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Date: 19980617

Dossier: 96-1944-IT-G

ENTRE :

LISE LACHANCE KIROUAC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Archambault, C.C.I.

[1] Le 15 octobre 1993 (date pertinente), Mme Lise Lachance Kirouac a acheté à son mari, M. Denis Kirouac, pour la somme de 1 $, toutes les actions (actions) que ce dernier détenait dans la société Les Pétroles D. Kirouac Inc. (PDK). Comme M. Kirouac devait alors la somme de 24 969,82 $ au ministre du Revenu national (ministre), celui-ci a établi une cotisation selon l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi), laquelle cotisation rendait Mme Kirouac responsable du paiement de l’impôt de son mari.

[2] La seule question soulevée par cet appel est celle de la valeur des actions à la date pertinente. Le témoin expert de l’intimée est d’avis que la juste valeur marchande des actions à cette date était de 190 000 $ alors que celui de Mme Kirouac prétend qu’elle était nulle puisque la valeur des actions s’établissait au montant négatif de -1 550 $.

Faits

[3] Avant d’analyser les avis des experts en évaluation, il est utile de relater les circonstances entourant le transfert des actions par M. Kirouac à son épouse. PDK a été constituée selon la partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec et son exercice financier se termine le 30 septembre. En 1993, elle exploitait une entreprise de livraison à domicile de mazout dans la région immédiate de Sherbrooke. De plus, elle vendait des appareils de chauffage et des chauffe-eau et en faisait l’entretien et la réparation. Toutefois, les services d’entretien et de réparation avaient été confiés à un sous-traitant. PDK offrait aussi à ses clients un plan de protection pour les appareils de chauffage et les chauffe-eau.

[4] Au début des années 1980, PDK a agi comme revendeur de mazout fourni par Gulf Canada Limitée (Gulf). Gulf était la seule source d’approvisionnement de PDK. Le contrat d’approvisionnement n’a pas été déposé en preuve, mais selon le souvenir de M. Kirouac, Gulf fixait à la fois le coût d’achat et le prix de revente des produits Gulf. PDK devait assumer les frais de livraison et les frais de perception des comptes. Selon le contrat, PDK devait réaliser un bénéfice. Toutefois, comme la compétition était très vive dans la région de Sherbrooke et que les prix étaient à la baisse, M. Kirouac a informé Gulf qu’il fallait qu’elle consente à PDK des escomptes supplémentaires pour que celle-ci puisse concurrencer ses compétiteurs.

[5] À la fin décembre 1983, Gulf a présenté un projet de règlement (projet de règlement) afin de mettre fin au contrat d’approvisionnement à compter du 15 janvier 1984. Elle offrait aussi de verser à PDK une somme de 15 000 $ afin d’éviter tout litige futur concernant ce contrat. PDK a accepté cette offre de règlement. En outre, selon les prétentions de M. Kirouac, PDK aurait fait l’acquisition de la clientèle de Gulf sans aucune contrepartie. Toutefois, le projet de règlement est silencieux à cet égard. Le contrat prévoit plutôt l’engagement de Gulf à continuer de fournir le mazout nécessaire pour fournir sept clients commerciaux ou institutionnels et il y est stipulé que Gulf renonce à exercer son option de rachat des comptes clients de PDK.

[6] Monsieur Kirouac prétend qu’environ 1 100 clients étaient desservis à cette époque et qu’on livrait environ sept millions de litres par année. Le volume en litres n’a pas cessé de diminuer entre 1983 et 1993. En 1993, PDK a vendu 1 903 000 litres de mazout. Son chiffre d’affaires a aussi diminué de façon similaire passant de 1 847 000 $ en 1984 à 627 000 $ en 1993. Ce déclin dans la distribution du mazout serait dû en grande partie à l’arrivée du gaz naturel dans la région de Sherbrooke en 1983 et à la mise en oeuvre d’un programme gouvernemental de biénergie.

[7] PDK n’avait qu’un seul camion pour la distribution du mazout. M. et Mme Kirouac étaient employés à temps plein toute l’année. Le conducteur du camion de livraison l’était à titre saisonnier. De plus, deux enfants Kirouac étaient employés dans certaines tâches administratives en été. Mais c’étaient M. et Mme Kirouac qui se chargeaient des principales tâches administratives. M. Kirouac assurait la direction générale de la société; il s’occupait non seulement des achats de mazout et des autres produits aux fournisseurs, mais aussi de la vente d’appareils de chauffage et de chauffe-eau. C’est lui qui enregistrait les données financières de l’entreprise à l’ordinateur : ventes de mazout, comptes fournisseurs, etc. Mme Kirouac était responsable du crédit, du suivi des comptes et de la perception et, de façon plus générale, du secrétariat. M. Bergeron, un employé qui n’était pas lié à la famille Kirouac, s’occupait de la vente de mazout. Au cours de son exercice financier 1989, PDK a subi une perte d’exploitation de 6 968 $, ce qui l’aurait incitée à licencier M. Bergeron en juin 1989. Son salaire était d’environ 30 000 $ par année. M. et Mme Kirouac se sont partagé ses tâches. M. Kirouac a pris en charge les opérations de livraison, y compris l’entretien du camion et le suivi des services d’entretien fournis à la clientèle. Mme Kirouac a ajouté à ses tâches celle de la prospection de clients par téléphone et celle consistant à faire le suivi des maisons vendues.

[8] L’analyse des états financiers établis pour les exercices financiers de 1989 à 1996 révèle les renseignements suivants :

   Année

Chiffres d’affaires

Bénéfice brut

Bénéfice (perte) avant impôts sur le revenu et radiation

BNR

(déficit)

1996

(pour neuf mois - terminé 27 juin 1996)

732 219

120 714

(8 281)

(2 547)

1995

721 015

180 858

21 080

9 212

1994

607 344

149 426

32 922

(1 640)[1]

1993

626 603

149 333

34 390

43 496

1992

678 279

172 617

58 688

31 483

1991

695 147

150 279

37 175

(2 206)

1990

721 808

105 164

1 753

(33 330)

1989

765 999

128 869

(6 968)

(34 750)

[9] Jusqu’au 1er avril 1989, la marge de crédit de PDK s’élevait à 150 000 $. Elle a été alors diminuée à 75 000 $. La Banque Nationale du Canada a de plus exigé de Mme Kirouac une hypothèque pour garantir cette marge de crédit. L’hypothèque porte sur un immeuble lui appartenant et servant de résidence familiale.

[10] Les états financiers pour l’exercice terminé le 30 septembre 1990 révèlent qu’à cette date il y avait un prêt impayé de 55 000 $. Ce prêt avait été consenti à M. Kirouac pour l’achat d’une voiture en 1986 ou 1987. Les états financiers pour les exercices de 1989 à 1996 révèlent les renseignements suivants à l’égard des sommes dues par des administrateurs et dirigeants :

Année Compte débiteurs Placements

Administrateurs et Achat d’automobile

dirigeants

1989 14 600 55 000

1990 24 600 55 000

1991 35 600 55 000

1992 41 300 40 000

1993 66 000 —

1994 6 000 —

1995 — —

1996 — —

[11] Les mêmes états financiers font ressortir les renseignements suivants au sujet de la rémunération et des dividendes versés par PDK. Les renseignements concernant la rémunération se retrouvent dans l’un des trois postes suivants : main-d’oeuvre, ventes et frais d’administration.

Année

Main-d’oeuvre

Ventes

Frais

d’administration

Salaires

versés à

la famille*

Dividendes

1989

53 868

N/A

62 068

N/D

10 000

1990

53 976

N/A

43 823

N/D

0

1991

20 694

N/A

71 182

70 712

0

1992

20 554

N/A

67 650

70 532

15 000

1993

20 077

N/A

67 956

69 569

15 000

1994

19 531

3 275

66 276

N/D

0

1995

18 925

32 366

62 719

N/D

6 000

1996

25 318

9 764

52 913

N/D

0

* selon les relevés T4 au 31 décembre de chaque année

[12] En plus de plusieurs sociétés pétrolières multinationales offrant du mazout dans la région de Sherbrooke, il existait en 1983 un certain nombre de sociétés indépendantes. En 1993, selon les dires de M. Kirouac, il ne restait plus que PDK. Plusieurs de ces distributeurs indépendants ont fait faillite et au moins un des indépendants a été acquis par une des multinationales.

[13] En 1993, parmi les multinationales concurrentes de PDK, il y avait Esso, Shell, Petro-Canada, Irving et Ultramar. La concurrence entre 1983 et 1993 était féroce non seulement au niveau du prix du mazout mais aussi au niveau des modalités de paiement. En effet, les fournisseurs de PDK exigeaient que cette dernière paie ses approvisionnements dans un délai de 15 jours alors que souvent ces même sociétés donnaient un délai de 30 jours à leurs propres clients.

[14] Selon les témoignages de M. et Mme Kirouac, cette dernière n’était pas satisfaite de la gestion de PDK par M. Kirouac. Il était très agressif avec les clients, le volume des ventes continuait à diminuer et Mme Kirouac était préoccupée par l’hypothèque qu’elle avait consentie à la banque pour garantir la marge de crédit de PDK. Elle a rencontré M. Patrick Cloutier de chez Raymond Chabot Martin Paré, qui était le comptable de PDK. M. Cloutier lui a indiqué que cette société était en état de quasi-faillite et que ses actions ne valaient pas plus qu’un dollar. M. Cloutier a confirmé lors de son témoignage avoir été d’avis entre 1989 et 1993 que M. Kirouac devait vendre ses actions pour 1 $ et la libération de Mme Kirouac de sa caution.

[15] Pour déterminer cette valeur des actions, M. Cloutier présumait que le solde des avances (soit 66 000 $ en 1993) consenties par PDK à M. Kirouac était irrécouvrable. Les seuls actifs dont M. Cloutier tenait compte étaient les actions de PDK et un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) d’environ 100 000 $, un bien qui, selon lui, n’était pas saisissable. Il a toutefois reconnu que M. Kirouac aurait pu, avec le consentement de son épouse, retirer les fonds du REER, mais que cela aurait comporté un problème majeur : il aurait alors fallu payer des impôts! M. Cloutier a reconnu aussi qu’il ne s’était fondé sur aucun bilan dressé par M. Kirouac. Le fait qu’il le connaissait depuis longtemps lui suffisait.

[16] En plus de sa dette de 66 000 $ envers PDK, M. Kirouac a affirmé qu’il devait de l’argent à l’égard de ses cartes de crédit, que sa marge de crédit de 25 000 à 30 000 $ était entièrement utilisée et qu’il devait des impôts aux autorités fiscales. Toutefois, la preuve ne révèle pas que M. Kirouac s’est déclaré en faillite.

[17] Le 15 octobre 1993, M. Kirouac a vendu toutes ses actions à Mme Kirouac pour la somme de 1 $. Contre-interrogé par le procureur de l’intimée, M. Kirouac a été incapable de confirmer qu’il aurait vendu ses actions à un étranger pour une telle somme. Il a reconnu avoir reçu en 1986 des offres d’achat de sa clientèle. Il les a refusées puisqu’il s’agissait d’un prix dérisoire: de 2 ¢ à 2.5 ¢ par litre.

[18] À la suite de l’acquisition de toutes les actions de son mari, Mme Kirouac a pris des mesures pour rentabiliser les opérations de PDK. Au mois de mai 1994, elle s’est mise à la recherche d’un nouveau directeur des ventes. Elle l’a trouvé en août 1994 et l’a engagé à un salaire annuel d’environ 30 000 $. Ce nouveau directeur a pu concentrer ses énergies sur l’établissement d’un contact plus personnel avec la clientèle de PDK. Selon Mme Kirouac, il a réussi à attirer 364 nouveaux clients entre le mois d’août 1994 et le mois de juin 1996. Le chiffre d’affaires s’en est ressenti. En effet, il est passé de 607 344 $ en 1994 à 721 015 $ pour 1995 et à 732 219 $ pour l’exercice financier 1996 terminé le 27 juin 1996. Même s’il s’agit d’une période de neuf mois, il faut réaliser que la saison la plus active pour ce qui est des ventes de mazout était terminée.

[19] Trente-deux mois après avoir acquis les actions de son mari pour 1 $, soit le 27 juin 1996, Mme Kirouac les a vendues à Ultramar pour un montant de 401 719 $. Au moment de cette vente, Mme Kirouac a estimé le volume de mazout vendu par PDK à 2 500 000 litres.

[20] Monsieur Desrosiers, du cabinet Raymond Chabot Martin et Paré, a produit un rapport d’expert établissant la juste valeur marchande des actions au 30 septembre 1993. Cette date a été retenue parce que c’était la date la plus rapprochée de celle des états financiers. Pour déterminer la juste valeur marchande des actions, il a utilisé la technique de la capitalisation du bénéfice net caractéristique (ou la méthode fondée sur le rendement) et celle de l’avoir ajusté des actionnaires.

[21] La juste valeur marchande d’une société déterminée selon la méthode fondée sur le rendement se calcule généralement de la façon suivante :

Valeur des actions = (bénéfice net caractéristique X multiple) + valeur marchande des éléments d’actif excédentaires.

Voici les calculs que M. Desrosiers a effectués en utilisant cette méthode :

BAS

$

HAUT

$

Bénéfice caractéristique avant autres redressements

et impôts sur le revenu

34 300

41 900

Autres redressements: Moins: Salaires

(30 000)

(30 000)

         Plus: Ajustement des frais bancaires

        (voir annexe — 4.1)

2 850

2 850

Bénéfice caractéristique avant impôts sur le revenu

7 150

14 750

Moins: Impôts sur le revenu @ 18,59 % Premier 200 000 $

          37,74 % Excédent

(1 300)

(2 700)

Bénéfice net caractéristique

5 850

12 050

Multiple[2]

X 3.75

X 3.25

Valeur capitalisée du bénéfice net caractéristique

21 900

39 200

Plus: Éléments d’actif excédentaires (négatif) - (annexe 4.1)[3]

(32 137)

(32 137)

Valeur de l’ensemble des actions émises et en circulation

(10 237)

7 063

                Disons:

(10 200)

   7 100

Moyenne: (1 550)

[22] L’avoir ajusté des actionnaires représente la juste valeur marchande des éléments d’actif de l’entreprise, déduction faite du passif total et en tenant compte d’une provision pour impôt pour les plus-values. Cette valeur est, selon M. Desrosiers, négative, soit -7 260 $.

[23] Monsieur Benoît Renaud, un employé du ministre, a aussi témoigné comme expert en évaluation d’entreprise. Pour établir la juste valeur marchande des actions, M. Renaud a utilisé deux approches: celle fondée sur le rendement et celle fondée sur la méthode empirique. En suivant la première approche, il a estimé la valeur à 200 000 $. La valeur estimée selon la méthode empirique représente une somme de 190 000 $. C’est cette valeur qu’il a retenue comme la juste valeur marchande au 15 octobre 1993. Reprenons plus en détail la démarche suivie par M. Renaud.

[24] Selon la méthode empirique, il faut déterminer la valeur de l’actif corporel et y ajouter la valeur de l’achalandage. Ici la valeur de l’achalandage a été établie en tenant pour acquis qu’elle se situait à entre 5 ¢ et 7 ¢ le litre vendu. Cette méthode, selon l’expérience de M. Renaud, avait été fréquemment utilisée pour déterminer la valeur de ce genre d’entreprise. M. Renaud a ajouté ce qui suit à la page 11 de son rapport :

Nous avons contacté trois vendeurs d’huile à chauffage (Sonic, Shell, Esso) de Sherbrooke, et ceux-ci nous ont confirmé que le prix de vente du litre d’huile à chauffage se situait à 34,9 ¢ en 1992 et 1993. À ce prix, il faut déduire des escomptes aux meilleurs clients, pouvant aller jusqu’à 7 ¢ , ce qui nous a permis d’estimer entre 1,8 et 2,2 millions le nombre de litres vendus. Cette façon de procéder nous donne un achalandage se situant entre 112 000 $ et 125 000 $.

[25] Voici comment il a calculé la valeur de l’achalandage à la page 49 de son rapport :

Méthode empirique:

Vente de 1993: 626 603 $

Prix du litre Maximum:      0,349 $

Prix du litre Moyen:    0,314 $

Prix du litre Minimum: ___________ _________ 0,279 $

Estimation du nombre de litres

vendus: 1 795 424 1 995 551 2 245 889

Achalandage le litre selon

notre expérience:    0,070 $ 0,060 $ 0,050 $

Achalandage: 125 680 $ 119 733 $ 112 294 $

[26] La valeur de l’actif corporel a été déterminée ainsi :

Valeur de l’actif tangible:

Valeur-aux-livres comptable au 30 septembre 1993: 45 946 $

Plus

Plus-value sur roulant net des “Tax Shield”

J.V.M. du roulant (estimé) 40 % du coût: 26 112 $

Valeur nette: (7 969 )

V = plus-value des actifs    18 143

T = Taux d’impôt 18,59 %

R = Taux d’allocation coût en capital 30,00 %

I = Taux de capitalisation 20,00 %

Formule = (V x T x R/(I + R) x 1-I/2(1+I) (1 855 ) 16 288

(règle du demi-taux)

Plus-value sur actions cotées à la bourse

net des impôts, car la cie a 44 000 $ de pertes

en capital à reporter.

Juste Valeur Marchande selon les états financiers 35 966

Coût: (28 594)

Gain sur placements 7 372 7 372

Valeur-aux-livres ajustée au 30 septembre 1993 69 606 $

[27] La juste valeur marchande s’élève donc à 190 000 $, déterminée de la façon suivante :

Achalandage: 125 680 $ 119 733 $ 112 294 $

Actif tangible: 69 606 69 606 69 606

Juste Valeur Marchande des actions 195 286 $ 189 339 $ 181 900 $

Valeur sélectionnée: 190 000 $

[28] Monsieur Renaud arrive à des résultats semblables en utilisant l’approche fondée sur le rendement. Afin de procéder à cette évaluation, M. Renaud a dû apporter d’abord des ajustements au calcul du bénéfice net caractéristique, notamment au poste des salaires administratifs. Il s’est rendu compte que les salaires administratifs étaient trois fois plus élevés que les salaires directs. Une étude de l’ouvrage de référence Robert Morris Associates Annual Statement Studies pour 1993 lui a révélé que le pourcentage des salaires des propriétaires ne dépassait pas 2,6 % des ventes. Or dans le cas de la famille Kirouac, ce pourcentage s’établissait à un peu plus de 10 % des ventes. M. Renaud a donc réduit à 45 000 $ les salaires des propriétaires, dont la moyenne pour les trois années civiles de 1991 à 1993 s’élevait à environ 70 000 $.

[29] Monsieur Renaud a aussi constaté que PDK possédait des actifs non requis pour les opérations, tels que des actions cotées en bourse et des prêts à recevoir, dont une avance à un administrateur. Le montant des dettes envers la banque pour l’année 1993 dépassait 57 000 $ alors que le total des actifs excédentaires représentait une somme 114 829 $.

[30] Monsieur Renaud a conclu que PDK empruntait pour posséder des actifs non requis et il a procédé à l’évaluation de l’entreprise sans tenir compte d’aucune dette. Il a donc augmenté les revenus de la société en y ajoutant les intérêts payés et a déduit de la valeur totale de l’entreprise le montant des dettes, ce qui devait lui donner une valeur des actions sans effet de levier financier.

[31] Voici comment il a établi la valeur des actions selon la méthode fondée sur le rendement. Il a d’abord établi les bénéfices caractéristiques nets à 58 000 $ de la façon suivante :

Annexe VI

Établissement du bénéfice soutenable

1993

1992

1991

Bénéfice avant impôts :

34 390 $

58 688 $

37 175 $

Plus:

Amortissement du roulant:

3 360

4 320

6 707

Intérêts à court terme:

6 078

4 834

7 962

Intérêts à long terme:

393

1 936

4 277

Salaire des administrateurs:

67 956

67 550

71 182

Moins:

Amortissement du roulant

(6 528 )

(6 528 )

(6 528 )

Revenus de dividende

(60 )

(60 )

(60 )

Salaires d’administration

_______(45 000 )

    (45 000 )

   (45 000)

    60 589 $

    85 740 $

   75 715 $

Pondération :

    3,00

    2,00

    1,00

Bénéfice redressé avant impôts pondérés:

71 494 $

Calcul des impôts :

Sur le premier 200 000 au taux de :

18,59%

13 291

Bénéfice redressé après impôts :

    58 203 $

Arrondi à :

    58 000 $

[32] Il a ensuite déterminé le taux de capitalisation ainsi :

ANNEXE VII

DÉTERMINATION DU TAUX DE CAPITALISATION

HAUT

BAS

Taux sans risque:

4,08 %

4,08 %

(Bons du Trésor 3 mois)

Ajouter:

Prime pour capital de risque

7,00 %

7,00 %

(Selon Principles of Corporate Finance chap. 7)

Prime pour situation particulières

13,00 %

17,00 %

(Facteurs internes et externes)

Déduire:

Taux d’inflation (projeté)

2,00 %

1,50 %

(indice global des prix)

Taux de croissance (projeté)

2,00 %

1,50 %

(indice du PIB à prix constants)

Taux de capitalisation sans

facteur d’endettement:

20,08 %

25,08 %

Arrondi @:

20,00 %

25,00 %

Facteurs externes et internes:

- La compétition est très forte dans ce secteur.

- Les taux d’intérêt sont bas.

- Le prix de base du produit est le même depuis quelques années, et les coûts sont à la hausse.

- Les ventes sont à la baisse, malgré que le prix du produit est fixe.

- La compagnie n’est pas liée à aucune bannière, donc, elle doit assurer ses approvisionnements au meilleur coût possible.

- Les coûts d’opération sont moins élevés que les grandes entreprises, dû au fait que son administration est réduite et son personnel aussi.

Haut: Bas:

Donc, un risque additionnel sera pris

en considération: 13,00 % 17,00 %

[33] Il ne lui restait qu’à calculer la juste valeur marchande :

ANNEXE VIII

DÉTERMINATION DE LA JUSTE VALEUR MARCHANDE

Bénéfice après impôt maintenable:

58 000 $

Taux de capitalisation:

20%

25%

Résultat:

290 000 $

232 000 $

Moins:

Découvert bancaire

(12 108 )

(12 108 )

Emprunt bancaire

(45 000 )

(45 000 )

Juste Valeur Marchande de 100 % des actions ordinaires:

232 892 $

174 892 $

Moyenne:

203 892 $

Arrondi @

200 000 $

Analyse

[34] Essentiellement, la seule question soulevée par cet appel est de savoir quelle était la juste valeur marchande des actions vendues par M. Kirouac à son épouse le 15 octobre 1993. Dans cette affaire, nous sommes en présence de deux évaluations dont les conclusions sont diamétralement opposées. L’expert du contribuable a conclu à une valeur de 1 $ alors que celui du ministre a fixé la valeur à 190 000 $. Pourtant, les deux experts s’entendent sur la définition de ce qui constitue la juste valeur marchande. Il s’agit essentiellement du prix le plus élevé exprimé en argent qu’un vendeur disposé à vendre peut obtenir pour son bien, sur un marché libre de toutes restrictions, d’un acquéreur bien informé, disposé à acheter. (Voir Dominion Metal & Refining Works Ltd. c. La Reine, T-1981-83, à la page 9, 86 DTC 6311.)

[35] Comment expliquer que deux professionnels puissent arriver à des conclusions aussi différentes? Force est de constater que l’évaluation n’est pas une science mais plutôt un art. Même si les deux experts utilisent en partie la même approche pour déterminer la juste valeur marchande des actions, leur application de cette approche dépend de la façon dont chacun d’eux voit les faits pertinents et de leur façon de voir quant aux ajustements qui s’imposent. La valeur probante de leur opinion dépend donc en grande partie des hypothèses sur lesquelles ils se sont fondés pour établir la valeur.

[36] Heureusement, la Cour suprême du Canada dans l’affaire Marcus c. Commission de la Capitale nationale, [1970] R.C.S. 39, a reconnu qu’un tribunal n’est pas lié par les valeurs déterminées par des témoins experts et qu’il peut écarter certains facteurs qu’il considère comme étant sans importance pour en adopter d’autres.

[37] D’entrée de jeu, la valeur estimée par l’expert de PDK m’apparaît tout à fait irréaliste compte tenu des circonstances de cet appel. En effet, la méthode qu’il a adoptée, soit celle fondée sur le rendement, l’amène à conclure à une valeur négative des actions. En d’autres mots, il faudrait payer un acheteur éventuel pour pouvoir effectuer la vente des actions! Une bonne façon de vérifier si la somme de 1 $ représente la juste valeur marchande des actions est de se demander si le contribuable aurait effectivement vendu ses actions à un tel prix! Ici, M. Kirouac a été incapable de confirmer qu’il aurait vendu ses actions à ce prix.[4]

[38] Un autre indice que les actions valaient beaucoup plus qu’un dollar est le fait qu’elles ont été vendues 32 mois plus tard pour la somme de 401 719 $. Je rappelle ici le principe énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Roberts and Bagwell v. The Queen, [1957] S.C.R. 28, principe selon lequel il peut être pertinent de tenir compte de ventes postérieures à la date d’évaluation. Voici comment s’exprimait le juge Nolan, aux pages 36 et 37 :

In my view, evidence of a sale after the enactment can, in the absence of special circumstances, be relevant to the value prior to the enactment. The sale must be shown to be as free in all respects from extraneous factors such as prior sales and made within such time as the evidence shows prices not to have changed materially from those before the critical date. In other words, the mere circumstance of the sale being before or after a particular date cannot nullify the relevance of subsequent sales while the general market conditions have remained the same.

[39] Dans sa plaidoirie, le procureur de PDK a soutenu que les conditions du marché avaient changé de façon considérable en 1996 par rapport à celles qui existaient en 1993. Quand je lui ai fait remarquer qu’il n’y avait aucune preuve à cet égard, il a soutenu qu’il était de connaissance judiciaire que la situation économique s’était améliorée en 1996. Il serait donc hasardeux, selon lui, de déterminer une valeur en se fondant sur la somme obtenue pour les actions le 27 juin 1996. Je suis prêt à reconnaître un certain fondement à ce point de vue.

[40] Je me dois, toutefois, de faire remarquer que la situation financière de PDK ne s’est pas améliorée de façon substantielle durant cette période. Quoiqu’il y ait eu augmentation du chiffre d’affaires pour les exercices financiers 1995 et 1996, il faut noter d’une part une diminution des bénéfices de l’ordre de 40 % par rapport au bénéfices nets de 1993 et, d’autre part, le fait qu’en 1996 PDK a subi une perte de 8 281 $.

[41] Même s’il pourrait être dangereux de déterminer la valeur exacte des actions au mois d’octobre 1993 en se fondant sur le prix de vente en juin 1996, il n’en demeure pas moins que ce prix de juin 1996 est un indice de l’existence d’une valeur pour les actions. Il faudrait des circonstances très exceptionnelles pour conclure que les actions ont atteint une valeur plus de 400 000 fois plus élevée sur une période aussi courte!

[42] Analysons l’évaluation présentée par M. Desrosiers, l’expert de PDK Il est important de préciser les hypothèses sur lesquelles il a basé son rapport et quelle était l’étendue de son mandat. À la page 1 du rapport, M. Desrosiers note que son client lui a demandé de déterminer la juste valeur marchande des actions « ... dans le contexte où un acheteur ordinaire pourrait être disposé à acheter les actions de la Société. » Il ajoute : « ... notre mandat ne consiste pas à évaluer les actions de la Société dans un contexte où un acheteur spécial pourrait être intéressé à acquérir ces dernières. » À la page 17 de son rapport, M. Desrosiers indique : « ... nous n’avons pas cherché à quantifier la prime que serait disposé à payer un acheteur spécial. » Cet évaluateur semble s’être contenté assez facilement de l’affirmation de son client qu’il n’avait pas reçu d’offre d’acheteurs spéciaux dans les années antérieures à la date d’évaluation.

[43] Pourtant, il me semble que l’acheteur le plus susceptible d’acquérir les actions de PDK était en l’occurrence un acheteur spécial, c’est-à-dire un acheteur qui exerçait déjà des activités dans le domaine de la distribution de mazout et qui pouvait payer un prix plus élevé que les acheteurs ordinaires en raison d’économies d’échelle, ainsi que pour des raisons de synergie et en raison de l’élimination d’un concurrent.

[44] Il existait en effet une vive concurrence dans la distribution du mazout dans la région de l’Estrie. M. Cloutier, le comptable de PDK, a confirmé que les multinationales peuvent éliminer la concurrence en faisant crever les indépendants ou en les achetant. Toutefois, il a reconnu que, même si un distributeur indépendant faisait faillite, il n’était pas certain qu’une multinationale donnée en recueille la clientèle. Il a donc reconnu qu’il était avantageux pour une telle multinationale de faire l’acquisition d’un indépendant.

[45] Si M. Desrosiers avait fait des démarches pour s’informer s’il existait des acheteurs spéciaux pour les actions, je crois qu’il en aurait trouvé et que cela aurait eu pour conséquence d’augmenter de façon substantielle la valeur des actions. À mon avis, le fait qu’on ait mandaté M. Desrosiers pour déterminer la valeur marchande des actions dans le contexte d’un « acheteur ordinaire » et non d’un « acheteur spécial » diminue la valeur probante de son opinion.

[46] De plus, je crois qu’il a fait preuve de complaisance en acceptant l’avance de 66 000 $ apparaissant dans les états financiers au 30 septembre 1993 comme une créance irrécouvrable pour PDK. M. Desrosiers a reconnu ne pas avoir tenté d’obtenir un bilan de M. Kirouac afin de déterminer dans quelle mesure il était raisonnable de conclure que l’avance de 66 000 $ était irrécouvrable.

[47] Il semble s’être fié à son collègue, M. Cloutier qui, lui, était d’avis que cette créance était irrécouvrable. Selon ce dernier, M. Kirouac n’avait pas des ressources suffisantes pour rembourser cette avance. Lorsqu’on lui a fait remarquer qu’il détenait des actions de PDK, M. Cloutier a répondu que les actions de M. Kirouac n’avaient aucune valeur. À son avis, PDK était dans un état de quasi-faillite. Je n’ai pas trouvé ce témoignage de M. Cloutier persuasif. Comment peut-on conclure qu’une société est dans un état de quasi-faillite lorsqu’elle verse aux membres de la famille Kirouac un salaire d’environ 70 000 $ de 1991 à 1993 tout en générant des bénéfices pour les exercices financiers 1990 à 1993.[5]

[48] Lors du témoignage de M. Desrosiers, je lui ai demandé de m’indiquer quelle serait la juste valeur marchande des actions si on modifiait son hypothèse de travail selon laquelle l’avance de 66 000 $ n’était pas recouvrable. Il m’a produit des calculs (pièce A-10) indiquant que la juste valeur marchande des actions s’élèverait alors à 64 450 $. Même si cette valeur a été déterminée selon des hypothèses qui m’apparaissent déraisonnables — et j’y reviendrai un peu plus loin —, M. Desrosiers en arrive à une valeur presque égale au montant de l’avance de 66 000 $!

[49] Quant à moi, il me semble tout à fait déraisonnable d’établir la valeur des actions en présumant que M. Kirouac n’était pas en mesure de rembourser son avance de 66 000 $. Tout d’abord, cette avance apparaissait toujours au bilan de PDK au 30 septembre 1994. Ce n’est qu’en janvier 1995, après consultation du comptable, M. Cloutier, que PDK prendra la décision de radier cette avance de 66 000 $.

[50] À mon avis, cette radiation constitue un acte de complaisance de la part de M. Cloutier. Si M. Cloutier tenait tant à radier cette avance, pourquoi ne pas avoir suggéré que PDK déclare un dividende de 43 496 $ puisque, au 30 septembre 1993, elle détenait un bénéfice non réparti correspondant à ce montant. PDK aurait pu à tout le moins imputer ce dividende au paiement de la dette de M. Kirouac. Il aurait aussi été possible de se rembourser à même le salaire dû à M. Kirouac.

[51] Même si on devait conclure (ce avec quoi je ne suis pas d’accord) que M. Kirouac n’était pas en mesure de rembourser à très court terme son avance, je ne crois pas qu’il était raisonnable que l’évaluateur conclue que la radiation de cet actif s’imposait pour les fins de l’évaluation des actions. En effet, l’approche adoptée par cet évaluateur se fonde sur un raisonnement vicié : les actions ne valent qu’un dollar parce que l’avance est irrécouvrable et cette créance est en grande partie irrécouvrable parce que les actions ne valent qu’un dollar.

[52] Il me paraît plus raisonnable de présumer que M. Kirouac, comme seul actionnaire de PDK, serait un jour en mesure de rembourser cette avance. En procédant à l’évaluation des actions en supposant que la créance est recouvrable, on arrive à une valeur d’au moins 64 450 $ si on utilise les hypothèses de M. Desrosiers. Si M. Kirouac avait vendu ses actions à un tiers alors qu’il devait cette somme à PDK, ce tiers aurait certainement fait en sorte que le montant de 66 000 $ soit soustrait de la somme payable à M. Kirouac pour ses actions. À mon avis, cette approche donne des résultats beaucoup plus justes.

[53] Même si je crois qu’il aurait été souhaitable que M. Desrosiers évalue les actions dans un contexte où un acheteur spécial aurait existé, la preuve ne fournit pas suffisamment de données pour explorer cette possibilité. De toute façon, le litige se résume à déterminer si les actions valaient au moins 24 970,82 $, soit le montant de la dette fiscale de M. Kirouac. Pour évaluer les actions aux fins de ce litige, l’approche fondée sur le rendement suivie par l’expert de PDK peut être retenue car elle nous donne une valeur bien supérieure au montant en litige. Bien entendu, certaines des hypothèses de travail de M. Desrosiers doivent être changées pour tenir compte d’hypothèses plus raisonnables. De plus, au lieu d’envisager deux scénarios, l’un optimiste, soit celui de la valeur la plus haute, et l’autre pessimiste, soit celui de la valeur la plus basse, pour ensuite faire la moyenne, je préfère utiliser un seul scénario fondé sur les hypothèses que je juge justes et raisonnables.

[54] La première modification que j’apporterais aux calculs de M. Desrosiers concernerait ceux relatifs au bénéfice caractéristique net. Contrairement à M. Desrosiers, je ne crois pas qu’il faille augmenter les salaires administratifs d’une somme de 30 000 $. Tout d’abord, selon les études de Robert Morris Associates consultées par M. Nadeau, ces salaires dépassaient de beaucoup la norme pour des entreprises de la taille de PDK. De plus, cette entreprise n’avait qu’un seul livreur. Il me paraît surprenant qu’il faille trois gestionnaires à temps plein à longueur d’année pour occuper un seul livreur employé uniquement durant la saison froide.

[55] Il faut souligner qu’il s’agit ici d’une entreprise familiale qui a retenu les services non seulement de M. et Mme Kirouac mais aussi de leurs deux enfants. Il n’est pas inhabituel de constater que les salaires versés par une entreprise familiale à des membres de la famille qui la possède ne correspondent pas à ceux qui auraient été versés à des étrangers. Il arrive aussi qu’une entreprise familiale conserve à son service des personnes qui n’ont pas les compétences ou les qualités nécessaires pour faire le travail. Ici, Mme Kirouac a expliqué sa prise de contrôle de PDK par le fait qu’elle trouvait la gestion de M. Kirouac déficiente. Si Mme Kirouac était si insatisfaite, pourquoi a-t-elle continué à l’employer? Elle a d’ailleurs senti le besoin d’engager un nouveau directeur des ventes à partir du mois d’août 1994.

[56] Il me paraît raisonnable de croire, pour les fins de l’évaluation, qu’un nouvel acquéreur pourrait remplacer tous les membres de la famille Kirouac par deux personnes qui travailleraient à temps plein. Il ne serait donc pas nécessaire d’ajouter un nouvel employé. Il est même possible que M. Renaud ait eu raison de diminuer la masse salariale administrative en la faisant passer de 70 000 $ à 45 000 $. Toutefois, je suis prêt à donner le bénéfice du doute au contribuable et à conclure que les salaires administratifs pourraient s’élever à 70 000 $. En conséquence, aucune augmentation ni aucune diminution ne doit être apportée à la masse salariale.

[57] Je suis prêt à adopter le taux de rendement moyen décrit par M. Desrosiers. Toutefois, il faut modifier le taux global de rendement sur les placements sans risque qu’il a utilisé pour calculer les taux de rendement. M. Desrosiers a utilisé un taux de 7,5 % pour les placements sous forme d’obligations à long terme de 10 ans et plus, alors que M. Renaud a utilisé le taux de rendement de 4,08 % applicable aux bons du Trésor pour des périodes de 40 jours. L’approche de M. Renaud me paraît plus appropriée parce que, comme il l’a affirmé, le taux de 7 % accordé au titre de la prime pour capital de risque — autre élément entrant dans le calcul du taux global de rendement — tient compte d’un taux sans risque sur des placements à court terme plutôt qu’à long terme. Cette explication de M. Renaud n’a pas été contredite par M. Desrosiers. Si l’on remplace le taux de rendement de 7,5 % sur les placements sans risque par le taux de 4 % utilisé par M. Renaud (que j’arrondis), les deux taux de rendement calculés par M. Desrosiers deviennent alors 23 % et 27 %, donnant un taux moyen de 25 %. Ce taux de rendement correspond à un multiple de 4, soit le multiple le plus bas suggéré par M. Renaud. Ce multiple est aussi inférieur au multiple médian de 4,125 situé entre le multiple le plus bas, soit 3,25, suggéré par M. Desrosiers, et le multiple le plus élevé, c’est-à-dire 5, suggéré par M. Renaud.

[58] Si j’apporte toutes ces modifications aux calculs effectués par M. Desrosiers dans l’établissement de la juste valeur marchande fondée sur la méthode du rendement, on obtient les résultats suivants :

Bénéfice caractéristique avant redressements : 38 100 $

Plus: Frais de financement : 2 850 $

Bénéfice caractéristique avant impôts : 40 950 $

Moins: Impôts sur le revenu @ 18,59 %

sur les premiers 200 000 $ 7 613 $

Bénéfice net caractéristique : 33 337 $

Multiple 4 X 33 337 133 350 $

Plus : Actif excédentaire 33 863 $[6]

Valeur de l’ensemble des actions émises

et en circulation : 167 213 $

Valeur arrondi : 167 000 $

[59] Pour déterminer la juste valeur marchande selon la méthode empirique, M. Renaud a additionné la valeur de l’actif corporel et celle de l’achalandage. Si j’effectue ce calcul à rebours, c’est-à-dire si je déduis de la valeur de 167 000 $ le montant de l’actif corporel net calculé par M. Renaud, soit 69 606 $, on arrive à une valeur de l’achalandage de 89 394 $ (167 000 $ - 69 606 $). Cette valeur de l’achalandage représente une valeur au litre de 5 ¢ (soit 89 394 $ ÷ 1 900 000 litres). On peut constater que cette valeur de 5 ¢ correspond à la valeur au litre la plus basse utilisée par M. Renaud dans son rapport d’évaluation. Ce chiffre m’apparaît aussi tout à fait raisonnable puisque, selon les renseignements fournis par Sonic, Shell et Esso, qui exerçaient des activités dans la région de Sherbrooke en 1992 et 1993, le montant des escomptes consentis aux meilleurs clients pouvait atteindre jusqu’à 7 ¢ le litre. Cette approche fondée sur la méthode empirique confirme donc la vraisemblance de la valeur obtenue au moyen de la méthode fondée sur le rendement.

[60] Pour tous ces motifs, je conclus que la juste valeur marchande des actions représente une somme de 167 000 $. Comme le montant d’impôt dont Mme Kirouac est responsable représente la différence entre la juste valeur marchande des actions qu’elle a acquises de son mari moins la somme versée, jusqu’à concurrence de 24 969,82 $, j’en conclus que la cotisation du ministre est bien fondée. L’appel de Mme Kirouac est rejeté et les frais sont adjugés à l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin 1998.

« Pierre Archambault »

J.C.C.I.



[1]           Ce chiffre tient compte d’une radiation d’avances de 71 000 $.

[2]           Les multiples de 3,75 et de 3,25 correspondent à des taux de rendement de 26,5 % et de 30,5 %. Ils ont été calculés ainsi :

                                                                                                Haut                  Bas

                                                                                                   %                   %

            Taux de rendement sur placements sans risques 7,5                  7,5

            Prime pour le capital de risque                           7,0                  7,0

            Prime pour facteurs internes et externes            14,0                  18,0

            Taux d’inflation                                                  - 2,0                  - 2,0

                                                                                                26,5                  30,5

            multiple                                                              3,5                  325

[3]           Dans la détermination des éléments d’actif excédentaires, M. Desrosiers a supposé que l’avance de 66 000 $ à M. Kirouac était irrécouvrable.

[4]     Selon son témoignage, M. Cloutier aurait encouragé M. Kirouac à les vendre pour 1 $ si la mainlevée de la caution donnée par Mme Kirouac pouvait être obtenue. Selon l’avis de M. Cloutier, sur le papier PDK était en faillite et ses actions ne valaient plus grand-chose. Je ne partage pas ce point de vue et il me semble que M. et Mme Kirouac ne le partageaient pas non plus. Et tant mieux pour eux, puisque environ 32 mois plus tard, Mme Kirouac a réussi à vendre les actions pour une somme de $401 719 $! Si les actions avaient valu véritablement 1 $, ceci aurait représenté un rendement extraordinaire, un pourcentage de plus de 40 millions. Quel manque à gagner cela aurait représenté si M. et Mme Kirouac avaient suivi le conseil de M. Cloutier!

[5]           Le montant de la rémunération versée à la famille n’est pas disponible pour 1990. De plus, PDK a aussi réalisé des bénéfices en 1994 et 1995.

[6]            Ce chiffre provient du calcul effectué par M. Desrosiers à la pièce A-10. Il tient pour acquis que l’avance de 66 000 $ était recouvrable.

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