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Date: 19980828

Dossier: 97-513-UI

ENTRE :

SUZANNE CÔTÉ,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Charron, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Québec (Québec), le 17 juin 1998, dans le but de déterminer si l'appelante exerçait un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi » ), durant la période du 21 novembre au 2 décembre 1994, lorsqu'elle était au service de Centre d'Énergie Humaine et Universelle Saguenay Lac-St-Jean Inc., le payeur.

[2] Par lettre en date du 15 janvier 1997, l'intimé informa l'appelante que cet emploi n'était pas assurable, parce qu'il n'était pas exercé en vertu d'un contrat de louage de services.

Exposé des faits

[3] Les faits sur lesquels s'est fondé l'intimé pour rendre sa décision sont énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

« a) le payeur est un organisme sans but lucratif constitué au début des années 1990; (admis)

b) l'objet du payeur consistait à donner des cours traitant de transfert d'énergie; (admis)

c) à la fin de 1993, 10 personnes formaient le conseil d'administration du payeur; (admis)

d) parmi eux, l'appelante occupait le poste de trésorière; (admis)

e) le payeur n'avait pas d'employé rémunéré, et les moniteurs (ou enseignants) dispensaient les cours bénévolement; (nié)

f) en novembre 1994, le payeur a conclu une entente avec l'appelante pour qu'elle retranscrive 3 cahiers de formation; (nié)

g) le payeur fait approuvé une rémunération totale de 560 $ pour ce contrat de travail; (nié tel que rédigé)

h) la rémunération était basé sur 2 semaines de travail à 40 heures par semaine, au taux de 7 $ de l'heure; (admis)

i) l'appelante travaillait chez elle, sans horaire de travail pré-établi; (nié)

j) elle utilisait son ordinateur et le papier requis pour la retranscription, sans compensation de la part du payeur; (nié)

k) le payeur n'était pas intéressé à la façon de travailler de l'appelante ni au nombre d'heures effectuées, mais au résultat seul; (nié)

l) durant la période en litige, il n'y avait pas de relation employeur-employée entre l'appelante et le payeur, mais un contrat d'entreprise. » (nié)

[4] L'appelante a reconnu la véracité de tous les alinéas du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, sauf ceux qu'elle a niés ou déclaré ignorer, comme il est indiqué entre parenthèses, à la fin de chaque alinéa.

Témoignage de Suzanne Côté

[5] Cette personne travaille pour le payeur du 21 novembre au 2 décembre 1994. Elle est, en outre, membre du conseil d'administration et trésorière depuis deux ans. Le groupe du payeur a pour but de transmettre l'éducation aux néophytes sur les transferts d'énergie pour guérir la maladie au moyen de Chakras. L'appelante est engagée pour une période de deux semaines à 7 $ de l'heure pour un maximum de 40 heures par semaine. Dépense maximale de 560 $ (pièce A-1). L'appelante travaille de 8 h à 17 h et est payée par chèque, après déductions à la source (pièces A-2, A-3 et A-4). Elle exécute son travail à la maison, parce que le payeur n'a pas de local. L'appelante fournit son ordinateur et le papier. Si madame Côté devait faire des photocopies, c'est le payeur qui en assume le coût. Mirette Pellerin, la vice-présidente, contrôle le travail de l'appelante, en lui téléphonant plusieurs fois par semaine pour savoir où en est le travail; les autres membres se réunissent cinq ou six soirs par semaine pour mettre les documents à jour. Les trois brochures à mettre à date sont produites comme pièce A-5. L'appelante demeure encore membre du payeur pour une autre année. Au moment où elle déniche cet emploi, elle est à la recherche de travail. Un comité de quatre personnes se réunit trois fois par semaine pour décider quels changements doivent être apportés aux trois brochures. De mai à novembre 1994, Suzanne Côté travaille pour une conciergerie, mais ne touche pas de prestations d'assurance-chômage après son congé, parce qu'il lui manque une semaine de travail assuré. En sa qualité de trésorière, elle perçoit les sommes d'argent dues au payeur, et son travail est gratuit, mais ne donne pas de conférences. Le payeur n'a pas d'autre employée sauf Christiane Boulay en 1992. Le siège social du payeur est situé au bureau de Me Diane Lalancette, membre de l'association, à Chicoutimi. La tâche de trésorière prend une demi-journée de son temps par semaine. Les brochures produites comme pièce A-5 sont à la base de la formation des membres et indispensables. Suzanne a fait une demande de prestations d'assurance-chômage et a été acceptée. En 1992, le payeur comptait 12 membres; maintenant il a entre 1 000 et l 500 prosélytes.

Témoignage de Monique Dion

[6] Agente d'enquête au niveau des appels, madame Dion a fait enquête au sujet de l'appelante et a communiqué avec Mirette Pellerin, Mado Tremblay et l'appelante le 9 octobre 1996. Cette dernière lui a déclaré qu'elle n'avait pas d'horaire, mais trimait de 8 h à 17 h tous les jours. Elle était, en outre, trésorière bénévole. Pour les fins de son travail, elle fournissait son ordinateur, les disquettes, le papier et l'imprimante. Mirette Pellerin ne connaissait pas les heures de travail de Suzanne, ni son salaire; Mado Tremblay, Louise Bérubé et Marcel Tremblay avaient la charge de modifier le texte des trois brochures. C'est le conseil d'administration qui a décidé des fonctions de Suzanne Côté. Selon madame Dion, les brochures sont nécessaires à la vie du payeur, mais accessoires; l'appelante ne reçoit pas de directives du payeur, mais a eu deux ou trois rencontres préalables avec lui et cinq ou six pour assurer l'exécution du travail. Elle était sûrement la mieux préparée à faire ce travail.

Analyse des faits en regard du droit

[7] Il y a lieu maintenant de déterminer si l’activité de l’appelante est incluse dans la notion d’emploi assurable, c’est-à-dire s’il existe un contrat de travail ou non.

[8] La jurisprudence a énoncé quatre critères indispensables pour reconnaître un contrat de travail. La cause déterminante en cette matière est celle de City of Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161. Ces critères sont les suivants : 1) le contrôle; 2) la propriété des instruments de travail; 3) la possibilité de profit et 4) le risque de perte. La Cour d’appel fédérale y a ajouté le degré d’intégration dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., mais cette énumération n’est pas exhaustive.

[9] Or, la preuve a démontré que le travail exécuté par l’appelante l’était sous la direction du payeur et qu’il existait un lien de subordination entre eux. C’est le payeur qui possède l’entreprise nécessaire à son exploitation. C’est le payeur qui seul peut réaliser des bénéfices ou des pertes dans l’exploitation de son entreprise et non l’appelante qui ne reçoit qu’un salaire fixe. Enfin, l'appelante exécutait son travail chez elle, vu que le payeur n'avait pas de local permanent et disponible à lui offrir.

[10] J'en conclus donc que le payeur exploitait une entreprise et l'appelante était à son service durant la période en cause.

[11] En conséquence, l'appel est accueilli et la décision de l'intimé est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'août 1998.

« G. Charron »

J.S.C.C.I.

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