Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990226

Dossier: 92-662-IT-G

ENTRE :

KENNETH L. AUSTIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Cet appel est interjeté à l'encontre d'une cotisation, pour l'année d'imposition 1989, refusant à l'appelant la déduction se rapportant à la résidence des membres du clergé prévue à l'alinéa 8(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Introduction

Cette affaire a été la première d'une série de causes qui ont été entendues au cours du printemps, de l'été et de l'automne 1998. Toutes ces causes se rapportent à un aspect ou à un autre de l'alinéa 8(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui, de façon générale, prévoit une déduction dans le calcul du revenu concernant la résidence de membres du clergé ou d'un ordre religieux ou de ministres d'une confession religieuse.

[2] En tout, il y avait initialement environ 70 causes, mais, dans le courant de l'année, un certain nombre d'appelants se sont désistés. Les avocats ont groupé les causes selon l'aspect de l'alinéa 8(1)c) sur lequel le particulier fondait sa demande. Des experts ont été appelés par les appelants et par la partie intimée, et il a été convenu que cette preuve s'appliquerait à l'ensemble des causes. De plus, j'avais informé les avocats que je rendrais mes jugements dans ces causes une fois que celles-ci auraient toutes été entendues, dans une tentative pour assurer le plus d'uniformité possible et pour éviter les répétitions. Bien que je rende des motifs distincts pour chaque groupe de causes, il sera évident que ces motifs ne peuvent être lus isolément et que les textes faisant autorité ainsi que les arguments et raisonnements exposés dans une série de motifs auront été pris en compte dans d'autres.

[3] L'alinéa 8(1)c) permet de déduire, lors du calcul du revenu tiré d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des éléments suivants qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant; voici le texte anglais de cet alinéa :

(c) where the taxpayer is a member of the clergy or of a religious order or a regular minister of a religious denomination, and is in charge of, or ministering to a diocese, parish or congregation, or engaged exclusively in full-time administrative service by appointment of a religious order or religious denomination, an amount equal to

(i) the value of the residence or other living accommodation occupied by him in the course of or by virtue of his office or employment as such a member or minister so in charge of or ministering to a diocese, parish or congregation, or so engaged in such administrative service, to the extent that such value is included in computing his income for the year by virtue of section 6, or

(ii) rent paid by him for a residence or other living accommodation rented and occupied by him, or the fair rental value of a residence or other living accommodation owned and occupied by him, during the year but not, in either case, exceeding his remuneration from his office or employment as described in subparagraph (i).

[4] La version française se lit comme suit :

c) lorsque le contribuable est membre du clergé ou d’un ordre religieux ou ministre régulier d’une confession religieuse, et qu’il dessert un diocèse, une paroisse ou a la charge d’une congrégation, ou s’occupe exclusivement et à plein temps du service administratif, du fait de sa nomination par un ordre religieux ou une confession religieuse, un montant égal

(i) à la valeur de la résidence ou autre logement qu’il a occupé en vertu ou au cours de l’exercice de sa charge ou de son emploi, à titre de membre ou ministre qui ainsi dessert un diocèse, une paroisse ou a la charge d’une congrégation, ou est ainsi occupé à un service administratif, dans la mesure où cette valeur est incluse dans le calcul de son revenu pour l’année en vertu de l’article 6, ou

(ii) au loyer qu’il a payé pour une résidence ou autre logement qu’il a loué et occupé ou à la juste valeur locative d’une résidence ou autre logement lui appartenant et occupé par lui durant l’année, sans dépasser, dans aucun de ces deux cas, la rémunération provenant de sa charge ou de son emploi ainsi qu’il est indiqué au sous-alinéa (i);

[5] Le montant des déductions n'est pas en cause. La seule question est de savoir si les appelants répondent aux critères de l'alinéa c) du paragraphe 8(1). Dans aucune des causes n'a-t-on fait d'hypothèses concernant les termes préliminaires du paragraphe 8(1), et aucun élément de preuve ou argument relatif à ces termes n'a été présenté. Les appelants n'avaient donc à s'acquitter d'aucune charge de preuve quant à des questions de fait relativement à ces termes.

[6] Il ressort de la disposition législative, ainsi que de l'abondante jurisprudence et des pratiques administratives mêmes du ministère qu'un double critère est en cause :

a) le critère du statut;

b) le critère de la fonction.

[7] Pour avoir droit à la déduction, le contribuable doit, de manière à répondre au critère du statut :

a) soit être membre du clergé;

b) soit être membre d'un ordre religieux;

c) soit être ministre régulier d'une confession religieuse.

[8] Il doit en outre, de manière à répondre au critère de la fonction :

d) soit desservir un diocèse, une paroisse ou une congrégation ou en avoir la charge;

e) soit s'occuper exclusivement et à plein temps du service administratif du fait de sa nomination par un ordre religieux ou une confession religieuse.

[9] L'appelant est un ministre du culte titulaire de lettres d'accréditation des Assemblées de la Pentecôte du Canada (“ APDC ”) et était employé à plein temps comme ministre chargé de la musique au Calvary Temple de Winnipeg. Le Calvary Temple est une importante Église pentecôtiste de Winnipeg comptant environ 2 400 fidèles.

[10] Il s'agit de savoir :

a) si l'appelant était “ ministre régulier d'une confession religieuse ”;

b) si l'appelant “ desservait ” une “ congrégation ”.

[11] Il n'était pas allégué que l'appelant était membre du clergé, et je m'abstiens en l'espèce de faire quelque commentaire sur le sens du mot “ clergé ”. La question se posera dans d'autres causes, dans lesquelles il faudra notamment déterminer si, pour être membre du clergé, il faut que la cérémonie par laquelle la personne est spirituellement distinguée des autres ou se voit conférer les signes extérieurs d'une supériorité spirituelle doit être appelée “ ordination ” par la confession en cause.

[12] Le statut 10 du document des APDC intitulé General Constitution, By-Laws and Essential Resolutions indique les catégories suivantes de lettres d'accréditation, à la page 35 :

[TRADUCTION]

STATUT 10 — LETTRES D'ACCRÉDITATION MINISTÉRIELLES

SECTION 1 — CATÉGORIES

Les catégories de lettres d'accréditation sont les suivantes :

MINISTRE ORDONNÉ

LICENCE MINISTÉRIELLE POUR FEMMES

(DÉLIVRÉE AVANT 1985)

MINISTRE LICENCIÉ

DIACONESSE

RECONNAISSANCE MINISTÉRIELLE

PRÉDICATEUR LAÏQUE

[13] L'appelant détenait des lettres d'accréditation de reconnaissance ministérielle.

[14] L'alinéa c) du paragraphe 4 de la section 2 du statut 10 se lit comme suit (page 37) :

[TRADUCTION]

c) Il y a des ministères spécialisés, par exemple en musique, en éducation chrétienne et en visites pastorales. Le candidat doit être diplômé d'un programme de collège ou de séminaire biblique reconnu qui répond aux normes du comité national des collèges bibliques, il doit avoir une formation et des aptitudes particulières dans son domaine et doit avoir la vocation pour recevoir une licence de ministre. Après trois années d'exercice effectif d'un ministère en vertu d'une licence de ministre, le candidat peut demander à être ordonné à son conseil exécutif de district.

Le conseil exécutif de district fera une recommandation au conseil exécutif général et, si ce dernier donne son approbation, l'assemblée générale de district pourra procéder à l'ordination du candidat.

[15] Les exigences relatives aux lettres d'accréditation de reconnaissance ministérielle sont énoncées à la section 2 de ce statut, soit :

[TRADUCTION]

e) LETTRES D'ACCRÉDITATION DE RECONNAISSANCE MINISTÉRIELLE :

Les lettres d'accréditation de reconnaissance ministérielle peuvent être accordées aux personnes qui exercent une forme de ministère public particulier et aux étudiants d'un collège biblique ou du Canadian Pentecostal Correspondence College qui exercent un ministère régulier de prédication avant l'obtention de leur diplôme. Ces lettres d'accréditation peuvent également être accordées aux personnes qui participent activement avec leur conjoint à un ministère, de telles lettres d'accréditation devant faire l'objet d'un réexamen annuel.

Ces lettres d'accréditation peuvent en outre être accordées à un candidat autochtone dont le caractère est attesté, qui a manifestement des qualités de chef et a la vocation, qui est actif dans un ministère et qui n'a pas terminé le programme prescrit en matière de formation des autochtones, soit un programme de deux ans.

[16] En outre, l'alinéa a) de la section 3 dit :

[TRADUCTION]

a) Toutes les personnes qui font une demande de lettres d'accréditation doivent avoir une expérience personnelle du salut, doivent avoir été baptisées dans l'Esprit (Actes 2.4) et doivent souscrire à l'Énoncé des vérités fondamentales et essentielles des Assemblées de la Pentecôte du Canada.

[17] La section 7 traite de discipline et énonce un grand nombre de motifs pour lesquels des ministres peuvent être l'objet de mesures disciplinaires pouvant aller, dans les cas extrêmes, jusqu'au retrait des lettres d'accréditation.

[18] La section 10 du statut 10 fait état des cérémonies et sacrements divers pouvant être confiés à un ministre titulaire de lettres d'accréditation. Cette section se lit comme suit :

[TRADUCTION]

CÉRÉMONIES ET SACREMENTS

Les ministres titulaires de lettres d'accréditation des Assemblées de la Pentecôte du Canada sont autorisés à présider les diverses cérémonies et à administrer les divers sacrements en conformité avec les directives des Assemblées de la Pentecôte du Canada et avec les lois de leur province.

a) Les ministres qui ont été ordonnés sont autorisés à célébrer des mariages s'ils sont enregistrés auprès de l'administration gouvernementale compétente.

EXCEPTIONS : Les personnes titulaires de lettres d'accréditation de licence ministérielle pour femmes, de ministre licencié ou de reconnaissance ministérielle peuvent, dans des circonstances spéciales, se voir accorder le droit de célébrer un mariage en vertu de la loi provinciale sur le mariage.

1) Ces personnes doivent obtenir l'autorisation du conseil exécutif du district.

2) Elles doivent avoir la charge d'une congrégation.

3) Elles doivent être enregistrées auprès de l'administration gouvernementale compétente de la province ou du territoire.

b) Présentation d'enfants, baptême dans l'eau et service de la communion : ces services peuvent être dirigés par le titulaire de lettres d'accréditation, conformément à la tradition et aux pratiques des Assemblées de la Pentecôte du Canada et conformément aux lois de la province.

c) Enterrements : Il n'est pas nécessaire d'avoir été ordonné ministre pour diriger un service funèbre et un service d'inhumation dans la plupart des provinces.

[19] Il semble qu'un ministre titulaire de lettres d'accréditation puisse diriger toutes les cérémonies que peut diriger un ministre ayant été ordonné, sauf des mariages, et que cette restriction relève du droit des provinces plutôt que d'une règle de l'Église.

[20] L'émission de lettres d'accréditation relève du comité national des lettres d'accréditation. La section 4 du statut 10 se lit en partie comme suit (page 39) :

[TRADUCTION]

SECTION 4 — ÉMISSION DE LETTRES D'ACCRÉDITATION

a) Le comité national des lettres d'accréditation, composé du surintendant général et du secrétaire général, est chargé d'émettre les lettres d'accréditation approuvées.

b) Toutes les demandes initiales de lettres d'accréditation doivent être faites à l'aide d'un formulaire de demande dûment rempli, qui doit être présenté au comité des lettres d'accréditation du congrès de district, pour approbation par le congrès de district.

c) 1. Le comité national des lettres d'accréditation délivre des lettres d'accréditation seulement aux personnes recommandées et approuvées par le conseil exécutif du district et le congrès de district et qui répondent aux exigences du congrès général.

2. Les missionnaires exerçant activement un ministère à l'étranger se verront accorder des lettres d'accréditation par le comité national des lettres d'accréditation suivant la recommandation du comité des missions outre-mer.

[21] La section 13 du statut 23 se lit comme suit (page 71) :

[TRADUCTION]

SECTION 13 — LETTRES D'ACCRÉDITATION

a) Toutes les personnes qui demandent des lettres d'accréditation doivent remplir la formule de demande officielle et l'expédier au bureau de district au plus tard un mois avant le congrès de district. Elles doivent fournir des références, c'est-à-dire donner le nom de deux ministres qui ont été ordonnés. Elles doivent comparaître en personne devant le comité des lettres d'accréditation et être prêtes à être interrogées sur leur doctrine, leurs aptitudes et leur conduite.

b) La délivrance de lettres d'accréditation suivant la recommandation du comité des lettres d'accréditation sera assujettie à l'approbation du congrès de district.

c) La date et le lieu des cérémonies d'ordination ainsi que les noms des ministres qui présideront ces cérémonies seront déterminés par le conseil exécutif de district, compte tenu des souhaits du candidat.

[22] Comme l'a expliqué le révérend Bruce Martin, pasteur principal du Calvary Temple de Winnipeg, la titularisation de ministres du culte est une procédure qui demande beaucoup de soin et d'attention et qui comporte la présentation d'une demande initiale, par l'aspirant, et la tenue de réunions et d'entrevues à l'échelle locale, à l'échelle du district et à l'échelle nationale.

[23] L'appelant est actuellement professeur de musique. Il a été ministre chargé de la musique à plein temps au Calvary Temple de 1987 à 1991.

[24] Il a reçu un baccalauréat en musique du collège Hope, soit un collège chrétien d'arts libéraux de la ville de Holland (Michigan), où il a étudié la musique et la théologie. Il a ensuite reçu un diplôme de maîtrise en musique de l'université Yale.

[25] Lorsque l'appelant est devenu ministre chargé de la musique au Calvary Temple, il avait un bureau à l'église et partageait les services d'une secrétaire. Il était décrit dans le bulletin de l'Église comme étant le pasteur Ken Austin, ministre chargé de la musique. Il était employé à plein temps par l'Église et passait entre 54 et 60 heures par semaine à l'église. Il était responsable de sept choeurs et d'un grand orchestre, ainsi que d'un petit orchestre de cuivres et d'un petit orchestre à cordes. Aux trois offices du dimanche, il dirigeait le choeur, lisait parfois des passages de la Bible du haut de la chaire et dirigeait les chants de l'assemblée des fidèles. Il prenait place immédiatement à la droite du pasteur.

[26] L'importance de la musique dans l'Église pentecôtiste est à noter. Une proportion de 50 p. 100 de tous les offices doit être consacrée à la musique, qu'il s'agisse de chants de l'assemblée ou d'hymnes entonnés par le choeur ou encore de musique instrumentale. L'utilisation de la musique comme forme de culte a de lointaines origines (voir, p. ex., I Chroniques, chapitre 16, versets 4-9, 42; I Chroniques, chapitre 25, versets 1, 3 et 6; II Chroniques, chapitre 29, versets 25 à 28; Colossiens, chapitre 3, verset 16).

[27] Outre le propre témoignage de l'appelant au sujet du rôle de la musique dans l'Église pentecôtiste et outre les nombreuses mentions bibliques figurant dans l'Ancien Testament et le Nouveau Testament, le Dictionary of Pentecostal and Charismatic Movements (Burgess & McGee) consacre sept pages à la musique chez les pentecôtistes et les charismatiques. Les deux brefs passages suivants illustrent ce qu'il en est :

[TRADUCTION]

MUSIQUE CHEZ LES PENTECÔTISTES ET LES CHARISMATIQUES. Le mouvement pentecôtiste se distingue des autres depuis longtemps pour le rôle important qu'il donne à la musique dans tous les aspects de la vie de ses adhérents. Les chants spirituels fervents ont toujours été typiques de la tradition du culte charismatique et pentecôtiste. La valeur de la musique pour le culte, l'évangélisation et l'éducation et comme nourriture de l'âme est un aspect important du mouvement. La musique occupe une place centrale dans l'expérience religieuse des croyants charismatiques et pentecôtistes en général, exprimant une vaste gamme de valeurs économiques, politiques et sociales, de styles de culte et de goûts musicaux.

[...]

II. La tradition se développe

On peut juger de l'importance de la musique dans le mouvement charismatique et pentecôtiste par le temps consacré au chant et à la musique instrumentale dans les cérémonies du culte. Il n'est pas peu fréquent que l'on consacre à la musique deux tiers du temps d'un office. De plus, la musique est utilisée au temple et à la maison avec une égale ferveur.

[28] Vu l'importance de la musique dans les offices pentecôtistes et, de façon générale, dans le culte des membres de cette confession, il est évident que le rôle de ministre chargé de la musique a dans cette Église beaucoup plus d'importance que le rôle d'un organiste ou d'un chef de choeur dans d'autres Églises. Pour déterminer si une personne est “ ministre régulier ” d'une Église, il faut considérer la structure et les pratiques de la confession en cause.

[29] Outre les fonctions qu'il exerçait relativement au vaste programme de musique du Calvary Temple, l'appelant visitait des malades dans les hôpitaux ou prenait part à des funérailles et à des mariages, soit des activités qu'il exerçait activement. Il prononçait des sermons devant divers groupes de la congrégation comme des jeunes, des personnes âgées et une congrégation d'Indiens d'Asie. Il s'occupait aussi de donner des conseils à des membres de la congrégation.

[30] La thèse de l'intimée est que l'appelant n'était pas un “ ministre régulier ”, pour les raisons suivantes :

a) il n'avait pas été ordonné, bien que les statuts des APDC prévoient l'ordination;

b) son ministère était un ministère spécialisé.

[31] De plus, il était allégué que l'appelant ne desservait pas une congrégation vu le caractère spécialisé de ses fonctions.

[32] Le pasteur Austin était-il ministre régulier d'une confession religieuse? S'il était un ministre de l'Église pentecôtiste, il était indéniablement un ministre régulier, en ce qu'il remplissait régulièrement et à plein temps ses fonctions au sein de l'Église. Il a fait partie intégrante de la vie de cette Église de façon constante pendant cinq ans.

[33] Était-il un ministre du culte? À mon avis, oui. Je ne pense pas que l'ordination soit une exigence pour qu'une personne soit considérée comme ministre du culte, quel que soit le rôle de l'ordination par rapport au sens du mot “ clergé ”, soit une question que j'examine davantage dans l'affaire Kraft, Baker et autres. Dans l'affaire Hardy c. Canada, [1997] A.C.I. no 1191, le juge Rip a examiné assez longuement la jurisprudence relative aux termes “ ministre régulier ”. Ses propos sont des plus instructifs. Au paragraphe 8, il disait :

[8] Je conviens avec l'avocate de l'intimée qu'un ministre régulier ne doit pas nécessairement avoir été ordonné pour pouvoir demander la déduction relative à la résidence des membres du clergé.

[34] Après avoir fait référence à des définitions de dictionnaires anglais et français, il disait, au paragraphe 15 :

[15] Dans les deux langues, donc, le terme "régulier", dans le sens courant, s'entend communément du respect de devoirs ou d'activités. En anglais, le sens courant inclut aussi la personne qui se consacre à une occupation donnée ou qui a reçu la formation voulue pour se consacrer à cette occupation. Le terme "régulier" peut aussi signifier "courant; normal; ordinaire".

[35] Le juge Rip a cité un assez long passage de l'affaire Greenlees v. A.G. Canada, [1945] O.R. 411, conf. par [1946] O.R. 90, autorisation d'appel refusée par [1946] R.C.S. 462. Au procès, le juge Hogg avait fait référence à la décision rendue par la Haute Cour de justice de l'Écosse dans l'affaire Saltmarsh v. Adair, [1942] C.J. 58. Le juge Rip a fait remarquer au paragraphe 21, après avoir cité une partie de l'analyse du juge Hogg ainsi qu'une partie des jugements du lord juge général (Normand) et de lord Moncrieff dans l'affaire Saltmarsh :

[21] Par conséquent, le Lord Juge général Normand et le Lord Moncrieff paraissent inférer que le "ministre régulier"

i) exerce des fonctions spirituelles, célèbre des services religieux, administre des sacrements et autres choses semblables;

ii) est nommé par un organisme ou une personne qui détient le pouvoir légitime de nommer ou d'ordonner des ministres au nom de la confession; et

iii) occupe un poste de façon plutôt permanente.

En l'absence d'une nomination légitime, le simple fait d'exécuter les fonctions d'un ministre sera à leur avis insuffisant pour faire de lui un "ministre régulier".

[36] Je suis convaincu que, dans la présente espèce, l'appelant était “ ministre régulier ” de l'Église pentecôtiste. Il répond à tous les critères énoncés par le juge Rip. Sa nomination a été faite conformément à des procédures officielles et a été permanente tant qu'il est resté en fonction.

[37] Desservait-il une congrégation? Il pouvait accomplir pratiquement tout ce qu'accomplissait le pasteur principal et, en fait, il remplissait bel et bien un bon nombre de ces fonctions. Toutefois, sa principale activité était de s'occuper de l'aspect très important de la musique au sein de l'Église. C'était de cette manière qu'il servait Dieu et qu'il desservait sa congrégation en ce qui concerne ses besoins spirituels. La façon dont une personne s'occupe des besoins d'une congrégation dépend de la confession dont elle fait partie. Dans l'Église pentecôtiste, une personne qui veille à l'aspect musical du service s'occupe en fait des besoins spirituels de la congrégation de façon aussi importante que dans le cas d'un ministre qui prononce des sermons.

[38] L'appel est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, de manière que l'appelant ait droit à la déduction prévue à l'alinéa 8(1)c).

[39] Je rendrai mes motifs concernant les frais dans toutes ces affaires une fois que j'aurai reçu les observations des avocats de toutes les parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de février 1999.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 22e jour de septembre 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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