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Date: 20000712

Dossier: 1999-1042-IT-I

ENTRE :

SALVATORE MARCELLINO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Les appels dont il s’agit ont été entendus à Toronto (Ontario) le 8 juin 2000.

Point en litige

[2] Dans ces appels, la question est de savoir si l’appelant est en droit de déduire des frais relatifs à un emploi de 15 121 $ pour 1994 et de 19 231 $ pour 1995.

FAITS

[3] Au cours des années en question, l’appelant travaillait comme vendeur à commission pour Plaza Pontiac Buick Limited, près de Toronto. Pour 1994, il a déclaré un revenu total de 69 828 $ incluant un revenu de commissions de

60 406 $. Pour 1995, il a déclaré un revenu total de 83 189 $ incluant un revenu de commissions de 74 617 $. Il a déduit des frais relatifs à un emploi de 15 121 $ pour 1994 et de 19 231 $ pour 1995.

[4] Par des avis de nouvelle cotisation en date du 8 septembre 1997, le ministre a établi à l’égard de l’appelant pour les années 1994 et 1995 de nouvelles cotisations dans lesquelles il a refusé 100 p. 100 des frais déduits, au motif que l’appelant était incapable de présenter des reçus, des livres et des registres appropriés prouvant les dépenses comme l’exige l’article 230 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”).

[5] L’explication de l’appelant quant à la raison pour laquelle il était incapable de produire des reçus, des livres et des registres était que, de 1992 à 1996 au moins, son épouse était très malade, souffrant du syndrome de fatigue chronique et de problèmes connexes d’ordre physique et mental, et a apparemment jeté ou perdu lesdits reçus et registres.

[6] Pour 1995, l’état des dépenses d’emploi de l’appelant (voir l’annexe “ A ” de la réponse à l’avis d’appel) indique ce qui suit :

[TRADUCTION]

DÉPENSES

Frais juridiques et comptables

450,00 $

Publicité et promotion 62 x 100 bons-cadeaux

6 200,00 $

Frais de véhicule à moteur admissibles (indiqués à la ligne 16 ci-dessous)

3 813,94 $

Frais de repas et de boissons et frais de représentation (voir les chapitres 2, 3 ou 5, selon le cas)

13 949,22 $ x 50 % =

6 974,61 $

Logement

Frais de stationnement

125,00 $

Fournitures (p. ex. frais de poste, papier, autres fournitures)

392,77 $

Autres frais (précisez) Téléphone de voiture

1 274,83 $

Frais liés à un instrument de musique (voir la “ partie 2 ” du chapitre 6)

Déduction pour amortissement pour des instruments de musique (voir la “ partie A ” au verso du formulaire)

Dépenses d’emploi des artistes (voir la “ partie 1 ” du chapitre 6)

Total partiel

19 231,15 $

Frais de bureau à domicile — inscrivez le moins élevé des montants des lignes 24 et 25 ci-dessous

TOTAL DES DÉPENSES (inscrivez ce montant à la ligne 229 de votre déclaration de revenus)

19 231,15 $

CALCUL DES FRAIS DE VÉHICULE À MOTEUR ADMISSIBLES

Inscrivez les kilomètres que vous avez parcourus dans l’année d’imposition pour gagner un revenu d’emploi

29 275 $

Inscrivez le total des kilomètres que vous avez parcourus dans l’année d’imposition

34 642 $

Inscrivez les frais que vous avez payés pour le véhicule à moteur :

Carburant et huile

1 839,42 $

Entretien et réparations

443,64 $

Primes d'assurance

360,00 $

Droits d'immatriculation et de permis

90,00 $

Déduction pour amortissement (voir l’annexe au verso)

Intérêts (voir “ Frais d’intérêt ” au chapitre 7)

Frais de location (voir “ Frais de location ” au chapitre 7)

Autres frais (précisez)

490,00 $

Additionnez les lignes 5 à 12

3 223,06 $

13

Partie des dépenses liée à un emploi

(ligne 3 29 275 $) x ligne 13

(ligne 4 34 642 $)

3 813,94 $

3 813,94 $

14

15

Inscrivez le total des ristournes, des allocations et des remboursements que vous avez reçus et qui ne sont pas inclus dans le revenu. N'incluez pas les remboursements qui ont servi à calculer vos frais de location à la ligne 11.

Frais de véhicule à moteur admissibles (ligne 14 moins ligne 15)

3 813,94 $

Inscrivez le montant de la ligne 16 à la ligne 1 dans la partie “ Dépenses ” ci-dessus.

[7] Pour 1994, aucun état des dépenses d’emploi n’a été présenté, mais il est reconnu que le montant des dépenses qui avait été indiqué était de 15 121 $.

[8] Pour chacune des années, l’employeur a fourni le formulaire T-2200 comme l’exige le paragraphe 8(10) de la Loi à l’égard d’une demande de déduction de dépenses d’emploi.

ARGUMENTS DE L’APPELANT

[9] L’appelant soutient que l’importance du revenu de commissions qu’il a gagné en 1994 et en 1995 montre en soi qu’il doit avoir engagé des dépenses pour gagner ces commissions. En d’autres termes, il est déraisonnable de ne pas admettre 100 p. 100 des dépenses. L’appelant a en outre expliqué qu’il ne pouvait produire de reçus, livres et registres parce que son épouse, qui était malade, avait jeté ou perdu ces documents.

ARGUMENTS DE L’INTIMÉE

[10] L’intimée soutient que les dépenses non admises n’ont pas été engagées ou, si elles ont été engagées, qu’elles ne l’ont pas été en vue de tirer un revenu d’un emploi. Subsidiairement, elle soutient que les dépenses n’étaient pas raisonnables dans les circonstances au sens de l’article 67 de la Loi. L’avocate de l’intimée soutient que l’appelant a la charge de prouver que les nouvelles cotisations en cause étaient erronées. Comme l’appelant n’a produit aucun reçu ou registre, il ne s’est pas acquitté de ce fardeau de la preuve, et les appels devraient être rejetés.

ANALYSE ET DÉCISION

[11] Je suis parfaitement au courant de l’article 230 et de l’exigence qui y est énoncée, à savoir qu’un contribuable doit tenir des livres et registres appropriés. En outre, je sais pertinemment que, dans notre régime d’autocotisation, c’est le contribuable qui a le fardeau de prouver que les nouvelles cotisations en cause étaient erronées. Pour les raisons suivantes, je ne vais toutefois pas trancher les appels en me fondant simplement sur le fait qu’aucun reçu, livre ou registre n’a été présenté :

1. Je reconnais la crédibilité de l’appelant, et notamment son explication quant à la raison pour laquelle il était incapable de produire les reçus, livres et registres. Son épouse était très malade, comme l’indique la documentation présentée, y compris des rapports de médecins (pièce R-1) qui décrivent l’état de l’épouse de l’appelant, ainsi que les médicaments forts qu’elle prenait.

2. Je conviens avec l’appelant qu’il n’est pas raisonnable de conclure qu’il n’avait aucuns frais, notamment vu l’importance des commissions qu’il a gagnées en 1994 et en 1995.

[12] La principale disposition pertinente de la Loi est l’alinéa 8(1)f), qui reconnaît la déductibilité de dépenses d’emploi pourvu qu’il soit satisfait à un certain nombre de conditions. Ces conditions sont les suivantes :

1) Le contribuable doit avoir été, au cours de l’année d’imposition, employé pour remplir des fonctions liées à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur.

2) Le contribuable devait être tenu, en vertu de son contrat, d’acquitter ses propres dépenses.

3) Le contribuable devait être habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur.

4) La rémunération du contribuable devait consister en tout ou en partie en commissions ou autres rétributions semblables fixées par rapport au volume des ventes effectuées ou aux contrats négociés.

5) Les sommes déduites ne peuvent dépasser les commissions ou autres rétributions semblables reçues par le contribuable au cours de l’année.

6) Le contribuable ne recevait pas, relativement à une période où il était employé pour remplir des fonctions liées à la vente de biens ou à la négociation de contrats, une allocation pour frais de déplacement qui, en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(v), n’était pas incluse dans le calcul de son revenu.

7) Pour les années d’imposition 1990 et suivantes, il faut que les dépenses ne soient pas des montants dont le paiement a entraîné la réduction du montant des frais pour droit d’usage d’une automobile qui seraient inclus par ailleurs dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année.

[13] Je suis convaincu sur la foi de la preuve que l’appelant satisfait bel et bien aux conditions énoncées à l’alinéa 8(1)f).

[14] Je me trouve toutefois devant deux difficultés. Tout d’abord, les dépenses devraient-elles être admises en totalité ou seulement en partie à cause de l’absence de reçus, livres et registres. Je renvoie à trois décisions que Guy Tremblay C.G.A., a rendues comme membre de la Commission de révision de l’impôt. Dans l’affaire Mathieu v. M.N.R., 78 DTC 1474, la Commission était disposée à admettre 50 p. 100 des dépenses estimatives légitimes engagées par le vendeur, malgré l’absence d'une documentation appropriée. La Commission a toutefois rejeté l’appel parce que cette proportion de 50 p. 100 coïncidait avec ce que le ministre avait admis. Il reste cependant que la Commission était disposée à admettre 50 p. 100 des dépenses. Dans l’affaire Mercure v. M.N.R., 78 DTC 1165, un vendeur s’était vu refuser la déduction de diverses dépenses à l’égard desquelles il n’avait fourni aucune pièce justificative. La Commission a examiné la question et a au bout du compte admis 20 p. 100 desdites dépenses. Dans l’affaire Garneau v. M.N.R., 78 DTC 1314, presque toutes les dépenses ont été admises, malgré le fait que le contribuable ne pouvait produire de reçus, son épouse les ayant par inadvertance jetés lors d'un déménagement.

[15] Je conclus qu’il est juste et raisonnable d’admettre 70 p. 100 des dépenses, à l’exclusion toutefois des frais comptables de 450 $ pour 1995. Cette exclusion est attribuable au fait que l’appelant a expliqué que tel est le montant qu’il a versé à son comptable pour qu'il l’aide dans ses déclarations de revenus et dans ses tentatives pour régler des questions avec Revenu Canada. Ainsi, il ne s’agissait pas d’une dépense engagée en vue de tirer un revenu d’une charge ou d’un emploi et cette dépense n’est pas admise. De plus, le calcul des frais de véhicule à moteur admissibles contenu dans l’état (annexe “ A ” de la réponse à l’avis d’appel) est inexact. Le montant approprié des frais de véhicule à moteur admissibles doit être déterminé comme suit :

29 275 $ x 3 223,06 $

34 642 $

Cela donne 2 723,71 $, soit 1 090,23 $ de moins que le montant de 3 813,94 $ déduit. Ainsi, pour 1995, les dépenses d’emploi admises représentent 70 p. 100 de 19 231,15 $, moins (450 $ + 1 090,23 $) = 12 384 $.

[16] Ma seconde difficulté concerne l'année 1994, car aucun état de dépenses d'emploi n'a été présenté pour cette année-là. L'avocate de l'intimée n'a toutefois pas contesté le montant déduit pour 1994, soit 15 121 $, et je suis donc disposé à admettre 70 p. 100 de ce montant, soit 10 584,70 $.

[17] Je conclus que les montants ainsi rajustés sont raisonnables vu l'importance des commissions gagnées par l'appelant.

[18] En conclusion, les appels sont admis et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement, de sorte que les dépenses d'emploi pouvant être déduites par l'appelant sont de 12 384 $ pour 1995 et de 10 584,70 $ pour 1994.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juillet 2000.

“ T.P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de janvier 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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