Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980114

Dossier: 95-3765-IT-G

ENTRE :

CLAUDETTE DESMEULES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] L’appelante interjette appel de la cotisation du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) établie sous le régime de l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2] Les faits que le Ministre a pris en considération pour établir sa cotisation sont décrits au paragraphe 7 de la Réponse à l’avis d’appel. Je cite les plus pertinents :

a) L’époux de l’appelante, Jean Crevier, a acheté une résidence au 23 Place Halifax à Candiac, Province de Québec, le ou vers le 22 septembre 1987 pour la somme de 109 000 $ dont une portion de 44 269,57 $ a été payée comptant et le reste, soit 64 730,43 $, était le solde dû sur un prêt hypothécaire consenti par l’Industrielle Alliance, compagnie d’assurance sur la vie, lequel fut assumé par M. Crevier.

b) En octobre 1991, l’époux de l’appelante, à l’occasion de la renégociation du prêt hypothécaire sur cette résidence, a obtenu un prêt hypothécaire de 86 250 $, soit un montant supérieur au solde alors dû à l’Industrielle Alliance dans le but déclaré de rembourser une seconde hypothèque détenue par un certain M. Leonard Polchynski de Burlington et de payer des travaux de rénovation déjà effectués. ...

...

d) Le 6 décembre 1991, l’époux de l’appelante, M. Jean Crevier, a cédé gratuitement, par acte notarié, dans le but déclaré d’avantager l’appelante, la propriété de la résidence de la Place Halifax à charge par elle de payer les taxes foncières dues et à échoir, les frais du notaire et d’enregistrement ainsi que de faire les paiements dus en vertu de l’acte d’hypothèque en faveur de l’Industrielle Alliance enregistré à l’encontre de l’immeuble le 16 octobre 1991.

e) Au 19 décembre 1991, le montant dû par M. Jean Crevier au titre de l’impôt, pénalités et intérêts pour les années 1989 et précédentes était d’au moins 88 237,60 $.

...

g) L’appelante ne traitait pas à distance avec Jean Crevier lorsque les termes de la cession de l’immeuble furent négociés et lorsque celle-ci fut effectuée.

h) L’appelante était la seconde épouse de Jean Crevier, ayant épousé ce dernier en mai 1990 sous le régime de la séparation de biens.

i) Relativement à la dite cession, la contrepartie déclarée par l’appelante pour les fins de la Loi autorisant les municipalités à percevoir un droit sur les mutations immobilières était de 120 000 $. L’appelante et son époux étaient familiers avec le marché immobilier vu leur profession d’agent d’immeubles.

j) La juste valeur marchande dudit immeuble avec la bâtisse et améliorations n’était, au 6 décembre 1991, pas inférieure à 103 000 $.

[3] Le 7 septembre 1993, l’appelante a été cotisée pour un montant de 25 760 $. Le 15 août 1995, après l’avis d’opposition de l’appelante, la cotisation a été réduite à 16 750 $. Cet avis de nouvelle cotisation porte le numéro #01435. C’est de cette nouvelle cotisation dont il y a appel.

[4] Il y a eu au début de l’audience une demande de remise de la part de l’avocat de l’appelante aux fins de se conformer aux exigences procédurales de l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale pour contester la validité constitutionnelle de l’article 160 de la Loi. L’avocat de l’appelante a informé la Cour qu’il connaissait les exigences de l’article 57 de la Loi sur la Cour fédérale du Canada. Bien que l’Avis d’appel ait mentionné la possibilité de contestation de la validité constitutionnelle de l’article 160 de la Loi, l’avocat avait décidé de ne pas poursuivre cette avenue. Toutefois, deux décisions récentes de la Cour suprême du Canada, dont il n’avait pas les références exactes, lui donnaient à penser qu’il y avait peut-être des possibilités de tenter un tel argument. L’avocat n’a pas exprimé clairement quel serait l’argument constitutionnel qu’il tirerait de ces décisions récentes. Vu que la demande de remise a été faite le matin même de l’audition, vu que le motif de la validité constitutionnelle avait déjà été soulevé dans l’Avis d’appel et qu’il aurait été facile de se conformer en temps opportun à la procédure requise par le susdit article 57 et vu l’imprécision de l’argumentation sur la validité constitutionnelle, la demande de remise a été rejetée.

[5] L’appelante a témoigné à la demande de son avocat. Le témoignage de l’appelante, qui est une agente immobilière, a été très court. Elle a déposé comme pièce A-1, l’acte de vente d’une maison sise au 23 Place Halifax à Candiac, en date du 16 décembre 1994, au prix de 86 000 $. Il s’agit de la maison qui lui avait été cédée par son époux, Jean Crevier, le 6 décembre 1991 et au sujet de laquelle l’alinéa 7 j) de la Réponse dit qu’elle valait en 1991 pas moins de 103 000 $.

[6] L’appelante a dit qu’elle avait mis la maison en vente pendant six mois au montant de 106 000 $, qu’elle avait eu deux visites et avait accepté une offre à 86 000 $. En contre-interrogatoire, l’avocat de l’intimée lui a montré une inscription de vente, pièce I-1, où la maison était offerte pour 119 000 $. Elle ne se souvenait pas de cette inscription à ce prix. Cette inscription n’est pas datée.

[7] Il n’y a pas eu de preuve dans l’examen en chef sur la date de l’inscription de la maison pour sa vente, ni des moyens pris pour la vendre. Il n’y a pas eu de preuve à savoir si la transaction avait été faite à distance.

[8] L’acte de vente (pièce A-1), à la page 8, dans la clause intitulée « Déclaration relative à l’avant-contrat » , mentionne que la vente a été faite en exécution d’une offre faite le 12 septembre 1994 et acceptée ce même jour. Cette clause fait également mention d’un avant-contrat. Ni l’offre ni l’avant-contrat n’ont été déposés à l’audience.

[9] La même entente (pièce A-1), à la page 9, dans la clause intitulée « Mentions exigées en vertu de l’article 9 de la Loi autorisant les municipalités à percevoir un droit sur les mutations immobilières » , dit ce qui suit concernant la contrepartie et le montant constituant la base d’imposition du droit de mutation :

3. - Selon le cédant et le cessionnaire, le montant de la contrepartie pour le transfert de l’immeuble est de QUATRE VINGT-SIX MILLE DOLLARS (86 000 $).

4. - Selon le cédant et le cessionnaire le montant constituant la base d’imposition du droit de mutation est de CENT SEPT MILLE DOLLARS (107 000 $).

[10] La clause intitulée « Possession » qui se trouve à la page 4 du contrat de vente (pièce A-1) se lit comme suit :

L’acquéreur devient propriétaire de l’immeuble à compter de ce jour avec possession et occupation à partir du quinze juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze (1995).

[11] À part une question pour confirmer le prix de vente de la maison, il n’y eut aucune autre question posée à l’appelante pour expliquer les clauses ci-dessus mentionnées.

[12] L’Avis d’appel lui-même, qui est en date du 29 novembre 1995, indique que la résidence de l’appelante est au 23 Place Halifax, en la ville de Candiac, tant en ce qui concerne la description de la partie appelante que celle du premier élément des faits. Or, cette résidence est censée avoir été vendue le 16 décembre 1994 et la prise de possession par l’acquéreur en date du 15 juin 1995.

[13] Il n’y a pas eu de témoin-expert pour l’appelante.

[14] L’intimée a présenté un témoin expert. Il s’agit de monsieur André Beaudet, évaluateur immobilier, maintenant à la retraite. Il a préparé l’évaluation alors qu’il était à l’emploi de Revenu Canada. En se basant sur les ventes de propriété comparables situées dans le même secteur que la propriété en question, monsieur Beaudet est arrivé à une valeur marchande de 103 000 $. Il a admis en contre-interrogatoire que le marché immobilier dans ce secteur n’avait pas vraiment bougé de 1991 à 1994.

Argumentations et conclusions

[15] L’avocat de l’appelante fait valoir que la meilleure preuve de la valeur marchande d’un immeuble est le prix obtenu pour cet immeuble dans un marché libre par des personnes traitant à distance et que le prix obtenu par l’appelante est de 86 000 $ et que vu que le marché immobilier n’avait pas bougé depuis 1991, que c’était la valeur marchande de la propriété en 1991.

[16] L’avocat de l’intimée fait valoir que le rapport de l’évaluateur expert a été fait selon les règles de l’art et qu’il n’y a pas eu de preuve concernant les circonstances de la vente de la propriété en question qu’il s’agissait en fait d’une vente faite dans un marché libre.

[17] À ceci, l’avocat de l’appelante réplique qu’il ne lui appartenait pas de faire la preuve des circonstances de la vente puisque ces circonstances n’avaient pas été soulevées comme un moyen de l’intimée.

[18] L’argument de l’avocat de l’appelante concernant le prix de vente de la maison obtenu en 1994 serait un argument de poids s’il avait fait la démonstration du marché libre dans lequel l’appelante aurait vendu la maison. Contrairement à sa prétention, il lui appartenait de faire la preuve des circonstances de la vente de la maison vu que celles-ci sont essentielles à la détermination de la valeur marchande.

[19] Les circonstances de la vente n’ont pas été expliquées. L’appelante dit avoir mis la maison en vente pendant six mois et avoir eu deux visites. Il n’y a pas eu de preuve quant à la date de l’inscription de la maison sur le marché, ni quant aux moyens pris pour la vente. L’offre d’achat a été acceptée le jour même de l’offre. La prise de possession est très tardive et même d’après l’avis d’appel, l’appelante résidait encore dans la maison après la date de prise de possession mentionnée au contrat de vente. N’ont pas été expliquées non plus les différentes clauses du contrat de vente que j’ai citées plus haut et surtout celle concernant le droit sur les mutations établissant la base d’imposition de ce droit à 107 000 $.

[20] Je suis d’avis que l’évaluation de la valeur marchande faite par monsieur Beaudet a été faite avec soin et selon les règles de l’art. La vente de la maison à 86 000 $ en 1994, dans un marché stationnaire depuis 1991, aurait pu mettre en doute la valeur marchande de cette propriété établie par l’évaluateur expert s’il y avait eu la preuve d’une vente faite dans un marché libre. Pour les raisons ci-avant mentionnées, il me faut conclure que cette preuve n’a pas été faite.

[21] L’appel est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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