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Date: 19980812

Dossier: 96-462-GST-I

ENTRE :

WINNIPEG LIVESTOCK SALES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Winnipeg Livestock Sales Ltd. interjette appel d'une cotisation de taxe sur les produits et services (“ TPS ”) pour la période allant du 1er janvier 1991 au 31 août 1993. Durant toute la période pertinente, l'appelante était une personne inscrite aux fins de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”), son numéro d'inscription étant le 121353619.

[2] Dans la cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelante, le ministre se fondait sur les hypothèses suivantes : (i) l'appelante fournissait des installations comprenant des enclos, de l'eau et de la nourriture à des producteurs et acheteurs de bétail qui avaient besoin que leurs animaux soient parqués et nourris avant d'être vendus ou expédiés (le “ service de parcage ”); (ii) l'appelante fournissait des installations comprenant des enclos, de l'eau et de la nourriture à des transporteurs qui avaient besoin que leurs animaux en transit aient un endroit durant les escales où ils pouvaient être nourris et abreuvés et où ils pouvaient se reposer (le “ service relatif aux charges en transit ”); (iii) durant la période en cause, l'appelante ne percevait pas de TPS sur ses fournitures de foin et de paille, de services de parcage et de services relatifs aux charges en transit[1].

[3] L'appelante faisait en outre assurer par la Hartford Fire Insurance Company le bétail qui lui était confié. Chaque agriculteur ou acheteur voyait établir à son égard une facture distincte pour les frais d'assurance, plus la majoration de l'appelante, pour la catégorie de risque assuré indiquée sur la facture de l'appelante. L'appelante ne facturait pas de TPS relativement à la fourniture de cette protection. Au début de l'audience, l'avocat de l'appelante a avisé la Cour qu'il retirait la question de savoir si l'appelante fournissait des services financiers, soit des polices d'assurance, à l'égard desquels elle avait omis de percevoir et de verser la TPS.

La preuve

[4] L'appelante est une agence de commercialisation de bétail. Son entreprise consiste principalement à recevoir le bétail des producteurs pour le vendre aux enchères. L'appelante fournit en outre des installations de parcage et de regroupement aux acheteurs qui en ont besoin et fournit aux transporteurs routiers un service consistant à assurer aux animaux en transit un endroit où ils peuvent être nourris et abreuvés et où ils peuvent se reposer, conformément aux exigences imposées aux transporteurs par les articles 148 et 149 du Règlement sur la santé des animaux (le “ Règlement ”)[2]. Durant les périodes de pointe, l'appelante s'occupe de 4 500 à 5 000 animaux; c'est le vendredi que le volume est le plus gros, pouvant alors atteindre 2 500 ou 3 000 animaux.

[5] L'établissement de l'appelante comprend un bureau, une enceinte pour les ventes aux enchères et trois aires d'enclos distinctes (les “ enclos ”). Ces enclos, qui sont pertinents relativement aux questions soumises à la Cour, peuvent être décrites comme suit :

a) Les enclos utilisés avant la vente : il s'agit d'enclos où le bétail reçu des producteurs est abrité avant d'être vendu. On n'y trouve pas d'installations pour abreuver ou nourrir les animaux, car, en règle générale, ils y sont gardés tout au plus pour une nuit et sont abrités ailleurs après la vente. Les producteurs paient à l'appelante une commission de vente, mais aucuns frais de parcage ou autres ne sont perçus.

Après la vente, le bétail est transféré soit dans les enclos ordinaires, soit dans les enclos 500. Tout dépend de l'importance de l'achat. De façon générale, dans le cas de petits achats, c'est-à-dire des achats de moins de 30 ou 40 animaux, le bétail est placé dans les enclos ordinaires, tandis que, dans le cas d'achats correspondant à une charge de semi-remorque ou davantage, les animaux sont placés dans les enclos 500[3] [4]. Ces derniers achats, généralement effectués par des agents commerciaux embauchés par des usines de conditionnement et des parcs d'engraissement, peuvent représenter 800 à 1 000 animaux par semaine. Outre le bétail acheté chez l'appelante, des animaux peuvent avoir été achetés ailleurs par des agents commerciaux et avoir été amenés chez l'appelante pour être regroupés avant d'être expédiés.

b) Les enclos ordinaires : ces enclos sont dotés d'abreuvoirs à pression et de râteliers destinés à recevoir des balles de foin rectangulaires (d'un poids moyen de 60 à 70 livres). Le bétail placé dans ces enclos n'est pas nourri, à moins que l'acheteur ne le demande, auquel cas ce dernier doit remplir une demande spécifiant quel bétail doit recevoir du foin et précisant le nombre de balles requis. L'appelante fait payer au client 4 $ la balle de foin. Si de la paille est requise, il faut également la commander, et cela aussi est facturé au client.

c) Les enclos 500 : il s'agit d'enclos plus grands et plus récemment construits. Ces enclos sont également dotés d'abreuvoirs à pression et de râteliers, ceux-ci étant destinés à recevoir des balles de foin cylindriques pesant entre 1 500 et 1 700 livres. Tout le bétail acheté aux enchères et placé dans les enclos 500 est automatiquement nourri, ce pour quoi on demande à l'acheteur 1,50 $ par animal. Il n'y a pas de frais de parcage pour ce bétail. Toutefois, dans le cas du bétail acheté ailleurs et amené chez l'appelante pour regroupement, les acheteurs doivent payer des frais de parcage de 2,50 $ par animal en plus du prix de 1,50 $ par animal pour la nourriture.

[6] La consommation de nourriture a toujours lieu chez l'appelante. Dans les enclos 500, aucune balle de foin n'est expressément réservée à tel ou tel producteur ou acheteur. L'appelante ne vend du foin que dans le contexte de la prestation de ses services de parcage et d'alimentation.

[7] Le service relatif aux charges en transit qui est offert aux transporteurs de bétail comprend la fourniture d'eau et de nourriture ainsi que d'aires de repos pour les animaux. Ce service est fourni dans les enclos 500, au tarif forfaitaire de 140 $ la charge. D'après M. Pleuman, ce tarif représente 120 $ pour la nourriture et 20 $ pour la main-d'oeuvre, c'est-à-dire pour le chargement et le déchargement. M. Pleuman soutient que ce tarif forfaitaire ne comprend aucuns frais de parcage.

[8] Il reste deux questions à trancher :

a) Est-ce à bon droit que le ministre a établi une cotisation de taxe pour la fourniture par l'appelante d'installations comprenant des enclos, de l'eau et de la nourriture à des transporteurs qui avaient besoin que leurs animaux en transit aient un endroit durant les escales où ils pouvaient être nourris et abreuvés et où ils pouvaient se reposer (service relatif aux charges en transit)?

b) Est-ce à bon droit que le ministre a établi une cotisation de taxe pour la fourniture d'installations comprenant des enclos, de l'eau et de la nourriture à des acheteurs de bétail qui avaient besoin que leurs animaux soient parqués et nourris avant d'être expédiés? Les parties ont avisé la Cour que ce point ne se rapporte maintenant qu'au bétail gardé dans les enclos 500[5].

[9] De façon générale, l'appelante soutient relativement à ces deux questions que, indépendamment du fait qu'elle peut fournir d'autres services, sa principale fourniture à ceux qui utilisent ses installations est la fourniture de foin. Elle soutient en outre que, dans le cadre de son entreprise, de la nourriture, soit plus précisément du foin, est fournie en quantités telles que, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, cette fourniture ne peut qu'être considérée comme une fourniture détaxée.

Charges en transit

[10] L'appelante prétend que les frais de 140 $ relatifs aux charges en transit sont basés sur une estimation de la quantité de nourriture consommée par le nombre d'animaux constituant une charge moyenne de semi-remorque, quantité valant 120 $. Elle soutient que les 20 $ restants, soit les frais de main-d'oeuvre, ne représentent qu'une faible partie du coût total et que ces frais n'existeraient pas séparément de la fourniture de nourriture au bétail. Comme la plus grande partie des frais se rapporte au foin consommé, le fait que d'autres services (eau, aire de repos, etc.) soient fournis ne devrait pas modifier ce qui est essentiellement fourni, c'est-à-dire la vente de foin pour l'alimentation d'animaux.

[11] L'avocat de l'appelante fait valoir en outre que, dans l'examen du fond et de la forme de l'activité, il est nécessaire de considérer l'importance ou la proportion de ce qui est fourni dans le contexte de l'opération globale[6]. En l'espèce, une analyse de la véritable nature commerciale et pratique des opérations de l'appelante ne peut qu'amener à la conclusion que, dans la mesure où des “ services ” sont fournis par l'appelante, ces services sont subordonnés à la vente de foin.

Conclusion

[12] Pour établir la nature du service relatif aux charges en transit, il est essentiel de déterminer s'il s'agit de la fourniture de produits — soit de nourriture pour animaux en l'espèce — ou de la fourniture d'un service dans le cadre duquel des produits sont consommés. Je conviens avec l'avocat de l'appelante que, pour interpréter correctement la Loi et le Règlement, la situation de fait doit être examinée en ayant à l'esprit l'idée de chercher à comprendre le fond et la réalité des opérations sous-jacentes. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec lui quant à la conclusion à ainsi tirer des faits exposés à notre cour.

[13] Pour déterminer s'il y avait des fournitures taxables séparées ou une seule et unique fourniture, le critère approprié est celui qui consiste à se demander si la prétendue fourniture séparée faisait partie intégrante de la fourniture globale. Comme l'a fait remarquer le juge Rip dans l'affaire O.A. Brown[7] :

Un facteur à prendre en considération est de savoir s'il est possible, en réalité, d'enlever de la fourniture globale la présumée fourniture séparée. Ce facteur n'est pas concluant, mais il aide à déterminer le fond de l'opération. [...]

Le fait que des frais sont exigés séparément à l'égard d'un élément d'une fourniture mixte ne modifie pas les attributs fiscaux de celui-ci. La question de savoir si la taxe est exigée est régie par la nature de la fourniture. Dans chaque cas, il est utile de se demander s'il serait possible d'acheter chacun des divers éléments séparément et d'obtenir néanmoins un article ou service utile. Car si cela n'est pas possible, il faut alors nécessairement conclure qu'une fourniture mixte qui ne peut pas être divisée aux fins de la taxe est en cause.

[Je souligne. ]

[14] Le service précisément recherché par les clients de l'appelante en est un qui est visé par le Règlement, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

Alimentation et abreuvement des animaux en transit

148(1) Sous réserve des paragraphes (2), (3) et (7), il est interdit d'enfermer les animaux suivants dans un wagon de chemin de fer, un véhicule à moteur, un aéronef ou un navire :

[...]

b) des bovins, moutons, chèvres ou autres ruminants pendant plus de 48 heures.

148(4) Les animaux de ferme déchargés d'un wagon de chemin de fer, d'un véhicule à moteur, d'un aéronef ou d'un navire pour être nourris, abreuvés et se reposer avant d'être réembarqués sont débarqués dans un enclos pour un repos d'au moins cinq heures et pourvus d'une abondante provision d'aliments appropriés et d'eau potable exempte de glace, et, avant le réembarquement, le plancher du wagon de chemin de fer, du véhicule à moteur, de l'aéronef ou du navire est recouvert de paille, de copeaux de bois ou d'autre matériau de litière.

148(5) L'enclos destiné au déchargement des animaux de ferme selon le paragraphe (4) comporte

a) suffisamment d'espace pour que tous les animaux puissent se coucher au même moment;

b) des crèches et des auges convenant à leur alimentation et abreuvement;

c) des sols propres et bien égouttés en béton ou en gravier offrant une prise de pieds sûre;

d) assez de paille ou autre matériau de litière; et

e) une protection contre les intempéries.

[Je souligne.]

[15] Je ne puis accepter l'argument selon lequel les autres services pouvant être fournis par l'appelante, quels qu'ils soient, font simplement partie de la fourniture de foin. Les utilisateurs du service relatif aux charges en transit veulent non seulement que leurs animaux soient nourris, mais aussi qu'ils soient parqués et qu'on en assure la sécurité à un endroit où ils peuvent être nourris et abreuvés et où ils peuvent se reposer. En outre, ces clients n'ont pas la possibilité d'obtenir séparément des éléments particuliers du service fourni par l'appelante. En effet, la fourniture d'un élément particulier est totalement subordonnée à la fourniture de tous les autres éléments requis. Comme l'a fait remarquer le juge Rip dans l'affaire O.A. Brown[8] :

[...] Elles [ces activités] ne forment un service utile que si elles sont considérées ensemble. [...] Il n'est pas possible, en réalité, d'enlever de la fourniture globale les présumées fournitures séparées car celles-ci constituent en fait l'essence de cette fourniture. [...]

Chacun des éléments requis fait partie intégrante d'un ensemble composite et correspond donc à une fourniture unique. Cette fourniture unique n'est pas la fourniture de foin, car, dans le contexte de cette opération particulière, la nourriture ne peut à elle seule être utile au client. Le fait qu'il puisse y avoir un écart important de valeur ou de coût entre les éléments distincts ne change rien à cela.

[16] Il ressort d'un examen réaliste du service relatif aux charges en transit que l'appelante ne fournit pas à ses clients qui profitent de ce service simplement des produits — c'est-à-dire du foin, de la paille, de l'eau, etc. — mais qu'elle conclut plutôt un contrat visant la prestation des services spécialisés requis d'elle par ces clients. Ces services spécialisés constituent un ensemble composite et ont, aux fins de la Loi, à juste titre été considérés par le ministre comme représentant une fourniture unique. Donc, en ce qui concerne cette question, l'appel est rejeté.

Fourniture de foin — les enclos 500

[17] Il s'agit de savoir si la fourniture de foin à des animaux suivant la vente de ceux-ci aux enchères et à des animaux achetés ailleurs et amenés chez l'appelante pour regroupement est une fourniture séparée aux fins de la Loi.

[18] Selon l'argument de l'intimée, les dispositions de la Loi, et notamment celles de l'annexe VI concernant les fournitures détaxées, envisagent une situation dans laquelle il y a vente directe de nourriture et non vente d'un service dont une partie pourrait consister dans la fourniture de nourriture. Comme les services que l'appelante fournit, après la vente, à ceux qui achètent du bétail lors de ses ventes aux enchères incluent la fourniture de foin, d'eau et de paille, ainsi qu'un service de parcage et de regroupement, il est bien évident qu'il s'agit là d'une vente de services (soit une forme de garde en pension) et que cela ne peut être assimilé à un achat de nourriture pour animaux représentant une fourniture unique de produits. Ainsi, bien que la fourniture de foin puisse être une fourniture détaxée aux termes de la Loi, cela n'est pas la même chose que l'activité consistant à fournir ce foin.

[19] L'intimée soutient que ce qui est en cause c'est la fourniture d'un service, qu'il s'agit d'un service taxable et que la fourniture de nourriture pour animaux fait simplement partie de ce service. Il ne s'agissait pas d'une fourniture séparée et, le service lui-même étant taxable, la nourriture et la paille le sont également.

[20] Bien que l'appelante reconnaisse que l'utilisation de ses installations comporte d'autres aspects, elle soutient que sa principale fourniture aux acheteurs utilisant ses installations et notamment les enclos 500 est la fourniture de foin qui, compte tenu de la quantité vendue, devrait être considérée comme une fourniture détaxée. L'avocat de l'appelante soutient en outre que le ministre a accepté la thèse de l'appelante concernant la fourniture de foin au bétail gardé dans les enclos ordinaires, et qu'en faisant une distinction entre cette fourniture et la fourniture de foin au bétail gardé dans les enclos 500 on se montre incohérent et on fait abstraction de la nature commerciale et pratique des opérations en cause.

[21] J'ai conclu, non sans hésitation, que la thèse avancée par l'appelante est bien fondée. Il convient à ce stade-ci de réexaminer la manière dont on s'occupe du bétail après la vente. En règle générale, dans le cas des petits achats (d'une trentaine de têtes au plus), les animaux sont transférés aux enclos ordinaires, pour y être gardés jusqu'à ce que l'acheteur les expédie. Dans ces enclos, du foin est fourni en petites balles, à un prix déterminé, mais uniquement à la demande de l'acheteur. De l'eau est fournie automatiquement. Le même régime s’applique à la fourniture de paille. Pour ce qui est des gros achats, bien que les animaux soient normalement placés dans les enclos 500, un certain nombre de choix sont offerts à l'acheteur. Tout d'abord, l'acheteur peut accepter que ces animaux soient parqués dans les enclos 500 et payer 1,50 $ par jour par animal pour la nourriture. D'autre part, si le bétail peut être expédié rapidement, l'acheteur peut choisir de faire placer les animaux dans les enclos ordinaires et de ne pas les faire nourrir. Dans d'autres circonstances, un agent commercial peut désirer que les veaux soient séparés du reste de son groupe d'animaux et demander qu'ils soient placés dans les enclos ordinaires et qu'ils soient nourris au coût de 4 $ la balle de foin. Par contraste avec ce qu'il en est dans le cas du service relatif aux charges en transit qui est fourni par l'appelante, l'acheteur de bétail a un choix quant à savoir quelles fournitures sont nécessaires à ses fins particulières.

[22] Selon l'intimée, bien que l'appelante soutienne que les frais de 1,50 $ par animal s'appliquent censément à la nourriture, il est réaliste de conclure qu'une partie de ces frais se rapporte à l'utilisation des installations elles-mêmes. Mais ce n'est pas ce qu'indique la preuve. L'appelante n'exploite pas une entreprise d'achat et de revente de bétail. Elle fournit plutôt des installations de vente aux enchères pour les producteurs et les acheteurs et, comme l'a témoigné M. Pleuman, sa principale source de revenus, c’est les commissions sur les ventes aux enchères. Ainsi, il lui faut des grandes installations pour parquer le bétail à partir du moment où il est livré aux fins de la vente aux enchères jusqu'au moment où il est expédié. En pratique, l'appelante ne fait pas payer de frais de parcage aux producteurs ou aux acheteurs pour le bétail vendu aux enchères chez elle, et il en est ainsi peu importe que le bétail soit placé dans les enclos 500 ou dans les enclos ordinaires[9]. J'accepte le témoignage de M. Pleuman selon lequel les frais demandés par jour par animal pour la nourriture représentent simplement le coût pour l'appelante plus une majoration et n'incluent aucuns frais de parcage. En définitive, il est clair que, en contrepartie du paiement de 1,50 $ par jour par animal, l'acheteur recevait de la nourriture pour ses animaux et rien d'autre.

[23] Le témoignage de M. Pleuman est jusqu'à un certain point confirmé par le fait que, si un service de parcage était requis pour du bétail non acheté chez l'appelante, ce service était fourni moyennant paiement d'une somme de 2,50 $ par jour par animal. D’après la preuve, il semble que chaque fourniture, c'est-à-dire la fourniture d'un service de parcage et la fourniture de nourriture pour les animaux, soit distincte et ne fasse pas partie d'une fourniture globale. J'ajoute qu'il semble que le ministre ait reconnu cela dans sa nouvelle cotisation relative à la fourniture de foin dans les enclos ordinaires.

[24] L'intimée a soutenu en outre que, pour ce qui est des enclos 500, l'acheteur ne reçoit pas une quantité déterminée de nourriture pour ses animaux comme dans le cas des enclos ordinaires, mais a simplement droit à ce que son bétail partage une balle de foin commune. Cet argument ne tient pas compte du fait qu'il n'y a pratiquement aucune différence entre les enclos ordinaires et les enclos 500 en ce qui concerne la quantité de nourriture fournie par animal et le coût de cette nourriture pour un acheteur. La preuve indiquait que, en moyenne, un animal de 1 000 livres consomme entre le tiers et la moitié d'une balle rectangulaire de foin par jour. Il est logique d'en conclure que c'est sur cette base qu'un acheteur calculait la quantité de nourriture qu'il lui fallait pour le bétail gardé dans les enclos ordinaires. D'après M. Pleuman, le coût effectif de la nourriture pour les animaux placés dans les enclos ordinaires va de 1,35 $ à 2 $ par jour par animal, soit à peu près la même chose que le prix de 1,50 $ par animal payé pour les animaux dans les enclos 500, où le foin est fourni en balles cylindriques[10].

[25] Aux termes du paragraphe 1(2) du Règlement, la nourriture pour animaux doit être vendue en vrac en quantités d'au moins 20 kilos ou 40 livres ou dans des sacs contenant au moins 20 kilos. L'appelante soutient que, dans les enclos 500, la quantité de nourriture, et plus précisément de foin, qui est fournie est telle que, en vertu de la Loi, cette fourniture peut à juste titre être considérée comme une fourniture détaxée. Cet argument n'a pas été mis en doute.

[26] L'intimée a fait valoir en outre que l'article 178 de la Loi s'applique en l'espèce. Cet article se lit comme suit :

178. Pour l'application de la présente partie, la somme que l'acquéreur d'un service rembourse au fournisseur pour les frais que celui-ci a engagés lors de la fourniture, sauf dans la mesure où il engage ces frais à titre de mandataire de l'acquéreur, est réputée faire partie de la contrepartie de la fourniture.

Cet article semble traiter du remboursement de frais sans qu'il y ait un élément réel de profit. Bien qu'il y ait peu d'éléments de preuve concernant le coût pour l'appelante de la fourniture de foin, M. Pleuman a témoigné que tout le foin qui était vendu aux clients de l'appelante faisait l'objet d'une majoration et que l'appelante tirait un profit de ces ventes. Ce foin, donc, n'est pas vendu au prix coûtant, et l'article 178 ne semble pas s'appliquer.

[27] Je conclus que la fourniture de foin au bétail gardé dans les enclos 500 est une fourniture séparée aux fins de la Loi. Donc, en ce qui concerne cette question, l'appel est accueilli.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour d'août 1998.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de février 1999.

Erich Klein, réviseur



[1]               Initialement, le ministre avait établi une cotisation de taxe nette de 82 067,66 $, plus des intérêts de 10 568,41 $ et une pénalité de 10 843,91 $. Subséquemment, le ministre a, par l'avis de décision CEN13117 en date du 8 décembre 1995, partiellement admis une opposition à la cotisation en réduisant celle-ci d'un montant de 26 363,90 $ (TPS) à l’égard de fournitures enregistrées comme des ventes de “ foin ” et de “ paille ” à des personnes ayant acheté du bétail aux enchères et à l’égard de plusieurs autres choses, qui ne sont pas en litige.

[2]               C.R.C., ch. 296 (DORS/91-525).

[3]               Dans son témoignage, Desmond Pleuman (“ M. Pleuman ”), le directeur des ventes de l'appelante, a émis une réserve à cet égard, faisant remarquer que des contraintes d'espace peuvent commander que des animaux qui seraient normalement placés dans les enclos 500 soient placés dans les enclos ordinaires (et vice versa). De plus, pour des raisons qui leur sont propres, les acheteurs exigent à l'occasion que des animaux d'un certain type (p. ex. les veaux) soient mis ensemble. Ainsi, un groupe d'animaux peut être réparti entre les enclos ordinaires et les enclos 500. M. Pleuman a également témoigné qu'un acheteur ne désirant pas que ses animaux soient nourris pouvait prendre avec l'appelante des dispositions expresses à cet effet, auquel cas les animaux étaient parqués dans les enclos ordinaires.

[4]               Un semi-remorque transporte habituellement une charge d'animaux vivants de 54 000 ou 55 000 livres, de sorte que, selon la taille des animaux, une charge peut représenter aussi peu que 40 têtes ou autant que 100 ou même davantage.

[5]        Voir la note 1, ci-dessus. Par la nouvelle cotisation, le ministre a concédé que la fourniture de paille et de foin (balles rectangulaires à 4 $ l'unité), à la demande de l'acheteur, au bétail gardé dans les enclos ordinaires est une fourniture détaxée.

[6]               Club Med Sales Inc. v. The Queen, [1997] G.S.T.C. 28; O.A. Brown Ltd. v. The Queen, [1995] G.S.T.C. 40.

[7]               Précitée, aux pages 40-6 et 40-7; voir aussi le jugement Oxford Frozen Foods Limited v. The Queen, [1996] G.S.T.C. 76 (C.C.I.), ainsi que le jugement Club Med Sales Inc., précité.

[8]               Précitée, à la page 40-8.

[9]               M. Pleuman n'a pas été interrogé concernant les facteurs pris en compte par l'appelante dans sa détermination d'une commission appropriée, et notamment, on ne lui a pas demandé si des coûts indirects faisaient partie de ce calcul.

[10]             M. Pleuman a expliqué que les différents régimes de prix en vigueur pour les différents enclos n'existaient qu'en raison de la nature des enclos eux-mêmes. Les enclos ordinaires sont plus vieux, le nombre d'animaux pouvant y être accueillis est plus petit, et le foin était fourni sous forme de balles rectangulaires. Les enclos 500 ont été conçus pour accueillir un plus grand nombre d'animaux et en tenant compte de la méthode actuellement en vogue de mise en balles du foin, qui consiste à faire des balles cylindriques pesant entre 1 000 et 1 500 livres.

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