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Date : 20000225

Dossier : 98-2431-IT-G

ENTRE :

LA SUCCESSION DE HARRY TITLE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

[1] La question en litige est de savoir si le montant de 71 361,60 $ ayant fait l’objet d’une déduction à titre de frais médicaux constituait des frais payés au sens de l’alinéa 118.2(2)d) ou e) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”) et donnait ainsi droit à l’appelante à une déduction aux termes du paragraphe 118.2(1) de la Loi.

LES FAITS :

[2] Stephen Title (“ Stephen ”), le fils de Harry Title (“ Harry ”) et de Molly Title (“ Molly ”), a déclaré dans son témoignage que son père souffrait de troubles cardiaques et de pertes de mémoire et qu’il oubliait ainsi de prendre ses médicaments. Il a aussi déclaré que sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, avait décidé de retirer Harry de l’hôpital Mount Sinai et de l’installer dans un foyer.

[3] Stephen a déclaré dans son témoignage que lui et sa soeur, Sandra Samuels, avaient visité trois établissements distincts afin d’y juger de la propreté, des soins, des services, de la qualité de la nourriture et du personnel. Ils ont arrêté leur choix sur la résidence Forest Hill Place (“ la résidence FHP ”) car une place y était disponible et elle était de la construction la plus récente; on y offrait aussi des services médicaux et des soins de qualité, on y surveillait le régime alimentaire et on administrait les médicaments. Il connaissait, a-t-il aussi déclaré, des gens qui y avaient demeuré de même que le médecin membre du personnel. Son père y a été admis mais sa mère ne voulait pas y aller et elle n’était pas, pour reprendre les mots de Stephen, dans un état tel dû à sa maladie qu’il aurait pu l’y contraindre.

[4] Stephen a signé pour Harry une demande d’admission à la résidence HFP, un de ces villages de retraités. Une feuille de renseignements accompagnait la demande. Une infirmière auxiliaire autorisée ou une infirmière autorisée, y indiquait-on, était en service vingt-quatre heures par jour et sept jours par semaine, de même qu’au moins deux employés. On y mentionnait également que la résidence était munie de systèmes de réaction d’urgence, notamment un système d’alarme-incendie, des détecteurs de chaleur et de fumée dans chaque logement, des gicleurs partout dans l’immeuble, ainsi qu’un système d’appel infirmier situé au poste de garde, pouvant être actionné à partir de chaque logement à l’aide de cordons. La date d’occupation prévue dans la demande était le 1er avril 1995. Une demande d’admission portant la même date, établie à l’égard de Molly, accompagnait la demande établie à l’égard de Harry.

[5] Les deux demandes étaient accompagnées d’un document intitulé “ Contrat d’hébergement ”, portant la date du 12 avril 1995, signé par le propriétaire, Harry et Molly à titre d’occupants et Stephen à titre de caution. Ce contrat prévoyait, sous réserve de ses conditions, que :

[TRADUCTION]

le propriétaire accorde aux occupants le droit exclusif d’occuper le logement numéro 705/07 de la résidence Forest Hill Place.

Il prévoyait aussi que :

[TRADUCTION]

tel que prévu dans la demande, les occupants conviennent de payer au propriétaire un droit d’occupation de 5 946,80 $.

[6] Des augmentations du droit d’occupation étaient prévues. Il était mentionné dans le contrat que celui-ci n’était pas un bail, ne créait pas un droit sur un bien immeuble ou un autre bien appartenant au propriétaire ou qu’il exploitait et que le logement n’était pas un logement locatif.

[7] Un document intitulé “ Contrat d’hébergement ” a été déposé en preuve. Il portait la date du 28 janvier 1997.

[8] Ni ce document, visant Harry, ni un autre document semblable, visant Molly, également déposé en preuve, n’étaient signés. Quoi qu’il en soit, le document visant Harry ne peut s’appliquer à l’année d’imposition 1996. Aucune date ne figure sur un autre contrat d’hébergement visant M. et Mme Title. Ce contrat n’était pas signé.

[9] Les parties conviennent que le montant de 71 361,60 $ constitue une question en litige. L’avis de ratification du ministre, suivant l’avis d’opposition, renfermait ce qui suit :

[TRADUCTION]

Il n’a pas été établi que le montant de 71 361,60 $ déduit à titre de frais médicaux pour l’année d’imposition 1996 avait été payé conformément au paragraphe 118.2(2) de la Loi.

[10] Le Dr Steven Gottesman, dans une lettre du 9 avril 1997, écrivait à propos de Henry ce qui suit :

[TRADUCTION]

Cette personne a besoin de supervision depuis le 31 janvier 1995 à cause de sa maladie. Elle a besoin d’accompagnement 24 heures par jour.

[11] Une lettre identique a été fournie en ce qui concerne Molly.

[12] Stephen a déclaré dans son témoignage qu’en avril 1995, son père est allé s’installer à la résidence FHP. À cet endroit, a-t-il déclaré, son père était surveillé par le personnel infirmier, on lui donnait ses médicaments et on vérifiait sa pression sanguine de même que son poids une ou deux fois par jour. Les soins lui étaient prodigués selon les directives du Dr Gottesman et comprenaient des vérifications quotidiennes de sa pression sanguine et des rondes de nuit. Son père suivait un régime à faible teneur en sel. On nettoyait sa chambre, faisait son lit, remplaçait ses draps et lavait ses vêtements. Il y avait aussi à sa disposition une salle à manger, une salle de télévision, un salon et des divertissements. Ses parents étaient installés dans un logement d’une chambre à coucher. Trois repas par jour leur étaient servis. D’après le témoignage de Stephen, l’annexe A du contrat d’hébergement ne visait que les services de base et ses parents voulaient profiter des services plus complets mentionnés précédemment, lesquels faisaient l’objet de l’annexe B. Selon Stephen :

[TRADUCTION]

Nous avons souscrit à tous les services qu’ils pouvaient offrir.

[13] Harry et Molly avaient aussi une personne de compagnie laquelle, selon les propos de Stephen, s’occupait d’eux comme s’ils avaient été ses propres parents.

[14] En contre-interrogatoire, Stephen a déclaré que sa soeur et lui avaient retenu les services d’une personne de compagnie parce qu’ils étaient d’avis que leurs parents avaient besoin d’un niveau de soins plus élevé. Il a déclaré n’avoir pas été confronté à la question de savoir si ses parents auraient pu vivre à la résidence FHP en l’absence d’accompagnement.

[15] Marla Borenstein (“ Marla ”), infirmière autorisée à la résidence FHP, a déclaré que le nombre total d’employés à la résidence était d’environ 89, dont 30 infirmières et infirmiers, 25 employés aux services alimentaires et 15 à l’entretien ménager. La plupart des infirmières et infirmiers étaient des infirmières et infirmiers autorisés ou des aides en soins de santé. Le personnel ne comptait aucun médecin mais il y en avait un qui se rendait souvent à la résidence FHP car il y avait un grand nombre de patients, et un bureau y était mis à sa disposition. Mme Borenstein a expliqué que les préposés à l’entretien nettoyaient régulièrement les logements et a décrit les services alimentaires et d’entretien ménager offerts à tous les résidents. Elle a déclaré être la seule infirmière autorisée ayant la plus grande compétence pour poser des diagnostics médicaux et, qu’en outre, les infirmières et infirmiers auxiliaires autorisés ne faisaient pas certaines injections. Elle a ajouté que les aides en soins de santé donnaient un coup de main pour le bain, l’habillement, le déplacement des résidents à la salle à manger, etc. et qu’ils avaient suivi une formation de six mois pour leur poste. Elle a expliqué que le poste de garde comprenait une clinique, une salle avec des tables d’examen, un petit laboratoire et des installations médicales. Les unités étaient munies d’un système d’appel infirmier, d’un système d’extinction d’incendie à chaque étage et de gicleurs, etc.

[16] Sandra Samuels a corroboré le témoignage de son frère Stephen.

ANALYSE ET CONCLUSION :

[17] Aux fins du crédit pour frais médicaux, le paragraphe 118.2(2) prévoit que :

[... ] les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

[... ]

d) à titre de frais dans une maison de santé ou de repos pour le séjour à plein temps du particulier, de son conjoint ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a), qu’un médecin atteste être quelqu’un qui, faute d’une capacité mentale normale, dépend d’autrui pour ses besoins et soins personnels et continuera d’en dépendre ainsi dans un avenir prévisible;

e) pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit – ou le soin et la formation – du particulier, de son conjoint ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a), qu’une personne habilitée à cette fin atteste être quelqu’un qui, en raison d’un handicap physique ou mental, a besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin – ou le soin et la formation – de particuliers ayant un handicap semblable au sien ;

[18] On a présenté des observations sur la question de savoir si la résidence FSP était une “ maison de soins infirmiers ” et on a fait mention de la définition de ce terme dans la Loi sur les maisons de soins infirmiers de l’Ontario. Je n’ai pas à décider si la résidence FHP était une maison de santé ou de repos au sens de l’alinéa d) parce que j’ai conclu qu’elle était une “ institution ou un autre endroit ” au sens de l’alinéa e). Je conclus également que cette institution ou cet autre endroit offrait des soins à Harry et à Molly. Je conclus que chacun d’eux était :

[...] un particulier [...] qu’une personne habilitée à cette fin [avait attesté] être quelqu’un qui, en raison, d’un handicap physique ou mental, [avait] besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par cette [...] institution ou à cet autre endroit pour le soin – ou le soin et la formation – de particuliers ayant un handicap semblable au sien;

[19] Bien que le mot “ attester ” ne soit pas utilisé, son absence ne vicie pas l’opinion écrite du Dr Stephen Gottesman qui a déclaré, pour Harry et pour Molly, comme il est précisé précédemment :

[TRADUCTION]

Cette personne a besoin de supervision depuis le 31 janvier 1995 à cause de sa maladie. Elle a besoin d’accompagnement 24 heures par jour.

[20] Le mot “ attester ” (certify) est défini ainsi dans le Shorter Oxford English Dictionary, Volume I :

[TRADUCTION]

1. Affirmer (quelque chose); garantir; donner pour preuve. 2. Certifier ou confirmer à l’aide d’un document officiel ou juridique. Déclarer (quelqu’un) officiellement aliéné. Affirmer à (quelqu’un); assurer; remettre à (quelqu’un) une preuve officielle ou juridique. Témoigner de; se porter garant de;

[21] Je ne peux concevoir que la lettre d’un professionnel, en l’occurrence le Dr Steven Gottesman, n’aurait pas la force persuasive nécessaire pour remplir les exigences légales de l’alinéa e) simplement parce que le mot “ attester ” ou un dérivé n’y apparaît pas en toutes lettres. Comme la preuve l’a révélé, la résidence FHP possédait l’équipement, les installations et le personnel spécialisés pour le soin du “ particulier ”. Le mot “ particulier ” est défini à l’alinéa 118.2(2)a) comme le particulier qui engage des frais ou son conjoint.

[22] En conséquence, l’appel est admis avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2000.

“ R. D. Bell ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de septembre 2000.

Benoît Charron, réviseur

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