Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19990817

Dossier: 98-251-UI

ENTRE :

MARGARET BASTASIC,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Taylor, C.C.I.

[1] Les présents appels, entendus à Ottawa (Ontario) le 15 juillet 1999, portent sur des règlements par lesquels l'intimé a déterminé, en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi » ) et du Régime de pensions du Canada (le « Régime » ), que l'appelante (la travailleuse) travaillait pour Netvision Inc. (Netvision, la payeuse, était également connue sous le nom de Oncourse Learning Centre (Oncourse) en 1996, et sous le nom de Productivity Point International (P.P.I.)) aux termes d'un contrat de louage de services. L'avis d'appel déposé le 23 mars 1998 est instructif et mérite d'être reproduit au complet :

[TRADUCTION]

Greffe de la Cour canadienne de l'impôt

200, rue Kent

4e étage

Ottawa (Ontario)

K1A 0M1

Appel déposé en personne le 23 mars 1998 au 200, rue Kent, 4e étage, par :

Margaret Bastasic

2912, croissant Turquoise

Navan (Ontario)

K4B 1K2

(613) 841-5167

Puisque je suis personnellement concernée, j'aurais aimé recevoir une copie de l'évaluation établie le 24 février 1997! J'aimerais recevoir les documents écrits qui me concernent. Un paragraphe bref et confus dans un avis n'explique rien. Je vous envoie une copie de ce que j'ai reçu et j'espère obtenir une explication plus détaillée, car, honnêtement, l'avis n'explique rien.

Je ne suis pas une employée de Oncourse Learning Centres. Je suis une agente de formation à contrat, ce qui signifie que je n'ai droit à rien de ce qui suit :

1. Avantages sociaux

2. Jours de travail garantis

3. Revenu garanti

4. Jours fériés

5. Congés de maladie

6. Assurance

7. Heures supplémentaires

8. Primes

9. Lien avec la compagnie, sauf aux fins de l'envoi des factures et de la réception du montant convenu pour le travail effectué.

Si mon rendement est insatisfaisant, je rends des comptes au client directement. Ce dernier évalue mon rendement chaque fois que j'enseigne. Si je donne un cours à un groupe de dix personnes, celles-ci remplissent une feuille d'évaluation à la fin de la journée et je rends des comptes à chacune d'entre elles. Le client décide de l'heure du déjeuner et des pauses. Il décide de l'endroit où le cours sera donné et de la durée du cours. Je ne fais que dire à Oncourse quel est mon prix pour la journée. Mon taux varie selon le type de cours. Il n'y a donc aucun taux fixe. Je n'obtiens du travail que si tous les employés de Oncourse sont occupés. La compagnie peut annuler un cours n'importe quand, auquel cas je ne reçois rien. Si le client a des problèmes et qu'il a besoin de rester une heure de plus après le cours, je n'ai d'autre choix que de rester, et je ne touche rien pour cette heure supplémentaire.

Pour les motifs qui précèdent, je veux interjeter appel de la décision arbitraire rendue par Revenu Canada.

Margaret Bastasic 23 mars 1998.

Je reproduis également la lettre de Revenu Canada à laquelle l'appelante s'est opposée :

[TRADUCTION]

Margaret Bastasic Agente : Mme Raghunandan

2912, croissant Turquoise Téléphone : (613) 598-2150

Navan (Ontario) Télécopieur : (613) 957-7932

K4B 1K2

Date de mise à la poste : 24 décembre 1997

Madame,

La présente se rapporte à l'appel interjeté par Oncourse Learning Centres Ottawa Inc. à l'encontre de l'évaluation établie le 24 février 1997 relativement aux cotisations au Régime de pensions du Canada et à l'assurance-chômage pour 1996.

La partie de l'évaluation qui vous concerne est confirmée pour les motifs suivants : vous étiez engagée aux termes d'un contrat de louage de services et, par conséquent, vous occupiez un emploi assurable ouvrant droit à pension.

Si vous n'êtes pas d'accord avec la présente décision, vous pouvez en interjeter appel à la Cour canadienne de l'impôt dans les 90 jours de la date de mise à la poste de la présente lettre. La marche à suivre pour interjeter appel est exposée dans le document ci-joint intitulé « Comment interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt » .

La décision formulée dans la présente lettre est rendue conformément au paragraphe 27(5) du Régime de pensions du Canada et au paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance-emploi et elle est fondée sur l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada et les alinéas 3(1)a) et 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage et de la Loi sur l'assurance-emploi respectivement.

Je vous prie d'agréer, Madame, mes salutations distinguées.

K. N. Malhotra

Directeur,

Division des appels

pour le ministre du Revenu national

p.j.

[2] Une copie de l'avis d'opposition déposé antérieurement auprès de Revenu Canada par Oncourse et d'une pièce (émanant de Oncourse) énumérant les 32 personnes, dont l'appelante, à l'égard desquelles des évaluations ont été établies par Revenu Canada contre Oncourse, étaient jointes aux documents déposés à l'appui de l'appel à la Cour. Il y avait également un autre document faisant état, dans les termes suivants, de la thèse de Oncourse sur les évaluations en question :

[TRADUCTION]

Annexe A

Le ministre a déterminé qu'un certain nombre de moniteurs autonomes dont la contribuable a retenu les services à contrat pour donner de la formation en informatique à ses clients étaient des « employés à temps partiel » , et il demande le paiement des retenues à la source qui n'ont pas été versées antérieurement, ainsi qu'en fait foi l'avis d'évaluation ci-joint.

La contribuable s'oppose à l'évaluation selon laquelle ces personnes sont ses employés à temps partiel, pour les motifs suivants :

Aucune entente correspondant à un « contrat de louage de service » n'est conclue par les intéressés et la contribuable, qui n'exerce pas sur les personnes en question le degré de contrôle nécessaire à l'existence d'une relation employeur-employé.

La contribuable offre aux personnes visées par l'évaluation la possibilité de donner des cours en informatique pendant une période donnée, dans leur domaine de compétence, dans des locaux fournis par la contribuable. Chacun des moniteurs est payé pour offrir cette formation et contrôle tous les aspects de l'enseignement du cours qu'il donne. La contribuable reçoit une facture du moniteur dont les services ont été retenus à contrat au titre des heures de travail et de la TPS. Aucun des moniteurs ne jouit des avantages sociaux offerts aux employés de la contribuable.

La relation entre la contribuable et les moniteurs visés par l'évaluation correspond à la relation qui existe entre un contractant et une partie qui a convenu d'accomplir le travail précisé dans le contrat. Cette relation constitue une norme dans l'industrie de la formation en informatique.

La contribuable demande qu'un règlement affirmant que les personnes en cause ne sont pas des employés ni des employés à temps partiel de la contribuable soit rendu.

Je souligne cependant, puisque Oncourse (Netvision) avait elle aussi initialement interjeté appel du règlement à la Cour en tant qu' « employeuse » , que la Cour a récemment été informée du retrait de l'appel de Oncourse. Dans le cadre du présent procès, la Cour a été informée par l'appelante que Oncourse l'avait avisée qu'elle pouvait malgré tout poursuivre son appel si tel était son souhait. C'est dans le contexte d'un appel interjeté à cette époque-là par Oncourse que l'intimé a déposé la réponse à l'avis d'appel suivant, daté du 26 mai 1998, concernant l'appelante en l'espèce :

[TRADUCTION]

Un avis d'évaluation daté du 24 février 1997 a été établi à l'égard de Netvision Inc., anciennement connue sous le nom de Oncourse Learning Centre Ottawa Inc. (la « payeuse » ), pour omission d'avoir versé des cotisations d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi relativement à l'appelante et à d'autres travailleurs (les « travailleurs » ); on lui a également réclamé les pénalités et l'intérêt y afférents pour l'année 1996.

La payeuse a demandé à l'intimé d'effectuer un nouvel examen de l'évaluation. Celle-ci a été confirmée dans une lettre datée du 24 décembre 1997.

Pour établir ainsi une évaluation à l'égard de la payeuse, l'intimé s'est fondé sur les faits suivants :

la payeuse offre des services de formation et de consultation en informatique;

entre autres choses, les travailleurs donnaient des cours, présentaient des logiciels, concevaient des cours et géraient des projets;

les travailleurs exécutaient normalement leurs fonctions dans les locaux de la payeuse;

les travailleurs fournissaient leurs services sur demande;

les travailleurs étaient payés sur présentation de factures;

le taux de paie des travailleurs était basé sur les cours donnés;

les travailleurs devaient fournir leurs services personnellement;

la payeuse établissait l'horaire de travail des travailleurs;

les évaluations des étudiants étaient effectuées à la fin de chaque cours;

le gros du matériel requis était fourni par la payeuse;

les travailleurs étaient employés par la payeuse aux termes de contrats de louage de services;

la payeuse ne retenait aucune cotisation d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi sur la rétribution des travailleurs.

[3] Au cours de son témoignage, l'appelante a déposé à la Cour des documents décrivant la nature de son travail, ainsi que les modalités de celui-ci telles qu'elle les percevait. La pièce A-1 regroupe quatre messages semblables que Netvision a fait parvenir à Mme Bastasic; bien qu'ils soient datés de 1999, l'intimé ne s'est pas opposé à leur production. Si j'ai bien compris, ils sont représentatifs du genre de demande — orale ou écrite — que l'appelante recevait. En acceptant la demande, elle donnait son consentement à un contrat donné. L'un de ces messages, par exemple, est libellé dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

De : Beth Blackmore@NETVISION le 17.06.99, 13 h 32

À : ivanb@magi.com

cc : Allen McKeown/NetVision Inc.@NetVision

Objet : Margaret — 21 et 22 juin

Veuillez confirmer que vous acceptez d'enseigner le cours suivant :

Cours : Project 98 Intro

Date du cours : 21 et 22 juin

Endroit : 111, promenade Sussex

Personne ressource et numéro de téléphone : Betty Hansis; 244-5300, poste 3477

Instructions spéciales :

(Note du juge : il n'y avait aucune instruction spéciale)

[4] La pièce A-2 contient une copie d'un chèque ainsi que des pièces jointes, y compris la facture de P.P.I. de 603,75 $ datée du 22 septembre 1995 pour un cours sur le logiciel « Lotus » conçu et offert par P.P.I.

[5] Sous la cote A-3, on retrouve des résumés des jours et des heures de travail de l'appelante; y figurent les détails des cours donnés et, surtout, des factures présentées à Oncourse, faisant état du nombre de jours et du taux déjà convenu avec Oncourse pour chaque cours. Ce taux, selon l'appelante, était normalement de 200 $ par jour, mais il variait selon la complexité du cours et la mesure dans laquelle elle devait faire appel à ses compétences et à sa formation spécialisées pour donner le cours. J'ai cru comprendre, d'après son témoignage, qu'elle possédait des compétences uniques pour plusieurs des cours exigés par les clients de Oncourse.

[6] La pièce A-4 est une carte professionnelle indiquant que l'appelante est « monitrice associée » de P.P.I.

[7] L'appelante a souligné plusieurs points, dont les suivants :

Elle a produit ses déclarations de revenus à titre d'entrepreneuse et non à titre d'employée.

Elle est dans les « affaires » , à son avis, depuis plusieurs années (depuis environ 1987) et, depuis ce temps, elle a travaillé pour des clients en plus de fournir des services à Oncourse.

Elle a décrit sa formation et ses antécédents professionnels — un dossier certes impressionnant dans le domaine qu'elle a choisi. Elle possède un baccalauréat ès sciences et elle a suivi des cours universitaires en génie civil et chimique.

Vers 1995, Oncourse faisait suffisamment appel à ses services pour qu'elle accepte de lui accorder la priorité, ce qu'elle fait encore aujourd'hui. Cependant, elle se considérait parfaitement libre d'accepter d'autres contrats, particulièrement dans ses domaines de spécialisation, pour lesquels elle avait elle-même créé des routines et des procédures spécialisées. Elle enseignait la plupart du temps chez les clients (soit les clients de Oncourse), mais il lui arrivait fréquemment d'obtenir de nouveaux contrats ou des contrats supplémentaires en raison de la qualité de son travail et des évaluations très satisfaisantes de son enseignement. Elle a décrit sa formation et son perfectionnement spécialisés — acquis à ses frais et pendant ses temps libres — dont elle récolte aujourd'hui les fruits du fait qu'elle est en demande et que chaque mois, elle enseigne le nombre maximal d'heures qu'elle peut accepter. Elle a refusé une offre de P.P.I. de faire partie du personnel permanent à titre d'employée. Elle a demandé et obtenu de la payeuse un taux journalier supérieur à celui des employés. Elle jouissait d'une excellente réputation; on la disait responsable et dévouée, et elle pouvait choisir elle-même ses jours de travail. Au début de chaque cours, elle fournissait son numéro de téléphone personnel et encourageait les participants à communiquer avec elle directement s'ils avaient des problèmes. Ceux-ci pouvant surgir en soirée ou les fins de semaine, il n'y avait souvent personne chez Oncourse pour les régler rapidement.

Il ne lui est arrivé qu'une seule fois de ne pouvoir respecter un engagement; elle a alors envoyé sa soeur donner le cours pour une journée. Elle n'hésiterait pas du tout, si le besoin se présentait de nouveau, à envoyer un remplaçant qualifié, qu'il soit de Oncourse ou de l'extérieur, et elle a convenu qu'elle assumerait les conséquences, bonnes ou mauvaises, d'un tel changement. Cela ne s'est pas produit (sauf à une occasion, mentionnée précédemment) puisque sa formation professionnelle et sa contribution unique au cours étaient presque toujours les raisons pour lesquelles elle acceptait le travail de toute façon.

Essentiellement, si Oncourse l'appelait pour lui offrir de donner un cours en particulier, elle décidait si elle était intéressée; le cas échéant, elle y consacrait toutes ses énergies.

À la fin d'une journée de cours, chaque étudiant rédigeait une « évaluation » , qui était lue et, si nécessaire, passée en revue avec la personne concernée. Le rapport d'évaluation était ensuite remis à Oncourse. L'appelante savait que, si son rendement était jugé insatisfaisant, Oncourse ne la rappellerait pas pour donner le cours de nouveau ou peut-être même la remplacerait-elle pour continuer un cours non terminé. Cela ne s'est toutefois jamais produit.

Elle avait les compétences nécessaires pour apporter des changements mineurs aux programmes informatiques utilisés dans le cadre du cours si des difficultés se présentaient.

Le coût total du cours était négocié entre Oncourse et le client et son rôle se limitait à accepter ou à rejeter le travail offert au taux journalier convenu. Ni son entente avec Oncourse ni son rôle ne changeait du fait de ces négociations avec le client.

[8] Lors du contre-interrogatoire, certains des renseignements qui viennent d'être fournis ont été obtenus de la travailleuse ou précisés par cette dernière, mais l'avocat de l'intimé a utilisé des expressions comme « bureau de la paie » , « assigner » , etc., que l'appelante n'a pas paru juger appropriés dans les circonstances. L'avocat a souligné que Mme Bastasic n'avait apparemment pas annoncé « ses services » , comptant sur Oncourse pour communiquer avec elle. L'appelante a souligné qu'elle n'avait pas besoin de faire de la publicité tant que Oncourse respectait sa part de l'entente et lui fournissait le nombre de contrats convenus — ce que la compagnie avait toujours fait. L'appelante avait trois enfants à la maison et avait déterminé quand elle pouvait accepter du travail de Oncourse afin d'être en mesure d'assumer ses responsabilités familiales. Elle a témoigné qu'elle était parfaitement libre d'accepter ou de refuser les contrats. L'avocat de l'intimé a appelé à témoigner un homme qui avait été un « employé » et un « entrepreneur autonome » à différentes périodes (n'ayant rien à voir avec le présent appel), pendant six mois environ chaque fois. Il a décrit ses modalités de travail chez Oncourse — lesquelles, à mon avis, ont bien plus appuyé la thèse de l'appelante que celle de l'intimé. Il ne travaille plus pour Oncourse en quelque qualité que ce soit. Son témoignage n'a pas permis de résoudre la présente affaire, mais il a quand même été accepté parce qu'il permettait en quelque sorte de situer l'affaire dans son contexte.

Plaidoirie

[9] L'appelante a résumé sa thèse dans des termes succincts :

[TRADUCTION]

Mme Bastasic : La raison pour laquelle je me distingue du témoin et pour laquelle je suis fermement convaincue que je suis une entrepreneuse, c'est que, premièrement, lorsque j'ai été appelée, je n'ai jamais été tenue de passer une entrevue ou un test ou de suivre une formation de moniteur. Je n'ai jamais été obligée de m'inscrire; ils m'appelaient s'ils avaient du travail et me demandaient si je pouvais donner le cours, et quel était mon prix. Je n'avais pas de contrat écrit, ni aucun autre contrat d'exclusivité. J'ai travaillé pour d'autres compagnies au cours de ma relation d'à peu près dix ans avec PPI; j'ai en fait travaillé pour quatre compagnies différentes en même temps pendant la période où je donnais des cours pour PPI.

Je n'ai jamais eu à rencontrer les représentants de la compagnie pour me faire évaluer. Mon prix n'était pas fixe, il était négocié pour chaque contrat. Différentes compagnies me demandent encore de leur faire parvenir mon curriculum vitae pour pouvoir présenter des soumissions au gouvernement en vue d'obtenir des contrats. Je n'ai jamais eu de feuille de présence, il n'y avait que les factures que j'envoyais.

PPI n'a jamais contrôlé mon habillement et elle ne m'a jamais donné de ligne directrice sur la façon de présenter le cours. Elle me remettait le manuel en m'indiquant de quel cours il s'agissait, et, lorsque je me présentais dans la salle de cours et que je fermais la porte derrière moi, il n'y avait plus que le client et moi.

Comme je l'ai déjà dit, ma relation avec PPI était très différente de celle du témoin qui a été appelé à témoigner; cela remonte à près de deux ans. J'ai toujours été une entrepreneuse et, au cours de cette période, j'ai travaillé pour d'autres compagnies. J'ai toujours fait mon possible pour plaire au client car je voulais qu'il revienne.

[10] Pour l'intimé, je me contenterai de reproduire directement certaines parties de la plaidoirie et de faire des remarques sur certaines d'entre elles :

[TRADUCTION]

Monsieur le juge, l'appelante est une enseignante très compétente. Elle a un baccalauréat ès sciences et une formation en génie. Netvision lui faisait confiance, et les évaluations reçues confirment que la compagnie n'avait aucune raison de mettre ses compétences en doute. Le contrôle exercé sur l'appelante était minime, et personne ne s'attendrait à ce qu'il en soit autrement étant donné ses compétences et les services fournis.

Monsieur le juge, nous faisons valoir qu'elle représentait un excellent atout pour la compagnie, laquelle, par conséquent, essayait de satisfaire à ses exigences. La compagnie savait que l'appelante avait trois enfants, et elle faisait preuve d'une grande souplesse sur le plan de l'horaire de travail.

Je ne vois pas très bien comment cela appuie la thèse de l'intimé.

[TRADUCTION]

[...] l'appelante a été engagée par Netvision pour enseigner. Elle donnait des cours, suivait le programme et, même lorsque la compagnie en rajoutait, l'appelante enseignait ce qu'on lui disait d'enseigner.

Je ne crois pas que le témoignage et la preuve permettent de formuler de telles opinions.

[TRADUCTION]

Chaque semaine, on lui disait à qui elle allait enseigner, on l'informait de la matière à enseigner, de la façon de l'enseigner ainsi que de l'heure et de l'endroit où elle allait l'enseigner.

C'est inexact.

[TRADUCTION]

Elle ne pouvait pas aller et venir à son gré. Elle était censée travailler exclusivement pour Netvision, et elle ne pouvait pas confier son travail à un sous-entrepreneur.

C'est inexact.

[TRADUCTION]

[...] [Netvision] dressait un horaire hebdomadaire et assignait un groupe à ses employés. L'établissement de l'horaire pour les remplaçants, si nécessaire, était effectué par la direction de Netvision; il était possible de se faire remplacer à l'interne, mais uniquement par le personnel de Netvision, lequel avait suivi la formation offerte par cette dernière.

Assigner n'est pas le mot qui convient. Il n'y a aucune preuve que les remplaçants ne pouvaient être recrutés qu'au sein du personnel de Netvision.

[TRADUCTION]

Quant au mode de paiement, l'appelante touchait un taux fixe pour chaque cours donné, peu importe le nombre d'étudiants. Il est vrai que, dans certaines situations, le prix variait, mais uniquement en fonction de la difficulté du cours et de l'expérience et du savoir-faire de l'appelante.

Le nombre d'étudiants n'avait rien à voir avec les contrats acceptés par l'appelante — ce sont ses propres mots. Le reste de la déclaration appuie la thèse de l'appelante plutôt que celle de l'intimé.

[TRADUCTION]

[...] l'appelante présentait des factures uniquement pour que le bureau de la paie puisse contrôler le nombre de cours effectivement donnés et ainsi simplement confirmer le nombre d'heures de l'appelante et le mode de paiement de cette dernière.

Il n'y a aucune preuve de l'existence d'un « bureau de la paie » , seulement de factures pour les services fournis. Et ce seul élément ne pourrait pas établir l'existence d'un « contrôle » , même s'il y avait un « bureau de la paie » .

[TRADUCTION]

Nous faisons valoir, Monsieur le juge, que le cours que l'appelante a mentionné est un cours très spécialisé et très avancé duquel elle a tiré profit — elle a admis qu'elle essayait de se perfectionner et qu'elle le faisait à ses propres risques et pour son avantage personnel. C'est pourquoi Netvision ne voulait pas payer pour ce cours.

C'est exactement la raison pour laquelle l'appelante considère que cet élément fait pencher la balance en faveur de sa thèse.

[TRADUCTION]

[...] Netvision fournissait les locaux et le matériel, c'est-à-dire les ordinateurs, les salles de cours et les manuels. Lorsque l'appelante enseignait dans les locaux des clients, ceux-ci fournissaient la salle de cours et les ordinateurs; toutefois, l'appelante apportait le manuel de Netvision sur les lieux.

L'appelante s'acquittait de sa fonction principale à l'endroit choisi par le client, chez qui elle enseignait — elle passait peu de temps au bureau de Netvision. Je ne crois pas qu'un manuel de base — auquel l'appelante faisait des ajouts selon les circonstances — soit un « instrument de travail » au sens de la jurisprudence pertinente.

[TRADUCTION]

Netvision faisait la publicité des services qu'elle offrait. Elle négociait avec le client. Elle fixait le prix facturé au client. Elle percevait également elle-même le montant réclamé au client.

Cela va de soi.

[TRADUCTION]

[...] l'entreprise était clairement celle de Netvision.

Évidemment, la partie du contrat de travail concernant Netvision était l'entreprise de Netvision. Mais en quoi cela empêche-t-il l'appelante d'avoir elle aussi sa propre « entreprise » ?

[TRADUCTION]

[...] J'aimerais souligner que nous croyons que, si aucune retenue n'a été faite au titre de l'impôt sur le revenu ou des cotisations à l'assurance-chômage sur les montants versés à la travailleuse, c'est parce que c'est ainsi que la compagnie fonctionnait à l'époque. Cependant, lorsque cette dernière a fait l'objet d'une évaluation par Revenu Canada, elle a changé de méthode.

C'est peut-être une bonne chose à savoir, mais il n'y a aucune preuve qui étaye cette affirmation. La Cour sait seulement que Netvision a retiré son appel à cet égard. On peut se demander s'il convient de soulever cet élément au procès, ou même dans le cadre de la plaidoirie. De plus, il n'influe aucunement sur le droit de l'appelante en l'espèce de poursuivre l'appel, d'après moi.

[TRADUCTION]

Dans la présente affaire, on assignait à l'appelante des cours ou des programmes à l'égard desquels Netvision s'occupait de l'organisation, de la publicité, de la structure, de l'établissement de l'horaire et du financement. L'appelante ne pouvait confier ses tâches à un sous-entrepreneur, ni ajouter des participants de l'extérieur. Elle ne risquait pas de subir des pertes puisqu'elle touchait un taux fixe, peu importe le nombre d'étudiants participant au cours.

Les éléments avancés ici n'ont pas été établis au procès. Le nombre d'étudiants n'avait aucun lien avec le rôle convenu dans le cadre du contrat accepté par l'appelante.

[TRADUCTION]

[...] elle n'a même pas essayé de trouver d'autres clients, des clients potentiels, en faisant de la publicité — en faisant de la publicité ou quelque chose de semblable.

L'appelante a suffisamment bien expliqué sa situation, et il ne semble exister aucune raison de chercher d'autres contrats — si l'on exclut les restrictions et les modalités convenues avec Netvision.

[11] L'avocat de l'intimé a fourni à la Cour un certain nombre de décisions qui, toutes, se distinguent nettement du présent appel ou l'appuient de façon générale.

Conclusion

[12] Je renvoie à d'autres affaires récentes de la Cour :

Les Restaurants Masalit Inc. et La Reine, 98-861(UI), Q-Ponz Inc. et La Reine, 98-917(UI), et Royal Sales and Leasing Inc., 98-434(UI).

[13] À mon avis, l'appelante a plus que suffisamment étayé sa thèse en ce qui concerne les ententes conclues avec Netvision. L'intimé n'a produit guère d'éléments de preuve, si tant est qu'il en ait produits, étayant une thèse opposée.

[14] Les appels sont accueillis et les évaluations sont annulées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour d'août 1999.

« D. E. Taylor »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour de juin 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.