Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980824

Dossier: 96-2817-IT-G

ENTRE :

MEAGER CREEK HOLDINGS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique) les 23 et 24 juillet 1998, sous le régime de la procédure générale de notre cour.

[2] La question est de savoir si le paragraphe 55(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) était applicable à des dividendes d’un montant total de 1,8 million de dollars versés par deux filiales en propriété exclusive à leur société mère au cours de l'exercice 1991, de sorte que les dividendes devaient être traités comme produits de disposition sur la vente subséquente, par la société mère, d'un tiers des actions des filiales.

[3] L'avocat de l'appelante a appelé comme témoins les deux dirigeants des diverses compagnies, soit Kenneth Pickering (“ M. Pickering ”) et Paul Turner (“ M. Turner ”), ainsi que le comptable externe des diverses compagnies, Nigel Burridge, c.a. (“ M. Burridge ”), une collaboratrice de M. Burridge, Cheryl Harris (“ Mme Harris ”), et un comptable agréé non lié, Charles D. Proctor (“ M. Proctor ”). L'avocate de l'intimée n'a appelé aucun témoin. Avec le consentement des deux avocats, de nombreux documents ont été consignés en preuve.

FAITS PRÉLIMINAIRES ET PRÉCISIONS SUR LE POINT EN LITIGE

[4] À l'époque pertinente :

a) Meager (dont les actions étaient détenues par MM. Pickering et Turner et leurs épouses) détenait 100 p. 100 des actions de Tyee Management Ltd. (“ Tyee ”) et 100 p. 100 des actions de Pemberton Valley Holdings Ltd. (“ Pemberton ”).

b) La Tyee et la Pemberton détenaient 50 p. 100 chacune des actions de la compagnie exploitante CRB Logging Co. Ltd. (“ CRB ”). Ces actions représentaient les seuls actifs de la Tyee et de la Pemberton.

c) Toutes ces entités étaient constituées en corporations et étaient des corporations résidant au Canada.

d) La question de savoir si la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) en novembre 1994 pouvait être frappée de prescription avait initialement été soulevée, mais elle ne l'a pas été à l'audience.

e) Il a été établi que toutes les conditions requises pour l'application du paragraphe 55(2) de la Loi existaient, sauf deux. Pour ce qui est de ces deux conditions, il faut déterminer premièrement si les opérations en question, décrites ci-après, constituaient une série d'opérations ou d'événements et, deuxièmement, si l'un des objets des dividendes de 1,8 million de dollars était de réduire le gain en capital sur la vente subséquente, par la Meager, d'actions de la Tyee et de la Pemberton.

AUTRES FAITS IMPORTANTS

[5] La Meager a été constituée en vertu de la Companies Act de la Colombie-Britannique le 15 janvier 1988.

[6] Le 29 avril 1988, la Meager a acquis toutes les actions de la Tyee et de la Pemberton (soit deux entités constituées en corporations en 1979), à un prix de 3,8 millions de dollars. Comme je l'ai mentionné, les seuls actifs de la Tyee et de la Pemberton étaient les actions de la CRB (constituée en 1954).

[7] M. Pickering a été hospitalisé de décembre 1988 à mars 1989, après qu'une leucémie lui eut été diagnostiquée. À cause de cela, M. Pickering estimait ne pas fournir sa part d'effort dans la conduite de l'entreprise, de sorte que, en octobre 1989, il a offert de vendre sa participation dans l'entreprise à M. Turner. M. Turner a rejeté l'offre.

[8] Le 15 février 1990, après que la CRB eut déclaré certains dividendes pour la Tyee et la Pemberton, la Tyee et la Pemberton ont déclaré un dividende de 900 000 $ chacune pour la Meager. Ces derniers dividendes ont été inscrits dans les livres des compagnies comme sommes à recevoir (Meager) et sommes à payer (Tyee et Pemberton) et ont été indiqués pour l'exercice 1990 de la Meager, ainsi que dans la déclaration de revenus de la compagnie, comme ayant été reçus. Des formulaires T5 faisant état des dividendes ont été déposés par la Tyee et la Pemberton. Les dividendes n’ont en fait été versés que plus tard, puis cet argent a été reprêté à la CRB. Il semble que ces faits aient été un problème pour le ministre au début, mais, à l'audience, ce problème est disparu, l'appelante ayant laissé tomber son argument subsidiaire selon lequel les nouvelles cotisations en cause étaient frappées de prescription.

[9] Lesdits dividendes déclarés par la Tyee et la Pemberton ont été déclarés suivant la recommandation de M. Burridge, le comptable de la Meager. La Tyee et la Pemberton n'étaient que 2 des 28 compagnies auxquelles M. Burridge avait recommandé de déclarer des dividendes le 15 février 1990 ou vers cette date. (Voir l'onglet 68 de la pièce A-2, deuxième page, qui indique à quelles compagnies M. Burridge avait recommandé de verser des dividendes.)

[10] M. Pickering a déclaré dans son témoignage que M. Burridge l'avait encouragé à faire en sorte que les dividendes soient déclarés, car M. Burridge craignait que le budget fédéral sur le point d'être adopté prévoie un impôt sur les dividendes, ce que, évidemment, M. Burridge voulait éviter à ses clientes qui étaient des compagnies ayant des excédents accumulés. M. Burridge a expliqué cela davantage. Il a dit que ce qu'il craignait en réalité, c'était non pas la réintroduction de l'impôt de la partie II à l'égard des corporations exploitant une petite entreprise, mais plutôt l’introduction d’un taux uniforme général de 10 p. 100 sur les dividendes pour toutes les compagnies, qu'il s'agisse de petites ou de grandes entreprises. M. Burridge a expliqué que cet impôt potentiel, décrit comme un impôt de distribution, était la seule raison pour laquelle des dividendes ont été déclarés le 15 février 1990. M. Turner a déclaré dans son témoignage qu'il était d'accord avec la décision de M. Burridge et de M. Pickering. Mme Harris a expliqué que, au début, elle ne se souvenait pas bien de la raison pour laquelle les dividendes avaient été déclarés et que, toutefois, après y avoir réfléchi, elle s'était rappelé que la préoccupation de M. Burridge relative au budget était la raison sous-jacente à la déclaration de dividendes par les 28 compagnies à la date plutôt curieuse du 15 février 1990 (le budget a été annoncé le 21 février 1990). M. Proctor a confirmé que M. Burridge s'était entretenu avec lui à plusieurs reprises au sujet de divers budgets et au sujet de la préoccupation constante de M. Burridge à l'égard d'un impôt de distribution. Il a confirmé qu'il ne se souvenait pas précisément d'avoir eu une conversation au sujet du budget de 1990 et que, toutefois, une telle conversation avait fort probablement eu lieu, comme cela avait été le cas plusieurs autres fois.

[11] M. Burridge a été soumis à un contre-interrogatoire très rigoureux concernant sa lettre du 27 juillet 1994 à M. H. Pranjivan, de Revenu Canada (onglet 71 de la pièce A-2), lettre dans laquelle il disait qu'il se préoccupait de la possibilité de la réintroduction d'un impôt de la partie II. L'avocate de l'intimée soutenait que, si telle était la préoccupation de M. Burridge, cette préoccupation n’était pas réellement fondée : l’avocate de l’intimée a établi que, si l'impôt de la partie II avait été réintroduit, il n'y aurait pas eu de conséquences fiscales négatives pour les compagnies en question. M. Burridge a expliqué qu'il avait parlé de la réintroduction de l'impôt de la partie II simplement parce que cela cadrait avec l'approche adoptée par M. Pranjivan. Il a déclaré à plusieurs reprises dans son témoignage que ce qu'il craignait en réalité, c'était non pas la réintroduction d'un impôt de la partie II, mais plutôt, comme je l'ai mentionné, l'introduction d'un impôt uniforme de 10 p. 100 sur les dividendes futurs pour toutes les compagnies, car le gouvernement était en situation de déficit.

[12] Après octobre 1989 et jusqu'en août 1990, on n’a tenu aucune discussion concernant une vente possible de l'entreprise et on n'a pas sollicité d'offres à l'égard de telles actions.

[13] En août 1990, M. Pickering a de nouveau avancé l'idée que M. Turner pourrait vouloir lui acheter ses actions. Il a témoigné que, en raison de son état de santé, il estimait encore ne pas fournir sa part d'effort dans l'exploitation de l'entreprise; en outre, il devait entrer à l'hôpital pour y subir une greffe de moelle osseuse, prévue pour septembre 1990, soit un autre facteur qui l'empêcherait de prendre part activement à l'exploitation de l'entreprise, et ce, pour un laps de temps considérable. M. Turner avait refusé, mais il avait dit à M. Burridge et à M. Pickering que lui-même (M. Turner) et M. Pickering pourraient être intéressés à vendre à un tiers leur participation de 100 p. 100 dans l'entreprise.

[14] M. Burridge a dit à M. Pickering et à M. Turner qu'un tiers du nom de Jay Carratt (“ M. Carratt ”) avait en juin 1990 vendu des actions qu'il détenait dans une compagnie forestière et pourrait être intéressé à acquérir les participations que M. Pickering et M. Turner détenaient dans leur entreprise.

[15] M. Pickering a contacté M. Carratt et lui a offert de lui vendre une participation de 100 p. 100 dans l'entreprise. Bien qu'intéressé, M. Carratt a été incapable d'obtenir suffisamment de fonds, et il a été convenu que M. Carratt (éventuellement par l'entremise d'une compagnie à dénomination numérique) acquerrait un tiers des actions de l'entreprise.

[16] Une convention de vente d'actions entre la Meager et la 387897 B.C. Ltd., une compagnie en propriété exclusive de M. Carratt, a été signée le 31 décembre 1990, convention en vertu de laquelle la compagnie à dénomination numérique a acquis un tiers des actions de la Tyee et de la Pemberton pour 1 200 000 $.

[17] Par des avis de nouvelles cotisations en date du 9 novembre 1994, Revenu Canada a établi à l’égard de l’appelante de nouvelles cotisations basées sur le fait que les dividendes versés le 15 février 1990 par la Tyee et la Pemberton avaient été reçus par l'appelante dans le cadre d'une série d'événements ou d'opérations dont l'un des objets était de réduire le gain en capital qui aurait par ailleurs été réalisé sur la vente des actions de la Tyee et de la Pemberton. En vertu des nouvelles cotisations, le montant total des dividendes liés aux actions vendues (un tiers) était assujetti au paragraphe 55(2) de la Loi, et ces dividendes étaient considérés comme des produits de disposition. Les nouvelles cotisations ne représentent pas une tentative d'assimiler les deux tiers restants des dividendes à un gain en capital (en vertu de l'alinéa 55(2)c)).

[18] L'appelante a fait opposition auxdits avis de nouvelles cotisations par des avis d'opposition en date du 14 novembre 1994.

[19] Les avis de nouvelles cotisations ont été ratifiés par Revenu Canada par voie de notification de ratification en date du 27 juin 1996.

ARGUMENTS DE L'APPELANTE

[20] L'avocat de l'appelante a passé en revue les éléments de preuve et a fait valoir que, étant donné les dates en cause, il est clair qu’il n’y a eu aucune série d'opérations ou d'événements. Autrement dit, les dividendes avaient été déclarés en février 1990, la première indication claire d'une vente ne remonte qu'à août ou septembre 1990, et la convention effective de vente des actions n'a été signée que le 31 décembre 1990. Ainsi, aucune vente n'était envisagée lorsque les dividendes ont été déclarés, et il n'y a donc eu aucune série d'opérations ou d'événements. L'avocat de l'appelante a renvoyé à l'affaire 454538 Ontario Limited et al. v. M.N.R., 93 DTC 427, dans laquelle le juge Sarchuk, de notre cour, disait :

L’expression “série d’opérations ou de transactions” doit être prise dans son sens grammatical et ordinaire, à la lumière du contexte dans lequel elle s’inscrit, du régime et de l’objet de la Loi et de l’intention du Parlement. Compte tenu de cette restriction, il semble raisonnable de conclure que, pour que des événements fassent partie d’une série, ils doivent se succéder dans le temps et doivent en quelque sorte être liés ensemble, de façon logique ou raisonnable. En outre, [... la contribuable et les sociétés de portefeuille] devaient elles-mêmes avoir l’intention de lier les opérations constituant la série pour atteindre le résultat souhaité, soit la disposition des actions [...] en faveur de [... l’acheteur] dans les circonstances et selon les modalités décrites précédemment. Cette conception est conforme à la définition des termes “série”, “opération” et “événement” que l’on retrouve dans les dictionnaires.

[21] L'avocat de l'appelante soutenait en outre qu'aucun des objets du dividende n'était de réduire le gain en capital potentiel. Il a renvoyé aux éléments de preuve établissant que la seule raison sous-jacente aux dividendes était la crainte que le budget introduise un impôt de distribution.

[22] L'avocat de l'appelante a cité l’extrait suivant de l'affaire Her Majesty the Queen v. Placer Dome Inc., 96 DTC 6562, et soutenait que l'appelante avait satisfait aux trois propositions de base énoncées dans cet extrait :

La principale différence qui existe entre le sens subjectif et le sens objectif du terme “ objet ” est que le premier invite personnellement le contribuable à témoigner sur son état d’esprit au moment de l’exécution de l’opération ou des opérations. En théorie, l’adoption de l’interprétation subjective pourrait signifier que des opérations identiques effectuées par des contribuables différents peuvent entraîner des conséquences fiscales différentes. Il faut toutefois reconnaître qu’en droit, il y a peu de choses qui se mesurent entièrement de façon subjective. Je m’explique.

Si l’on accepte pour le moment qu’au paragraphe 55(2), le législateur emploie le terme “ objets ” au sens subjectif, il y a trois aspects fondamentaux dont il faut tenir compte dans le cadre de cette analyse. En premier lieu, c’est au contribuable qu’il incombe d’établir que le paragraphe 55(2) de la Loi ne s’applique pas. En deuxième lieu, pour s’acquitter de cette charge ou de ce fardeau, le contribuable ne peut se contenter de nier (sans plus d’explication ou de détail) que son objet était de diminuer sensiblement son gain en capital. En troisième lieu, il n’est pas nécessaire que le contribuable présente des éléments de preuve corroborants ou complémentaires qui démontrent ou tendent à démontrer que son témoignage est véridique. Sur ces trois questions, voir respectivement les jugements C.P.L. Holdings Limited c. La Reine, précité, R. c. Covertite Ltd., [1981] C.T.C. 464 (C.F. 1re inst.) et McAllister Drilling Ltd. c. Canada, [1994] 2 C.T.C. 211 (C.F. 1re inst.).

En pratique, il est évident qu’une fois qu’il est établi qu’une opération a eu pour effet de diminuer sensiblement un gain en capital, le ministre peut à juste titre en inférer que le contribuable poursuivait un tel objectif. Pour réfuter cette inférence, le contribuable (ou ses conseillers) doivent offrir une explication qui révèle les objets que sous-tend l’opération. Cette explication ne doit être ni invraisemblable ni déraisonnable. Par ailleurs, il faut se rappeler que le paragraphe 55(2) de la Loi parle de “ l’un des objets ” de l’opération. En conséquence, le contribuable doit présenter une explication convaincante qui démontre qu’aucun des objets visés n’était de diminuer sensiblement le gain en capital. C’est en ce sens qu’un témoignage non corroboré mais digne de foi peut constituer une preuve suffisante de l’intention du contribuable (voir V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 5e éd., Toronto, Carswell, 1995, à la page 1391).

THÈSE DE L'INTIMÉE

[23] L'avocate de l'intimée soutenait que, vu l'importance du dividende, il faut en conclure que l'un de ses objets devait être de réduire un gain en capital possible. En fait, elle a établi que, en raison du dividende et de la vente subséquente d'un tiers des actions pour 1,2 million de dollars, la Meager a en fait subi une perte en capital.

[24] Elle soutenait en outre que la manière dont M. Pickering a abordé M. Turner pour lui vendre ses actions parce qu'il avait de sérieux problèmes de santé indique qu'il entendait de façon générale vendre dès octobre 1989 et que c'est cela qui représente le début de la série.

[25] L'avocate de l'intimée a également attiré l'attention sur les différences entre les versions française et anglaise des paragraphes 55(2) et 248(10). Elle a fait remarquer, à juste titre, que la version anglaise et la version française de la Loi sont toutes les deux valides et qu'il faut examiner les deux versions dans l'interprétation d'un article particulier de la Loi. Sa position était essentiellement que, comme la version française utilise des termes non juridiques comme “ opération ” et “ événement ”, il faut interpréter le paragraphe 55(2) de façon large plutôt que de façon stricte et étroite.

[26] L'avocate de l'intimée a en outre avancé la théorie selon laquelle les dirigeants concernés n'ont pas à avoir une vente précise à l'esprit. Ils pouvaient avoir à l'esprit n'importe quelle vente possible et déclarer des dividendes pour éviter de l'impôt sur le gain en capital potentiel.

[27] L'avocate de l'intimée a également expliqué que l'un des principes fondamentaux sous-jacents à la Loi, comme le disait la Commission Carter, était l'intégration, principe qui ne souffrirait pas une double imposition. L'impôt de distribution en question aurait constitué une double imposition et, comme cela aurait été contraire au principe de l'intégration, il ne faut pas prendre au sérieux le témoignage de M. Burridge et des autres voulant que la raison sous-jacente à la déclaration du dividende ait été le budget. Autrement dit, l'avocate de l'intimée soutenait qu'il était fort peu probable qu'une personne craigne qu'un budget n'introduise une disposition qui soit contraire au principe de l'intégration et qui donne lieu à une double imposition.

ANALYSE

[28] Les paragraphes 55(2) et 248(10) disposent ce qui suit :

55. (2) Lorsqu'une corporation résidant au Canada a reçu, après le 21 avril 1980, un dividende imposable à l'égard duquel elle a droit à une déduction en vertu du paragraphe 112(1) ou 138(6), comme partie d'une opération ou d'un événement ou d'une série d'opérations ou d'événements (sauf comme partie d'une série d'opérations ou d'événements qui ont commencé avant le 22 avril 1980) dont l'un des objets (ou, dans le cas d'un dividende visé au paragraphe 84(3), dont l'un des résultats) a été de diminuer sensiblement la partie du gain en capital qui, sans le dividende, aurait été réalisée lors d'une disposition d'une action du capital-actions à la juste valeur marchande, immédiatement avant le dividende et qui pourrait raisonnablement être considérée comme étant attribuable à quoi que ce soit qui n'est pas du revenu gagné ou réalisé par une corporation après 1971 et avant l'opération ou l'événement ou le début de la série d'opérations ou d'événements visés à l'alinéa 3a), nonobstant tout autre article de la présente loi, le montant du dividende (à l'exclusion de la partie de celui-ci, si partie il y a, qui est assujettie à l'impôt en vertu de la Partie IV qui n'est pas remboursé en raison du paiement d'un dividende à une corporation lorsqu'un tel paiement fait partie de la série d'opérations ou d'événements)

a) est réputé ne pas être un dividende reçu par la corporation;

b) lorsqu'une corporation a disposé de l'action, est réputé être le produit de disposition de l'action, sauf dans la mesure où il est inclus par ailleurs dans le calcul de ce produit; et

c) lorsqu'une corporation n'a pas disposé de l'action, est réputé être un gain de la corporation pour l'année au cours de laquelle le dividende a été reçu de la disposition d'un bien en immobilisation.

248. (10) Pour l'application de la présente loi, une série d'opérations ou d'événements, lorsqu'il y est renvoyé, est réputée comprendre les opérations et événements liés terminés en vue de réaliser la série.

La version anglaise de ces paragraphes utilise le terme “ transaction(s) ” pour “ opération(s) ” et le terme “ event(s) ” pour “ événement(s) ”.

[29] Je reconnais la crédibilité des personnes qui ont témoigné pour l'appelante. Elles ont toutes, sauf M. Proctor, été soumises à de rigoureux contre-interrogatoires et, certes, certaines incohérences ont été révélées, mais ces incohérences n'étaient pas à mon avis cruciales. Les témoins Burridge, Pickering et Harris ont été constants dans leur position selon laquelle c'est le budget qui a suscité la déclaration des dividendes et non la possibilité d'une vente et la réduction de gain en capital consécutive. Le fait que 26 autres compagnies qui étaient dans des situations semblables à celles de la Meager, de la Tyee, de la Pemberton et de la CRB ont été avisées par M. Burridge, immédiatement avant le budget, de déclarer des dividendes, est une forte indication que l'objet sous-jacent à la déclaration de dividendes était d'éviter un impôt de distribution pouvant être prévu dans le budget et non d'obtenir une réduction de gain en capital sur une disposition d'actions.

[30] De plus, je ne suis pas d'accord pour dire qu'il y a eu une série d'opérations ou d'événements. Les dividendes ont été déclarés en février 1990, mais les discussions en matière de vente n'ont commencé qu'en août 1990, et la vente d'un tiers des actions de la Tyee et de la Pemberton a eu lieu le 31 décembre 1990. De l'aveu général, M. Pickering a, en octobre 1989, offert de vendre ses actions à M. Turner. Toutefois, c'était lié aux problèmes de santé de M. Pickering et cela n'indique pas qu'on envisageait de vendre l'entreprise totalement ou en partie à un acheteur éventuel. En outre, selon moi, la version française des paragraphes en question ne change rien à ces conclusions.

[31] De plus, je ne saurais accepter l'argument de l'intimée selon lequel toute vente ultérieure possible peut suffire pour que le paragraphe 55(2) entre en jeu. Il faut qu'il y ait une série d'opérations ou d'événements. Accepter l'argument de l'intimée pourrait ouvrir la voie à une application de ce paragraphe dans presque tous les cas où des dividendes intersociétés sont déclarés.

[32] Comme l'indique l'affaire Placer Dome, le terme “ objet ” exige une intention subjective et, à mon avis, la preuve établit qu'aucun des dirigeants ou qu'aucune des parties en cause n'avait à l'esprit l'objet prévu au paragraphe 55(2).

[33] En conséquence, l'appel est admis, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'août 1998.

“ T. P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de mai 1999.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.