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Date: 20000405

Dossiers: 97-3385-IT-G; 97-3243-IT-I

ENTRE :

GEORGE RAYMOND ALLEN et HELEN ALLEN,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Il a été convenu au départ que les présentes causes seraient entendues sur preuve commune et que la preuve produite dans la cause de George Raymond Allen serait prise en considération dans la cause de Helen Allen, s'il y a lieu.

[2] En ce qui a trait à l'appelante, Helen Allen, elle avait indiqué une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (“ PDTPE ”), ainsi que des pertes autres qu'en capital reportées rétrospectivement sur des années antérieures à l'année d'imposition 1995. Le ministre n'a admis ni la PDTPE ni les pertes autres qu'en capital.

[3] Pour ce qui est de l'appelant, George Raymond Allen, il avait indiqué, dans le calcul de son revenu de l'année d'imposition 1995, une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (“ PDTPE ”) relativement à l'entité Cloud 9 Enterprises Limited (ci-après appelée la “ société ” ou “ Cloud 9 ”). Le ministre n'a pas admis cette perte.

[4] Dans les deux cas, le ministre considérait qu'il n'y avait aucune justification des pertes.

Preuve

[5] M. George Raymond Allen a témoigné que ce qui est soutenu dans l'avis d'appel est exact et qu'il est d'accord pour l'essentiel sur la réponse à l'avis d'appel, sauf concernant le paragraphe 5, selon lequel aucune preuve n'a été présentée pour justifier la PDTPE qui a été indiquée par l'appelant et qui est en cause dans la présente affaire. L'appelant a déclaré qu'il avait bel et bien subi cette perte et qu'il s'agissait d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa forme modifiée (la “ Loi ”). En outre, l'appelant niait avoir été l'objet d'une cotisation exacte comme le prétend le ministre au paragraphe 8 de la réponse à l'avis d'appel.

[6] L'appelant a dit que Cloud 9 avait d'abord été une société de personnes et qu'elle avait ensuite été constituée en société par actions, par un avocat. Le beau-frère de l'appelant, Fred Churchill, détenait 50 p. 100 des actions, et l'épouse de l'appelant, Helen Allen, en détenait également 50 p. 100. Ultérieurement, cela a été modifié, de sorte que l'appelant détenait 25 p. 100 des actions et que Helen Allen en détenait également 25 p. 100; je présume que les 50 p. 100 restants étaient encore détenus par le beau-frère de l'appelant. L'épouse de l'appelant, Helen, était en outre la secrétaire de la société; Fred Churchill était le président de la société, dont il était également l’un des administrateurs. Le financement a été entièrement fourni par l'appelant et son épouse, qui ont, à cette fin, emprunté sur leurs polices d'assurance-vie, obtenu de l'argent grâce à leurs REER, obtenu des marges de crédit et hypothéqué leur maison. L'appelant était le directeur de l'entrepôt de la société et était chargé des activités de réception et d'expédition, ainsi que du contrôle des stocks; il faisait en outre fonction de chauffeur.

[7] L'entreprise de la société consistait à vendre en gros des articles cadeaux, des jouets, des objets en cristal et des articles de fêtes. Les clients de la société étaient des boutiques d'hôpital et des épiceries de quartier exploitées dans des villes de l'Est de l'Ontario, dont Ottawa, Pembroke, Sarnia, Barry et Toronto. Six à dix personnes travaillaient pour la société, outre M. Allen et Fred Churchill. Il y avait un chef de bureau. Tous, sauf le chef de bureau, étaient vendeurs à commission. L'entreprise était située à l'adresse suivante : 528, Gordon Baker Road, North York Industrial Unit. George Raymond Allen était là cinq jours sur sept. Il ne s'occupait pas des activités financières quotidiennes, mais il consentait des avances de fonds. Il avait investi dans l'entreprise non seulement au départ, mais aussi par la suite. Au début, il investissait de l'argent dans l'entreprise chaque semaine. Il a emprunté 100 000 $ sur hypothèque, soit une hypothèque sur sa maison. Chaque fois que la société avait besoin d'argent, son beau-frère lui en demandait; M. Allen et son épouse ont ainsi investi plus de 300 000 $ dans la société. L'argent a été investi par les deux conjoints, et la maison était au nom des deux.

[8] M. Allen s'attendait que son investissement rapporte des bénéfices après trois à quatre mois; les intéressés s'attendaient à un profit de 50 p. 100 dans les deux premières années, notamment grâce à la période de Noël. Ils estimaient avoir un personnel compétent, et le beau-frère de M. Allen avait de l'expérience en affaires, ayant déjà oeuvré dans le domaine de la vente et ayant déjà eu sa propre entreprise, qu'il avait exploitée avec succès. Il s'agissait d'un magasin de vêtements. Parfois, M. et Mme Allen établissaient des projections, toutes les quatre ou cinq semaines environ. Ils n'ont jamais recouvré l'argent qu'ils avaient investi dans la société. Au cours de la première partie de l'été 1995, les ventes ont chuté, et l'entreprise ne recevait pas de commandes de la part de magasins.

[9] Les parties ont de consentement déposé la pièce A-1, soit un document faisant état de l'hypothèque consentie sur la maison des appelants pour garantir le prêt de 100 000 $ de la Banque de Montréal. Ce document est daté du 14 décembre 1994. Cette somme avait été versée dans le compte de Cloud 9 et a été totalement utilisée.

[10] Ce témoin a reconnu l’onglet 4 de la pièce A-1, soit de la documentation relative à la marge de crédit personnelle de 25 000 $, dont George et Helen Allen s’étaient portés garants. La documentation est datée du 29 janvier 1994. Cet emprunt avait été fait en vue de lancer l'entreprise. L'argent provenait du compte personnel de M. Allen. Celui-ci s'en servait aux fins de Cloud 9. Il tirait des chèques sur son compte personnel.

[11] Il a également reconnu l’onglet 5 de la pièce A-1, qui fait état d'un prêt en date du 28 février 1995 destiné à l'amélioration de l'entreprise, soit un prêt de 28 765 $ à taux d'intérêt variable. Ce témoin ne semblait guère en savoir davantage à ce sujet.

[12] Il a aussi reconnu un document figurant à l’onglet 6, soit un prêt de 35 000 $ de la Banque de Montréal. Il a dit que ce prêt était garanti par une hypothèque consentie sur la maison. Le document est daté du 18 mars 1995. Cette somme a été intégralement investie dans l'entreprise.

[13] On a en outre renvoyé le témoin à l’onglet 7, qui se rapporte à une somme de 15 705,88 $. Il a dit que cette somme avait été empruntée par son épouse et lui et investie dans l'entreprise. Ils avaient emprunté cette somme sur leurs polices d'assurance-vie. La somme avait probablement été directement déposée dans le compte d'affaires, mais il est possible qu'elle ait été déposée dans leur propre compte d'abord, puis dans celui de l'entreprise.

[14] On a également renvoyé le témoin à l’onglet 8 concernant des retraits de REER, soit des retraits de ses propres comptes se situant entre 75 000 $ et 76 000 $. Il a dit qu'il retirait ainsi de l'argent toutes les deux ou trois semaines. Tout cet argent a été investi dans la société, aux fins de celle-ci.

[15] On a aussi renvoyé le témoin à l’onglet 9, soit des documents confirmant les mesures que la banque avait prises lorsqu'elle avait rappelé les prêts. Le témoin a dit que la maison a été vendue l'été dernier et qu'elle était grevée d'une hypothèque de 185 584,63 $. D'autres sommes ont également été investies dans la société, par exemple une avance de 10 000 $ que l'épouse de M. Allen a consentie sur son compte de CPG. Une autre somme de 10 000 $ a également été investie dans la société, soit des fonds provenant du produit d'une police d'assurance.

[16] Les appelants n'ont recouvré aucune partie des avances qu'ils avaient consenties pour assurer la continuation de l'entreprise. L'épouse de M. Allen travaillait à l'époque. C'est son argent qu'ils utilisaient pour vivre.

[17] M. Allen a reconnu un compte figurant à l’onglet 10, soit, disait-il, le compte que son épouse avait au Trust National. C'était un compte d'épargne. M. Allen a aussi reconnu des duplicatas de chèques figurant à l’onglet 11, ainsi que sa marge de crédit, d’après un document figurant à l’onglet 12. Il a dit que toutes ces dépenses étaient des dépenses d'entreprise payées directement au moyen des chèques qu’ils avaient faits. Il ne s'agissait pas de dépenses personnelles.

[18] L'activité quotidienne de la société était dirigée par Fred Churchill et M. Fox. Il y avait en outre un teneur de livres, soit Terry Placey. La société tenait des réunions mensuelles. M. Allen a qualifié les résultats de l'exploitation d’“ échec monumental ”. Au mois de décembre 1995, la société a cessé ses activités. En mars et avril 1995, ils avaient atteint le seuil de rentabilité et étaient optimistes. Avant cela, ils avaient perdu de l'argent. Toutefois, la société ne générait pas les ventes dont ils avaient besoin pour rester en affaires. L'année 1995 s'est révélée la pire année que l'on ait connue depuis des décennies dans le domaine du commerce de détail. La société était jeune, et ils n'ont pu tenir le coup. Ils ont fermé l'entreprise.

[19] Des sommes leur étaient dues par des clients. Certaines de ces sommes ont été recouvrées. Il y avait aussi des clients qui avaient dû fermer boutique, et les comptes correspondants n'ont pu être recouvrés. Ils cherchaient à vendre les actifs restants mais n'y parvenaient pas. Le produit tiré de ces opérations a servi à payer des factures de la société. Ils n'ont pas fait faillite. La société a été liquidée ou dissoute.

[20] Le témoin croyait que la société avait produit une déclaration d'impôt pour l’année 1995. Sa propre déclaration d'impôt sur le revenu avait été produite par Terry Placey, le comptable. Celui-ci avait calculé la PDTPE. Il avait simplement additionné les sommes totales investies dans la société. Le témoin a obtenu un remboursement de 35 000 $ de Revenu Canada, en deux ou trois chèques. Tout cet argent a servi à payer des factures de la société. Le témoin a dit qu'il remboursait encore aujourd’hui certaines dettes de la société.

[21] Au cours du contre-interrogatoire, on a renvoyé le témoin à la pièce R-1 du recueil de documents de l'intimée. Il a reconnu sa déclaration d'impôt figurant à l’onglet 4, dans laquelle il avait indiqué un montant de 155 000 $ comme PDTPE. On l'a également renvoyé au questionnaire figurant à l’onglet 5. Il ne l'avait pas rempli.

[22] On lui a en outre montré des lettres figurant aux onglets 6 et 7, dans lesquelles on lui demandait de fournir des renseignements; il a admis qu'il ne les avait pas fournis; il affirmait toutefois avoir bel et bien envoyé l'information mentionnée aux onglets 8, 9, 10 et 11.

[23] Le document figurant à l’onglet 13 est l'avis d'opposition de M. Allen. Cet avis faisait état de registres qu'ils allaient envoyer et qu'ils n'ont pas envoyés. En ce qui a trait à l'entité en question, M. Allen a déclaré que Cloud 9 était initialement une société de personnes, qui était exploitée à petite échelle depuis 1993. Son épouse, son beau-frère et lui-même étaient les associés. Il a également reconnu le document figurant à l’onglet 2 de la pièce R-1, soit une déclaration d'impôt de 1993 indiquant qu'il n'avait eu aucun revenu.

[24] Cloud 9 était devenue une société à responsabilité limitée le 20 octobre 1994. Certains actifs avaient été cédés à celle-ci par la société de personnes. Ces actifs n'avaient pas été payés. La société avait acheté un véhicule automobile Nissan et une camionnette qui avaient été payés par l'appelant.

[25] On a renvoyé l'appelant à l’onglet 1 de la pièce A-1, et il a dit que Fred Churchill et Helen Allen étaient actionnaires. On lui a demandé quel document indiquait qu'il détenait une participation de 25 p. 100 dans la société, et il a indiqué qu'aucun document semblable ne figurait là-dedans. Les appelants avaient décidé d’accroître leurs activités. Ils avaient discuté de plans d'entreprise avec Fred Churchill. Il leur fallait démontrer à la banque qu'ils avaient un bon plan s’ils voulaient obtenir des prêts.

[26] L'appelant était d'accord sur le contenu de l’onglet 12 de la pièce A-1, à la dernière page. Il avait fourni ces renseignements au comptable. La société à responsabilité limitée Cloud 9 vendait le même type de produits que celui que la société de personnes avait précédemment vendu, et les prix n'avaient pas beaucoup augmenté. Les appelants avaient initialement investi dans la société une somme de 30 000 $ à 40 000 $, qu'ils ont incluse dans le calcul de leur PDTPE.

[27] Cloud 9 ne payait pas M. Allen pour son travail ou pour son expertise, son domaine d’expertise étant le graphisme. Il était devenu le directeur d'entrepôt en 1993 et avait occupé ce poste jusqu’à la fermeture de la société. Il ne recevait pas de paye pour son travail. Il a reconnu sa déclaration d'impôt de 1994, figurant à l’onglet 3 de la pièce R-1. Cette déclaration n'indiquait aucun revenu provenant de Cloud 9 et aucun paiement pour services rendus à Cloud 9. M. Allen a bel et bien reconnu un chèque, soit le chèque no 256, et a indiqué qu'il s'agissait d'un salaire qu'il avait reçu de la société pour la période du 15 au 30 juin 1995, soit un montant de 800 $. Il a admis qu'il avait touché des prestations d'assurance-chômage au cours des années 1993, 1994 et 1995 et il a renvoyé à des déclarations figurant à la pièce R-2. Il a admis qu'il n'oeuvrait pas dans le domaine du prêt d'argent. En janvier 1996, il avait bel et bien consulté un expert en faillite. La société a été liquidée en décembre 1995.

[28] Malgré cela, M. Allen a reconnu la pièce R-3 et des bons de commande de Cloud 9. Certaines de ces commandes ont été livrées après la fin de l'exploitation de l'entreprise. Ils avaient déjà les produits commandés et essayaient de recouvrer l'argent.

[29] En ce qui a trait aux comptes bancaires, M. Allen a dit que Cloud 9 en avait un à la Banque Royale. En décembre 1995, aucune somme n'était due. Il y avait en outre une MasterCard de la Banque de Montréal pour Cloud 9. M. Allen a reconnu la pièce R-4, qui indiquait que, au 31 janvier 1996, le compte avait un solde créditeur de 24,26 $, chiffre sur lequel il était d’accord. La pièce R-5 faisait état d’un compte détenu à la Banque Royale indiquant un solde créditeur de 4 303,17 $ au 5 janvier 1996; M. Allen a confirmé que ce montant était exact. Il a indiqué qu'il y avait un compte d'affaires à la Banque de Montréal, une marge de crédit, et que cela était garanti par l'hypothèque consentie sur la maison.

[30] L’onglet 9 de la pièce A-1 était un avis d'intention de faire valoir une réclamation, soit un avis adressé à M. Allen seulement. La banque n'avait mis un terme à la marge de crédit de M. Allen qu'en mars. Malgré le fait que l'avis n'était adressé qu'à lui, il a dit que ce document était au nom des deux conjoints. Cloud 9 n'était pas insolvable en mars 1996, puisqu'elle avait plus de 4 000 $ dans le compte.

[31] Pour ce qui est du compte que Cloud 9 avait à la Banque Royale, il a déclaré qu'il était signataire autorisé aux fins de ce compte. Il n'arrivait pas à se rappeler s'il avait fait des chèques au porteur, mais on lui a montré la pièce R-6, soit un chèque au porteur d'un montant de 395 $ en date du 27 mai 1996. Il a reconnu que sa signature y figurait, ainsi que celle de son épouse, et que celui-ci avait été encaissé. On lui a demandé si d'autres chèques avaient été faits à son nom en 1995 et en 1996 en déduction des prêts qu'ils avaient consentis, et il a dit qu'il ne parvenait pas à s'en souvenir. Ce qui était possible.

[32] On lui a également montré un chèque en date du 23 mai 1996 libellé à son nom et signé par lui-même et par Fred Churchill. On lui a demandé pourquoi ce chèque avait été fait. Il a affirmé que c'était pour des frais d'automobile engagés à l'époque où ils essayaient de recouvrer de l'argent. Cela avait un rapport avec la fermeture de la société.

[33] On l'a renvoyé au montant de 155 000 $ indiqué comme PDTPE, et on lui a demandé comment il était arrivé à ce chiffre. Il a dit qu'ils avaient calculé qu’il s’agissait du montant qui leur était dû. Les documents qu'ils avaient fournis indiquaient que les sommes totalisaient ce montant. Ils n'avaient pas de documents précis quant aux avances personnelles accordées, mais il avait fourni l'argent à la société à responsabilité limitée. Dès le début, il avait joué un rôle dans les mesures à prendre pour lancer l'entreprise et la maintenir en activité. Il ne croyait pas que d'autres chèques avaient été émis après le 2 mai 1996.

[34] On lui a en outre demandé s'il avait fait un choix en vertu de l'article 51 de la Loi, et il a dit qu'il ne le savait pas. Il n'avait conclu aucune entente avec Cloud 9 avant de garantir les prêts et a fait valoir qu'aucune contrepartie n'avait été donnée. Il n'avait rien fait pour ravoir l'argent à la fin de 1995. On lui a demandé pourquoi il avait conclu qu'il ne pourrait recouvrer l'argent, et il a dit que la société à responsabilité limitée n'avait rien que l'on puisse prendre. Il n'avait rien fait d'autre.

[35] En ce qui a trait à la documentation, on l'a pressé de démontrer que l'argent provenant de son REER et de ses assurances avait été investi dans Cloud 9. Il a dit que, à certaines occasions, l'argent avait été déposé dans son propre compte d'abord, puis dans celui de Cloud 9. D'autres fois, l'argent allait directement dans le compte de Cloud 9. Il n'y avait aucune entente pour ce qui est des intérêts. Lorsque la société aurait eu de l'argent, ils l’auraient recouvré. Ils avaient simplement additionné toutes les sommes que leur devait Cloud 9 et avaient divisé ce montant par deux, pour l'appelant et son épouse. Fred Churchill n'avait pas investi d'argent dans la société, et l'appelant ne lui en avait pas demandé.

[36] On a montré à l'appelant la pièce R-7, concernant le compte détenu à la Banque de Commerce, et il a précisé qu'il s'agissait du registre des dépôts faits dans son compte personnel. On lui a montré certains billets de dépôt relatifs à la période allant du 26 septembre au 8 décembre 1995, et il les a reconnus. Il a dit qu'ils correspondaient à des prêts d'actionnaire qu'il avait consentis à la société. Il a reconnu les onglets 3 et 6 de la pièce A-2, concernant les avances de 100 000 $ et de 35 000 $. Les conditions étaient les mêmes, et il garantissait les dettes courantes et à venir de la société. Il avait obtenu l'avance de fonds et l'avait déposée dans le compte de Cloud 9. On lui a demandé où le registre indiquait les dépôts, et il a dit qu'ils laissaient cette preuve à son comptable. Il ignorait pourquoi la banque ne s'en était pris qu'à lui. Il a dit que le montant de 135 000 $ avait été payé à la banque après mars 1996 et qu'il le considérait comme faisant partie de la PDTPE. Il n'y avait aucune entente particulière avec Cloud 9 au sujet de ce montant ou du montant de 185 000 $.

[37] Il a reconnu le document figurant à l’onglet 5 de la pièce A-1, faisant état d’un prêt de 28 765 $ accordé à Cloud 9. Il a d'abord déclaré qu'il ne savait pas si la banque avait pris des mesures contre Cloud 9. Ensuite, il a dit qu'elle l'avait fait en 1996, après la fermeture.

[38] La banque avait repris possession de la voiture et l'avait vendue, et son épouse et lui avaient dû payer une légère différence. Il ne savait pas exactement quand cela avait eu lieu, mais il a dit que c'était en 1996.

[39] On l'a pressé d'expliquer comment il savait si certaines sommes étaient pour eux personnellement ou pour la société, mais il n'a pu être précis. Ils avaient été incapables d'obtenir les relevés bancaires.

[40] Au cours du réinterrogatoire principal, il a dit que les documents figurant aux onglets 13 à 16 de la pièce A-1 avaient été établis par le teneur de livres. Encore là, il a confirmé que l'on était arrivé à la PDTPE en additionnant les paiements de prêts bancaires, les paiements de REER, les prêts sur assurances et toutes les sommes des comptes personnels, puis en divisant par deux le montant ainsi obtenu.

[41] Helen Allen a témoigné qu'elle connaissait bien Cloud 9 et qu'elle était secrétaire-trésorière de cette société. Elle signait des chèques pour la société. Elle était en outre une des actionnaires, mais elle n'était pas une employée. Elle était devenue secrétaire-trésorière en novembre 1994. Fred Churchill était le président, et George Allen était le directeur de l'entrepôt. Mme Allen détenait 50 p. 100 des actions de la société, mais elle ne savait pas combien d’actions cela représentait. Elle ignorait combien d'actions avaient été émises. Elle avait payé ses actions; elle n’a cependant pu se rappeler combien elle les avait payées.

[42] Puis elle a dit qu'elle-même, son frère et son époux étaient actionnaires. Son époux était devenu actionnaire environ trois mois après la création de la société. Son époux et elle avaient investi dans la société. Ils avaient hypothéqué leur maison à cette fin. Ils avaient ouvert un compte à la Banque de Montréal. Il s'agissait d'argent prêté à la société.

[43] George Allen, Fred Churchill et elle avaient décidé de créer la société à l'automne 1994. Ils avaient avant cela vendu des articles de fêtes et Cloud 9 était exploitée comme société de personnes. D'après l'appelante, Cloud 9 était une société de personnes enregistrée. L'appelante, son époux et Fred Churchill étaient les associés. La société de personnes avait été créée en février 1994. Ils étaient tous les trois également vendeurs. Ils avaient discuté du nouvel engagement à l'égard de la société ainsi que du poste que chacun occuperait. Ils n'avaient aucun plan d'entreprise. Fred Churchill avait été un marchand prospère; il avait dirigé son propre magasin pendant environ cinq ans.

[44] L'appelante a affirmé que la société de personnes Cloud 9 était dans une situation favorable lorsqu'ils avaient commencé à exploiter l'entreprise dans le cadre d'une société à responsabilité limitée. Terry Placey avait été le comptable de la société de personnes et était devenu le comptable de la société à responsabilité limitée. C'était lui qui, en outre, produisait les déclarations d'impôt personnelles de l'appelante et de son époux. Ils ne s'étaient entretenus avec personne d'autre concernant la constitution de la société par actions, et l'appelante croyait que c'était M. Placey qui s'en était occupé. Elle n'avait jamais vu de documents relatifs à la constitution de la société par actions une fois l'exploitation commencée. L'entreprise était exploitée à partir de l'établissement de Baker Road. L'appelante faisait du classement et emballait des produits commandés, tandis que Fred Churchill dirigeait l'exploitation quotidienne. L'époux de l'appelante dirigeait l'entrepôt. Fred Churchill s'occupait des questions bancaires. L'appelante et Fred Churchill signaient les chèques de la société (un ou l'autre pouvait signer). Parfois, l'appelante signait des factures. Son époux ou Fred Churchill lui expliquait à quoi se rapportaient les chèques qui devaient être faits. La société avait deux comptes bancaires, un à la Banque de Nouvelle-Écosse, l'autre à la Banque de Montréal.

[45] On a montré à l'appelante un chèque de 200 $, et elle a dit qu'elle l'avait signé. Ce chèque avait été fait à George Allen. À cette époque, ils croyaient qu'il y avait assez de rentrées d'argent pour payer cette somme. Mme Allen ne recevait pas de salaire, et son époux non plus. Elle signait pour la société des chèques au porteur aux fins des achats de la société, par exemple pour l'achat d'articles. Certaines compagnies voulaient être payées comptant pour leurs articles.

[46] Mme Allen et son époux ont consenti plus d'un prêt à la société. Le premier était un prêt de 100 000 $ de la Banque de Montréal garanti par une hypothèque sur leur maison. Ils étaient copropriétaires de la maison. Mme Allen a reconnu le document de l’onglet 3 de la pièce A-1 et a dit qu'elle l'avait déjà vu. Il s'agissait du document relatif à l'hypothèque consentie pour obtenir les fonds servant à lancer l'entreprise. Le document était daté du 14 décembre 1994. Ils avaient déposé l'argent dans un compte détenu à la Banque de Montréal. Il s'agissait d'un compte d'affaires au nom de la société. Mme Allen croyait que son époux et elle avaient déposé l'argent dans le compte de la société.

[47] Elle a également traité d'un prêt de 35 000 $ qui, disait-elle, était un prêt de la Banque de Montréal également garanti par une hypothèque sur leur maison. Ils avaient également déposé cet argent dans le compte d'affaires détenu à la Banque de Montréal. Mme Allen a renvoyé au document figurant à l’onglet 6 de la pièce A-1, soit le document hypothécaire en date du 18 mars 1995.

[48] Elle a également traité d'un emprunt qu'ils avaient fait sur la police d'assurance-vie qu'ils détenaient auprès de La Prudentielle. Elle n'en connaissait pas le montant. Cet argent n'avait pas été investi d'un seul coup, mais plutôt en six fois, au cours de l'année 1995. Cette police était au nom de l'époux de Mme Allen.

[49] On a montré à Mme Allen l’onglet 8 de la pièce A-1, soit des chèques de La Prudentielle. Elle a affirmé que ces chèques avaient été déposés dans le compte d'affaires. C'est son époux qui les avait déposés.

[50] Elle a également traité d'avances qu'elle avait consenties à la société sur son compte bancaire personnel au Trust National. Elle déposait ses chèques de paye dans ce compte. Elle a traité d'un prêt de 10 000 $ qu'elle avait consenti à la société d'un seul coup. Elle avait fait un chèque, qui avait été déposé dans le compte d'affaires.

[51] Elle a reconnu l’onglet 10 de la pièce A-1 comme représentant son compte personnel, ainsi que les chèques tirés sur ce compte. Elle a également traité du REER de son époux à La Prudentielle et des 40 000 $ avancés à la société en un certain nombre de fois au cours de l'automne 1995.

[52] Elle a reconnu l’onglet 7 de la pièce A-1, soit une liste de toutes les sommes empruntées sur la police d'assurance-vie détenue auprès de La Prudentielle. Elle n'avait jamais fait de chèques personnels pour payer des comptes de la société. Elle ne se souvenait pas si elle avait personnellement payé des comptes de la société. Son époux et elle ont prêté plus de 300 000 $ à la société.

[53] Elle s'attendait à recouvrer l'argent avancé à la société. Il n'y avait aucune entente écrite. Rien n'était consigné. Son époux calculait le montant des prêts. Elle n'avait jamais discuté d'une quelconque entente écrite concernant les prêts. Ils s'attendaient à être remboursés lorsque la société irait bien. Elle s'attendait à recouvrer une partie de l'argent au moins au cours de la première ou de la deuxième année d'activité de la société. Ils ne demandaient pas d'intérêts sur les prêts consentis à la société. Fred Churchill communiquait avec eux pour qu'ils prêtent de l'argent à la société. Elle n’était pas au courant de la situation financière de la société. Elle n'avait jamais prêté d'argent qu'elle ne s'attendait pas à recouvrer. Jamais elle n'avait cru que la société était en difficulté financière.

[54] À la fin de 1995, elle avait décidé de ne plus prêter d'argent à la société. Ils avaient décidé de fermer la société après Noël 1995. Les affaires n’avaient pas été bonnes dans les derniers mois, et ils n'avaient plus d'argent à prêter à la société. Celle-ci n'avait réalisé aucun profit en 1995. Le 31 décembre 1995, on a fermé boutique. Ils n'ont pas fait d'affaires après cela, selon Mme Allen.

[55] Mme Allen croyait que les comptes bancaires de la société avaient été fermés. Elle ne savait pas si la société avait été juridiquement dissoute. Elle n'avait jamais consulté d’un avocat à ce sujet. Ils avaient leur propre comptable, soit Terry Placey, qui les conseillait. Il n'y a pas eu de faillite. Ils s'étaient entretenus avec les représentants d'une société s'occupant de faillite, qui leur avaient conseillé de ne pas faire en sorte que Cloud 9 fasse faillite, car Mme Allen et son époux avaient encore un certain avoir dans la maison, qu'ils avaient hypothéquée pour garantir les prêts destinés à la société.

[56] Mme Allen a admis que la société avait produit une déclaration d'impôt en 1995. La société était propriétaire d'une voiture et d'un camion à cette époque. Ces véhicules étaient immatriculés au nom de la société. Ils ont été rendus à la Banque de Montréal, et le produit de la vente a servi au remboursement des prêts relatifs à ces véhicules. Le plus gros du matériel était loué et a été rendu aux propriétaires. Certains des stocks ont été rendus aux fournisseurs, en guise de paiement. Ils ont entreposé le reste. Le reste n'a jamais été vendu. Il n'y avait pas d'argent dans le compte de la société. Mme Allen ne savait pas si la société avait d'autres dettes. Il y avait des comptes clients. La société avait essayé de les recouvrer. Fred Churchill et George Allen étaient allés voir les clients et avaient ainsi obtenu certains fonds. Ils n'avaient pas pris d'autres mesures pour recouvrer l’argent que la société leur devait. D'une manière générale, l'argent servait à payer des factures de la société. Mme Allen n'a pris aucune autre mesure pour recouvrer l'argent qui lui était dû, car la société n'avait pas d'argent pour payer. Mme Allen s'était entretenue avec le comptable, qui lui avait conseillé de s'occuper de leurs déclarations d'impôt. Il avait produit les déclarations de 1995. Elle ne les a jamais vues.

[57] Le comptable de la société avait pris l'information dans les registres de la société. Il a indiqué une PDTPE; Mme Allen ne savait pas comment il s'y était pris. Son époux et elle lui avaient laissé le soin de s'occuper de cela. Ils avaient reçu un remboursement de l'ordre de 50 000 $, dont ils se sont servis pour rembourser des dettes de la société. Ils ont utilisé la totalité des 50 000 $ à cette fin; ils ont également utilisé une partie du produit de la vente de leur maison pour rembourser des dettes de la société, tout comme ils avaient utilisé les prêts hypothécaires avant la vente de la maison. La société n'avait plus de dettes après le mois de mai.

[58] Lorsqu'ils avaient commencé à exploiter la société, ils étaient bien nantis, ce qui n'est plus le cas maintenant. Ils ont prêté 90 p. 100 de leurs actifs à la société et n'ont reçu de celle-ci aucun remboursement à cet égard.

[59] Mme Allen a reconnu l’onglet 14 de la pièce A-1, soit une lettre de Revenu Canada à son époux. Elle a dit qu'ils avaient remis cette lettre à leur comptable. Elle a également reconnu l’onglet 21 de la pièce A-1, soit une lettre qui lui avait été écrite. Elle avait également remis cette lettre au comptable. Ils n'ont jamais donné suite à ces lettres de Revenu Canada, car c'était leur comptable qui était l’expert. Ils comptaient sur lui. Il travaillait aux réponses à ces lettres. Ils l'appelaient sans cesse. À un moment donné, ils ont envisagé de retenir les services d'un avocat, mais ne l'ont pas fait.

[60] Au cours du contre-interrogatoire, Mme Allen a déclaré qu'elle avait indiqué 155 000 $ comme perte et qu'elle voulait que cela s'applique également à des années antérieures. Son époux avait indiqué une PDTPE de 155 000 $. La perte qu'ils avaient subie s'élevait à 310 000 $, bien que la société eût été exploitée pendant moins de deux ans. On a demandé à Mme Allen comment l'entreprise allait à l'époque de la société de personnes, et elle a répondu que l'entreprise allait bien. On lui a montré les déclarations d'impôt des années 1993 et 1994, lesquelles déclarations n'indiquaient aucun revenu. Elle n'a reçu aucun salaire comme secrétaire-trésorière.

[61] Elle a déclaré que son époux était actionnaire, bien qu'aucun document n'en fît état. L'argent provenant de l'hypothèque sur leur maison avait été déposé à la banque pour la société. Il n'y avait dans la pièce R-2 aucun document montrant que l'argent avait été déposé dans le compte détenu à la Banque de Montréal. L'argent n'a pas été déposé dans le compte de l'époux de Mme Allen. Il a été déposé dans le compte d'affaires à la Banque de Montréal, pour la société.

[62] L'époux de Mme Allen avait travaillé pour un certain employeur entre 1965 et 1990 puis, pendant une brève période, pour plusieurs petites sociétés. On a renvoyé Mme Allen à certains chiffres indiquant que le coût d'achats de la société avait été de 307 362 $, que les frais de vente des produits achetés avaient été de 240 045 $ et que le prix de vente des produits avait été de 242 461 $. On lui a demandé comment la société aurait pu être rentable compte tenu de ces chiffres. Elle a répondu qu'elle estimait que la situation se redresserait ultérieurement s'ils continuaient. Elle croyait que la société serait rentable. Les ventes reprenaient.

[63] On a renvoyé Mme Allen à deux chèques qui avaient été faits à George Allen, un de 200 $, l'autre de 800 $, et elle les a reconnus. Elle a dit qu'elle avait fait les chèques au porteur. On lui a montré la pièce R-6, soit un chèque au porteur d'un montant de 395 $ en date du 27 mai 1996, et, quand on lui a demandé pourquoi il en avait été ainsi, vu le fait que l'entreprise avait fermé en décembre 1995, elle a dit que cela pouvait correspondre à des frais relatifs à des déplacements. Il ne s'agissait pas de frais d'achat d'articles. George Allen avait réclamé cette somme.

[64] Au sujet de l'argent provenant de leur marge de crédit ou de leurs polices d'assurance-vie, on a demandé à Mme Allen si elle pouvait en trouver des indications dans le compte de Cloud 9. Elle a dit que l’onglet 4 de la pièce A-1 en faisait mention. On lui a montré ce document, et elle a admis qu'il était daté du 28 février 1995 et qu'il s'agissait d'un prêt consenti à Cloud 9 pour la voiture. Elle a également reconnu les documents figurant aux onglets 3 et 5. Elle a affirmé que Cloud 9 n'avait remboursé aucune des sommes qu'ils lui avaient prêtées.

[65] La pièce R-8 a été produite en preuve de consentement, et Mme Allen a admis que des chèques lui avaient été faits, ainsi qu'à son époux. Elle ne croyait pas que le comptable avait enregistré des paiements faits à elle. Elle ne se rappelait pas avoir reçu un chèque de 50 $ comme paiement au titre du prêt en novembre 1994. Elle ne savait pas si elle avait reçu 4 000 $ comptant ou par chèque comme remboursement au titre du prêt en décembre. De même, elle ne se rappelait pas avoir reçu un chèque de 280 $ comme remboursement au titre du prêt en février 1995. Elle n'avait pas reçu d'autres sommes.

[66] En 1996, elle avait fait un chèque de 150 $, et cela avait été le seul. Elle n'aurait pu dire s'il s'agissait d'un remboursement au titre du prêt. Fred Churchill n'avait pas investi d'argent dans Cloud 9, malgré le fait qu'il dirigeait l'exploitation. Il était au courant des avances de fonds. Il n'a pas été appelé comme témoin parce qu'ils n'avaient pas besoin de lui, d'après leur comptable. Mme Allen et son époux avaient garanti les prêts accordés à Cloud 9.

[67] On a montré à Mme Allen une lettre de la London Life en date du 7 août 1996 concernant les montants et les dates de prêts, soit l’onglet 7 de la pièce A-1. Dans un cas, il s'agissait d'un prêt de 2 500 $ en date du 13 juin 1995. On a demandé à Mme Allen dans quel compte cet argent était allé, et elle a dit que toute la somme aurait dû aller dans le compte que la société avait à la Banque de Montréal. De plus, toutes les autres sommes devaient être virées au compte de la société, du moins était-ce ce que Mme Allen s'attendait que son époux fasse. Elle ne le savait pas.

[68] On lui a demandé qui aurait reçu le profit si la société avait été rentable. Elle a dit que Fred Churchill aurait reçu 50 p. 100 du bénéfice, bien qu'il n'ait pas partagé la perte. Ils avaient gardé les stocks, mais elle ignorait ce qu'il en était advenu. Quant aux sommes d'argent recouvrées, elle s'était fait des chèques correspondant à ces sommes. Il ne restait plus d'argent dans le compte de Cloud 9 en 1995. On a montré à Mme Allen la pièce R-5, soit le relevé bancaire indiquant un solde de 4 303,15 $ au mois de janvier 1995. Elle ne savait pas où était allé cet argent.

[69] Terry Placey était comptable. Il n'était pas comptable agréé. Il travaillait depuis 1973. Il avait obtenu tous ses crédits pour devenir comptable agréé, mais n'avait pas été reçu à l'examen. Il avait également suivi un cours de planification financière. Il a travaillé pendant trois ans pour diverses entreprises et est à son compte depuis les dix dernières années. Il s'est occupé de diverses entreprises au cours de ces dix années. La plupart de ses clients étaient des sociétés. Il connaissait bien Cloud 9, qui avait été constituée à la fin de 1994.

[70] Il avait été le comptable de Fred Churchill, et Cloud 9 avait fait appel à lui comme comptable et conseiller financier. Ses services avaient été retenus par George Allen et Fred Churchill. À cette époque, Cloud 9 était une entreprise individuelle, d'après lui. Peu après, elle a été constituée en société par actions. Avant la constitution de l'entité en société par actions, George et Helen Allen étaient propriétaires de l'entreprise. M. Placey avait recommandé un avocat aux fins de la constitution de la société par actions. Il leur avait en outre recommandé de créer une société à responsabilité limitée, soit l'aspect le plus important à ses yeux. Il a dit que Helen Allen n'avait guère participé à la discussion. George Allen n'avait lui-même que peu d'expérience en affaires. Fred Churchill était un homme d'affaires raisonnablement compétent. Helen Allen avait travaillé pour le gouvernement provincial. Fred et George avaient fait établir un plan d'entreprise. Ils avaient établi des projections raisonnablement optimistes. De l'argent devait être obtenu des Allen pour l'entreprise. La maison des Allen était le seul bien pouvant être affecté en garantie.

[71] M. Placey était convaincu que les Allen s'étaient entretenus avec des vendeurs et qu'ils avaient reçu certains avis quant à des possibilités d'affaires. Avant la constitution de la société par actions, l'entreprise de Cloud 9 était négligeable. Elle était exploitée surtout dans des marchés aux puces.

[72] À l'époque du démarrage de l'entreprise, les participants croyaient qu'ils pourraient réaliser 175 000 $ de profit la première année. Le témoin croyait que c'était réaliste s'ils obtenaient les ventes qu'ils avaient prévues. Par exemple, une vendeuse de London (Ontario) avait dit qu'elle pourrait réaliser 600 000 $ de ventes pour l’entreprise. D'une manière générale, les possibilités étaient moyennes ou légèrement supérieures à la moyenne.

[73] M. Placey ne croyait pas que les Allen avaient déjà rencontré l'avocat, mais il avait vu les documents relatifs à la constitution de la société par actions. Fred Churchill était président. Quelqu'un d'autre était vice-président, et une autre personne était trésorière. Les actionnaires étaient les Allen et Fred Churchill. Après environ un mois, cela a été modifié. Seuls les Allen sont restés actionnaires, à parts égales. Les actions étaient évaluées à 1 $ l'unité.

[74] M. Placey a dit qu'il savait ce que c'était que de “ parfaire ” une action, c'est-à-dire l'acheter et la payer. Il avait débité le compte des actionnaires et crédité le compte de capital de manière à enregistrer la vente des actions. On lui a montré l’onglet 13 de la pièce A-1, et il a dit que l'avoir des actionnaires était de 2 $. Il a en outre reconnu une lettre figurant à l’onglet 1, émanant de l'avocat qui s'était occupé de la constitution de la société par actions. Il y avait 10 actions ordinaires à 1 $ pour Fred Churchill et pour Helen Allen. Cependant, un montant de 2 $ seulement figurait au poste “ avoir des actionnaires ” : il avait fixé le montant à 2 $, alors qu'il aurait fallu que ce soit 20 $, c'est-à-dire 10 actions ordinaires à 2 $.

[75] M. Placey a confirmé qu'il était le comptable de la société et qu'il supervisait les opérations, donnait des conseils et s'occupait des documents de fin d'exercice. Il n'examinait pas régulièrement les registres bancaires, mais les voyait bel et bien en fin d'exercice. Fred Churchill et Helen Allen étaient signataires autorisés, mais Fred Churchill et George Allen étaient les personnes-ressources. Deux fois par mois, M. Placey discutait de l'exploitation avec eux. Ils en discutaient parfois au téléphone, parfois en personne. M. Placey était [traduction] “ quelque peu au courant des questions financières, mais pas de tous les points. ”

[76] M. Placey a confirmé que les Allen avaient investi de l'argent et qu'ils avaient consenti une hypothèque subsidiaire sur leur maison pour garantir le prêt de 100 000 $ de la Banque de Montréal. Cet argent avait été avancé au moyen d'une marge de crédit (M. Placey avait indiqué dans les livres de la société que c'était un prêt des actionnaires à la société). Ils avaient décidé que ce serait un prêt sans intérêt. Il n'y avait eu aucune discussion sur la question du remboursement. M. Placey croyait bel et bien que l'argent finirait par être remboursé.

[77] Il a confirmé que les Allen avaient avancé à la société des fonds provenant de leurs comptes bancaires personnels et de leurs polices d'assurance-vie. La somme de 25 000 $ avait été avancée au moyen d'une MasterCard, aux fins d'achats de la société. M. Placey croyait qu'une somme estimative d'au moins 300 000 $ avait été avancée par les Allen pour la société. Il n'était pas au courant de chaque avance au moment où celle-ci était consentie. Toutefois, il allait bel et bien à la banque avec les Allen, et ces derniers avaient fait porter leur marge de crédit à 135 000 $, grâce à l'hypothèque sur leur maison. Il n'y avait aucune entente en matière de prêt, bien que l'on ait discuté de cette question.

[78] On a demandé à M. Placey quelle contrepartie avait été donnée au titre des prêts, et il a déclaré que les Allen étaient propriétaires de la société et qu'ils y voyaient une façon de gagner leur vie.

[79] On lui a montré les onglets 14, 15 et 16 de la pièce A-1, et il a confirmé que la société devait 306 094 $ aux Allen. Ces opérations, consignées dans les relevés bancaires, représentaient des sommes d'argent provenant des REER ¾ comme en font foi des chèques oblitérés des Allen que M. Placey avait vus ¾ et des prêts d'assurance-vie. M. Placey a confirmé l’existence de la marge de crédit de 100 000 $ et a confirmé que celle-ci avait été augmentée de 35 000 $ par la suite. Il a confirmé qu'il avait vu cela dans les relevés de la Banque de Montréal concernant le compte-chèques de Cloud 9.

[80] La société avait des comptes à la Banque Royale, à la Banque Nationale et à la Banque de Montréal. M. Placey avait vu que certaines des avances de fonds étaient allées dans le compte de la société. Il avait également constaté que “ trop ” de chèques personnels étaient déposés dans le compte de la société. Les intérêts sur les prêts bancaires dépassaient 2 500 $ par mois. M. Placey avait incité les Allen à ouvrir des comptes personnels, ainsi que des comptes d'affaires, pour qu'ils puissent payer des fournisseurs et éviter ainsi que la Banque de Montréal prenne l'argent du compte pour se faire rembourser le prêt. La banque avait bel et bien renvoyé des chèques portant la mention “ sans provision ”.

[81] On a montré à M. Placey l’onglet 16 de la pièce A-1, et il a dit que c'était un sommaire d'emprunts des actionnaires à la Banque de Montréal, d'un montant de 10 876 $. Il a dit qu'il avait comparé cela avec les bordereaux de dépôt de la période se situant entre décembre 1994 et juillet 1995. Il a confirmé que, entre février et décembre 1995, 100 930,38 $ avaient été déposés par les Allen dans le compte de Cloud 9. Cet argent provenait de leurs comptes personnels et de leurs REER. M. Placey avait comparé cela avec les relevés bancaires. Il a également confirmé que 29 038,68 $ avaient été déposés par les Allen dans le compte de Cloud 9 au Trust National — soit de l'argent provenant de leurs comptes personnels, de leurs REER et de leurs polices d'assurance-vie — entre août 1994 et janvier 1995. Il a en outre confirmé que la somme de 9 000 $ était allée dans le compte de Cloud 9 à la Banque Royale et que c'était la dernière fois que les Allen avaient encaissé un REER.

[82] Il a de nouveau confirmé que les Allen avaient versé dans le compte de la société les sommes de 100 000 $ et de 35 000 $ provenant de leur marge de crédit. Il a dit qu'il avait indiqué cela à la fin de janvier 1996 dans sa feuille de travail, qui faisait état d'un solde de 139 887,56 $. La société devait cette somme aux Allen. La banque avait ajouté des intérêts. Ils avaient accordé une hypothèque grâce à l'avoir qu'il leur restait à l’égard de leur maison et ils avaient utilisé la somme correspondante pour rembourser le prêt.

[83] M. Placey a également confirmé que les Allen avaient retiré de 15 000 $ à 16 000 $ environ au cours de l'année et que, toutefois, on avait effectué une écriture de contre-passation sur leur compte d'actionnaires et porté la somme au crédit du compte détenu à la Banque de Montréal. Il s'agissait de montants de 10 876 $ et de 5 717,06 $, soit au total 16 593,06 $. Cela figure à l’onglet 16. M. Placey avait expliqué aux Allen que, s'ils subissaient une perte, ils pourraient indiquer une PDTPE, soit les trois quarts du montant de la perte. Il leur avait également expliqué qu'ils pourraient effectuer des reports rétrospectifs sur trois ans et prospectifs sur sept ans à l'égard de cette perte. Il leur avait dit qu'ils ne recouvreraient pas tout leur argent de la sorte mais que cela aiderait. Il a bel et bien fait des reports rétrospectifs en ce qui a trait à Mme Allen.

[84] Il avait examiné leurs comptes personnels aux fins du calcul des prêts d'actionnaires. Cela avait été fait après qu'ils eurent épuisé l'argent de la marge de crédit. Toutes ces sommes étaient allées dans les comptes de la société.

[85] On a renvoyé M. Placey à l’onglet 11 de la pièce A-1, qui faisait état de duplicatas de chèques et non de chèques oblitérés. M. Placey a dit que les chèques oblitérés devaient avoir été perdus. Il avait déterminé tout ce que les appelants avaient payé à la société. Le document figurant à l’onglet 12 constatait le paiement de dépenses de la société et le paiement de fournisseurs.

[86] Le témoin a affirmé que les Allen avaient accordé des prêts jusqu'à trois ou quatre semaines avant la fermeture. Il avait eu un entretien avec eux et leur avait dit de ne plus prêter d'argent à la société. La période de Noël 1995 était la dernière chance pour la société de rester en affaires. Ils espéraient pouvoir réussir au cours de cette période, mais tel n'a pas été le cas. Les seules sommes recouvrées par les Allen sont celles qui ont été mentionnées précédemment et qui avaient été enregistrées dans le compte de prêts d'actionnaires. M. Placey a admis que quelques chèques avaient été faits au porteur. Le plus gros des stocks avait été rendu aux fournisseurs, à titre d'acompte. Tout le matériel de bureau avait été rendu, car c'était du matériel loué. Il n'y avait pas d'argent de disponible à la fin. Pour ce qui est de la pièce R-5, concernant les 4 303 $ du compte bancaire de la société, le témoin a dit qu'il croyait que cet argent avait servi à régler quelques factures et provenait d'un dépôt fait par les Allen à titre personnel. La société n'a pas été juridiquement dissoute.

[87] Le témoin a lu une lettre dans laquelle la Banque de Montréal exigeait le remboursement des sommes dues par Cloud 9 et il a dit que les Allen avaient consenti une hypothèque ordinaire sur leur maison. Le document hypothécaire était signé par les deux conjoints. Le témoin avait vu ce document.

[88] En ce qui a trait au recouvrement de sommes dues à la société, il a dit que les mesures prises à cette fin n'avaient pas été très fructueuses. Les stocks restants avaient été rendus aux fournisseurs pour régler une partie des factures. La société a ensuite fermé boutique. Elle n'a ni fait faillite ni été mise en faillite.

[89] La déclaration d'impôt sur les sociétés de 1995 n'a pas été produite parce que la société avait fermé boutique. M. Placey avait établi les déclarations personnelles des Allen pour 1995. Il avait réuni les renseignements relatifs à la perte parce qu'il était personnellement au courant de cette perte. Il était arrivé à 310 000 $ comme montant de la PDTPE. Ce montant avait été divisé entre les Allen à parts égales, car les deux étaient actionnaires et l'argent provenait des deux. M. Placey estimait qu'il était juste de diviser le montant entre les deux à parts égales. Il n'avait pas ajusté le montant de 310 000 $.

[90] On lui a montré l’onglet 13 de la pièce A-1, et il a dit qu'il avait établi ces documents concernant la PDTPE pour l'année d'imposition 1995. Il avait utilisé le montant de 310 000 $, et chacun réclamait ainsi 75 p. 100 de 155 000 $. Il a dit à la Cour que le montant aurait dû être de 306 094 $, mais cet état avait été établi après la production des déclarations d'impôt personnelles. C'était à la fin de janvier 1995.

[91] M. Placey avait traité avec Revenu Canada et lui avait remis environ 80 p. 100 des documents dont le ministère avait besoin, peut-être même leur avait-il remis tous les documents. Le ministère voulait des états financiers de la société, mais, à cette époque, la société n'avait pas les moyens d’en faire établir, de sorte que M. Placey n'a établi qu'ultérieurement de tels états.

[92] Au cours du contre-interrogatoire, M. Placey a dit qu'il avait livré une caisse de documents à Revenu Canada. Les documents étayaient environ 90 p. 100 de la demande de déduction. Il y avait notamment des chèques oblitérés de fournisseurs, ainsi que d'autres états.

[93] M. Placey allait aux bureaux de Cloud 9 et vérifiait les états; il s’était rendu compte que le montant de 135 000 $ ne diminuait pas. Les Allen lui indiquaient les montants qu'ils investissaient dans la société. Tous les mois, ils investissaient de l'argent dans la société. Après cinq mois, ils comptaient sur la période de Noël pour se refaire une santé financière. Ils cherchaient à obtenir du nouveau personnel et à obtenir de nouveaux clients, notamment dans de nouvelles villes. À la fin de décembre, M. Placey leur a dit de ne plus investir d'argent dans la société.

[94] Le témoin a déclaré qu'un plan d'entreprise avait été mis en oeuvre. Il avait examiné les projections avec les Allen et M. Churchill. Le taux de majoration se situait entre 15 et 30 à 35 p. 100 pour la plupart des articles, d'après ce qu'ils lui avaient dit. Il avait également établi des projections en se fondant sur ce qu'ils croyaient pouvoir générer comme ventes. Le plan d'entreprise avait été mis par écrit. Ils avaient trouvé des clients. Il y avait quelques villes plus petites à l’extérieur de la région de Toronto. Ils oeuvraient également dans la région de Toronto et assuraient la livraison aux clients. Ils avaient également trouvé des vendeurs.

[95] Au sujet des onglets 13 à 16 de la pièce A-1, auxquels on l'a renvoyé, M. Placey a indiqué que ces documents avaient tous été établis le 18 mars 1999 pour les fins de la Cour.

[96] Il a dit que la date du 31 janvier 1996 figurant à l’onglet 13 était la date à laquelle ils avaient cessé d'établir une comptabilité et que, toutefois, le montant exact était de 306 094 $, soit 153 047 $ pour George Allen et le même montant pour Helen Allen. Ce montant était exact.

[97] Le compte MasterCard n'était utilisé qu'aux fins de l'entreprise; les Allen avaient une autre carte pour leur usage personnel. La limite de 100 000 $ avait été atteinte en trois mois environ, et la limite supplémentaire de 35 000 $ avait été atteinte à la fin d'avril. L'argent investi était destiné au fonds de roulement, d'après M. Placey, et était enregistré dans le compte de prêts des actionnaires.

[98] Le témoin a admis que Cloud 9 n'a jamais produit de déclaration d'impôt sur les sociétés.

Arguments présentés pour les appelants

[99] L'avocate des appelants a concédé qu'il y avait des contradictions entre le témoignage de George Allen et celui de Helen Allen, mais elle a expliqué cela en disant que les appelants n'étaient pas futés en affaires et que les questions d'affaires étaient déléguées au comptable. En outre, les appelants n'avaient pas un souvenir tout frais de la situation, les faits ayant eu lieu il y a un certain temps. Toutefois, le comptable a été très communicatif, et ses propos ont été très éclairants.

[100] L'avocate des appelants a affirmé que la preuve révélait que les appelants avaient décidé de se lancer en affaires en 1994, leur activité se limitant toutefois pour l'essentiel à aller dans des marchés aux puces pour vendre certains produits. On a ensuite décidé de constituer une société par actions, et les appelants ont avancé tout le capital de démarrage et consenti tous les prêts d'actionnaires. Cet argent a été déposé dans les comptes de la société, et les appelants ont en outre directement payé des dettes de la société. Les sources des prêts ont pu être établies. Au bout du compte, l'entreprise n'a pas connu de succès, et les appelants ne pouvaient continuer à prêter de l'argent à la société. Ils ont essayé de payer tous les créanciers et ont même dû vendre leur maison. Ils avaient épuisé tous les autres fonds. S'ils n'avaient pas agi comme ils l'ont fait, la banque aurait pris des mesures, et ils auraient perdu leur maison.

[101] D'après l'avocate des appelants, les dispositions pertinentes de la Loi sont les alinéas 38c) et 39(1)c). Il s'agit de savoir si les appelants ont, comme ils le soutiennent, avancé l'argent à Cloud 9 sous la forme de prêts d'actionnaires. Terry Placey, soit le comptable, a témoigné qu'il avait rempli les déclarations d'impôt de 1995 et qu'il avait effectué ses calculs conformément aux états qu'il avait établis et qui figurent à l’onglet 13 de la pièce A-1. Un montant de 306 094 $ pouvait être indiqué comme PDTPE, soit un montant qui a été divisé à parts égales entre les appelants. La preuve présentée par M. Placey est suffisante pour permettre à la Cour d'accepter ces chiffres. M. Placey a dit qu'il avait vu des documents corroborant ces chiffres. Les appelants ont également présenté certains éléments corroborant ces chiffres, par exemple le document hypothécaire figurant à l’onglet 3 de la pièce A-1 relativement à une hypothèque de 100 000 $. L'objet déclaré de cette hypothèque était de garantir les dettes de la société à responsabilité limitée.

[102] En ce qui a trait au prêt de 35 000 $, il est également corroboré, et ce, par la déposition orale des appelants, qui ont été honnêtes et directs. Le comptable avait joué un rôle dans les arrangements financiers, avait examiné les relevés bancaires, avait confirmé les registres à l'appui de ces paiements, et a réparti les paiements entre les deux appelants.

[103] Il y avait des preuves relativement à la marge de crédit de 25 000 $ accordée par la Banque de Montréal et aux 10 000 $ avancés par Mme Allen à la société à responsabilité limitée. Cet argent provenait du compte personnel de Mme Allen. Il y avait également des preuves quant à l'encaissement des REER de George Allen et quant aux fonds tirés des polices d'assurance-vie des deux appelants. L’onglet 10 de la pièce A-1 indique que des injections de fonds provenaient du compte-chèques personnel de Helen Allen. En outre, les duplicatas de chèques figurant à l’onglet 11 confirmaient que 25 800 $ avaient été prêtés à la société. De plus, les chèques personnels de M. Allen figurant à l’onglet 12 confirmaient que ce dernier avait consenti des avances de 57 000 $ à la société à responsabilité limitée. Selon la prépondérance des probabilités, il est clair que certains prêts ont été consentis, et il s'agit donc simplement de savoir quel en est le montant total.

[104] Les onglets 7 et 8 de la pièce A-1 font foi des retraits de fonds sur la police d'assurance-vie détenue par George et Helen Allen auprès de la London Life, soit des retraits totalisant 47 000 $. Donc, même si la Cour ne trouvait pas crédible la preuve de M. Placey, et malgré l'absence d'entente expresse pour ce qui est du remboursement, il est évident que les parties entendaient que les prêts soient remboursés. Le fait qu'il s'agissait de prêts sans intérêt est un fait sans conséquence. Aucune conclusion défavorable aux appelants ne devrait en être tirée.

[105] Il faut se demander si, au 31 décembre 1995, les prêts étaient devenus des créances irrécouvrables. Trois témoins ont affirmé que la société avait cessé ses activités et que, après cela, on avait simplement mis de l'ordre dans les affaires. Il n'y avait que quelques actifs à liquider, et ils ont été liquidés. Cet argent a servi à rembourser des dettes de la société. Les parties ont discuté de faillite, mais ont décidé de ne pas donner suite à cette idée. Les appelants ont été obligés de vendre leur maison pour payer les dettes. Il n'y avait aucun moyen pour eux de recouvrer les sommes dues.

[106] Il faut également déterminer quelle proportion des prêts a été recouvrée par les appelants. Les dépositions des appelants présentaient des incohérences, mais M. Placey a mentionné un montant de 15 000 $ comme remboursement, soit beaucoup plus que ce que les appelants disaient avoir reçu comme remboursement de la société. M. Placey a toutefois tenu compte de ces sommes dans ses calculs.

[107] Même si la Cour n'accepte pas le témoignage de M. Placey, le montant de la dette de la société envers les appelants qui n'a pas été remboursé aux appelants était d'au moins 147 000 $. Aucun élément de preuve n'indiquait que les appelants étaient malhonnêtes.

[108] L'appel devrait être admis, avec dépens, et la question devrait être déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation de manière que les chiffres de M. Placey soient acceptés, sinon que le montant de 147 000 $ soit au moins accepté.

Arguments présentés pour l'intimée

[109] L'avocate de l'intimée estimait que les appelants accordaient beaucoup de poids aux chèques oblitérés et que, cependant, bon nombre de ces chèques n'ont pas été faits aux créanciers de Cloud 9. De plus, il y avait des incohérences quant à l'intérêt détenu par M. Allen et quant à savoir si celui-ci était ou non actionnaire.

[110] Les appelants doivent s'acquitter de plusieurs charges de preuve en l'espèce suivant les articles 38, 39 et 40 de la Loi. Ils doivent établir que la somme en cause était une créance, qu'elle a été engagée en vue de gagner un revenu et qu'elle est devenue une créance irrécouvrable à la fin de l'année en cause. En l’espèce, il n'y avait aucune preuve de l'existence d'une attente raisonnable de profit, et la somme à déduire est donc nulle. Le montant de la perte est douteux, compte tenu de la preuve présentée en l'espèce.

[111] La méthode utilisée par le comptable aux fins de l'établissement de son état est discutable. Le comptable a établi les états avant de contre-vérifier les chiffres. Il n'y avait pas de livres de la société à consulter, et les dossiers tenus par cette dernière laissent beaucoup à désirer.

[112] Il n'y avait pas de modalités de remboursement, si ce n'est que les sommes devaient être remboursées à une date indéterminée. Il s'agissait de prêts sans intérêt. Cela prouve que les sommes n'ont pas été engagées en vue de gagner un revenu.

[113] L'avocate de l'intimée soutenait que, si des sommes d'argent ont été accordées à Cloud 9 par les appelants, il s'agit simplement de dépenses en capital qui ont été engagées pour assurer un fonds de roulement à la société et qui ne peuvent être déduites selon la décision rendue dans l'affaire Peter Whitehouse v. M.N.R., 79 DTC 383, à la page 384, où le juge Goetz a déclaré que les avances consenties sous forme de prêts à la société étaient des dépenses en capital et ne pouvaient donc être déduites comme pertes d'entreprise.

[114] En l’espèce, les appelants avaient un lien de dépendance avec la société. Il s'agissait de leur propre argent. La société était une extension d'eux-mêmes. Ils s'en occupaient comme s'il s'agissait d'une société de personnes. Il n'y avait pas d'intérêts à payer sur les sommes avancées. Il n'y avait aucun calendrier de remboursement. Ils mélangeaient les comptes de la société avec leurs propres comptes, et l'argent de la société avec leur propre argent, de sorte que les opérations sont suspectes.

[115] Les fonds, s'ils ont été avancés, sont allés dans des comptes personnels, puis certaines dettes de la société ont été payées. Quelle proportion de l’argent a servi à des fins personnelles et quelle proportion a servi aux fins de l'entreprise? La preuve présentée ne permet pas de répondre à ces questions.

[116] Pour que les sommes soient déductibles, il faut que la société ait eu une attente raisonnable de profit. En l'espèce, les appelants vendaient leurs stocks à un prix inférieur à celui qu'ils avaient payé, d'après la preuve. Comment pouvaient-ils raisonnablement s'attendre à réaliser un profit dans ces circonstances?

[117] Selon les principes énoncés dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (77 DTC 5213), cette entreprise était sous-capitalisée. Un seul actionnaire avait de l'expérience. La ligne de conduite que les parties entendaient adopter ne suffisait pas pour qu'elles puissent réaliser un profit. Les actionnaires avaient été avertis que la société était en difficulté, mais ils ont continué à lui consentir des prêts parce qu'ils croyaient pouvoir déduire les pertes correspondantes de leurs propres revenus supplémentaires. Ainsi, selon le critère de la ligne de conduite prévue, les appelants auraient dû cesser d'exploiter l'entreprise au lieu de continuer à prêter de l'argent à la société. Leur plan n'était pas assez bon. Il n'y avait pas, dans les livres, de commandes concrètes leur permettant d'avoir une attente raisonnable de profit.

[118] L'avocate de l'intimée a cité l'affaire Lowery c. M.R.N., C.C.I., no 84-1927, 15 août 1986 (86 DTC 1649), et l'affaire O’Blenes c. M.R.N., C.C.I., no 88-428(IT), 18 décembre 1989 (90 DTC 1068), à l'appui de sa thèse selon laquelle aucune contrepartie n'a été donnée à l'égard des prêts, et a affirmé que c'était simplement prendre ses désirs pour la réalité que de penser pouvoir réaliser un profit. Il n'y avait pas d'objet commercial, et les sommes qui ont été engagées ne l'ont pas été en vue de “ tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien ”. Ainsi, les pertes devraient être considérées comme nulles ou non déductibles aux fins de l'impôt sur le revenu. L'appel devrait être rejeté.

Contre-preuve

[119] En contre-preuve, l'avocate des appelants a cité l'affaire Jack Steckel c. M.R.N., C.C.I., no 89-2117(IT), 14 février 1992 (92 DTC 1904), à l'appui de la proposition selon laquelle le simple fait qu'aucun intérêt n'était exigé sur les prêts ne signifie pas que les pertes ne peuvent être déduites ou qu'il ne s'agit pas de dépenses engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise. Dans cette affaire-là, l'omission d’exiger des intérêts n'avait pas été fatale.

Analyse et décision

[120] L'avocate des appelants était disposée à admettre que certains des éléments de preuve présentés par les deux appelants étaient contradictoires à certains égards. Elle attribuait cela au fait que les appelants n'étaient pas futés en affaires et que l'information relative à l'entreprise était transmise à leur comptable, qu'ils croyaient et en qui ils avaient confiance. En outre, certains des problèmes étaient attribuables au fait que les appelants n'avaient pas un souvenir tout frais de ce qui s'était passé et qu'ils s'attendaient à ce que leur comptable puisse fournir l'information dont ils ne disposaient pas ou à propos de laquelle ils ne pouvaient être tout à fait précis.

[121] La Cour est disposée à accepter cet argument après avoir évalué la preuve présentée par les deux appelants. La Cour conclut que, malgré les lacunes, ces deux témoins ont été directs et francs, même s'ils n'étaient pas tout à fait précis à certains moments, qu'ils étaient disposés à dire exactement ce qu'ils savaient et ce dont ils se souvenaient et qu'ils n'ont pas été évasifs. Essentiellement, la Cour conclut que les appelants ont été des témoins crédibles. La Cour est convaincue que les appelants s'étaient réellement lancés en affaires en vue de réaliser un profit et qu'ils étaient tout à fait persuadés qu'ils pourraient y parvenir. Cette conviction n'était pas totalement dénuée de fondement. Les appelants avaient demandé conseil à un comptable bien informé et s'étaient fiés aux opinions d'un membre de la famille qui avait déjà été dans les affaires. Ils bénéficiaient des conseils, de l'aide et des directives d'un comptable, qui a établi un plan d'entreprise pour les aider dans leur tentative. Certes, la nature et la portée exactes du plan d'entreprise n'ont pas été communiquées à la Cour, mais celle-ci est convaincue que les appelants avaient bel et bien un plan d'entreprise lorsqu'ils se sont engagés dans ce projet.

[122] Les appelants ont cherché des vendeurs pour commercialiser leur produit, ont compté sur certains de ces vendeurs pour avoir de l'information sur la quantité et la valeur des ventes que de telles personnes pourraient permettre à l'entreprise de réaliser et, s'appuyant sur cette information, ils sont arrivés, avec leur comptable, à des projections que celui-ci considérait comme “ raisonnablement optimistes ”. Forts de ces projections, débordants d'enthousiasme et d'optimisme et se fiant au sens des affaires de Fred Churchill, ainsi qu'à leur propre expérience des affaires, si limitée fût-elle, ils ont pu convaincre la banque de leur avancer des sommes considérables sous forme de prêts. Il faut toutefois se rappeler que la banque avait d'assez bonnes garanties qui lui auraient permis de recouvrer l'argent avancé à Cloud 9, car les appelants étaient personnellement tenus de garantir ces prêts, qui étaient également garantis par des hypothèques sur la maison des appelants.

[123] À l'époque de la cotisation en cause en l’espèce, le ministre se fondait notamment sur le fait que les appelants n'avaient pas produit d'éléments de preuve pour le convaincre que les fonds avaient été avancés à la société. Si les appelants sont incapables de prouver cela, ils ne peuvent avoir gain de cause en l'espèce.

[124] Il appert que le ministre cherchait à obtenir des appelants de plus amples renseignements, documents et autres éléments de preuve indiquant qu’ils avaient avancé les sommes en question. Les appelants ont de bon gré admis à la barre qu'ils n'avaient pas fourni l'information demandée. La Cour est convaincue qu'une partie de ce problème tient au fait que les appelants eux-mêmes se fiaient au comptable pour la communication des renseignements; cependant, après que les appelants ont avancé tout ce qu’ils ont pu à la société, qu'il est devenu évident qu'aucune autre somme n'allait être avancée, que la banque a clairement fait savoir qu'elle allait insister pour être remboursée, qu'il est devenu impossible d'exploiter l'entreprise et que le comptable a été convaincu que la société n'avait pas d'argent pour le payer, il est devenu difficile pour les appelants d'obtenir d'autres conseils nécessaires. Ainsi, les états financiers de la société portant sur les années en cause n'ont pas été établis en temps opportun, de sorte que le ministre n'était pas convaincu à ce moment-là que les appelants avaient droit aux déductions réclamées.

[125] Si les états financiers de la société avaient été fournis plus tôt, ces documents et les renseignements que le comptable affirmait avoir déjà fournis à Revenu Canada pourraient avoir été suffisants pour que l'affaire se règle à cette étape-là. Ce n'est toutefois pas entièrement sûr, vu les divers arguments invoqués par l'avocate de l'intimée au procès, à la fois sur le plan factuel et sur le plan juridique.

[126] À l'étape du procès, les appelants ont pu faire témoigner Terry Placey, leur comptable. Ce dernier avait une très grande connaissance de ce que l'entreprise des appelants avait été à l'époque où l'entité était une société de personnes, à l'époque où elle a été constituée en société par actions, à l'époque où elle était exploitée, et à l'époque où elle a fermé boutique et où les appelants eux-mêmes ont envisagé une faillite. Le comptable connaissait très bien les documents présentés pour les appelants, les états financiers de la société, les relevés bancaires, les factures de la société, les chèques oblitérés, les duplicatas de chèques et les autres documents de la société et il avait établi les documents de fin d'exercice pour cette société. Il a confirmé qu'il supervisait les opérations, donnait des conseils et s'occupait des documents de fin d'exercice. Même s’il n'examinait pas régulièrement les registres bancaires, il les voyait bel et bien en fin d'exercice. Deux fois par mois, il discutait de l'exploitation avec les actionnaires. Il était quelque peu au courant des questions financières, mais pas de tous les points.

[127] Il a confirmé que, à sa connaissance et d'après des documents qui ont été produits en preuve, les appelants avaient effectivement prêté de l'argent à la société; il a également confirmé le montant de ces prêts et a confirmé le fait que les appelants n'avaient jamais recouvré l'une quelconque des sommes qui constituent maintenant le fondement de leur demande.

[128] Du point de vue de la Cour, le comptable a corroboré et accrédité la thèse des appelants selon laquelle ils avaient consenti des prêts à la société et n'ont pas recouvré leur argent. Il a pu corroborer la source de ces prêts, la nature des prêts, la période au cours de laquelle les prêts ont été consentis et l’affectation des prêts, ainsi que le montant des sommes remboursées. Au bout du compte, il a confirmé que, à la fin de janvier 1995, la société devait aux deux appelants 306 094 $ et que chacun des deux appelants était en droit de déduire la moitié de ce montant dans sa déclaration d'impôt.

[129] La Cour accepte cette déposition du comptable et considère qu’elle corrobore le témoignage de chacun des deux appelants, si bien que la Cour est convaincue que le montant mentionné par M. Placey comme étant dû aux appelants par la société était le montant exact pouvant constituer le fondement de la PDTPE indiquée par les deux appelants pour les années en cause. Si cette déposition n'avait pas été faite et si la déposition qui a été faite n'avait pas été jugée crédible, les appelants se seraient en fait trouvés dans une situation difficile.

[130] La Cour accepte le fait que l'on ait eu des difficultés à déterminer, au dollar près, quelles sommes avaient transité par les comptes des appelants pour être versées dans les comptes de la société, puis retirées des comptes de la société, mais, en définitive, elle est convaincue selon la prépondérance des probabilités que les sommes en cause provenaient bel et bien des ressources personnelles des appelants et ont été, par les divers moyens mentionnés en preuve, versées dans les comptes de la société à responsabilité limitée, puis dépensées aux fins de la société, et que le montant de 306 094 $ est demeuré impayé lorsque la société a fermé boutique.

[131] L'avocate de l'intimée a, à juste titre, attiré l'attention sur certaines des lacunes des registres, sur le fait que bon nombre des chèques oblitérés n'étaient pas des chèques faits à des créanciers particuliers de la société à responsabilité limitée et sur les propos contradictoires des deux appelants au sujet de certaines des questions relatives à la société et au sujet des sommes, s'il en est, qui leur ont été remboursées par la société. Toutefois, ayant examiné l'ensemble de la preuve, y compris le témoignage du comptable, la Cour est convaincue que ces contradictions ont été expliquées et qu'elles sont insuffisantes pour discréditer les dépositions des témoins de la partie appelante. La Cour accepte ces dépositions, malgré les apparentes contradictions.

[132] Non seulement l'avocate de l'intimée soutenait qu'il n'y avait pas assez de preuves que les sommes en question avaient été versées par les appelants à la société et n'ont pas été remboursées, mais encore elle soulevait la question de savoir si les sommes versées étaient en fait une dette que la société avait envers les contribuables aux termes de l'alinéa 39(1)c) de la Loi. Dans l'affirmative, elle posait la question de savoir si les contribuables avaient acquis cette créance en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien conformément au sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi. Elle prétendait que, en l'espèce, il n'y avait pas d'attente raisonnable de profit et que la perte devrait donc être considérée comme étant nulle. Elle faisait valoir que le montant de la perte était douteux à cause de la façon dont le comptable avait établi les états. Le comptable a établi les états avant de contre-vérifier les chiffres. L'avocate de l'intimée soutenait en outre qu'il n'y avait pas de livres de la société permettant de confirmer que la méthode utilisée était appropriée, de sorte que le travail du comptable laissait beaucoup à désirer.

[133] L'avocate de l'intimée faisait également valoir qu'il n'y avait pas de modalités de remboursement des prêts et que ceux-ci devaient simplement être remboursés à une date indéterminée. Aucun écrit ne confirmait les conditions des prêts, et il n'y avait aucun intérêt à payer. Aucune contrepartie n'a été donnée à l'égard des prêts.

[134] L'avocate de l'intimée soutenait aussi que la somme due aux appelants par Cloud 9 représentait simplement une dépense en capital et qu'elle ne peut être déduite par les appelants comme ils voudraient qu'elle le soit. Il s'agissait d'une perte en capital.

[135] J'ai pris bonne note de tous ces arguments et, comme je l'ai mentionné précédemment, ceux-ci auraient pu empêcher que l'affaire se règle plus tôt même si les états financiers avaient été disponibles au moment où Revenu Canada les avaient demandés.

[136] La Cour a bien examiné les solides arguments de l'avocate de l'intimée. Elle a examiné les causes invoquées par l'avocate dans la présentation de ces arguments, mais elle est convaincue, sur la foi de l'ensemble de la preuve, que les appelants étaient actionnaires de Cloud 9 durant la période en cause. Elle est convaincue que le montant de la perte est celui confirmé par le comptable, Terry Placey, malgré les doutes soulevés par l'avocate de l'intimée quant à la nature du travail de tenue de livres. La Cour est convaincue que l'absence de modalités de remboursement expresses n'empêche pas que les appelants puissent avoir droit à une déduction à l'égard de la perte en question. Elle est convaincue que les sommes en question étaient non pas des dépenses en capital, mais plutôt des avances consenties pour permettre à la société de rester en affaires. En définitive, si la société avait réalisé un profit, les appelants eux-mêmes en auraient bénéficié. En outre, la Cour est convaincue que les appelants entendaient réellement être remboursés à un moment donné et qu'ils se sont accrochés à cet espoir jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il devienne évident que la société aurait à fermer boutique.

[137] La Cour est convaincue que les appelants traitaient sans lien de dépendance avec la société, bien qu'ils en aient été actionnaires. Ils ne traitaient pas l'argent de la société comme s'il avait été le leur ou comme si la société avait été une extension d'eux-mêmes. Le fait qu'il n'y avait pas d'intérêts à payer et qu'il n'y avait pas de calendrier de remboursement précis ne modifie pas cette relation, vu les autres éléments de preuve présentés en l'espèce.

[138] La Cour n'est pas convaincue que les appelants mélangeaient leur propre argent avec celui de la société. Les sommes en cause ont été obtenues par les appelants, mais elles ont été virées aux comptes de la société et utilisées aux fins de cette dernière. La Cour est convaincue que les sommes remboursées aux appelants par la société ont été dûment déterminées et prises en considération dans le montant indiqué par M. Placey comme étant dû aux appelants par la société, et elle est convaincue que ce montant n'a pas été remboursé et est devenu une créance irrécouvrable à la fin de l'année.

[139] La Cour est convaincue que les appelants exploitaient une entreprise, qu'ils avaient une attente raisonnable de profit durant les années en cause et qu'ils ont continué à investir dans la société non pas parce qu'ils pourraient déduire une perte, mais plutôt parce qu'ils s'attendaient à ce que la société reste à flot pendant le temps nécessaire pour être en mesure de redresser la situation et de leur rembourser l'argent qu'ils lui avaient prêté. Tel n'a pas été le cas. Cela ne signifie pas que les appelants n'avaient pas un objet commercial à l'esprit en prêtant l'argent à la société ou que celle-ci n'avait pas une attente raisonnable de profit à cette époque.

[140] Le plan que les appelants ont produit n'était pas parfait et n'a manifestement pas fonctionné, mais ce n'était pas un plan dépourvu de tout fondement. Même le comptable croyait que, d'une manière générale, les possibilités que la société ait du succès étaient [traduction] “ moyennes ou légèrement supérieures à la moyenne ”. La Cour rejette l'argument de l'avocate de l'intimée selon lequel les appelants prenaient simplement leurs désirs pour la réalité en pensant avoir une attente raisonnable de profit.

[141] L'appel est admis et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu des conclusions de la Cour selon lesquelles chacun des appelants était en droit de déduire une PDTPE de 153 047 $ pour l'année en cause et l'appelante, Helen Allen, était en droit de déduire des pertes autres qu'en capital reportées rétrospectivement sur les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, respectivement, soit des pertes calculées sur la base de la PDTPE pour l'année d'imposition 1995, qui, selon les conclusions de la Cour, s'élevait à 153 047 $.

[142] Les appelants auront droit à leurs frais, qui seront taxés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour d'avril 2000.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour d'octobre 2000.

Philippe Ducharme, réviseur

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