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Date: 19990226

Dossier: 97-2417-IT-G

ENTRE :

JEAN-PAUL AUDET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à Québec (Québec) le 4 février 1999.)

Le juge P.R. Dussault, C.C.I.

[1] Je ne pense pas, messieurs, que j'ai intérêt à retarder le jugement dans cette affaire. La preuve qui a été faite est très fraîche à mon esprit. J'ai passé en revue les documents qui m'apparaissaient les plus pertinents dans les volumineux cahiers que vous m'avez soumis.

[2] Il s'agit d'appels de cotisations pour les années d'imposition 1992 et 1993 de l'appelant. Par ces cotisations, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a refusé à l'appelant, dans le calcul de son revenu, la déduction de pertes locatives à l'égard d'un condominium situé dans le Canton de Magog.

[3] Au point de départ, comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne crois pas que la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Labrèche et Sa Majesté La Reine (15 décembre 1998, dossier A-429-95) ait quelque influence que ce soit sur le présent dossier étant donné les modifications aux opérations dans cette affaire, le changement du lieu d'exploitation, etc. Je pense que dans notre cas, il est bien acquis que les choses n'ont pas été modifiées depuis l'entrée en jeu de l'appelant dans cette affaire, soit l'achat de son condominium en 1988 au Club Azur. J'utilise ce nom comme vous l'avez fait pour désigner généralement le projet quelle que soit l'époque à laquelle on se place.

[4] En deuxième lieu, je voudrais souligner que le document qui m'a été remis ce matin par l'avocat de l'appelant (pièce A-6) est un document auquel, d'après mes notes, avait fait référence monsieur Parent lors de son témoignage. Je signale que ce document diffère sur quelques points d'un document que l'on retrouve à l'onglet 1 de la pièce A-1.

[... Discussion ...]

[5] Alors, comme je vous le signalais, j'estime généralement que le présent cas est soumis à l'analyse en fonction de quatre grandes décisions. Il y a d'abord la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480, 77 DTC 5213, dans laquelle on dit à la page 485 que pour avoir une source de revenu un contribuable doit avoir en vue un profit ou une expectative raisonnable de profit ou comme on dit dans certains jugements, un espoir raisonnable de profit. Dans cette affaire on ajoute cependant, et c'est un aspect important, que cette question doit faire l'objet d'une détermination objective par l'examen de tous les faits.

[6] Comme on le sait, le principe a été repris dans la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Tonn c. Canada, [1996] 2 C.F. 73, 96 DTC 6001. La décision dans cette affaire a été, semble-t-il, mal comprise par plusieurs juges de telle sorte que la Cour d'appel fédérale s'est sentie dans l'obligation dans l'affaire Mastri c. Canada, [1998] 1 C.F. 66, 97 DTC 5420, de remettre, si je peux m'exprimer ainsi, les pendules à l'heure.

[7] Dans la décision Mastri (précitée) à la page 74 on affirme que si, comme question de fait, un contribuable n'a pas d'espoir raisonnable de profit, il n'y a alors aucune source de revenu et aucune base en vertu de laquelle le contribuable peut calculer une perte locative.

[8] Dans l'affaire Tonn (précitée) on discute de la question des éléments personnels en vertu de laquelle on doit distinguer différents types de dossiers. Il y est dit que les juges doivent faire attention de ne pas substituer leur jugement à celui du contribuable en ce qui concerne les décisions d'affaires et ce, particulièrement dans les cas où il n'y a aucun élément personnel ou aucun avantage fiscal prévisible.

[9] Évidemment l'élément personnel peut s'analyser en fonction d'un avantage personnel immédiat quand on est en matière de pertes locatives pour des immeubles, particulièrement des condominiums et plus particulièrement encore des condominiums dans des sites de villégiature. On pense immédiatement ici à la question de l'occupation personnelle. Il est vrai que dans le cas présent il n'y a absolument aucun élément de cette nature.

[10] Il y a toutefois deux éléments dont il faut tenir compte. Il y a l'avantage personnel mais il y a aussi la question d'avantage fiscal prévisible. Je pense que le présent dossier établit clairement, compte tenu de l'expérience du contribuable dont il a fait état dans son témoignage, qu'il connaissait l'effet des pertes fiscales réclamées en déduction de son revenu professionnel. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait ce genre d'investissement ayant acquis dans la région de Montréal et dans celle de Québec des condominiums qui n'ont pas généré de revenu mais uniquement des pertes locatives. En 1998, le condominium de Québec a été revendu avec un profit ou un gain.

[11] Donc, dans des situations où on ne retrouve pas ces éléments strictement personnels ou d'avantages fiscaux il faut faire bien attention de faire comme on dit en anglais du « second guessing » . Par ailleurs, si l'un des éléments est présent je pense que l'on doit examiner la situation de beaucoup plus près.

[12] C'est finalement dans l'affaire Mohammad c. La Reine, [1998] 1 C.F. 165, 97 DTC 5503, aux pages 173 à 175, que le juge Robertson de la Cour d'appel fédérale expose de façon assez détaillée la problématique de ce genre de situation où l'on est en présence de pertes locatives.

[13] Je me réfère à la page 173 où le juge Robertson fait l'analyse suivante d'un tel genre de situation :

[7] Il arrive souvent que des contribuables achètent un immeuble résidentiel à des fins de location en finançant la totalité du coût d'acquisition. La situation type est celle d'un contribuable qui occupe à plein temps un emploi tout à fait indépendant.[1] Trop fréquemment, le montant des intérêts annuels payables sur le prêt dépasse de beaucoup les revenus de location auxquels on pouvait raisonnablement s'attendre. Cela est vrai, même en faisant abstraction des baisses imprévues du marché locatif ou de la survenance d'autres événements qui ont des répercussions négatives sur la rentabilité de l'activité locative, par exemple, les frais d'entretien et de réparation et des dépenses autres qu'en capital. Dans bon nombre de cas, la composante intérêts est si importante qu'une perte locative est enregistrée avant même que d'autres dépenses locatives autorisées soient prises en compte dans l'état des résultats. Les faits sont tels qu'il n'est pas nécessaire d'avoir l'expérience d'un analyste du marché immobilier pour comprendre qu'un bénéfice ne peut être réalisé tant que les frais d'intérêts ne sont pas réduits en remboursant le principal du prêt. Autrement dit, il y a des cas où le contribuable n'est pas en mesure de respecter à première vue la doctrine et l'expectative raisonnable de profit. Il ne s'agit pas de cas où l'on demande à la Cour de l'impôt de faire des conjectures sur le sens des affaires d'un contribuable dont l'entreprise commerciale ou l'investissement se révèle moins rentable que prévu. Ce sont plutôt des cas où, dès le départ, les contribuables savent qu'ils subiront une perte et qu'ils devront compter sur d'autres sources de revenus pour payer la dette relative à l'immeuble en location.

[14] Et il poursuit :

[8] Les faits de la présente cause illustrent l'effet débilitant d'un financement à ration élevé sur la rentabilité d'une activité locative. Pour l'année d'imposition 1989, la part du revenu brut que le contribuable a tiré de la location était de 9 075 $. Bien que sa part des dépenses se soit élevée à 16 320 $, la composante intérêts était de 13 212 $. En 1990, les choses ont empiré puisque le revenu de location a fléchi à 8 552 $ et que les dépenses ont grimpé à 18 182 $, dont 15 826 $ de frais d'intérêts. Au cours des années d'imposition en question, la propriété a été loué au taux du marché. Ce n'est pas un cas où les revenus sont inférieurs aux attentes. C'est plutôt un cas où le contribuable ne pouvait raisonnablement s'attendre à réaliser un bénéfice tant que le montant principal de l'emprunt contracté ne serait pas réduit de façon correspondante.

[15] Et il poursuit au paragraphe suivant :

[9] L'absence de bénéfice immédiat ne semble pas avoir dissuadé les contribuables de s'engager sur le marché locatif pour au moins deux raisons. Premièrement, le gain qu'ils espéraient réaliser au moment de la vente de la propriété pouvait être perçu comme une compensation pour les pertes découlant du paiement des intérêts, d'autant plus si le bénéfice est imposé comme bien en capital. (Voir la discussion ci-dessous quant à la déductibilité des intérêts en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la Loi, lorsque le bien est acheté dans le but de réaliser un gain de capital.) Deuxièmement, l'impact des frais d'intérêts peut être diminué si la perte locative peut être déduite d'autres sources de revenu, par exemple d'un revenu d'emploi, aux termes de l'alinéa 3(d) de la Loi. Ces réalités fiscales permettent d'expliquer pourquoi les particuliers évitent de se constituer en société quand ils décident de devenir propriétaires d'immeubles locatifs. Il est bien établi en droit fiscal que les pertes ne peuvent être transférées d'un contribuable à un autre, sauf dans le cadre de plans de planification fiscale extrêmement compliqués ...

[16] Alors, je laisse tomber le reste du paragraphe et je passe au paragraphe suivant :

[10] Abstraction faite des considérations précitées sur les motifs que poursuivent les contribuables, il ressort que ce groupe de contribuables ne peut avoir aucune expectative raisonnable de profit parce que la composante intérêts des dépenses locatives excède le revenu brut que l'on peut s'attendre de tirer de la location. Donc, tant que le principal des prêts ayant servi à l'acquisition n'est pas réduit, il ne peut y avoir d'expectative raisonnable de profit.

[17] Il me semble que le texte est limpide. Je poursuis la lecture du texte :

Toutefois, si la composante intérêts des dépenses locatives peut être réduite de façon quelconque, il est plus facile de soutenir que l'activité peut être rentable, conclusion qui permettra au contribuable de déduire une partie de la perte locative de son revenu d'emploi. L'une des façons de parvenir à cette fin est d'invoquer l'article 67 de la Loi. ...

[18] Au paragraphe suivant on peut lire :

[11] L'analyse précitée a pour but de démontrer qu'il ne peut y avoir d'expectative raisonnable de profit tant et aussi longtemps que des paiements importants ne sont pas faits sur le principal de la dette. Cela mène inévitablement à la question de savoir si une perte locative peut être réclamée même si aucun paiement de ce genre n'a été fait au cours des années d'imposition en question. Je répondrais par l'affirmative, mais en ajoutant cependant quelques réserves. Le contribuable doit établir à la satisfaction de la Cour de l'impôt qu'il ou elle avait un plan réaliste en vue de réduire le principal de l'emprunt. Comme tout propriétaire l'apprend tôt ou tard, presque toutes les mensualités hypothécaires sont imputées au paiement des intérêts pendant les cinq premières années d'un prêt hypothécaire amorti sur vingt à vingt cinq ans. Il est tout simplement irréaliste de s'attendre à ce que le système fiscal canadien subventionne l'acquisition d'un immeuble de rapport pour des périodes indéfinies. Les contribuables qui ont l'intention de financer l'acquisition d'un immeuble à usage locatif de façon qu'aucun bénéfice ne soit déclaré malgré qu'ils aient touché la totalité des revenus locatifs prévus, ne doivent pas s'attendre à bénéficier d'un traitement fiscal favorable en l'absence d'une preuve objective et convaincante de leur intention et de leur capacité financière de rembourser une part importante de l'emprunt ayant servi à l'achat dans les quelques années qui suivent l'acquisition du bien. Si, en raison du niveau de financement, l'immeuble ne peut générer suffisamment de bénéfices pouvant servir à réduire l'emprunt en cours, alors le contribuable doit trouver d'autres sources de revenu pour parvenir à ce résultat. Si les autres sources de revenu d'un contribuable, par exemple, le revenu tiré d'un emploi, sont insuffisantes pour lui permettre de réduire le montant de l'emprunt qui a servi à l'acquisition, alors il se peut que le contribuable ait à supporter le plein coût de la perte locative. Certainement, de vagues attentes indiquant qu'un apport de capital est attendu de tante Béatrice ou d'oncle Bernard ne sera pas suffisant pour conclure que le contribuable s'est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait. En pratique, le contribuable s'acquittera de ce fardeau en démontrant que des paiements importants ont été faits sur le principal dans les années d'imposition suivant de près l'année de l'acquisition.

[19] Et je poursuis, au paragraphe suivant :

[12] L'importance du fait que le contribuable soit en mesure de réduire les frais d'intérêts en diminuant le principal du prêt qui a servi à l'acquisition et ce dans une période raisonnable n'est pas passé inaperçue. Il y est fait allusion dans l'arrêt Tonn, précité. Au début des motifs de ce jugement, la Cour a fait référence au fait que le contribuable avait remboursé le prêt hypothécaire au cours de l'une des années d'imposition en question, fait qui n'avait pas été présenté à la Cour de l'impôt et qui, selon le ministre, était inadmissible dans la demande de contrôle judiciaire ... En l'espèce, le contribuable fait référence dans le dossier de sa demande au fait que ces remboursements ont été faits. Toutefois, cette preuve ne semble pas avoir été produite devant le juge de la Cour de l'impôt et, de toute façon n'a pas été soulevée au cours de l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire en raison de la question restreinte qui était en cause: voir le dossier de la demande ...

[20] Alors, je pense que je vous ai lu les passages qui, selon moi, énoncent la base de ce qui doit être constaté par un juge de la Cour canadienne de l'impôt avant de pouvoir en arriver à la conclusion que le contribuable a un espoir ou, comme on dit, une expectative raisonnable de profit dans une circonstance ou une situation donnée.

[21] Pour me référer maintenant au présent dossier, je constate que le contribuable a de l'expérience dans ce type d'investissement pour avoir investi, comme je l'ai signalé, à quelques reprises d'abord dans la région de Montréal en achetant un condominium à l'Île-des-Soeurs puis dans la région de Québec, en achetant aussi un condominium. Il y a eu aussi plusieurs investissements dans des immeubles dans l'ouest canadien. Je constate aussi que le contribuable a admis avoir réclamé des pertes locatives d'année en année. Il ne semble pas qu'aucun de ces deux investissements dans la région de Montréal et dans celle de Québec ait généré des revenus locatifs, pas plus que les autres d'ailleurs. Il n'y a eu qu'un gain en 1998 lors de la revente du condominium de Québec. Il s'agit là de l'un des éléments dont on doit tenir compte.

[22] Je dois constater aussi que le contribuable était conscient de l'impact de la réclamation de pertes locatives en matière d'impôt sur le revenu par la réduction de son revenu professionnel. Ici, le contribuable a pris connaissance des prévisions que je qualifierais de super-optimistes en ce qui concerne la location et le rendement. L'appelant reconnaît d'ailleurs que ces prévisions étaient optimistes. Il est conscient cependant et il l'a admis qu'il ne pouvait faire de profit à cause des frais fixes et surtout des frais d'intérêts élevés. Pourtant, dit-il, même s'il divise les prévisions par deux, il compare favorablement cet investissement avec les autres investissements qu'il a déjà faits dans des condominiums.

[23] L'appelant s'embarque dans le projet avec une structure de financement à 100 pour cent de la somme requise ce qui, à mon avis, rend absolument impossible tout espoir raisonnable de profit avant un nombre indéterminé d'années.

[24] Ici, je fais une parenthèse pour me référer justement aux chiffres pertinents et en me référant aux prévisions initiales. Je prends le document qui m'a été soumis par l'appelant lui-même, pièce A-1 sous l'onglet 1 aux pages marquées 12 en haut et 17 en bas et 13 en haut et 18 en bas. Il s'agit des prévisions initiales qui étaient faites à partir des données du promoteur par la firme Samson Bélair qui a préparé les différents documents. On remarque dans ces documents que le taux d'occupation prévu de 1988 à 1997 était de 42 pour cent à 56 pour cent. Donc, sur une période de dix ans on commence à 42 pour cent en 1988 et on va à 56 pour cent en 1997. 42 pour cent ça se rapproche du pourcentage qu'on a indiqué en preuve et auquel monsieur Audet a lui-même fait référence comme étant le taux d'occupation dans la région pour des endroits comparables ou semblables. Donc, on prévoit de 42 pour cent à 56 pour cent d'occupation. À certaines questions posées en contre-interrogatoire, monsieur Audet lui-même a dit que cela prenait 38 pour cent d'occupation pour couvrir les frais généraux. Puis qu'il fallait 65 pour cent à 68 pour cent pour payer les frais généraux et les intérêts sur l'hypothèque. À la question de savoir quel taux d'occupation était nécessaire pour payer en plus les intérêts sur le prêt personnel contracté, il a répondu qu'il ne le savait pas mais que cela aurait pris beaucoup plus.

[25] On voit donc au point de départ qu'avec cette structure de financement et même si tout avait fonctionné comme prévu et que les taux d'occupation prévus dans ces documents avaient été atteints, on voit donc qu'il aurait fallu un taux d'occupation beaucoup plus élevé que ceux prévus pour payer les frais généraux, les intérêts sur l'hypothèque et les intérêts sur le prêt personnel. C'est donc en examinant ces chiffres et en mettant cela en perspective à la lumière des commentaires du juge Robertson dans l'affaire Mohammad (précitée) que j'en arrive à la conclusion qu'il est absolument impossible avec de tels chiffres et même si tout « avait marché sur des roulettes » d'en arriver à une rentabilité quelconque.

[26] L'appelant lui-même a admis que les frais d'intérêts étaient très élevés. Il y a deux emprunts, c'est un financement à 100 pour cent. Alors, si on estime les prévisions que l'appelant trouve lui-même optimistes et qu'il aurait même divisées par deux pour déterminer la rentabilité de l'investissement, on se rend compte qu'il aurait fallu un taux d'occupation de trois fois supérieur à ce qui était prévu pour être capable d'arriver et même plus. Simplement du point de vue arithmétique, il n'est pas possible d'y arriver.

[27] De plus, en ce qui concerne les revenus, il y a eu des déboires des administrations successives et pas de location ou très peu. En plus, il y a eu évidemment un certain nombre de problèmes de gestion. La façon de procéder initiale, d'après le contrat, c'était que le projet devait être exploité en condominiums-hôtel ou en village touristique et que la gérance en était confiée à une administration centrale. Cela veut dire que chaque propriétaire dans une telle situation de condominiums-hôtel ou de village touristique ne commence pas à louer lui-même son condominium pour une journée ou deux ou une fin de semaine. Il était prévu qu'une administration centrale gère tout le projet.

[28] Les déboires, ils n'ont pas été longs à se manifester. Le contrat de l'appelant est signé à la fin de 1988. Déjà en 1989 on a des problèmes et au milieu de 1989 on a de très graves problèmes. Dès l'été 1989 on pense à la restructuration qui surviendra à la fin de 1989 et au début de 1990. Malgré cela, l'appelant ne modifie aucunement sa façon de procéder lors de la restructuration de 1989 ou de 1990, ni même en 1992 alors que surviennent d'autres difficultés et alors qu'il devrait être encore plus conscient qu'au début qu'il ne peut réaliser de profit.

[29] Ce n'est pas uniquement parce qu'il n'y a pas de locations qu'il n'y a pas de profit mais bien plus parce que le problème initial est toujours présent. Il s'agit d'un surfinancement qui ne permet pas, même compte tenu des hypothèses les plus optimistes, d'en arriver à un résultat de rentabilité.

[30] L'idée de réduire substantiellement la dette par rapport à ce que l'on a appelé la « cédule » initiale ne vient qu'en 1995, la preuve est très claire là-dessus. Mais curieusement, c'est à peu près en même temps que Revenu Canada intervient dans le dossier. La même chose pour la location à long terme que l'appelant ne considère qu'à l'automne 1995. Pourtant, on constate que cette possibilité de se retirer du projet commun, de prendre charge de son propre investissement et de louer à long terme, c'est-à-dire pour au moins six mois ou un an et plus, existe depuis 1989. Je l'ai signalé tout à l'heure. On peut à cet égard se référer à la pièce I-1, onglet 45.

[31] Ce que je constate de la preuve c'est aussi qu'il n'y a pas de révision personnelle du dossier au cours de toutes ces années et que l'appelant n'a jamais sollicité d'avis indépendant de celui de l'administration centrale. Ainsi, aucun avis n'est sollicité. Pourtant les pertes sont extrêmement importantes et l'appelant doit aussi faire face à des demandes de mises de fonds supplémentaires. On ne sollicite personne, on n'a aucun plan, on laisse aller les choses, on continue de confier la location du condominium à l'administration centrale. De fait, l'appelant a affirmé qu'il ne savait même pas si le condominium avait été loué au cours des deux années en litige, soit en 1992 et en 1993. Aucun effort n'a été fait par l'appelant pour assurer personnellement la rentabilité en prenant en charge la location de son condominium. Pourquoi ? Il est vrai que la distance existait mais force est de constater que d'autres personnes s'étaient déjà occupées de leurs propres affaires et s'étaient chargées elles-mêmes de la location de leur condominium.

[32] Une chose est claire, c'est que l'avantage fiscal était toujours présent et qu'il a manifestement influencé la décision de continuer toujours dans la même veine. La perspective du gain de capital à long terme a probablement aussi influencé la décision de l'appelant de garder le condominium. Il s'agit d'une situation classique et cette situation classique, elle est décrite dans l'affaire Mohammad (précitée) dans les passages auxquels je me suis référé.

[33] Ainsi, d'après la preuve, il faut constater que les choses changent véritablement et même dans l'esprit de l'appelant uniquement en 1995. À ce moment-là, il y a des événements précis qui surviennent. Évidemment, Revenu Canada se met le nez dans le dossier. Pourtant, en juin 1995 l'appelant, en réponse à la fameuse question 16 du questionnaire soumis par Revenu Canada (voir pièce I-1, onglet 51) ne voit, ou n'entrevoit d'autres possibilités, d'autres plans d'action que celui de vendre, ou plutôt que l'ensemble du projet soit vendu. Encore ici, l'appelant n'a donc pas de plan de rentabilité en ce qui concerne son propre condominium. Toutefois, après cela, il commence à y avoir un peu d'action : d'abord, remboursement du prêt personnel, puis visite à Magog et rencontre de monsieur Turbide et enfin un mandat qui est confié à monsieur Turbide pour faire de la location à long terme plutôt que de laisser l'administration centrale tenter de faire de la location à la journée. Monsieur Turbide réussit à louer d'abord pour trois mois puis pour six mois, puis pour un an et on en est maintenant à un bail de deux ans. Mais tout cela ne survient qu'en 1995.

[34] Si j'avais eu à décider du litige également pour toutes les années postérieures aux années en litige, ma décision aurait peut-être pu être différente ou j'aurais eu une perspective différente pour analyser le dossier. Toutefois, je dois ici situer mon analyse et l'appliquer aux années 1992 et 1993. De ce qui précède, j'estime qu'en 1992 et en 1993 l'appelant n'avait pas d'expectative raisonnable de profit concernant le condominium acquis en 1988 dans la région de Magog. Je ne puis en arriver à une autre conclusion compte tenu des critères retenus par la jurisprudence.

[35] Alors, je dois donc rejeter les appels pour 1992 et 1993. Cependant, comme en vertu de l'ordonnance du 26 juin 1998 ces appels ont été entendus selon la procédure générale de la cour suite à une demande de l'intimée, tous les frais raisonnables et justifiés de l'appelant afférents à ces appels devront être payés par l'intimée.

Révisé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de février 1999.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.



[1]           On pourrait ajouter : ou exerce une profession tout à fait indépendante.

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