Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990115

Dossier: 97-2083-IT-I

ENTRE :

RAYMOND MARQUETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 20 avril 1998 à Montréal (Québec) par l’honorable juge Alain Tardif

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1992, 1993 et 1994. Le litige porte sur une portion du montant déduit à titre de pension alimentaire. L'appelant a réclamé une déduction pour pension alimentaire de 12 824,28 $ pour l'année 1992, de 12 182,77 $ pour l'année 1993 et de 4 534,44 $ pour l'année 1994.

[2] L'intimée, a émis une nouvelle cotisation en date du 30 septembre 1996, amputant à l'appelant à titre de déduction pour pension alimentaire les montants respectifs de 8 924 $ pour l'année 1992, 8 282 $ pour l'année 1993 et 2 884 $ pour l'année 1994.

[3] Pour soutenir sa nouvelle cotisation, l'intimée a allégué les faits suivants :

a) en vertu d'un consentement intérimaire, daté du 12 novembre 1991, et entériné par la Cour le 12 novembre 1991, (ci-après, le “consentement”), l'appelant et Madame France Mailhot (ci-après, l'“ex-conjointe”) se sont séparés;

b) en vertu du consentement, l'appelant devait payer pour l'ex-conjointe et les enfants une pension alimentaire de 75 $ par semaine payable d'avance et indexée selon la Loi;

c) en vertu du consentement, l'appelant devait payer les taxes, hypothèque et électricité pour le domicile conjugal;

d) le ministre a refusé à l'appelant une déduction pour le paiement des frais mentionnés au paragraphe c) ci-dessus, pour les années en litige, car il n'a pas été démontré dans le consentement que ces paiements seraient déductibles par l'appelant en vertu du paragraphe 60.1(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (ci-après, la “Loi”) et imposables par le bénéficiaire, l'ex-conjointe, en vertu du paragraphe 56.1(2) de la Loi.

[4] Seul l'appelant a témoigné; il a expliqué, à l'aide de plusieurs documents, le cheminement de son dossier. Il a notamment déposé copie d'une requête pour mesures provisoires (pièce A-5) sur laquelle apparaît de façon manuscrite le jugement intervenu le 22 novembre 1991. Il a aussi déposé la copie d'une convention intervenue le 12 novembre 1991 signée par lui et son ex-épouse en présence de leur procureur respectif (pièce A-4).

[5] Cette convention a été entérinée par le jugement de l'honorable juge Jeanne L. Warren (pièce A-6) de la manière suivante :

“La Cour entérine et déclare exécutoire le consentement des parties signé le 12 novembre 1991 et ordonne aux parties de s'y conformer.”

(s) Jeanne L. Warren J.C.S.

[6] L'appelant a aussi produit copie d'un acte notarié intervenu le 6 novembre 1990 (pièce A-2) aux termes duquel il donnait la moitié indivise de l'immeuble servant de résidence familiale. La donation était alors assujettie aux conditions suivantes :

CONDITIONS :

La présente donation est ainsi faite aux charges de droit par le Donataire et spécialement à la charge par lui de : -

A) Payer à compter des présentes la moitié de toutes les taxes et cotisations municipales et scolaires, générales et spéciales, de quelque nature que ce soit et pouvant affecter la propriété à compter des présentes et une proportion des taxes pour l'année courante à compter de la même date, ainsi que tous les versements futurs de cotisations spéciales imposées sur ledit immeuble, dont le paiement pourra être fait au cours de plusieurs années;

B) Prendre ledit immeuble dans son état actuel déclarant l'avoir vu et visité et en être satisfait;

C) Payer les frais et honoraires des présentes, frais d'enregistrement et copies nécessaires;

D) Nonobstant ce que mentionné au chapitre "POSSESSION", il est bien entendu que les parties ne pourront vendre, céder ou aliéner leurs droits dans ladite propriété sans le consentement de chacune des parties.

[7] La qualification des montants litigieux exige l'analyse et l'appréciation de l'intention des parties, mais aussi et surtout de la qualité de la preuve documentaire.

[8] En l'espèce, les procédures de divorce furent initiées par l'ex-épouse de l'appelant le 6 novembre 1991. À la rubrique MESURES ACCESSOIRES, les demandes alimentaires furent exprimées comme suit (pièce A-1) :

“La demanderesse demande, pour elle et les enfants, une pension alimentaire de 100,00 $ par semaine, en sus de l'assumation par le défendeur de toutes les dépenses relatives au domicile conjugal, i.e. hypothèque, taxes, assurances, électricité.”

[9] Le libellé fut reproduit dans les conclusions recherchées (pièce A-1) par la procédure de divorce :

“CONDAMNER le défendeur a payé à la demanderesse, une pension alimentaire de 100,00 $ par semaine, pour elle et les enfants, payable d'avance le vendredi de chaque semaine et qu'il assume les dépenses relatives au domicile conjugal (hypothèque, taxes, assurances, électricité).”

[10] Parallèlement à la procédure visant à obtenir un jugement de divorce, des procédures visant à obtenir une ordonnance valant pour la période transitoire furent également initiées au moyen d'une requête pour mesures provisoires.

[11] Encore là, les demandes alimentaires furent exprimées et rédigées de la même façon. Il m'apparaît important de souligner que ces procédures ont toutes été signées par la bénéficiaire des montants litigieux. Je crois important de souligner cette réalité parce que, très souvent, les procédures judiciaires sont signées exclusivement par le procureur de l'initiateur.

[12] Parallèlement aux procédures de divorce et à la procédure transitoire, l'appelant et son ex-épouse sont intervenus à une convention, subséquemment ratifiée par la Cour supérieure, où la question financière a été clairement exprimée; le tout fut alors rédigé de la façon suivante (pièce A-4) :

“6. Le défendeur paiera pour la demanderesse et les enfants une pension alimentaire de 75 $ par semaine payable d'avance le vendredi de chaque semaine et indexée selon la Loi;

7. Le défendeur paiera les taxes, hypothèque et électricité pour le domicile conjugal, à titre de pension alimentaire.” (Je souligne)

[13] La véritable question en litige est de savoir si le paiement des montants découlant de l'obligation prévue au paragraphe 7 de la convention devenue partie intégrante du jugement de divorce rencontre les exigences pour être déductibles. Les parties ont soumis plusieurs décisions à l'appui de leurs prétentions respectives.

[14] À la lumière de la preuve testimoniale et documentaire, je suis d’avis que la bénéficiaire des montants en litige avait elle-même exprimé clairement sa volonté que les montants en question soient dirigés directement aux tiers clairement définis et identifiés; elle avait, de ce fait, renoncé expressément à sa discrétion quant à l'utilisation d'une partie des sommes qu'elle devait recevoir en vertu du jugement de divorce.

[15] Certes l’appelant a indiqué que la méthode retenue l’avantageait et le protégeait face à d’éventuels recours en recouvrement par le créancier hypothécaire. Par contre, je crois important de rappeler qu’il n’était pas l’initiateur de l’orientation vers les tiers concernés puisque cela a d’abord été clairement exprimé dans les procédures qui ont précédé l’entente intervenue. Le fait que la demande alimentaire ait été formulée comme indiquée dans les procédures témoigne et atteste qu'il s'agissait là de la volonté expresse de la bénéficiaire éventuelle. Si cette formulation avait été utilisée pour la première fois dans la convention, il y aurait lieu de s'interroger si le débiteur de la pension avait pu en être l'auteur ou le responsable mais ce n'est pas le cas puisque l'initiative en revient manifestement à la créancière de la pension.

[16] Conséquemment, je crois que la bénéficiaire a elle-même décidé et choisi de limiter sa discrétion relative à sa pension en indiquant clairement et expressément sa volonté quant à l’utilisation d’une partie importante du soutien financier auquel elle avait droit.

[17] D’autre part, l’intention des parties à la convention, totalement intégrée au jugement de divorce, est clairement exprimée; ils ont qualifié expressément le soutien financier comme suit : “à titre de pension alimentaire”.

[18] Pour ces motifs, le Tribunal accueille l'appel et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de janvier 1999.

“Alain Tardif”

J.C.C.I.

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