pour cette maladie est la diète sans gluten, qui doit être suivie rigoureusement durant la vie entière, pour traiter, atténuer la maladie et en prévenir d'autres.

La corticothérapie n'est pas indiquée actuellement.

X- (signature)

Dr. GILLES MICHAUD, gastro-entérologue

Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal.

[7] Elle a expliqué que les aliments sans gluten sont vendus dans des magasins spécialisés en aliments pour personnes souffrant d'allergies alimentaires. Dans son cas, le magasin est situé à 20 minutes en voiture de sa résidence. Toutefois ce n'est pas sur l'aspect du coût du transport qu'elle se penche mais sur le coût même des aliments. Tous les aliments coûtent plus cher que ceux que l'on achète dans les épiceries. Ainsi un pain coûte 9 $. Les pâtes alimentaires, la farine de riz, de pommes de terre et de maïs et les autres ingrédients nécessaires à la préparation de la cuisine de base, en fait, tout ce qui concerne les grains, doit être acheté dans un magasin spécialisé en allergie alimentaire dans le but d'éviter toute contamination avec le gluten.

[8] L'avocat de l'appelante fait valoir que les aliments nécessaires à une diète sans gluten ont été prescrits par le médecin de l'appelante et que, s'ils ne sont pas enregistrés par un pharmacien, c'est qu'ils ne sont pas vendus dans une pharmacie.

[9] L'avocat de l'intimée fait valoir que l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi exige que les médicaments doivent avoir été prescrits par ordonnance du médecin. Il n'y a ordonnance que si les médicaments sont enregistrés par un pharmacien. Il soumet qu'il n'y a pas telle ordonnance à l'égard des aliments sans gluten car ils ne sont pas enregistrés par un pharmacien.

Conclusion

[10] Je crois l'appelante sans difficulté quand elle affirme que les aliments nécessaires à une diète sans gluten sont plus chers que ceux vendus dans une épicerie non spécialisée. Le paragraphe 118.2(2) de la Loi est une disposition législative qui décrit les frais médicaux donnant droit au crédit d'impôt prévu au paragraphe 118.2(1) de la Loi. Tel que rédigée, cette disposition est une disposition exhaustive. Si l'objet de la dépense engagée pour des fins thérapeutiques ne se trouve pas décrit à l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi, cette dépense n'est pas comprise dans les frais médicaux. Cet alinéa ne permet d'inclure comme frais médicaux que le coût des médicaments, produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances qui sont d'une part, fabriqués, vendus, ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d'une maladie, d'une affection ou d'un état physique anormal et d'autre part, achetés sur ordonnance d'un médecin et enregistrés par un pharmacien.

[11] Un médecin peut-il émettre une ordonnance pour des médicaments non enregistrés par un pharmacien? L'avocat de l'intimée prétend que non, celui de l'appelante affirme le contraire. Il est certain que certains médicaments ne seront vendus en pharmacie que sur ordonnance d'un médecin. Mais une ordonnance ne doit-elle avoir comme objet que ces médicaments? Je ne crois pas avoir à trancher cette question pour résoudre ce débat. En effet, il y a une dernière condition essentielle à l'application de l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi : il faut que les médicaments, produits pharmaceutiques et autres préparations ou substances soient enregistrés par un pharmacien. Or, il est admis de part et d'autre que les aliments spécifiques à une diète sans gluten dont l'appelante réclame les frais à titre de crédit d'impôt pour frais médicaux ne sont pas enregistrés par un pharmacien. Admettre l'appel serait légiférer en ôtant une des conditions d'application de l'alinéa 118.2(2)n) de la Loi et comme il appartient au seul législateur de légiférer, l'appel doit en conséquence être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'août, 1999.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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