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Date: 19991027

Dossier: 96-3381-IT-G; 96-4113-IT-G; 96-4115-IT-G; 96-4116-IT-G; 97-117-IT-G

ENTRE :

GÉRALD M. HARQUAIL, JEAN-PIERRE HUDON, GEORGE SCANLAN, DENYSE FRANK GIRARD, BERNARD GIRARD,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Garon, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels interjetés par cinq contribuables[1] de cotisations d'impôt sur le revenu établies par le ministre du Revenu national (“ministre”) pour les années d'imposition ci-après indiquées à l'égard de chacun des appelants susmentionnés :

Années d'imposition Appelants

1990 Gérard M. Harquail

1991

1989 Jean-Pierre Hudon

1990

1989 George Scanlan[2]

1990

1989 Denyse Frank Girard

1990

1989 Bernard Girard

Par ces cotisations pour l'année d'imposition 1989, le ministre a rejeté la déduction que chacun des appelants avaient réclamée lors du calcul du revenu imposable à l'égard des gains en capital imposables réalisés par suite de la disposition, le 24 février 1989, d'actions admissibles de petite entreprise au sens du paragraphe 110.6(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (“Loi”). Cette déduction est prévue par le paragraphe 110.6(2.1) de cette Loi. Les appels

interjetés des cotisations pour les années d'imposition 1990 et 1991 portent sur des cotisations corrélatives par rapport aux cotisations pour l'année d'imposition 1989.

[2] Le débat, lors de l'audition de ces appels, n'a porté que sur une seule question, à savoir si l'une ou l'autre des sociétés Les Immeubles Arnaud Limitée (“Les Immeubles Arnaud”) ou la Corporation d'électricité de la Rivière Hall (“Rivière Hall”) exploitait ou non une entreprise dans les 24 mois précédant la vente des actions en question. Le tribunal fut informé au début de l'audience que les autres questions soulevées dans les Avis d'appel et dans les Réponses aux avis d'appel n'étaient plus contestées.

[3] Les appelants Harquail et Girard ont été les seuls à déposer lors de l'audition de ces appels. L'appelant Harquail était l'un des actionnaires, cadres et administrateurs de la société Les Immeubles Arnaud de 1973 jusqu'à la vente des actions à Développements Hydroméga Inc. (“Hydroméga”) en février 1989. L'appelant Harquail s'est décrit comme un homme d'affaires ; il était aussi avocat. L'appelant Girard était également actionnaire et administrateur de la société Les Immeubles Arnaud. Au moment où il a fait l'acquisition d'actions dont il est ici question, il était directeur de succursale d'une banque. Les administrateurs de la société Rivière Hall étaient les mêmes à l'époque pertinente que ceux de la société Les Immeubles Arnaud.

[4] Les parties se sont entendues, pour les fins du présent litige, sur le point que la société Les Immeubles Arnaud possédait deux catégories d'actif. Cette société possédait directement un actif immobilier, qui consistait en terrains et immeubles et indirectement, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'une filiale à part entière, la société Rivière Hall, un actif hydro-électrique, qui incluait des immobilisations comprenant un barrage, des équipements de production et des droits d'exploitation hydro-électrique sur la rivière Ste-Marguerite. Les parties ont également admis que l'actif hydro-électrique de la société Rivière Hall représentait durant la période en litige 100% de son actif et 90% ou plus de l'ensemble de l'actif de la société Les Immeubles Arnaud.

[5] Gulf Pulp and Paper Inc. (“Gulf Pulp”), connu originairement sous le nom de North Shore Power Railway Navigation Company, a exploité à partir de 1902 jusqu'à la fin des années 1960 une usine de pâtes et possédait des concessions forestières et des droits d'exploitation du potentiel hydro-électrique comprenant un barrage situé sur la rivière Ste-Marguerite, de même que 1 500 hectares de terrains adjacents. L'emplacement de ses immobilisations est situé à Clarke City dans la province de Québec ; Clarke City est à mi-chemin entre Port Cartier et Sept-Îles.

[6] En 1969, Gulf Pulp transférait la totalité de son actif à la société Les Immeubles Arnaud “incluant des hypothèques totalisant environ 500 000 $” mais excluant les droits d'exploitation du potentiel hydro-électrique qui, à cause de certaines exigences légales, ont été cédés à Rivière Hall.

[7] Les objets de la société Les Immeubles Arnaud, créée en mai 1969, sont décrits comme suit :

[...]

To carry on the business of an investment company and of a real estate holding and development company, ...

Quant aux objets de la société Rivière Hall, constituée par lettres patentes en juillet 1969, ils sont en partie formulés comme suit :

a) To produce, generate, manufacture by any means and to supply, sell and dispose of electricity and electric current for heat, light and power and for any other purposes for which the same may be used;

[8] Les appelants Harquail et Girard et le notaire Pierre Duchesne ont acheté en 1973 toutes les actions du capital-actions de la société Les Immeubles Arnaud. Ils ont alors conçu un plan d'affaires pour cette dernière société.

[9] Ce plan comportait à l'origine la vente de lots et particulièrement de lots à bâtir. Cette société a alors commencé à vendre des terrains en grande partie pour la construction de résidences. Une quarantaine de terrains ont été vendus de 1973 à 1975 et quelques ventes ont eu lieu par la suite à des moments qui n'ont pas été précisés.

[10] La société Les Immeubles Arnaud déclare à cet égard pour les années 1973, 1974 et 1975 des profits de 281 $, 24 974 $ et 105 410 $ respectivement et des dividendes de 29 300 $ pour l'année 1973 et 36 000 $ pour l'année 1975.

[11] La société Les Immeubles Arnaud ne faisait que vendre des terrains ; elle n'a fait aucune construction sur ces terrains. Elle croyait qu'elle pouvait plus facilement disposer des terrains si elle fournissait de l'électricité à bas prix aux résidants. Il fallait toutefois avoir des clients pour que soit rentable l'aménagement de la “chute I”. L'un des clients potentiels était Hydro-Québec. Cette dernière société avait toutefois comme politique de ne pas acheter de l'électricité de producteurs indépendants. La société Les Immeubles Arnaud avait plusieurs autres clients possibles, y compris Iron Ore Company (“Iron Ore”), mais elle n'a conclu d'entente avec aucun d'eux.

[12] De nombreux efforts ont été effectués dans le temps et dans les années subséquentes par les sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall pour promouvoir la mise en valeur du potentiel hydro-électrique de la rivière Ste-Marguerite.

[13] En octobre 1978, la société Rivière Hall a commandé une étude afin de déterminer si elle pouvait procéder à l'aménagement de la chute I. L'objet de l'étude a été précisé dans les termes que voici par l'appelant Harquail[3] :

A. The purpose of the study was to determine the technical and economic feasibility of bringing the First Falls development from a standby basis into an active producing basis.

Cette étude a été faite par la firme Montreal Engineering Company, Limited pour un prix de 10 000 $. Le rapport initial intitulé “HALL RIVER POWER CORPORATION ASSESSMENT OF HYDRO POTENTIAL AT FIRST FALLS, RIVIERE STE.MARGUERITE, P.Q.” est en date de décembre 1978. Ce rapport, qui a estimé le coût de cet aménagement à 7 000 000 $, a conclu que la mise en valeur de la chute I de la rivière Ste-Marguerite était techniquement possible mais que cette opération ne serait pas rentable en vue de l'inefficacité des génératrices existantes. On fait état en particulier de trois problèmes : 1) la technologie de certaines installations était désuète; 2) la chute produisait un courant irrégulier; et 3) la politique d'Hydro-Québec qui exigeait que toute électricité produite par un producteur indépendant soit utilisée par celui-ci pour ses propres fins et ne puisse être revendue à des tiers.

[14] En 1978, le notaire Duchesne a vendu les actions qu'il détenait dans le capital-actions de la société Les Immeubles Arnaud à messieurs Charles E. Couture, Mario Isacco et à l'appelant Jean-Pierre Hudon. Ces trois individus résidaient à Sept-Îles et devinrent administrateurs de la société Les Immeubles Arnaud.

[15] Le 10 novembre 1979 lors d'une assemblée, les actionnaires de la société Les Immeubles Arnaud ont donné le mandat à l'appelant Harquail d'étudier trois options :

1. L'expropriation de cet aménagement par Hydro-Québec ;

2. la vente à Iron Ore de droits et biens relatifs à ce projet hydro-électrique ;

3. une exploitation en co-entreprise avec Iron Ore et Hydro-Québec.

[16] Pour la poursuite de ce mandat, une somme de 15 000 $ fut mise à la disposition de l'appelant Harquail. Cette somme devait servir à défrayer des dépenses qui pouvaient être faites au cours de l'exécution de ce mandat. En outre, les actionnaires de la société Les Immeubles Arnaud acceptèrent de verser des honoraires à l'appelant Harquail selon le barème précisé dans le procès-verbal de cette même assemblée de la société Les Immeubles Arnaud du 10 novembre 1979. Ce barème tient compte de différentes éventualités, y compris la co-entreprise.

[17] La troisième option permettrait à la société Les Immeubles Arnaud de contourner la politique d'Hydro-Québec puisque la société pourrait revendre, pour ainsi dire, l'électricité à l'un des partenaires qui étaient proposés, soit Iron Ore ou Hydro-Québec.

[18] En avril 1980, l'appelant Harquail, en sa qualité de mandataire de la société Les Immeubles Arnaud, participait à une réunion avec des représentants d'Iron Ore et d'Hydro-Québec pour discuter de travaux et des coûts relatifs à ce projet hydro-électrique. À la suite d'une rencontre en juin 1980, Hydro-Québec a entrepris une étude portant sur la régularisation provisoire de la rivière Ste-Marguerite à la suite d'une demande faite par les sociétés Rivière Hall et Gulf Power, une filiale de la société Iron Ore. Selon l'appelant Harquail, cette étude recommandait à Hydro-Québec d'entreprendre ce projet. En dépit des conclusions de cette étude, Hydro-Québec a décidé de ne pas poursuivre ce projet mais plutôt de procéder à l'aménagement du projet de Grande-Baleine. Le mandat de l'appelant Harquail devait se terminer le 30 juin 1980 mais il a continué ses activités relatives à ce mandat après cette date.

[19] Puisqu'une exploitation en co-entreprise avec Hydro-Québec n'était plus possible, la société Les Immeubles Arnaud s'est tournée vers Iron Ore qui venait de construire une nouvelle usine à Sept-Îles. Des discussions à ce sujet ont eu lieu au cours des années 1981 et 1982 entre les représentants des sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall d'une part et ceux d'Iron Ore d'autre part. L'appelant Harquail a insisté pour dire que la société Les Immeubles Arnaud avait alors examiné avec beaucoup d'attention la question de la mise en valeur de la chute I.

[20] En 1987, l'estimation du coût du projet d'aménagement de la chute I avait été établie à 17 000 000 $, mais l'appelant Harquail a témoigné qu'il n'envisageait aucun problème à obtenir le financement requis.

[21] Le procès-verbal d'une assemblée tenue le 2 juillet 1987[4] par les administrateurs de la société Les Immeubles Arnaud précise dans un paragraphe intitulé “DEVELOPMENT OF HYDRO-ELECTRIC POTENTIAL AT FIRST FALLS, RIVIERE MARGUERITE” que les appelants Harquail et Girard étaient autorisés à faire ce qui suit : “to forthwith open discussions with all interested parties with a view to advancing the development as expeditiously as possible”. En passant, ce procès-verbal prévoyait la vente possible d'un terrain à la ville de Sept-Îles par la société Les Immeubles Arnaud.

[22] Le même 2 juillet 1987, a eu lieu une assemblée des administrateurs de la société Rivière Hall, comme il appert du premier paragraphe du résumé d'un rapport, en date du 4 août 1987, dont il sera question plus tard. Au procès-verbal de cette assemblée, il est précisé que les appelants Harquail et Girard représenteront la société Rivière Hall dans ses négociations avec Hydro-Québec.

[23] Le 7 juillet 1987, l'appelant Harquail en sa qualité de vice-président de Rivière Hall a expédié une lettre à un vice-président d'Hydro-Québec dont l'un des paragraphes doit être noté :

[...]

It is our understanding that the recently adopted policy of Hydro-Québec envisages the purchase of power from small hydro-electric enterprises to a maximum production level of 25 MW. To this end, we respectfully seek a meeting with representative of Hydro-Québec at the earliest possible moment to discuss the procedures and requirements to enable a comprehensive agreement to be entered into between Hall River and Hydro-Québec. This would enable the Company to go forward, in an expeditious manner, with the planning/development and construction envisaged in a rehabilitation the First Falls facility at La Ville de Sept-Iles Ouest.

[24] Le 4 août 1987, l'appelant Harquail dressait un rapport détaillé de cinq pages — dont j'ai déjà fait mention — adressé au président et administrateurs de Rivière Hall sur les assemblées et autres activités qui se sont déroulées au cours du mois de juillet 1987. Ce rapport donne une bonne idée des options envisagées à l'époque par Rivière Hall quant à la poursuite du projet relatif à la mise en valeur de l'actif hydro-électrique de cette dernière société.

[25] Le 20 août 1987, Hydro-Québec a communiqué à l'appelant Harquail, à titre de vice-président de Rivière Hall, sa nouvelle “politique d'achat d'électricité produite par des petites centrales appartenant à des tiers au Québec” établie le 18 février 1987[5], à la suite de l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement provincial. Après des négociations longues et difficiles avec Hydro-Québec, cette dernière s'est dite prête à acheter de l'électricité à 2,86 cents le kilowattheure alors que la société Rivière Hall voulait vendre l'électricité à 4,2 cents le kilowattheure.

[26] Le 24 août 1987, l'appelant Harquail en sa qualité de vice-président de Rivière Hall écrivait au ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec pour indiquer que cette société “est intéressée à aménager un site hydraulique et demande les permis nécessaires afin de conclure une entente avec Hydro-Québec pour l'achat d'énergie”. Les deux premiers paragraphes de cette lettre sont tout à fait clairs sur ce sujet ; ils se lisent ainsi :

La Société Rivière Hall possède les droits d'usage d'un barrage et les droits sur les forces hydrauliques à la chute I de la rivière Ste-Marguerite. Cet emplacement, situé dans la ville de Sept-Iles à 7.5 km en amont de l'embouchure de la rivière, offre une chute brute de 17,4 m. Cette Société souhaite y installer une centrale hydro-électrique. Des discussions préliminaires ont été entamées avec Monsieur Jean-Claude Richard du bureau de Monsieur Jacques Guevremont, Vice-président exécutif, Hydro-Québec.

Selon les modalités stipulées dans la Résolution HA-347-54/87 du Conseil d'Administration de l'Hydro-Québec, en date du 18 février 1987 et ayant pour titre "Politique d'achat d'électricité produite par des petites centrales appartenant à des tiers au Québec" (copie ci-jointe), la Société Rivière Hall, promoteur autonome, avise, par la présente, qu'elle est intéressée à aménager un site hydraulique et demande les permis nécessaires afin de conclure une entente avec l'Hydro-Québec pour l'achat d'énergie.

[27] Cette lettre du 24 août 1987 au ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec fut suivie d'une autre lettre en date du 14 septembre 1987 au même ministre émanant de l'appelant Harquail en sa qualité de vice-président de Rivière Hall. Cette lettre faisait aussi état d'une réunion qui a eu lieu le 8 septembre 1987 entre l'appelant Harquail et un vice-président d'Hydro-Québec. Cette lettre traite de deux questions, l'une relative à la source des droits de la société Rivière Hall comme détentrice des ressources hydrauliques à la chute I de la rivière Ste-Marguerite et l'autre a trait à une suggestion faite au ministre en question d'augmenter la capacité de production de ces ressources hydro-électriques.

[28] Le même jour soit le 14 septembre 1987, l'appelant Harquail, comme vice-président de Rivière Hall, faisait parvenir une lettre au ministre de l'Environnement du Québec dont le corps de la lettre est identique à celui de la lettre du 24 août 1987 au ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec. Les deux paragraphes importants de cette dernière lettre ont été reproduits au paragraphe 26 de ces motifs de jugement.

[29] Le 13 novembre 1987, SNC Hydro Inc. (aujourd'hui SNC Lavalin), par l'intermédiaire de son vice-président, communiquait avec le commissaire industriel de la ville de Sept-Îles et indiquait ce qui suit : “Dans l'hypothèse ... où des négociations avec Hydro-Québec résulteraient en un tarif acceptable (pour la vente de l'électricité), SNC serait en mesure de mettre en place le financement, construire le projet et opérer le projet en conjonction avec la Compagnie d'électricité de la Rivière Hall”. [Les mots entre parenthèses sont de moi.]

[30] Le 27 novembre 1987, l'appelant Girard pour le compte de Rivière Hall à la suite d'une conversation téléphonique avec un dénommé Jacques Painchaud du Ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec communiquait par lettre avec ce dernier ministère pour se plaindre du prix de vente de l'électricité fixé par Hydro-Québec et affirmait que “cette politique vient fermer la porte à notre entreprise”. Il disait ne pas comprendre cette attitude d'Hydro-Québec étant donné “qu'il existe très peu de centrales électriques indépendantes qui ont la possibilité de produire de l'électricité au Québec”.

[31] Le 13 janvier 1988, l'attaché politique du ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec a répondu à la lettre du 24 août 1989 de l'appelant Harquail en l'invitant à “entrer en communication avec le bureau régional du ministère de l'Environnement du Québec à Sept-Îles” et à obtenir un permis de la Régie de l'électricité et du gaz. Cette lettre reconnaît aussi, comme l'a souligné l'appelant Harquail dans son témoignage, les “prior rights under the original grant to James Clark at First Falls” et indirectement les droits des sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall, à l'exclusion d'Hydro-Québec. Le même jour, une lettre était expédiée par le cabinet du ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec à l'appelant Girard en réponse à la sienne du 27 novembre 1987 lui suggérant “d'entrer en communication avec le sous-ministre associé à l'énergie ... afin de fixer une rencontre pour essayer de trouver un terrain d'entente”. Cette réunion eut lieu à Québec le 29 février 1988.

[32] Un formulaire “Avis de projet” était envoyé le 22 janvier 1988 au ministère de l'Environnement du Québec par l'appelant Harquail agissant pour le compte de Rivière Hall. Cet “Avis de projet” constituait une demande de permis environnementaux. Cet “Avis de projet” au paragraphe no 4 mentionne les “principaux objectifs poursuivis” en ces termes :

- exploiter davantage les ressources hydro-électriques de la rivière Ste-Marguerite;

- utiliser le cours d'eau et la Première Chute de la rivière Ste-Marguerite à la production d'énergie propre et utile.

Comme partie de ce formulaire “Avis de projet” figure un tableau intitulé “Preliminary Project Schedule”. L'appelant Harquail s'explique ainsi au sujet de ce document[6] :

A. We had entered into very intensive negotiations with both the SNC group on general contracting and construction, and Dominion Bridge, Sulzer who were really going to supply all the equipment, and they had prepared a project schedule which envisaged the construction starting at the First Falls in January of 1988, and being concluded in January of 1990.

[33] Par une lettre du 29 janvier 1988, adressée au ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec, l'appelant Harquail demandait au nom de Rivière Hall l'annulation de trois baux détenus par la société Gulf Power étant donné que Iron Ore, “propriétaire de la Société Gulf Power” avait informé Rivière Hall “de son intention de renoncer au développement du potentiel hydro-électrique des Première et Deuxième Chutes, Rivière Ste-Marguerite”. Rivière Hall demandait aussi que des baux lui soient consentis par le ministère en question pour les huit lacs qui sont désignés dans cette même lettre.

[34] Rivière Hall voulait obtenir le bénéfice de ces baux afin de pouvoir réglementer le débit du cours d'eau en attendant l'achèvement du projet Mille 56 par Hydro-Québec[7].

[35] Une étude a été aussi effectuée, au début de l'année 1988, à la demande de l'appelant Harquail, par un économiste de Toronto, monsieur Percy Macfaney dans laquelle il fournissait des explications au sujet du concept relatif à la théorie appelée “Marginal or "Avoided" costs”. Cette étude devait être utilisée dans les discussions que les représentants de Rivière Hall devaient avoir avec Hydro-Québec. L'étude en question a coûté approximativement 1 500 $.

[36] Le 22 février 1988, le directeur des évaluations environnementales du ministère de l'Environnement du Québec a répondu à l'“Avis de projet” en indiquant que la société Rivière Hall recevrait bientôt la directive du ministre “indiquant la nature, la portée et l'étendue de l'étude d'impact” que la société Rivière Hall aura à préparer.

[37] Le 29 février 1988, le sous-ministre associé à l'Énergie du Québec, au cours d'une réunion avec l'appelant Girard, a expliqué qu'il y avait un “processus très compliqué” pour modifier le prix proposé par Hydro-Québec pour la fourniture de l'électricité.

[38] Le 20 juillet 1988, le ministère de l'Environnement du Québec a fait parvenir à l'appelant Harquail de Rivière Hall le “projet de directive” concernant le projet de la chute I et a invité l'appelant Harquail à fournir ses commentaires sur celui-ci.

[39] Le 15 septembre 1988, le ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec a répondu à la lettre de l'appelant Harquail du 29 janvier 1988 en avisant ce dernier que “seul le détenteur des baux peut en demander la résiliation” et que le ministère était en train de préparer “un projet de révision de la Loi sur le régime des eaux visant à simplifier le processus de la gestion et de l'octroi des droits d'usage de la ressource hydraulique”.

[40] Une lettre en date du 18 août 1988 expédiée par l'appelant Harquail au nom de Rivière Hall au président de Lavalin Hydro Inc. fait état d'une réunion très productive qu'ils avaient eue et de l'envoi à ce dernier d'une documentation décrite à l'annexe “A” du document intitulé “Confidentiality Agreement ” entre Lavalin Hydro Inc. et la société Rivière Hall.

[41] Le 19 octobre 1988, le ministère de l'Environnement du Québec a fait tenir une révision de ce “projet de directive” à l'appelant Harquail et a invité le “consultant en matière d'environnement” de la société Rivière Hall à fournir des commentaires à la direction concernée de ce ministère. À ce sujet, l'appelant Harquail a reconnu que la société Rivière Hall n'avait pas retenu les services d'un “consultant en matière d'environnement”, mais a insisté sur le point qu'elle faisait valoir ses observations au cabinet (Gouvernement du Québec) dans le but d'être dispensée de l'obligation de faire une étude environnementale. Il pensait que cette approche était valable puisque les installations existaient déjà et qu'il n'y aurait ni inondation, ni de déplacement de personnes.

[42] Au cours de l'automne 1988, l'appelant Girard a été informé que la société Hydroméga était intéressée à exploiter l'actif hydro-électrique de Rivière Hall. Il rencontrait les représentants de cette dernière pour parler de stratégie et de la possibilité d'exploiter le potentiel hydro-électrique en co-entreprise. Au cours de cette rencontre, les représentants d'Hydroméga ont indiqué à l'appelant Girard qu'ils voulaient “acheter Arnaud”.

[43] Une entente de principe est intervenue le 23 octobre 1988 entre Hydroméga et les actionnaires de la société Les Immeubles Arnaud, dont les appelants à l'exception de l'appelant Harquail, en vertu de laquelle entente Hydroméga s'engageait à acquérir “les actions, avances et droits des actionnaires” de la société Les Immeubles Arnaud pour 2 000 000 $ payable de la façon indiquée au paragraphe 6 F). Le paragraphe 6 G) stipule toutefois qu'Hydroméga :

G) ...pourra ne pas acquérir lesdites actions, avances et droits si :

i) ses études et analyses ne démontrent pas une rentabilité;

ii) elle n'obtient pas la permission des autorités gouvernementales compétentes pour l'exploitation de SMI;

iii) des ententes ne peuvent être conclues avec Hydro-Québec.

Le paragraphe 12 de cette entente est également d'un certain intérêt :

12.- Les actionnaires informent HMD (Hydroméga) que leur accord est conditionnel à ce que Gérald Harquail accepte également de vendre et les autorise à vendre. HMD (Hydroméga) est consentante à ce fait.

[Les mots entre parenthèses sont de moi.]

[44] Le 12 décembre 1988, le vice-président Richard d'Hydro-Québec faisait tenir à l'appelant Harquail, en sa qualité de vice-président de Rivière Hall, la directive relative aux “exigences établissant les conditions d'achat de l'électricité des producteurs autonomes pour les projets à intégrer au réseau principal d'Hydro-Québec”. Cette directive porte la date de novembre 1988. L'appelant Harquail avait poursuivi ses discussions avec Hydro-Québec durant la période qui avait précédé l'établissement de cette directive dans le but de résoudre cette question du prix de vente de l'électricité.

[45] Le 24 février 1989, tous les actionnaires de la société Les Immeubles Arnaud vendaient à Hydroméga toutes leurs actions du capital-actions de la première société pour un prix de 2 000 000 $.

[46] L'appelant Harquail a témoigné qu’il ne voulait pas vraiment disposer de ses actions mais qu’il n’avait pas de choix, étant donné qu’il était un actionnaire minoritaire et que les autres actionnaires voulaient vendre. Au cours de l'interrogatoire préalable, monsieur Girard a dit que le projet “aurait pris beaucoup d’argent de la part des actionnaires”. Il a estimé à 5 000 000 $ le montant en question. Il a témoigné que l’obligation d’emprunter cette somme et le prix très bas offert par Hydro-Québec pour la vente de l'électricité ont rendu le projet “non faisable”.[8]

[47] Les appelants inclurent les gains en capital résultant de cette transaction dans leurs déclarations d'impôt pour l'année d'imposition 1989. Comme il a été mentionné au début de ces motifs, chacun des appelants réclame la déduction permise relativement à la disposition d'actions admissibles de petite entreprise prévue par le paragraphe 110.6(2.1) de la Loi.

[48] Dans les déclarations de revenu de la société Rivière Hall pour les années d'imposition 1986, 1987, 1988 et 1989 ainsi que dans la déclaration de revenu de la société Les Immeubles Arnaud pour l'année d'imposition 1989, le mot “inactive” était inséré dans la case portant sur “les activités principales de l'entreprise”. Dans les états financiers de Rivière Hall, joints à ses déclarations de revenu pour les années 1986 et 1987, il est indiqué que “la société, constituée en vertu de la Partie I de la Loi des compagnies du Québec, est inactive depuis plusieurs années”. Le contrat de vente du 24 février 1989 mentionne aux articles 3.1.10 et 3.1.13 que les deux sociétés, Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall, n'avaient eu aucune activité depuis le 31 décembre 1988 et n'avaient eu aucun employé depuis les cinq dernières années.

[49] Après la vente du 24 février 1989, Hydroméga a entrepris l'aménagement des installations hydro-électriques tel qu'envisagé par Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall. L'appelant Harquail a témoigné que Hydroméga a pu vendre de l'électricité à 4,5 cents le kilowattheure en 1990 ou 1991.

Prétentions des appelants

[50] Pour le compte des appelants, on s'est d'abord référé à la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire The Queen v. Rockmore Investments Ltd., 76 DTC 6156. L'avocat des appelants a clairement indiqué que ce n'était pas les faits de cette dernière cause qui étaient importants pour les fins du présent litige mais bien plutôt les principes dégagés par le juge en chef Jackett de façon particulière dans le passage suivant à la page 6157 :

In considering whether there is an "active business" for the purposes of Part I, the first step is to decide whether there is a "business" within the meaning of that word. Section 248 provides that that word, when used in the Income Tax Act, includes "a profession, calling, trade, manufacture or undertaking of any kind whatever" and includes "an adventure or concern in the nature of trade" but does not include "an office or employment". Furthermore, the contrast in section 3(a) of the Act between "business" and "property" as sources of income makes it clear, I think, that a line must be drawn, for the purposes of the Act, between mere investment in property (including mortgages) for the acquisition of income from that property and an activity or activities that constitute "an adventure or concern in the nature of trade" or a "trade" in the sense of those expressions in section 248 (supra). Apart from these provisions, I know of no special considerations to be taken into account from a legal point of view in deciding whether an activity or situation constitutes the carrying on of a business for the purposes of Part I of the Income Tax Act. Subject thereto, as I understand it, each problem that arises as to whether a business is or was being carried on must be solved as a question of fact having regard to the circumstances of the particular case.

[51] On a ensuite invoqué la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marconi v. The Queen, 86 DTC 6528. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada a confirmé la jurisprudence anglaise qui établissait dans le cas d'une société par actions, la règle selon laquelle il existe une présomption, qui peut être réfutée, que le revenu tiré d'une activité relevant d'un objet énoncé dans les lettres patentes ou les statuts d'une société provient de l'exploitation d'une entreprise.

[52] Les appelants ont ensuite tenté de démontrer que lorsqu'une société entreprend des activités dans le but d'une mise en valeur future, elle exploite une entreprise. À l'appui de cette proposition, l'avocat des appelants s'est référé à trois arrêts de la Section de première instance de la Cour fédérale, à savoir : E.R. Squibb & Sons Ltd. v. M.N.R., 73 DTC 5140, Esar et al. v. The Queen, 74 DTC 6062 et The Queen v. Dorchester Drummond Corp. Ltd., 79 DTC 5163.

[53] L'arrêt Squibb précité traitait d'une société qui avait déduit dans le calcul de son revenu les taxes municipales et scolaires sur certains terrains dont seulement 16% avaient été exploités. Le ministre n'a permis une déduction pour les taxes foncières que sur la partie qui avait été mise en valeur au motif que le reste de ces terrains n'étaient pas utilisés dans l'exploitation d'une entreprise. Le juge Cattanach a été ainsi appelé à déterminer si les dépenses relatives aux taxes foncières pour la partie du terrain non utilisée avaient été engagées dans l'exploitation d'une entreprise. À la page 5142, il s'est exprimé ainsi :

It is not a condition of the deductibility of a disbursement or expense that it may have been made in vain. Rather, the question is whether the expenditure was in the course of the current operation of the business as part of the policy of the taxpayer in conducting its operations in a businesslike way.

[54] L'avocat des appelants a aussi attiré l'attention du tribunal sur les passages suivants de cette même décision aux pages 5143 et 5144 :

Those sales and purchases are consistent with the avowed purpose of the appellant that it intended to use the entire area for the business although the use of a portion might be delayed.

[...]

It is not realistic that the appellant should be considered in isolation. It was part of a larger overall organization. Its shares were wholly owned by the parent corporation and the policy of the whole organization was necessarily that of the appellant. The pragmatic or practical approach clearly points to the policy and intention of the parent corporation as relevant to the policy and intention of the appellant. In fact they were coincidental.

[55] Le juge Cattanach a conclu que les dépenses étaient engagées en vue d'une expansion éventuelle de ses installations et étaient donc déductibles. Il n'a pas dit spécifiquement que la détention des terrains faisaient partie de l'exploitation de l'entreprise du contribuable mais cette conclusion découlait logiquement de ses observations.

[56] Les faits de l'arrêt Esar (supra) se rapprochent un peu plus des faits de la présente cause. Cet arrêt concernait aussi des contribuables qui avaient réclamé la déduction de leurs taxes foncières. Ils avaient acheté un terrain dans le but de construire une bâtisse commerciale ou industrielle. Puisqu’ils n’avaient pas alors les ressources financières pour construire une telle bâtisse, ils ont loué — pour un loyer minime — une maison délabrée qui s’y trouvait. Après quelques années, les autorités municipales ont déterminé que cette maison ne pouvait plus être utilisée comme maison d'habitation et ont ordonné sa démolition. Le terrain est ensuite resté inoccupé pendant plusieurs années. Le ministre a refusé la déduction des taxes foncières à l'égard de ce terrain en raison du fait que le terrain n’avait produit aucun revenu pendant plusieurs années et que les revenus qu’il avait produits durant certaines années étaient minimes. Le juge Heald a conclu que puisque le terrain était retenu avec une expectative raisonnable qu’un édifice y serait construit, les taxes foncières étaient déductibles. L'attention du tribunal a été attirée sur le passage suivant du jugement à la page 6065 :

In view of the foregoing facts, I have concluded that the plaintiffs have discharged the onus cast upon them of establishing that subject land was retained in the reasonable expectation that they would be able to utilize the land for the construction of a commercial or industrial building which they would rent out for income. That being so, it follows that the payment of property taxes was an expenditure on revenue account and as such was laid out for the purpose of gaining or producing income within the meaning of section 12(1)(a) of the Income Tax Act.

[57] L’arrêt Dorchester Drummond traite lui aussi d’une société par actions qui désirait déduire ses taxes foncières. La contribuable avait acquis un terrain au centre-ville de Montréal dans le but d'y construire un bâtiment. Cette société avait contracté avec des architectes et des plans avaient été établis mais après l’acquisition du terrain le marché de location de bureaux à Montréal s’est détérioré et elle a décidé d’attendre qu’il s’améliore. Dans l'intervalle, cette société a exploité un stationnement pour quelques années, mais la ville de Montréal a, par la suite, prohibé l'exploitation de ce terrain de stationnement et le contribuable a été obligé d'y mettre fin. La société en question a aussi négocié avec certaines firmes dans le but d'obtenir des locataires pour le futur bâtiment. Ces négociations n’ont pas abouti. On a mis l'accent sur les paragraphes suivants du jugement du juge Walsh où il formule sa conclusion aux pages 5168 et 5169 :

It cannot be contended that the company was not carrying on a business during the years in question. This was established in the case of M.R.T. Investments Limited et al. v. The Queen, 75 DTC 5224 (confirmed in appeal [76 DTC 6158, F.C.A.]) which dealt with what constituted an "active business" within the meaning of Section 125 of the new Income Tax Act. It was held that business activities need be neither extensive nor profitable in order for the taxpayer to be considered as carrying on an active business. Gibson, J. reached the same conclusion in Her Majesty The Queen and Cadboro Bay Holdings Limited, [77 DTC 5115], 1977 C.T.C. 186; after carefully reviewing the jurisprudence. Defendant was therefore undoubtedly carrying on business during the years in question.

[...]

I have concluded that on the facts of this case the better view is that the deduction of these taxes should be permitted.

[58] Fut aussi l'objet de commentaires par l'avocat des appelants la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Ensite Limited v. Her Majesty The Queen, 86 DTC 6521, où il s'agissait du retrait d'un bien qui pourrait avoir un effet nettement négatif sur les opérations du contribuable en question. On a souligné le passage suivant de cette décision :

[TRADUCTION]

[...] On satisfait aux exigences minimales du critère dès lors que le retrait du bien aurait “un effet nettement négatif sur les opérations de la compagnie”: March Shipping Ltd. c. Ministre du Revenu national, précité, à la p. 374. Cela créerait une distinction entre le placement de bénéfices provenant d'activités commerciales afin d'atteindre quelque but accessoire comme le remplacement à long terme d'un bien immobilisé (voir, par exemple, Bank Line Ltd. v. Commissioner of Inland Revenue (1974), 49 T.C. 307 (Scot. Ct. of Session)) et un placement effectué pour satisfaire à une condition qui doit obligatoirement être remplie avant d'entreprendre des activités commerciales (voir, par exemple, Liverpool and London and Globe Insurance Co. v. Bennett, [1913] A.C. 610 (H.L.), et Owen v. Sassoon (1951), 32 T.C. 101 (Eng. H.C.J.) C'est dans ce dernier cas seulement que si on n'affectait plus ce bien de cet usage, l'exploitation de l'entreprise en souffrirait notablement. [...]

[59] L'avocat des appelants a soutenu en s'appuyant sur cette dernière décision que dans la présente affaire “sans les actifs hydro-électriques, il n'y en aurait pas eu d'entreprise”.

Prétentions de l'intimée

[60] Plusieurs arrêts mentionnés par l'intimée touchaient la question de la déductibilité de certaines dépenses que les contribuables qualifiaient de frais de démarrage (“start-up costs”).

[61] La première décision traitant de cette question est l'affaire Craddock et al. v. M.N.R., 86 DTC 1014. Cet arrêt concernait deux contribuables qui avaient acheté une ferme dans le but d’élever du bétail. Ils ont passé quelques années à améliorer le sol et les installations avant d’acheter du bétail. Les contribuables prétendaient avoir droit de déduire le coût de ces améliorations, ainsi que les intérêts et les taxes foncières. Le juge Rip a conclu que ces dépenses n’étaient pas déductibles car les contribuables n’exploitaient pas une entreprise quand elles ont été engagées. Les passages suivants à la page 1016 de cette décision sont particulièrement intéressants :

In my view Messrs. Giffen and Craddock were not in the business of carrying on farming in 1980 and 1981. What they were doing during those years was preparing the property for use as a farm at some time in the future. These were not "start-up" costs of a business because in the years of the appeal the property could not support a business enterprise. [...] What the taxpayer is really saying is that his business operations cannot start until such time as there is sufficient capital available to support the business. In 1980 and 1981 Messrs. Giffen and Craddock were working to get the property to a condition which would support what they wanted to do with it. But they were not yet carrying on a business.

In these appeals Messrs. Giffen and Craddock are in effect saying that the business they wished to carry on could not start until the barn was rebuilt, the shed repaired, the house was in a proper state of repair and the arable land was susceptible of giving proper crops. In other words capital assets must first be improved to bring the farm property to a point where a business may be carried on.

[62] L'intimée s'est aussi référée à l'arrêt Rolland v. M.N.R., 87 DTC 341. Dans cette cause, le contribuable projetait d'exploiter une entreprise qui consistait en l’opération d’une montgolfière. Il avait acheté un ballon et l’équipement nécessaire et suivi des cours. Il a décidé d'acquérir quelques années d’expérience avant de prendre des passagers. Il a déduit les dépenses qu'il avait faites pendant ces quelques années. Le juge Bonner a conclu que ces dépenses n’étaient pas déductibles puisque le contribuable n’avait pas commencé l’exploitation d’une entreprise. À la page 343, on lit ce qui suit :

In my view the losses in issue were not, during the years in question the losses of a business because during that period no business had yet commenced.

[63] L'intimée a aussi fait état de la décision Bancroft v. M.N.R., 89 DTC 153. Dans cet arrêt, le contribuable avait fait des dépenses considérables dans le but de construire un centre touristique. Il avait acheté un terrain qui comprenait certaines installations et a effectué des rénovations importantes à ces installations. Par la suite, il a eu des difficultés à obtenir du financement additionnel et a dû abandonner le projet. Dans le calcul de son revenu, il a réclamé la déduction des dépenses en question. La juge Lamarre Proulx a conclu qu’il n’exploitait pas une entreprise. À la page 155, elle s'exprime ainsi :

On the evidence that was before me, I can only conclude that the Appellant's activities do not meet the threshold required for him to be considered as "carrying on a business". Put differently the Appellant never passed the stage of capital expenditure. The walls and foundations were there, but there was nothing which resembled a tourist resort. There was no kitchen, no washrooms. The inside was never finished. There had not been any training of personnel, needless to say no hiring, no promotion, no advertising. The Appellant, during all the years under appeal, was quite far from the operational phase of his plan.

[...]

The Appellant was in the process of creating a business structure. He never finished creating it. He never commenced his proposed business of a year-round country retreat. I am of the view that the evidence disclosed that the Appellant never carried on a business nor did he commence a business.

[64] Une brève mention fut faite de la décision dans l'affaire Hilts et al. v. M.N.R., 91 DTC 633. Les faits dans cette dernière cause ressemblent à l'arrêt Craddock précité.

[65] Mention fut aussi faite de la décision Samson et Frères Ltée v. The Queen, 96 DTC 1559. Dans cette cause, la société avait déduit certaines dépenses qu'elle avait faites après qu’un incendie eut détruit son entreprise. Elle avait conçu un plan et acheté des terrains et de l’équipement dans le but de commencer une nouvelle entreprise. Le juge Dussault a conclu que l’entreprise de la contribuable n’existait plus et que les activités qu’elle avait entreprises n’étaient que des démarches préliminaires. À la page 1562, on lit ce qui suit :

[...] J'estime que toutes les démarches faites en vue d'acquérir des terrains, des édifices ou de l'équipement à différents endroits n'étaient que préliminaires et destinées à réunir les éléments de base ou la structure de la nouvelle entreprise, structure qui n'a d'ailleurs jamais été concrètement mise en place et qui est toujours restée à l'étape de projet conditionnel à l'obtention d'un financement extérieur. Dans la mesure où la structure même de l'entreprise que l'on voulait exploiter n'a même pas été mise en place, on voit mal comment on peut prétendre que les dépenses se rattachant à des démarches préliminaires pour établir une entreprise qui n'existe pas, démarches qui ne dépassent pas le stade d'un projet, puissent être déductibles.

[66] L'intimée soutient que la société Les Immeubles Arnaud, comme dans l'affaire Samson (supra), n'avait entrepris que des démarches préliminaires. Selon l'intimée, la société Les Immeubles Arnaud (par l'intermédiaire de sa filiale) détenait un actif hydro-électrique et avait entamé des négociations mais la structure de l'entreprise n'était pas en place.

[67] La décision du juge Rothstein dans la cause Heinze v. The Queen, 97 DTC 5219, celle du juge Bowman dans l'affaire Goren v. The Queen, 98 DTC 1963 et finalement celle de la juge Lamarre dans l'espèce Sidawi et al. c. La Reine, 98 DTC 1775, ont été commentées assez brièvement par l'intimée.

[68] L'avocate de l'intimée a ainsi prétendu que les éléments essentiels et importants de la structure d'entreprise dans la présente cause n'avaient pas été réunis et ainsi ne permettaient pas de conclure qu'une entreprise avait été exploitée. Les démarches effectuées n'étaient pas, selon elle, suffisantes pour pouvoir soutenir que l'entreprise existait à l'époque pertinente.

Analyse

[69] La question en jeu — formulée de façon générale — consiste à déterminer si les actions de la société Les Immeubles Arnaud dont la disposition par les appelants en février 1989 a donné lieu à la réalisation de gains en capital étaient des actions admissibles de petite entreprise. Cette expression “action admissible de petite entreprise” est définie au paragraphe 110.6(1) de la Loi. La partie pertinente de ce paragraphe pour les fins de ce litige est reproduite ci-après :

110.6(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

action admissible de petite entreprise” — “action admissible de petite entreprise” S'agissant d'une action admissible de petite entreprise d'un particulier (à l'exception d'une fiducie qui n'est pas une fiducie personnelle) à un moment donné, action du capital-actions d'une corporation:

a) qui, à ce moment donné, est une action du capital-actions d'une corporation exploitant une petite entreprise, dont le particulier, son conjoint ou une société liée au particulier est propriétaire;

b) qui, tout au long de la période de 24 mois qui précède le moment donné, n'est la propriété de nul autre que le particulier ou une personne ou société qui lui est liée; et

c) qui, tout au long de la partie de la période de 24 mois qui précède le moment donné, où l'action est la propriété du particulier ou d'une personne ou société qui lui est liée, est une action du capital-actions d'une corporation privée dont le contrôle est canadien et dont plus de 50% de la juste valeur marchande de l'actif est attribuable à des éléments visés aux sous-alinéas (i) ou (ii) :

(i) des éléments utilisés dans une entreprise que la corporation ou une corporation qui lui est liée exploite activement, principalement au Canada,

(ii)[9].

Comme on le voit, cette définition pose trois conditions requises pour l'existence d'une “action admissible de petite entreprise”.

[70] Quant à l'élément a) de cette définition, il faut que l'action dont notamment un particulier est propriétaire soit une action du capital-actions d'une “corporation exploitant une petite entreprise” au moment de la disposition de cette action. Les termes “corporation exploitant une petite entreprise” et “entreprise” sont définis au paragraphe 248(1) de la Loi :

corporation exploitant une petite entreprise” — “corporation exploitant une petite entreprise” s'entend d'une corporation privée dont le contrôle est canadien et dont la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d'actif est attribuable, à la date donnée, à des éléments qui sont:

a) soit utilisés dans une entreprise que la corporation ou une corporation liée à celle-ci exploite activement principalement au Canada,

b) soit constitués d'actions du capital-actions d'une ou de plusieurs corporations exploitant une petite entreprise rattachées à la date donnée à la corporation (au sens du paragraphe 186(4) selon l'hypothèse que ces corporations exploitant une petite entreprise sont, à la date donnée, des corporations payantes au sens du même paragraphe) ou d'obligations, effets, billets, mortgages, hypothèques ou titres semblables émis par ces corporations rattachées,

c) soit visés aux alinéas a) et b);

pour l'application de l'alinéa 39(1)c), “corporation exploitant une petite entreprise” comprend une corporation qui était une corporation exploitant une petite entreprise à n'importe quelle date dans les 12 mois précédant la date donnée.

“entreprise” ou “affaires” comprend une profession, un métier, un commerce, une industrie ou une activité de quelque genre que ce soit et, sauf pour l'application de l'alinéa 18(2)c), de l'article 54.2 et de l'alinéa 110.6(14)f), un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, mais ne comprend pas une charge ou un emploi;

[71] De la définition de l'expression “corporation exploitant une petite entreprise”, il ressort parmi plusieurs conditions que “la totalité, ou presque, de la juste valeur marchande des éléments d'actif est attribuable, à la date donnée, à des éléments” d'actif qui sont “utilisés dans une entreprise que la corporation ou une corporation liée à celle-ci exploite activement principalement au Canada”.

[72] Comme deuxième condition, il faut que l'action en question n'ait pas été la propriété d'une autre personne que le contribuable en question (ou certaines autres personnes) au cours des 24 mois précédant la disposition de cette action.

[73] Le premier terme de la troisième condition — qui est sous une forme alternative — figurant au sous-alinéa c)(i) de la définition “action admissible de petite entreprise” exige que plus de 50% de la valeur marchande de l'actif de la “corporation” en question soit utilisé dans l'entreprise que “la corporation ou une corporation qui lui est liée exploite activement, principalement au Canada” au cours des 24 mois précédant le moment de la disposition de l'action. Les termes “entreprise exploitée activement” sont définis au paragraphe 248(1) de la Loi comme suit :

“entreprise exploitée activement”, relativement à toute entreprise exploitée par un contribuable résidant au Canada, désigne toute entreprise exploitée par le contribuable autre qu'une entreprise de placement désignée ou une entreprise de prestation de services personnels.

[74] Si on tient compte à la fois 1e de la condition de l'alinéa a) de la définition “action admissible de petite entreprise” qui exige que l'action en soit une d'une “corporation exploitant une petite entreprise”, la définition de cette dernière expression à son tour requérant à l'élément a) de cette définition que les éléments d'actif soient utilisés “dans une entreprise que la corporation ou une corporation liée à celle-ci exploite activement, principalement au Canada” et 2e de la condition formulée à l'alinéa c)i) de la définition de l'expression “action admissible de petite entreprise” qui énonce que “tout au long de la partie de la période de 24 mois qui précède” la disposition d'une action, les éléments d'actif d'un pourcentage déterminé soient “utilisés dans une entreprise que la corporation ou une corporation qui lui est liée exploite activement, principalement au Canada, il en résulte que les éléments d'actif d'une corporation donnée doivent être utilisés dans une entreprise que la corporation en question ou une corporation liée à celle-ci exploite activement tout au long de la période de 24 mois précédant la disposition d'une action. C'est la seule condition de la définition des termes “action admissible de petite entreprise” qui est l'objet d'une contestation.

[75] La question en jeu peut encore être définie plus précisément. En effet, si l'on se réfère à la définition de l'expression “entreprise exploitée activement”, il est admis par les parties que les sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall n'exploitaient ni une entreprise de placement désignée ni une entreprise de prestation de services personnels. Il s'ensuit donc que la seule question à déterminer — réduite à sa plus simple expression — est de savoir si les sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall exploitaient une entreprise au cours des 24 mois précédant le 24 février 1989, soit le jour de la vente des actions du capital-actions de la société Les Immeubles Arnaud. Les parties se sont entendues à l'audience que le seul point en litige porte sur la question telle que je viens de la formuler.

[76] Eu égard aux faits de la présente cause et la nature de la question en litige, je suis d'avis que les commentaires du juge Walsh dans sa décision — confirmée par la Cour d'appel fédérale — dans l'affaire M.R.T. Investments Ltd. et al. v. The Queen, 75 DTC 5224, me paraissent utiles. Dans cette dernière décision, il s'agissait de déterminer si le revenu était tiré d'une entreprise exploitée activement au Canada. Il y a lieu de noter que la Loi à l'époque ne définissait pas ce qui constituait une entreprise exploitée activement; la définition de l'expression “entreprise exploitée activement” figurant au paragraphe 248(1) de la Loi a été ajoutée par le paragraphe 66(1) du chapitre 5 des Statuts du Canada de 1979. Cette question est toutefois très voisine de celle qui concerne le tribunal présentement. À la page 5239, le juge Walsh s'exprime ainsi :

A consideration of the course of conduct over an extended period of time is relevant in determining the extent of the activity of a company's business. Certainly, a company could be incorporated but not actually commence operation on any extensive scale until some years thereafter. Similarly, a company that has been active could become dormant or nearly so, merely holding annual meetings and filing its returns in order to avoid the forfeiture of its charter. In neither event could it be considered as carrying on an "active business". Except for such extreme situations, however, I do not believe that the question of whether a company is carrying on an active business or not in any given year should be determined by looking at its activity in that year alone, or that mortgage lending companies, such as the present companies, should be considered as being inactive in any given year merely because they have made relatively few new loans in that year, although they have made a substantive number in the immediately preceding or succeeding years.[...]

[77] La décision de la Cour d'appel fédérale dans l'espèce M.N.R. v. M.P. Drilling Ltd., 76 DTC 6028, est intéressante pour les fins du présent litige bien que dans cette cause la Cour d'appel fédérale eût à traiter d'une question différente, à savoir si certaines dépenses étaient ou non des dépenses en immobilisation et si, de toute façon, elles étaient déductibles bien qu'elles ne fussent pas génératrices de revenu. En étudiant ces questions, le juge Urie, pour le compte de la Cour d'appel fédérale, a cru nécessaire de formuler des observations sur le moment où un contribuable commence l'exploitation d'une entreprise. Les passages suivants de cette décision aux pages 6031 et 6032 jettent un éclairage sur cette dernière question :

As I understand it, it is basic to the Appellant's submissions that the expenditures incurred by the Respondent in 1964, 1965 and 1966 were for the purpose of creating or acquiring a business structure. In Appellant Counsel's submission its activities during those years were preparatory to or for the initiation of a business and were not outlays made for the purpose of gaining or producing income from a business. If this submission were accepted the payments would have been on account of capital, falling within paragraph (a) of Jackett, C.J.'s test propounded in the Canada Starch case (supra).

In my view this argument does not withstand scrutiny in that it ignores the fact that the business structure per se came into existence in late September when the Respondent commenced its business operations by continuing the marketing negotiations, supply negotiations and technical studies through its consultants until June of 1964 when it opened its own office and engaged the services of its first employees, utilizing for such purposes funds advanced by its principal, Mr. Bawden, or other companies controlled by him.

[...]

[...] Counsel [for the Minister] took the position that, in substance, all of the expenditures were for a like purpose, i.e., to ascertain the feasibility of going into the business of purchase and sale of liquified natural gas to certain Pacific rim countries and this was so whether the work involved in such studies was carried out by the Respondent's own personnel or by outside consultants. He argued that none were made as part of the operation of the profit earning process of an existing business but were made as part of the formation of the structure necessary to engage in that process.

In my opinion, that argument is not supported by the evidence and, in fact, there is evidence which points in the opposite direction. Not the least important of that kind of evidence was the fact that negotiations undertaken by the Respondent's officers had culminated in some expressions of intent by potential customers to buy the gas and some by producers of the gas to sell it to the Respondent for the purpose of resale. Quite clearly then, the Respondent was in fact in business and was not simply bringing the business into existence. [...]

[...] I cannot agree that because the Respondent had not generated any revenue, let alone profit, makes it any less "the process of operation of a profit making entity".

[78] Il me faut donc déterminer si, à la lumière de la preuve, les démarches et activités faites par les sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall au cours de la période de 24 mois qui précède le moment de la disposition des actions le 24 février 1989 étaient suffisantes pour constituer l'exploitation d'une entreprise.

[79] Pour répondre à cette question, il faut procéder à un examen des opérations les plus importantes des sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall durant cette période de 24 mois précédant le 24 février 1989 et même durant les années antérieures à la période en cause, comme le suggère le juge Walsh dans l'affaire M.R.T. Investments précitée.

[80] Comme toile de fond, il y a lieu de noter que la société Les Immeubles Arnaud a vendu une quarantaine de terrains de 1973 à 1975. Par la suite, cette même société aurait effectué quelques autres ventes à des moments qui n'ont pas été précisés. Comme il appert des actes de procédure, les profits faits par la société Les Immeubles Arnaud sur ces ventes de terrains durant les années 1973 à 1975 ont été inclus dans le revenu de cette dernière. Il est donc incontestable que la société Les Immeubles Arnaud a exploité une entreprise durant les trois années en question. Il va de soi que cette dernière société a pu cesser par la suite d'exploiter son entreprise.

[81] En 1978, la société Rivière Hall fit faire une étude dans le but de s'enquérir sur la rentabilité de la mise en valeur de la chute I de la rivière Ste-Marguerite. Le rapport préliminaire achevé la même année a conclu que cette opération ne serait pas profitable.

[82] En novembre 1979, les actionnaires de la société Les Immeubles Arnaud donnent alors un mandat à l'appelant Harquail d'examiner trois options. L'une de ces options vise l'exploitation des ressources hydro-électriques situées à la chute I de la rivière Ste-Marguerite par la société Les Immeubles Arnaud en co-entreprise avec une autre firme. Dans le cadre de ce mandat, l'appelant Harquail a entrepris des pourparlers avec Hydro-Québec et Iron Ore. Hydro-Québec a été amenée à faire à son tour une étude portant sur la rentabilité de l'aménagement en question. Nonobstant la réponse par l'affirmative à cette question, Hydro-Québec a décidé alors de donner priorité à un autre projet.

[83] Après avoir été informés de la décision d'Hydro-Québec, les représentants des sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall ont entrepris au cours des années 1981 et 1982 des discussions avec Iron Ore dans le but de donner suite à un projet d'exploitation de la chute I.

[84] En 1987, le coût estimatif du projet d'aménagement de la chute I avait augmenté à 17 000 000 $. L'appelant Harquail a témoigné que l'obtention du financement requis pour cet aménagement ne causerait aucun problème.

[85] Le procès-verbal d'une assemblée des actionnaires de la société Les Immeubles Arnaud, du 2 juillet 1987, fait état du fait que les appelants Harquail et Girard étaient autorisés à avoir des discussions avec toutes les parties intéressées dans le but de mettre en valeur le potentiel hydro-électrique de Rivière Hall aussitôt que possible.

[86] En se référant à la nouvelle politique d'Hydro-Québec qui permet l'achat par cette dernière d'énergie de petites entreprises hydro-électriques, l'appelant Harquail, à titre de vice-président de Rivière Hall, s'est mis en communication avec Hydro-Québec en indiquant comme objectif la conclusion d'un accord entre Rivière Hall et Hydro-Québec au sujet de la vente d'énergie. Une telle entente, a souligné l'appelant Harquail dans sa lettre à Hydro-Québec, permettrait à Rivière Hall de procéder à la restauration des installations à la chute I et à l'aménagement de nouvelles structures au même emplacement.

[87] En novembre 1987, à la suite des démarches de Rivière Hall, SNC Hydro Inc. indique au commissaire industriel de la ville de Sept-Îles qu'elle était prête à faire le nécessaire — y compris d'assurer le financement — pour procéder de concert avec Rivière Hall aux travaux nécessaires touchant les installations hydro-électriques à la chute I de la rivière Ste-Marguerite si les négociations avec Hydro-Québec permettaient d'en arriver à un tarif acceptable pour la vente d'énergie.

[88] Trois lettres portant des dates en août et septembre 1987 émanant de Rivière Hall et adressées soit au ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec soit au ministre de l'Environnement du Québec furent produites pour le compte des appelants. Ces lettres visaient à la reconnaissance des droits de la société Rivière Hall relatifs au droit d'usage d'un barrage et de certaines ressources hydrauliques à la chute I de la rivière Ste-Marguerite et à l'obtention des permis nécessaires pour la mise en valeur de l'actif hydro-électrique de Rivière Hall.

[89] En novembre 1987, l'appelant Girard pour le compte de Rivière Hall a communiqué avec le ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec et a fait valoir avec beaucoup de vigueur les objections de Rivière Hall au prix proposé à ce moment-là par Hydro-Québec pour l'achat d'électricité produite par des producteurs indépendants. Quelques mois après l'envoi de cette lettre, soit le 29 février 1988, l'appelant Girard rencontrait le sous-ministre associé à l'Énergie du Québec pour discuter de cette question. Il était alors informé que le processus relativement à la modification du prix de vente d'énergie était compliqué.

[90] De son côté, l'appelant Harquail faisait parvenir, en janvier 1988, une lettre au ministère de l'Énergie et Ressources du Québec demandant l'annulation de trois baux détenus par la société Gulf Power (une filiale de la société Iron Ore Company) que celle-ci avait abandonnés et la conclusion de baux en faveur de Rivière Hall pour les huit lacs qui y étaient mentionnés.

[91] À peu près au même moment, une étude — touchant une question susceptible d'être débattue avec les représentants d'Hydro-Québec — fut faite par un économiste, à la suite d'instructions données par l'appelant Harquail.

[92] Après avoir reçu, en date du 13 janvier 1988, une communication du ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec l'informant que le Gouvernement reconnaissait implicitement les droits de la société Rivière Hall au potentiel hydro-électrique sur une partie de la rivière Ste-Marguerite, l'appelant Harquail faisait parvenir au ministre de l'Environnement du Québec, quelques jours plus tard, une demande pour l'obtention de permis environnementaux en vue d'exploiter les ressources électriques de la rivière Ste-Marguerite et d'utiliser le cours d'eau et la chute I de cette dernière rivière.

[93] Au cours de l'été 1988, comme il appert d'une lettre du 18 août 1988 de l'appelant Harquail au président de Lavalin Hydro Inc., les représentants de Rivière Hall et de Lavalin Hydro Inc. avaient eu, au début du même mois, une rencontre très productive concernant le projet de mise en valeur des ressources hydro-électriques de Rivière Hall. Cette rencontre avait donné suite à un accord de confidentialité entre Rivière Hall et Lavalin Hydro Inc.

[94] En juillet 1988, la société Rivière Hall recevait du ministère de l'Environnement du Québec un “projet de directive” concernant l'aménagement hydro-électrique de la chute I de la rivière Ste-Marguerite et invitait l'appelant Harquail à fournir des commentaires sur ce “projet de directive” au terme d'une consultation auprès d'organismes et de ministères intéressés.

[95] À la suite de ces consultations, une directive préliminaire modifiée était expédiée en octobre 1988 à Rivière Hall avant que soit entrepris officiellement la procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement. La société Rivière Hall a alors fait des démarches auprès du Gouvernement du Québec, au niveau du cabinet, dans le but d'être dispensée de faire une étude environnementale.

[96] Finalement, au cours de l'automne 1988, l'appelant Girard rencontre pour le compte de Rivière Hall les représentants d'Hydroméga dans le but de discuter de la possibilité d'exploiter le potentiel hydro-électrique en co-entreprise avec cette société. C'est alors que ces derniers ont indiqué leur intérêt à se porter acquéreurs des actions de la société Les Immeubles Arnaud. Comme on le sait, ces discussions ont abouti à la conclusion de la vente de toutes les actions de la société Les Immeubles Arnaud à la société Hydroméga, en février 1989.

[97] En même temps que Rivière Hall avait des entretiens dans les derniers mois de l'année 1988 avec les représentants d'Hydroméga, l'appelant Harquail poursuivait ses discussions avec Hydro-Québec aux fins d'obtenir un prix acceptable pour la vente d'énergie par Rivière Hall. À la suite de ces discussions, un vice-président d'Hydro-Québec faisait tenir à l'appelant Harquail une directive portant la date de novembre 1988 concernant les conditions d'achat de l'électricité de producteurs autonomes.

[98] À la suite de cet examen des principales activités et initiatives des dirigeants des sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall, que faut-il conclure?

[99] Tout d'abord, il semble clair, d'après la jurisprudence, que l'absence de revenu durant une année donnée ou durant une période plus longue ne permet pas de conclure qu'une personne ou une société par actions n'exploite pas une entreprise. En outre, en raison de nombreuses démarches et initiatives faites par les dirigeants de ces deux sociétés en particulier durant les années 1987 et 1988, il est incontestable que ces deux sociétés n'étaient pas des sociétés inactives durant cette période de 24 mois. Ces sociétés ont fait plus que tenir des assemblées annuelles et produire les rapports nécessaires pour éviter leur dissolution.

[100] La situation des deux sociétés concernées dans la présente affaire me paraît différente de celle de l'affaire Bancroft (mentionnée par l'intimée) où le contribuable par suite des difficultés qu'il a eues à obtenir du financement additionnel a dû abandonner le projet d'entreprise qu'il avait envisagé. Dans la cause qui préoccupe actuellement le tribunal, il n'y a pas eu abandon du projet de mise en valeur des ressources hydro-électriques en question.

[101] La présente affaire me paraît ressembler d'avantage aux faits de la cause M.P. Drilling précitée où la Cour d'appel fédérale a conclu à l'existence d'une entreprise. Je pense toutefois que la situation des sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall, durant la période de 24 mois précédant le 24 février 1989, n'avait pas atteint par comparaison avec l'espèce M.P. Drilling un niveau aussi avancé d'activités relatives à l'exploitation d'une entreprise. À ce sujet, je me permets de citer de nouveau le passage suivant du jugement dans l'affaire M.P. Drilling précitée :

In my view this argument does not withstand scrutiny in that it ignores the fact that the business structure per se came into existence in late September when the Respondent commenced its business operations by continuing the marketing negotiations, supply negotiations and technical studies through its consultants until June of 1964 when it opened its own office and engaged the services of its first employees, utilizing for such purposes funds advanced by its principal, Mr. Bawden, or other companies controlled by him.

[102] Les faits mentionnés dans le passage qui vient d'être cité contrastent avec ceux de la présente affaire. En effet, les dirigeants des deux sociétés en question n'avaient pas réussi à conclure avec Hydro-Québec des arrangements satisfaisants relatifs au prix de vente d'énergie. De fait, Hydroméga n'a pu conclure un tel accord au sujet du prix de vente d'énergie qu'un ou deux ans après l'acquisition des actions de la société Les Immeubles Arnaud. La négociation d'un prix adéquat pour la vente d'énergie était, d'après la preuve et dans l'esprit des administrateurs de la société Rivière Hall, une condition sine qua non à la rentabilité du projet envisagé en 1987 et 1988 par les dirigeants des sociétés Les Immeubles Arnaud et Rivière Hall. Sans cet accord sur le prix de vente d'énergie, Rivière Hall n'entendait pas procéder au projet de mise en valeur des ressources hydrauliques qu'elle possédait à la chute I de la rivière Ste-Marguerite. C'est pourquoi les dirigeants de ces deux sociétés, en dépit des réticences de l'appelant Harquail, ont décidé de vendre en février 1989 toutes les actions qu'ils détenaient dans le capital-actions de la société Les Immeubles Arnaud.

[103] J'en viens donc à la conclusion que durant les 24 mois précédant le 24 février 1989, la preuve n'établit pas que la société Les Immeubles Arnaud avait poursuivi l'entreprise qu'elle exploitait durant les années 1973 à 1975 inclusivement. Par exemple, il n'a pas été démontré que cette société avait procédé à la vente de terrains tout au long de la période de 24 mois précédant la vente des actions de son capital-actions, le 24 février 1989. Il n'y a pas non plus de preuve que la société Les Immeubles Arnaud se serait engagée dans une nouvelle entreprise durant la période de 24 mois en question. Quant à la société Rivière Hall, il n'a pas été établi qu'elle avait commencé l'exploitation d'une entreprise qui aurait consisté dans la vente d'énergie électrique. Cette société avait fait un grand nombre de démarches préparatoires à l'exploitation du potentiel hydro-électrique de la chute I de la rivière Ste-Marguerite. Elle n'avait toutefois pas commencé réellement l'exploitation d'une telle entreprise. De fait, il ressort de la preuve que l'exploitation par Rivière Hall d'une entreprise de vente d'énergie n'aurait jamais vu le jour en l'absence d'un accord avec Hydro-Québec sur un prix acceptable pour la vente d'énergie.

[104] Les actions de la société Les Immeubles Arnaud n'étaient donc pas des actions admissibles de petite entreprise au sens du paragraphe 110.6(1) de la Loi, lors de leur disposition le 24 février 1989.

[105] Pour ces motifs, les appels des cotisations pour les années d'imposition énumérées au paragraphe I de ces motifs sont rejetés, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'octobre 1999.

“ Alban Garon ”

J.C.A.C.C.I.



[1] Un sixième individu du nom de Mario Isacco avait interjeté appel des cotisations le concernant pour les années d'imposition 1989 et 1990 en même temps que les cinq appelants susmentionnés à l'égard de la disposition au même moment d'actions du capital-actions de la même société et dans les mêmes circonstances. Au début de l'audition, le tribunal fut informé que monsieur Isacco se désistait sans frais de ses appels des cotisations pour les deux années d'imposition en question.

[2] L'appelant George Scanlan avait également interjeté appel de la cotisation du ministre pour l'année d'imposition 1991; au cours de l'audition, le tribunal fut informé que cet appelant se désistait, sans frais, de son appel de cette dernière cotisation.

[3] Notes sténographiques à la page 47, lignes 22 à 25.

[4] Selon une mention à la page 2 de ce procès-verbal.

[5] Selon la lettre de l'appelant Harquail au ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec du 24 août 1987.

[6] Notes sténographiques à la page 90, lignes 7 à 13.

[7] Le projet “Mille 56” comprenait la construction par Hydro-Québec d'un réservoir en anticipation de la construction éventuelle d'une génératrice. Ce réservoir fournirait un cours d'eau régulier au “First Falls” et “Second Falls”. Rivière Hall paierait Hydro-Québec pour l'utilisation des eaux. “Mille 56” commencerait ses opérations en 2001 ou 2002. L'appelant Girard a fourni la description suivante : “... Hydro-Québec fait un gros projet au Mille 56, qui va être à peu près quatre cent cinquante (450) à cinq cent mégawatts (500 mgw), ils vont créer un gros bassin qui va emmagasiner l'eau, et ils vont pouvoir régulariser les eaux pour la rivière, et donc pour le projet numéro 1 et numéro 2, de façon à leur donner autant d'eau l'hiver que l'été”.

[8] Questions 40 à 42 de l’interrogatoire préalable dont une partie de cet interrogatoire fut mise en preuve.

[9] Il ne m'a pas paru nécessaire pour les fins de ce litige de reproduire le deuxième terme de l'alternative figurant au sous-alinéa 110.6(1)c)(ii).

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