Date: 19990923
Dossier: 96-1399-IT-G
ENTRE :
BRELCO DRILLING LTD. (auparavant TRIMAC LIMITED),
appelante,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
Motifs du jugement
Le juge Bell, C.C.I.
[1] Le 6 mars 1998, j'ai rendu dans cette affaire un jugement, accompagné de motifs, accueillant l'appel et renvoyant la nouvelle cotisation au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément à ces motifs.
[2] L'intimée, soit Sa Majesté la Reine (la « Reine » )[1], a porté ma décision en appel devant la Cour d'appel fédérale. Le 11 mai 1999, le juge en chef de la Cour d'appel fédérale rendait le jugement suivant :
L'appel est accueilli : l'appelante aura droit aux dépens, le jugement de la Cour canadienne de l'impôt est infirmé et l'affaire est renvoyée devant la Cour canadienne de l'impôt afin qu'elle détermine, en fonction des faits et conformément aux motifs exposés en l'espèce par cette Cour, la valeur véritable du « revenu sauf » en mains, la partie du gain en capital qui revient à l'intimée et qu'il serait raisonnable de considérer comme étant attribuable à autre chose qu'un revenu gagné ou réalisé, le juste montant des dividendes exonérés d'impôt et le juste montant du gain en capital réputé, s'il y en a.
Le juge Linden, dans ses motifs de jugement, écrivait ce qui suit :
[...] s'agissant des facteurs contribuant au revenu sauf, les universitaires et les juges s'entendent pour dire que le paragraphe 55(2) exige que le calcul du revenu sauf en mains se fasse en fonction des faits de chaque affaire. Je regrette de dire que l'on n'a pas procédé ainsi dans cette affaire.
[...] En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas entrepris la tâche consistant à déterminer, compte tenu des faits de la cause, le montant du revenu sauf. C'était, en toute déférence, une erreur de procéder ainsi. Bien qu'il ait eu raison d'admettre l'exposé conjoint des faits, le juge de la Cour de l'impôt il (sic) était tout de même tenu de dire quelle était, au vu de ces faits, la valeur véritable du revenu sauf en mains.
[...] Pour savoir si le calcul retenu par Revenu Canada est raisonnable, la Cour de l'impôt doit se fonder sur des témoignages quant aux facteurs qui ont effectivement pour effet de diminuer ou non le revenu sauf en mains. La Cour de l'impôt doit examiner les hypothèses du ministre et décider si elles fondent effectivement un calcul raisonnable du revenu sauf. Dans cette tâche, les parties feront sans doute appel à des témoignages d'experts ainsi qu'à divers autres éléments de preuve concernant le caractère raisonnable de la manière dont Revenu Canada a calculé le revenu sauf. Dans cette affaire, la preuve n'a pas fait l'objet d'un tel examen. [...] Je suis donc d'avis d'accueillir l'appel avec dépens à l'appelante, d'infirmer la décision dont il est fait appel et de renvoyer l'affaire devant la Cour canadienne de l'impôt qui devra décider, en fonction des faits de cette affaire, la valeur véritable du « revenu sauf en mains » . La partie du gain en capital qu'il serait raisonnable de considérer comme étant attribuable à autre chose qu'un revenu gagné ou réalisé pourra ainsi être fixée, après quoi il sera possible de calculer le juste montant des dividendes nets d'impôt et de calculer correctement à combien s'élève le gain en capital réputé, s'il y en a.
[3] À la section D de son avis d'appel à notre cour, Brelco définissait comme suit le point en litige :
[TRADUCTION]
La question à trancher est de savoir si le déficit exonéré et les pertes exonérées de chacune des filiales américaines doivent servir à réduire le revenu sauf de Tricil pour que la partie du dividende que l'appelante a reçu de Tricil – partie qui est réputée être pour l'appelante un gain en capital en application du paragraphe 55(2) de la Loi – puisse être déterminée.
[4] La question était évidemment formulée de cette manière parce que la partie du dividende en sus du « revenu sauf » serait un gain en capital, l'appelante étant préoccupée par le montant de la perte non commerciale nécessaire pour compenser le gain en capital imposable.
[5] Dans la réponse à cet avis d'appel, sous la rubrique QUESTIONS À TRANCHER, l'intimée déclarait ceci :
[TRADUCTION]
La principale question à trancher est celle énoncée à la section D de l'avis d'appel. Secondairement, il s'agit de savoir si l'appelante a surévalué de 451 946 $ son revenu sauf.
[6] Dans mes motifs de jugement, j'écrivais, en formulant la question :
Il s'agit de déterminer si les pertes subies par les corporations étrangères affiliées de l'appelante réduisent le « revenu gagné ou réalisé par une corporation après 1971 » aux fins du paragraphe 55(2), et modifient ainsi le montant du « revenu sauf » de l'appelante.
[7] Les parties ont convenu, à l'audience, que le « revenu sauf » de Brelco était surévalué du montant susmentionné de 451 946 $. Comme je le disais dans mes motifs de jugement :
Il a été convenu que, si l'appelante obtenait gain de cause dans l'appel en l'instance, cette erreur de calcul serait corrigée, ce qui donnerait lieu à une réduction du « revenu sauf » de l'appelante. Si, toutefois, l'appelante est déboutée, l'erreur de calcul ne sera pas corrigée puisqu'il en résulterait une hausse du montant payable par l'appelante selon la Cour.
Ce qui a été ainsi convenu simplifiait l'énoncé de la question en litige.
[8] En toute déférence, voici mes observations sur les propos précités du juge d'appel Linden :
1. Je n'étais nullement tenu de déterminer le montant du « revenu sauf » . Ma seule tâche était, conformément à l'énoncé de la question en litige ainsi convenu, de déterminer si les pertes des filiales américaines de Brelco devaient réduire le « revenu sauf » . C'est précisément ce que j'ai fait.
2. Les parties avaient présenté un exposé conjoint des faits, que j'avais évidemment accepté. Les avocats m'avaient avisé qu'aucune autre preuve ne serait présentée. Donc, la Cour avait effectivement été saisie de tous les éléments de preuve dont les parties considéraient qu'elle devait être saisie. Une partie de l'exposé susmentionné était une annexe présentant une analyse du calcul du revenu sauf. Cette annexe, que j'ai par souci de clarté légèrement modifiée au plan de la forme et qui figure dans mes motifs de jugement, mentionnait les sommes suivantes, en dollars américains, comme parts de Brelco dans les pertes de compagnies américaines :
Tricil Ene Res 2 843 670 $
Tricil Rec 1 448 335 $
Tricil N.Y. 99 234 $
Tricil Env Man 3 740 370 $[2]
Redox Inc. 23 332 $
Tricil Inc. 147 810 $
Comme l'indiquait l'annexe, en dollars canadiens, l'intimée avait déterminé que le montant du revenu sauf était de 23 149 721 $, tandis que Brelco avait déterminé qu'il était de 25 735 216 $.
[9] Dans son arrêt majoritaire, la Cour d'appel fédérale a infirmé ma décision selon laquelle les pertes ne devaient pas être déduites dans la détermination du revenu sauf. Le jugement de notre cour a été infirmé, et l'affaire a été renvoyée à notre cour
afin qu'elle détermine, en fonction des faits [...]
les sommes indiquées dans le jugement précité.
[10] Conformément au jugement de la Cour d'appel fédérale, l'affaire a été inscrite au rôle, pour audition le 30 août 1999. À cette audience, les avocats des deux parties m'ont avisé qu'aucune autre preuve, ordinaire ou d'expert, ne serait présentée. Ils m'ont également avisé qu'ils s'étaient entendus sur le règlement de la question en ce que les pertes susmentionnées ne réduiraient pas le « revenu sauf » de Brelco et que le montant du « revenu sauf » serait de 27 464 937 $, soit :
« Revenu sauf » déterminé par l'intimée
et à l'égard duquel Brelco a interjeté
appel 23 149 721 $
Plus un montant équivalant aux pertes
de sociétés américaines
Tricil Ene Res 2 843 670 $
Tricil Rec 1 448 335 $
Tricil N.Y. 99 234 $
Tricil Env Man 3 634 253 $
Redox 23 332 $
Tricil Inc. 147 810 $
Total : 8 196 634 $
Part de Brelco, soit
la moitié 4 098 317 $
Part en dollars canadiens 4 767 162 $
TOTAL : 27 916 883 $
Déduction du montant convenu
à l'audience initiale 451 946 $
REVENU SAUF : 27 464 937 $
[11] En toute déférence, je dois dire que, en rendant mon jugement, j'avais estimé que le calcul de la partie « gain en capital » du dividende était une simple opération arithmétique que Revenu Canada effectuerait au moment de la nouvelle cotisation. Toutefois, conformément au jugement de la Cour d'appel fédérale, voici les sommes que cette dernière m'a demandé de déterminer :
1. « Revenu sauf » 27 464 937 $
2. Dividende exonéré d'impôt 27 464 937 $
3. Partie du gain en capital devant être
attribuée « à autre chose qu'un revenu
gagné ou réalisé »
dividende 32 000 000 $
moins revenu sauf 27 464 937 $
4 535 063 $
4. Juste montant du gain en capital réputé 4 535 063 $
Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de septembre 1999.
« R. D. Bell »
J.C.C.I.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
Traduction certifiée conforme ce 20e jour de juin 2000.
Philippe Ducharme, réviseur
[1] Cette désignation est employée parce que l'intimée devant la Cour canadienne de l'impôt est devenue l'appelante devant la Cour d'appel fédérale, d'où une confusion possible.
[2] A été défalqué de ce montant un recouvrement d'impôt de 106 117 $ figurant à l'annexe, d'où un montant net de 3 634 253 $.