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Date: 20000921

Dossier: 97-1726-UI

ENTRE :

LÉVIS BOUDREAU,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Bathurst (Nouveau-Brunswick), le 25 juillet 2000.

[2] L’appelant interjette appel de la décision du Ministre du Revenu national (le “Ministre”) selon laquelle l’emploi exercé au cours des périodes en cause, soit du 4 septembre 1995 au 22 décembre 1995 et du 27 mai 1996 au 15 novembre 1996, auprès D.S. Masonry Ltd., le payeur, est exclu des emplois assurables au sens de la Loi sur l’assurance-chômage et de la Loi sur l’assurance-emploi.

[3] Le paragraphe 3(1) de la Loi sur l'assurance-chômage se lit en partie comme suit :

“3 (1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...] ”

[4] Le paragraphe 3(2) de la Loi sur l'assurance-chômage se lit en partie comme suit :

“(2) Les emplois exclus sont les suivants :

[...]

c) sous réserve de l'alinéa d), tout emploi lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, pour l'application du présent alinéa :

(i) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance étant déterminée en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu,

(ii) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées entre elles, au sens de cette loi, étant réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance;

[...]”

[5] L'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit en partie comme suit :

Article 251 : Lien de dépendance.

(1) Pour l’application de la présente loi :

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

[...]

(2) Définition de “personnes liées”. Pour l'application de la présente loi, sont des “personnes liées” ou des personnes liées entre elles :

a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;

[...]”

[6] L’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi est de même nature que l’alinéa 3(2)c) de la Loi sur l’assurance-chômage.

[7] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelant. Ce dernier se doit d’établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d’espèce.

[8] Le Ministre s’est fondé, pour rendre sa décision, sur les faits suivants lesquels ont été admis ou niés :

[TRADUCTION]

a) le payeur a été dûment constitué en société le 13 octobre 1993 ou vers cette date; (admis)

b) durant les périodes en cause, les personnes suivantes étaient les actionnaires du payeur : (admis)

Lévis Boudreau (appelant) 34 %

Réjean Pelletier 33 %

Raymond Boudreau (frère de l'appelant) 33 %

c) l'entreprise du payeur consistait à faire du travail général de maçonnerie; (admis)

d) les quelques outils et échafaudages appartenant au payeur étaient gardés dans une remise à la résidence de Raymond Boudreau; (admis)

e) le payeur n'avait pas de numéro de téléphone d'affaires et utilisait le numéro de téléphone personnel de l'appelant aux fins de l'entreprise; (nié)

f) le bureau du payeur était situé au sous-sol de la résidence de l'appelant; (nié)

g) l'appelant était le seul actionnaire à être signataire autorisé relativement au compte bancaire du payeur; (nié)

h) l'appelant a utilisé sa résidence personnelle pour garantir un prêt de 16 000 $ négocié au nom du payeur; (nié)

i) l'appelant a utilisé sa propre carte de crédit pour des achats effectués au nom du payeur; (nié)

j) l'entreprise du payeur était une entreprise saisonnière habituellement exploitée de mai à novembre; (admis)

k) le payeur utilisait aux fins de l'entreprise deux véhicules appartenant à l'appelant; (nié)

l) les frais d'assurance et les dépenses générales se rapportant aux véhicules utilisés par le payeur étaient pris en charge par le payeur s'il y avait de l'argent de disponible; (admis)

m) le payeur n'était propriétaire d'aucun véhicule; (admis)

n) en 1996, l'appelant a reçu une somme de 14 220 $, inscrite dans le registre des débours comme étant une “ somme due à l'actionnaire ”, ainsi qu'une somme de 1 950 $ versée relativement à sa carte de crédit; (admis)

o) le payeur acquittait l'intégralité des frais de téléphone de l'appelant même durant les mois où le payeur n'était prétendument pas en exploitation; (nié)

p) les fonctions de l'appelant consistaient à exécuter des travaux de briquetage et à faire des estimations; (nié)

q) le salaire hebdomadaire déclaré de l'appelant était de 786,24 $; (admis)

r) l'appelant a été inscrit dans le livre de paye du payeur pendant 14 semaines en 1995 et pendant 15 semaines en 1996; (admis)

s) l'appelant n'a pas travaillé à temps plein durant toutes les semaines où, d'après le livre de paye du payeur, il l'aurait fait; (nié)

t) l'appelant se faisait une “ banque d'heures de travail ”, ce qui consiste à accumuler les heures travaillées durant différentes semaines jusqu'à ce que cela donne l'équivalent d'une semaine complète, et à indiquer ce total dans le livre de paye comme une semaine d'emploi; (nié)

u) au cours des périodes en cause et en dehors de ces périodes, l'appelant a également effectué des travaux pour le payeur sans être inscrit dans le livre de paye et sans être rétribué; (nié)

v) le livre de paye du payeur n'indique pas de façon exacte quand le travail était accompli par l'appelant; (nié)

w) l'appelant n'était supervisé par personne d'autre que lui-même au nom du payeur; (nié)

x) l'appelant était maître de l'emploi qu'il exerçait pour le payeur; (nié)

y) l'appelant était en mesure de contrôler les activités du payeur; (nié)

z) il n'y avait pas de contrat de louage de services entre l'appelant et le payeur durant les périodes en cause; (nié)

aa) l'appelant est lié au payeur au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu; (admis)

ab) l'appelant ne traite pas sans lien de dépendance avec le payeur; (nié)

ac) compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, il n'est pas raisonnable de conclure que l'appelant et le payeur auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance. (nié)

[9] Bien que l’appelant a nié certaines allégations de fait au tout début de cette audience, il a admis certaines allégations lors de son témoignage.

[10] L’appelant a admis qu’il détenait 34 % des actions de la compagnie; donc il avait un lien de dépendance avec le payeur.

[11] L’appelant a admis que le payeur se servait de son téléphone personnel pour les besoins de la compagnie. Le bureau du payeur était situé dans la résidence de l’appelant.

[12] L’appelant était le seul autorisé à signer les chèques du payeur. L’appelant s’est servi de sa résidence comme nantissement, pour négocier un prêt de 16 000 $ au profit du payeur. Il s’est servi également de sa carte de crédit pour faire des achats pour le payeur. Le payeur se servait de deux véhicules appartenant à l’appelant. Le coût des assurances et des réparations générales des deux véhicules était payé par le payeur si l’argent était disponible.

[13] Le payeur a payé le compte de téléphone de l’appelant, même durant les mois où la compagnie n’était pas en opération.

[14] L’appelant a admis dans son témoignage qu’il accumulait des heures de travail d’une semaine à l’autre et par conséquent rendait ses prestations d’assurance-chômage plus généreuses.

[15] Les registres de paie ne reflétaient pas exactement les heures travaillées par l’appelant. L’appelant a travaillé sans rémunération pour la compagnie hors des périodes en litige.

[16] Le juge Décary de la Cour d'appel fédérale dans la cause Ferme Émile Richard et Fils Inc. c. M.R.N., 178 N.R. 361, a clairement indiqué que lorsqu'il s'agit d'appliquer le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage, on doit se demander si la décision du Ministre “résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire”; l'appelant doit dans un premier temps faire “la preuve d'un comportement capricieux ou arbitraire du Ministre ”.

[17] Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, notamment les admissions précitées dans le témoignage de l’appelant, je suis convaincu que ce dernier n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance de la preuve, que le Ministre a agi d’une façon capricieuse ou arbitraire. Il est raisonnable de conclure que l’appelant et le payeur n’auraient pas conclu un contrat d’emploi semblable s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance.

[18] En conséquence, l’emploi de l’appelant est exclu des emplois assurables selon l’alinéa 3(2)c) de la Loi de l’assurance-chômage et de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[19] L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa (Canada), ce 21e jour de septembre 2000.

“ J.F. Somers ”

J.S.C.C.I.

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