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Date: 19990520

Dossier: 95-2283-IT-G

ENTRE :

AZIZ JAFFER B. MANJI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel interjeté par Aziz Jaffer B. Manji (l'appelant) à l'encontre d'une cotisation d'impôt établie pour l'année d'imposition 1988, en vertu de laquelle il a dû inclure dans le calcul de son revenu pour cette année-là les gains en capital imposables de 225 000 $ et de 124 883 $ respectivement, réalisés par suite du transfert de sa participation dans deux biens.

Faits[1]

[2] En 1986, l'appelant s'est associé à Zaar Property Corp. (Zaar)[2] pour former une coentreprise connue sous le nom de projet Holbrook Manor (la coentreprise). Holbrook Manor Holdings Ltd. (Holbrook Manor) était un simple fiduciaire détenant des biens productifs de revenus et certains placements dans des unités de société en commandite dans l'intérêt bénéficiaire seulement des coentrepreneurs.

La propriété Sunnybrook

[3] Le 5 février 1988 ou vers cette date, Equitable Capital Corp. (Equitable), agissant en son nom pour ce qui est d'une participation indivise de deux tiers, et en fiducie pour Holbrook Manor pour ce qui est d'une participation indivise d'un tiers, a conclu une entente en vue d'acheter un centre commercial situé au 660, avenue Eglinton est, Toronto (Ontario) (la propriété Sunnybrook), dont le prix s'élevait à 14 900 000 $. La date de conclusion de la transaction en question était fixée au 31 mars 1988 (la date de conclusion)[3].

[4] Le 18 février 1988, Holbrook Manor a effectué son premier placement en versant le montant de 140 000 $ à Equitable en fiducie en vue d'acheter un titre de participation dans la propriété Sunnybrook. Ce montant devait être détenu en fiducie par Equitable et utilisé uniquement une fois la transaction conclue[4].

[5] Le 16 mars 1988, la société en commandite Holbrook Associates a été créée, avec pour commandité Holbrook Manor. Les commanditaires devaient réunir un certain nombre d'autres investisseurs[5]. Le même jour, la société en commandite Sunnybrook a été créée pour être propriétaire de la propriété Sunnybrook[6]. Si l'on en croit M. Manji, la société en commandite Holbrook Associates devait devenir l'un des commanditaires de la société en commandite Sunnybrook.

[6] Le 17 mars 1988, Equitable et Holbrook Manor ont conclu avec la société en commandite Sunnybrook un entente prévoyant le transfert de leur intérêt bénéficiaire dans la propriété Sunnybrook à la date de conclusion pour lequel elles demandaient un prix égal à la juste valeur marchande de la propriété, que les parties à la transaction ont convenu être de 16 000 000 $[7]. Ce contrat prévoyait notamment que la société en commandite Sunnybrook acquitterait le prix d'achat de la façon suivante :

elle devait prendre en charge un emprunt hypothécaire de 10 000 000 $;

elle devait faire un paiement comptant de 4 395 000 $;

elle devait affecter des fonds au compte de capital d'Equitable et de Holbrook Manor au titre de la participation acquise par ces sociétés dans la société en commandite Sunnybrook[8];

Equitable et Holbrook Manor devaient acquérir trois unités dans la société en commandite Sunnybrook.

De plus, les parties reconnaissaient notamment que Holbrook Manor se réservait le droit de céder sa participation dans la société en commandite Sunnybrook à la société en commandite Holbrook Associates. D'après l'appelant, cette cession a effectivement eu lieu, et la société en commandite Holbrook Associates est devenue commanditaire de la société en commandite Sunnybrook.

[7] En ce qui concerne cette transaction, l'appelant a déclaré dans le cadre de son témoignage que, peu avant la date de conclusion prévue, trois des commanditaires proposés de la société en commandite Holbrook Associates (les commanditaires proposés) n'avaient pas encore avancé les fonds requis pour acheter leurs unités respectives de la société en commandite. Les montants de leurs investissements respectifs prévus étaient les suivants : Shams Ramji (en fiducie) — 107 000 $; 738518 Ontario Ltd. (Dr Zul et Almas Verjee) —160 500 $; et Azad Karim (en fiducie) — 107 000 $. Le total des fonds à investir par les commanditaires proposés était de 374 500 $ (les fonds non avancés).

[8] Le 25 mars 1988, Holbrook Manor a fait un “ deuxième investissement ” dans la société en commandite Holbrook Associates en versant le montant de 409 500 $ en fiducie au cabinet d'avocats Robins Appleby (les procureurs dont les services ont été retenus par les investisseurs pour conclure la transaction). D'après M. Manji, cet investissement de 409 500 $ était constitué de deux montants. D'une part, le montant de 35 000 $ devait servir d'apport en capital de la société en commandite Holbrook Associates à la société en commandite Sunnybrook, que celle-ci devait utiliser à titre de fonds de roulement initial. Le deuxième montant — 374 500 $ — était un dépôt supplémentaire fait par Holbrook Manor dans la société en commandite Holbrook Associates afin qu'il y ait, à la date de conclusion, suffisamment de fonds pour que la transaction soit conclue en attendant que les fonds non avancés soient investis[9].

[9] L'appelant a également déclaré que les fonds non avancés avaient été investis dans la société en commandite Holbrook Associates par les commanditaires proposés au plus tard le 31 mars 1988, soit la date de conclusion de la transaction concernant la propriété Sunnybrook.[10]. En retour, le 31 mars 1988, soit la date de conclusion de la transaction concernant la propriété Sunnybrook, Holbrook Manor a reçu la somme de 374 500 $ de Robbins Appleby (les procureurs de la société en commandite Sunnybrook), qui a été déposée dans son compte bancaire. Dans les états financiers de l'exercice de la coentreprise connue sous le nom de projet Holbrook Manor se terminant le 31 décembre 1988, le paiement de 374 500 $ a été traité comme un crédit pour ce qui est du montant investi par la coentreprise dans la société en commandite Holbrook Associates[11].

[10] D'après l'appelant, au 31 mars 1988, le capital investi par Holbrook Manor dans la société en commandite Holbrook Associates était de 175 000 $, c'est-à-dire :

le versement initial de 140 000 $;

plus les apports en capital de 35 000 $ au titre du fonds de roulement initial;

plus le dépôt supplémentaire de 374 500 $;

moins le remboursement du dépôt supplémentaire de 374 500 $.

Il a déclaré en outre que le montant de 374 500 $ payé à Holbrook Manor ne faisait pas partie de la contrepartie que celle-ci avait reçue pour le transfert de sa participation d'un tiers dans la propriété Sunnybrook.

90, avenue Eglinton est

[11] En avril ou en mai 1988, Equitable et la société en commandite Holbrook Associates ont décidé que la société en commandite Sunnybrook devait vendre la propriété Sunnybrook. Le 16 mai 1988 ou vers cette date, Equitable a conclu un contrat d'achat d'un immeuble à bureaux sis au 90, avenue Eglinton est à Toronto (la propriété de l'avenue Eglinton), dont le prix convenu était de 40 500 000 $ (ce prix a été réduit, dans une lettre d'entente datée du 30 juin 1988, à 40 300 000 $) (le contrat d'achat de la propriété de l'avenue Eglinton)[12].

[12] Le 20 mai 1988, la société en commandite Sunnybrook a conclu un contrat de vente de la propriété Sunnybrook, dont le prix convenu était de 17 000 000 $. Peu après, Amin Jivraj, l'un des commanditaires de la société en commandite Holbrook Associates qui avait payé un prix de souscription de 160 500 $ pour acquérir une participation de 7,5 p. 100, a conclu une entente avec Holbrook Manor pour lui vendre cette participation 178 629 $. Cette entente a haussé de 25 p. 100 à 32,5 p. 100 la participation de Holbrook Manor dans la société en commandite Holbrook Associates.

[13] Le 30 juin 1988 ou vers cette date, Holbrook Manor a versé 500 000 $ à Equitable pour acheter la propriété de l'avenue Eglinton; Equitable a utilisé le montant en question pour payer la moitié de l'acompte exigé. Le montant de 500 000 $ provenait de Holbrook Manor[13]. L'appelant allègue que, au moment où le chèque a été tiré, Holbrook Manor agissait en tant que commandité de la société en commandite Holbrook Associates. Le 12 août 1988, la société en commandite 90, Eglinton a été créée[14].

[14] Le 10 août 1988, Equitable a cédé à Holbrook Manor la moitié de sa participation dans le contrat d'achat de la propriété de l'avenue Eglinton en contrepartie du paiement, fait antérieurement par Holbrook Manor, de la moitié du dépôt (500 000 $) exigé conformément au contrat d'achat de la propriété de l'avenue Eglinton, et de l'engagement de Holbrook Manor de prendre en charge les obligations et les dettes prévues au contrat d'achat de la propriété de l'avenue Eglinton[15].

[15] Le 12 août 1988, tous les commanditaires ainsi que le commandité de la société en commandite 90, Eglinton ont conclu une entente précisant les droits, les obligations et les dettes du commandité et du commanditaire (le contrat de société en commandite)[16]. Le même jour, Equitable et Holbrook Manor ont conclu avec la société en commandite 90, Eglinton un entente aux termes de laquelle elles transféraient à celle-ci tous leurs droits, titres et participations dans le contrat d'achat de la propriété de l'avenue Eglinton à la date de conclusion moyennant le paiement, de la façon suivante, du montant de 2 350 000 $ :

la société en commandite 90, Eglinton devait émettre à Equitable et à Holbrook Manor un billet à ordre, non productif d'intérêt, de 500 000 $, à la date de conclusion et du transfert du bien immeuble à la société en commandite[17];

la société en commandite 90, Eglinton devait émettre quatre unités de catégorie “ B ” de la société en commandite 90, Eglinton à Equitable et à Holbrook Manor;

un montant de 168 750 $ devait être crédité au compte de capital d'Equitable et à celui de Holbrook Manor pour chacune de ces unités de catégorie “ B ” (c'est-à-dire 675 000 $ dans chaque compte de capital)[18].

Le contrat de société en commandite prévoyait également que les commanditaires de catégorie “ B ”, à savoir Equitable et Holbrook Manor, pouvaient, en tout temps à la date de conclusion ou après, exercer le droit de retirer le capital de leurs comptes de capital respectifs de la société en commandite 90, Eglinton[19].

[16] Le 15 août 1988, la vente de la propriété Sunnybrook par la société en commandite Sunnybrook a été conclue. Cette dernière a tiré de la vente un produit net comptant de 3 432 000 $. La part du produit de la société en commandite Holbrook Associates s'est élevée à 1 077 417 $. Ce montant a été investi dans la société en commandite 90, Eglinton, en plus d'un montant additionnel de 800 583 $ garanti par un prêt consenti par Equitable, ce qui représentait un investissement total de 1 878 000 $. Holbrook Manor détenait une participation de 32,5 p. 100 dans la société en commandite Holbrook Associates; son investissement dans la société en commandite 90, Eglinton représentait donc 32,5 p. 100 de l'investissement total, ou 610 350 $[20].

[17] Le 1er septembre 1988, l'achat de la propriété du 90, avenue Eglinton a été conclu. Le 8 septembre 1988, Holbrook Manor a reçu un paiement comptant total de 1 175 000 $ de la société en commandite 90, Eglinton. Le montant de 1 150 000 $, c'est-à-dire le paiement de 1 175 000 $ moins les frais juridiques, a été déposé dans le compte de Holbrook Manor.

[18] Dans les états financiers de la coentreprise connue sous le nom de projet Holbrook Manor pour l'exercice se terminant le 31 décembre 1988, une partie du paiement mentionné précédemment, soit 500 000 $, a été consigné comme une compensation du dépôt de 500 000 $ payé par Holbrook Manor aux vendeurs du projet (dont le remboursement avait été garanti par un billet à ordre) et le reste du paiement, c'est-à-dire le montant de 650 000 $, a été consigné comme un crédit relativement au retrait de fonds provenant du placement de la société en commandite Holbrook Associates. L'appelant allègue qu'il avait été convenu antérieurement que la société en commandite Holbrook Associates affecterait ces deux paiements au bénéfice exclusif de Holbrook Manor. Le solde de 25 000 $ représentait une retenue au titre des frais de conclusion.

[19] Les états financiers de la société en commandite 90, Eglinton pour la période se terminant le 31 décembre 1988 révèlent que la société en commandite a versé un montant de 675 000 $, soit le montant porté au crédit du compte de capital de Holbrook Manor, pour les quatre unités de catégorie “ B ” qui lui ont été émises. Ce paiement a été qualifié de retrait de fonds pour ce qui est de la société en commandite Holbrook Associates[21].

[20] Le 30 janvier 1989, Equitable, agissant pour elle-même et en fiducie pour Holbrook Manor, a déposé un choix conformément au paragraphe 97(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, selon lequel le coût d'acquisition de la propriété Sunnybrook pour la société en commandite Sunnybrook était égal ou inférieur au prix de base rajusté pour Equitable et Holbrook Manor. Elle a indiqué que la juste valeur marchande du bien dont il avait été disposé était de 16 000 001 $; le prix de base rajusté total était de 14 925 372 $, ce qui était également le montant convenu. La juste valeur marchande de la contrepartie reçue était de 16 000 001 $. La part de Holbrook Manor du gain et du transfert, d'après les montants déclarés dans le choix de la société en commandite Sunnybrook, était de 358 219 $ (un tiers de 1 074 630 $)[22].

[21] Le 22 décembre 1989, Holbrook Manor a fait un choix conformément au paragraphe 97(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, selon lequel le coût d'acquisition pour la société en commandite 90, Eglinton de la moitié de la participation de Holbrook Manor dans le contrat d'achat de la propriété de l'avenue Eglinton était inférieur au prix de base rajusté pour Holbrook Manor de sa participation de 500 000 $ dans le contrat d'achat de la propriété de l'avenue Eglinton, et non à sa part du prix d'achat que lui a versé la société en commandite 90, Eglinton, à savoir 1 175 000 $ (choix de la société en commandite 90, Eglinton). Selon ce qui était indiqué, la juste valeur marchande du bien dont il a été disposé était de 1 175 000 $; le prix de base rajusté était de 500 000 $, ce qui était aussi le montant convenu. La juste valeur marchande de la contrepartie reçue était de 1 175 000 $[23].

Conclusion - La propriété Sunnybrook

[22] En ce qui concerne la transaction mettant en cause Sunnybrook, l'intimée soutient que le paiement de 374 500 $ faisait partie du produit (la contrepartie en argent reçue par Holbrook Manor (en tant que fiduciaire de la coentreprise) lors du transfert de sa participation dans la propriété Sunnybrook à la société en commandite Sunnybrook) et que, par conséquent, il est assujetti à l'impôt. Plus précisément, la contrepartie que Holbrook Manor a reçue lors du transfert de sa participation d'un tiers de la propriété Sunnybrook était une participation dans une société en commandite et le montant de 374 500 $. L'intimée allègue que Holbrook Manor a reçu cette contrepartie immédiatement après le transfert de sa participation dans la propriété Sunnybrook à la société en commandite Sunnybrook.

[23] Je suis convaincu que les faits n'appuient pas la thèse de l'intimée. En revanche, la preuve appuie la thèse de l'appelant selon laquelle le montant de 374 500 $ reçu par Holbrook Manor ne représentait rien d'autre que le remboursement de l'avance qu'elle avait faite à la société en commandite Holbrook Associates pour le compte des commanditaires proposés. Cette avance a été faite par Holbrook Manor pour que les fonds suffisants soient disponibles à la date de conclusion de la transaction concernant la propriété Sunnybrook. Le document déposé relativement à la société en commandite Holbrook à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, annexe A, qui énumère tous les commanditaires et le commandité, confirme que les commanditaires proposés ont effectivement investi leurs fonds et sont devenus des commanditaires[24]. Alaudin Jamal (M. Jamal), qui était le comptable de l'appelant, de Holbrook Manor et de la société en commandite Holbrook Associates, et qui était chargé de dresser les états financiers de fin d'exercice, a également témoigné. Selon lui, le montant de 374 500 $ avancé à la société en commandite Holbrook Associates représentait un prêt à court terme de Holbrook Manor aux commanditaires proposés. Une fois l'argent versé par ces derniers, le montant en question a été considéré comme un excédent et un remboursement a été fait à Holbrook Manor. M. Jamal a déclaré dans le cadre de son témoignage qu'il avait ensuite traité le montant de 374 500 $ dans les livres comme s'il s'agissait d'un prêt à court terme. Le chèque pour ce montant ne pouvait pas figurer dans les états financiers de la société en commandite Sunnybrook parce que le paiement a été effectué par Holbrook Manor et non par la société en commandite Holbrook Associates. En outre, comme le paiement a été effectué par Holbrook Manor, le montant de 374 500 $ ne pouvait pas figurer non plus dans les états financiers de la société en commandite Holbrook Associates. Il n'a pas figuré non plus dans les états de fin d'exercice de Holbrook Manor puisqu'il a été et payé et remboursé au cours de cette période. Le témoignage de M. Jamal concorde avec celui de l'appelant relativement à la provenance des fonds en question et à la nature des paiements et des remboursements effectués.

[24] Un autre facteur étaye la thèse de l'appelant. Le montant de 374 500 $ ne pouvait être un retrait de fonds puisque le contrat de la société en commandite Sunnybrook interdisait expressément le retrait de fonds à la date de conclusion. Dans le même ordre d'idées, si Holbrook Manor avait retiré ce montant à la date de conclusion, Equitable aurait fait un retrait correspondant de 749 000 $ (2 x 374 500 $), comme ce fut le cas dans le cadre de la transaction portant sur la propriété du 90, avenue Eglinton. Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la thèse de l'appelant selon laquelle il y a de toute évidence des mouvements de fonds appuyé par la preuve documentaire est juste.

[25] Par conséquent, sur cette question, l'appel est admis.

Thèse de l'appelant - 90, avenue Eglinton est

[26] En ce qui concerne cette transaction, l'appelant fait valoir que le ministre a commis une erreur en tenant pour acquis que le paiement de 675 000 $ représentait la contrepartie payée aux termes de l'entente de roulement. Plus particulièrement, l'appelant soutient que les commanditaires de la société en commandite Holbrook Associates avaient convenu que Holbrook Manor aurait droit au montant de tout retrait de fonds que la société en commandite Holbrook Associates ferait conformément à l'accord consortial parce que c'est elle qui avait versé l'acompte de 500 000 $.

[27] L'avocat de l'appelant a renvoyé à l'affaire Haro Pacific Enterprises Ltd. v. The Queen[25], et il a indiqué que cette décision appuyait la proposition selon laquelle “ c'est uniquement lorsqu'il n'y a eu aucun apport en espèces à une société qu'un retrait de fonds sera réputé être une contrepartie du transfert de biens à une société conformément à une entente de roulement visée au paragraphe 97(2) ”. Il a indiqué ceci :

[TRADUCTION]

Les circonstances dans lesquelles la jurisprudence exige qu'un retrait de fonds fasse partie de la contrepartie versée dans le cadre d'un roulement sont très limitées. Plus précisément, lorsqu'un associé transfère un bien seulement à une société et qu'il reçoit en retour, peu de temps après le transfert, un paiement égal à la moitié d'un apport en espèces fait simultanément par un autre associé, la véritable nature commerciale et pratique de la transaction exige que le paiement fasse partie de la contrepartie du transfert du bien à la société.

[28] L'avocat de l'appelant a fait valoir que “ la société en commandite Holbrook Associates a retiré un montant de 675 000 $ de son compte de capital de la société en commandite 90, Eglinton, qu'elle a affecté exclusivement au bénéfice de Holbrook Manor ”. Pour cette raison, puisque Holbrook Manor détenait une participation de 32,5 p. 100 dans la société en commandite Holbrook Associates, le montant de l'investissement de fonds liquides de Holbrook Manor dans la société en commandite 90, Eglinton représentait 32,5 p. 100 du montant de 1 878 000 $ investi dans la société en commandite 90, Eglinton par la société en commandite Holbrook Associates, ou 610 350 $. D'après l'avocat, c'est le montant qui a réellement été investi par Holbrook Manor; par conséquent, le retrait de fonds ne devrait être réputé être la contrepartie d'un “ gain provenant d'un roulement par en arrière ” que dans la mesure où il est supérieur aux apports en espèces antérieurs du contribuable. Par conséquent, étant donné la véritable nature commerciale de l'opération, il faudrait soustraire 610 350 $ du montant de 675 000 $, de sorte que Holbrook Manor aurait reçu 64 500 $ en contrepartie du transfert de sa participation dans la propriété du 90, Eglinton en faveur de la société en commandite 90, Eglinton.

[29] L'avocat de l'appelant a soutenu ensuite que, si la Cour devait conclure que Holbrook Manor a conclu l'entente de roulement concernant le 90, Eglinton, avec la société en commandite 90, Eglinton pour son compte (c'est-à-dire en tant que fiduciaire de la coentreprise), Holbrook Manor, en tant que commanditaire de la société en commandite 90, Eglinton, a fait un retrait de fonds de 675 000 $ de son compte en capital de la société en commandite 90, Eglinton. Encore une fois, en vertu de sa participation de 32,5 p. 100 dans la société en commandite Holbrook Associates, Holbrook Manor a fait un apport de 610 350 $ à la société en commandite 90, Eglinton. Par conséquent, le résultat est le même, autrement dit, Holbrook Manor reçoit, en contrepartie du transfert de son droit de propriété dans la propriété du 90, Eglinton à la société en commandite 90, Eglinton, le montant de 64 500 $, soit un retrait de fonds de 675 000 $ moins l'investissement en espèces de 610 350 $.

Thèse de l'intimée

[30] En ce qui concerne la transaction relative au 90, Eglinton, l'intimée soutient que le paiement de 675 000 $ faisait partie du produit reçu par la coentreprise lors du transfert de sa participation dans la propriété du 90, Eglinton à la société en commandite 90, Eglinton et que, par conséquent, il est imposable. Subsidiairement, si le montant n'a pas été reçu en tant que produit lors du transfert, l'alinéa 85(1)b) de la Loi fait en sorte que le montant convenu est réputé être la juste valeur marchande de la contrepartie reçue par la coentreprise, c'est-à-dire 1 175 000 $, moins le prix de base rajusté de 500 000 $. Par conséquent, le gain en capital était de 675 000 $.

[31] L'intimée fait valoir que la preuve n'appuie pas la conclusion selon laquelle, pendant toutes les périodes pertinentes, Holbrook Manor agissait uniquement en tant que commandité de la société en commandite Holbrook Associates. L'avocate de l'intimée soutient que la société en commandite 90, Eglinton avait l'obligation de payer 675 000 $ chacun à Equitable et à Holbrook Manor lorsque les parties respectives en feraient la demande après la date de conclusion. L'avocate a soutenu également que tous les détenteurs d'unités de catégorie “ B ” de la société en commandite 90, Eglinton avaient le droit de retirer un montant total de 675 000 $ à leur discrétion, que ce montant avait été reçu en contrepartie de l'entente de roulement et qu'il ne constituait pas un retrait de fonds.

Conclusion

[32] La question à trancher est de savoir si le montant de 675 000 $, ou une partie de celui-ci, que Holbrook Manor a reçu de la société en commandite 90, Eglinton, était la contrepartie du transfert de sa participation dans la propriété du 90, Eglinton.

[33] L'appelant se fonde principalement sur le fait que, bien que Holbrook Manor ait agi initialement comme simple fiduciaire des coentrepreneurs lorsqu'elle est devenue le commandité de la société en commandite Holbrook Associates, elle n'a participé aux transactions subséquentes qu'à titre de commandité. Bien que l'appelant ait témoigné à cet effet (de façon générale, en répondant par l'affirmative à des questions suggestives de son avocat), cet argument n'a été appuyé par aucun autre témoignage ni aucun document pertinent. De plus, il est admis que Holbrook Manor était un simple fiduciaire dans l'intérêt bénéficiaire seulement des coentrepreneurs, dont l'un était l'appelant, et que, en tout temps, elle a agi comme simple fiduciaire des coentrepreneurs[26].

[34] L'appelant a soutenu que, le 30 juin 1988, la société en commandite Holbrook Associates a versé à Equitable le montant de 500 000 $ pour acheter la propriété du 90, Eglinton, et que les fonds provenaient de Holbrook Manor. Le fait est que, le 16 mai, Equitable a conclu un contrat d'achat de la propriété du 90, avenue Eglinton est. Peu après, Holbrook Manor a acquis la moitié de la participation dans le contrat d'achat de la propriété du 90, Eglinton, qui a été alors transférée à la société en commandite 90, Eglinton. Le montant de 500 000 $ provenait du compte de Holbrook Manor; il a été payé directement à Equitable et il a subséquemment fait l'objet d'un contrat de cession entre Equitable et Holbrook Manor[27]. La juste valeur marchande du prix du transfert payé par la société en commandite 90, Eglinton était de 2 350 000 $. Holbrook Manor avait droit à la moitié de ce montant, soit 1 175 000 $, lequel a été acquitté au moyen d'un billet à ordre de 500 000 $ et d'un crédit de 675 000 $ au compte de capital de Holbrook Manor dans la société en commandite 90, Eglinton. Les documents se rapportant à ces transactions établissent clairement que Holbrook Manor et Equitable étaient les vendeurs aux fins du contrat et les commanditaires titulaires d'unités de catégorie “ B ”, et il n'y a rien dans ces documents ni dans le contrat de société en commandite[28] qui appuie la prétention de l'appelant selon laquelle Holbrook Manor a agi en tant que commandité de la société en commandite Holbrook Associates.

[35] Pour sa part, la société en commandite Holbrook Associates a investi au total 2 553 000 $ dans la société en commandite 90, Eglinton. L'investissement consistait en 12 unités de catégorie “ A ” ayant une valeur de 1 878 000 $ et en quatre unités de catégorie “ B ” ayant une valeur de 675 000 $. Les unités de catégorie “ A ” ont été payées à l'aide du produit de la vente de la propriété Sunnybrook, qui s'élevait à 1 077 417 $, et d'un prêt de 800 583 $ consenti par Equitable. En tant que commandité de la société en commandite Holbrook Associates, Holbrook Manor détenait une participation de 32,5 p. 100 dans l'investissement de 1 878 000 $ fait par la société en commandite Holbrook Associates dans la société en commandite 90, Eglinton (c'est-à-dire les 12 unités de catégorie “ A ”), laquelle participation équivalait à 610 350 $.

[36] En outre, l'entente de roulement[29] prévoyait expressément que Holbrook Manor serait un commanditaire de catégorie “ B ” avec un apport réputé en capital de 675 000 $. Bien que le retrait de fonds final de 675 000 $ ait été imputé à la participation de la société en commandite Holbrook Associates dans la société en commandite 90, Eglinton, le fait est que le montant de 675 000 $ (moins 25 000 $ pour les frais juridiques) a été payé directement à Holbrook Manor. L'affirmation de l'appelant selon laquelle ce paiement a été ainsi fait simplement parce que la société en commandite Holbrook Associates n'avait pas de compte bancaire courant n'était ni convaincante ni déterminante pour ce qui est de la nature de la relation existant entre les parties.

[37] Conformément à l'entente de roulement concernant la propriété du 90, Eglinton, Holbrook Manor avait le droit de retirer 675 000 $ de la société en commandite 90, Eglinton. C'est le montant exact qui a été porté au crédit du compte de capital des unités de catégorie “ B ” de Holbrook Manor lors de la signature de l'entente de roulement. La société en commandite 90, Eglinton a payé la somme de 1 150 000 $ à Holbrook Manor approximativement 27 jours après la signature de cette entente. Le montant en question était constitué du billet à ordre de 500 000 $ et d'un retrait de fonds de 675 000 $ (moins 25 000 $ pour les frais juridiques). La seule conclusion logique est que ce montant a été payé en contrepartie du transfert de la propriété du 90, Eglinton. Il incombait à l'appelant de démontrer le contraire et, à mon avis, il ne s'est pas acquitté de cette charge. La prétention de l'appelant selon laquelle il existait une entente verbale entre les associés de la société en commandite Holbrook Associates selon laquelle Holbrook Manor aurait droit au montant de tout retrait de fonds effectué conformément à l'accord consortial parce qu'elle avait fait le dépôt de 500 000 $ n'est guère convaincante et elle n'est appuyée par aucun document pertinent ni aucun témoignage des autres associés de la société en commandite Holbrook Associates. Les transactions auxquelles les parties ont pris part étaient régies par des contrats de société complexes rédigés par leurs avocats respectifs. Il est difficile d'accepter la prétention de l'avocat selon laquelle les associés de la société en commandite Holbrook Associates ont simplement omis de mettre cette prétendue entente sur papier.

[38] Dans l'affaire Vantem Holdings Ltd. v. The Queen[30], une question semblable a été examinée par le juge Bell, de la C.C.I.. En conclusion, il a fait la remarque suivante :

La forme que prend l'opération dans son ensemble n'en masque pas le fond. Je conclus que les montants versés ou crédités à l'appelante en vue de réduire son “ compte capital ” constituaient en réalité des produits de disposition des actifs que cette dernière avait transférés à la société. [...]

Cette remarque s'applique également dans l'appel en l'instance.

[39] L'appel portant sur le roulement concernant la propriété du 90, Eglinton, est rejeté. Chaque partie assumera ses propres frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mai 1999.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 1er jour de mars 2000.

Mario Lagacé, réviseur

Annexe A

[Omise]



[1]               À la demande de l'appelant, l'intimée a admis certains faits. Par mégarde, ces faits n'ont pas été déposés en preuve dans l'instance, mais ils ont été mentionnés par les deux avocats à plusieurs reprises. Ils sont joints aux motifs du jugement, à l'annexe “ A ”.

[2]               Pendant toutes les périodes pertinentes, Zaar était contrôlée par M. N. E. Kanji. L'appelant et Zaar seront appelés collectivement les coentrepreneurs.

[3]               Contrat d'acquisition — pièce A-1, onglet 12.

[4]               Pièce A-1, onglets 3 et 4.

[5]               Pièce A-1, onglets 6 et 7.

[6]               Pièce A-1, onglets 8 et 9.

[7]               Contrat d'acquisition — Pièce A-1, onglet 12, par. 2.01; notice d'offre Holbrook Associates, pièce A-1, onglet 6; notice d'offre de SC Sunnybrook, pièce A-1, onglet 8; contrat de société en commandite, pièce A-1, onglet 9.

[8]               La part de Holbrook Manor de l'affectation au compte de capital était de 535 000 $ et la part d'Equitable était de 1 070 000 $.

[9]               Pièce A-1, onglets 13, 14, 15, 16, 20, 24 (annexe “ A ”).

[10]             Pièce A-1, onglet 20.

[11]             Pièce A-1, onglets 21 et 22; pièce A-2, onglets 56 et 65.

[12]             Contrat d'achat — pièce A-1, onglet 32; lettre relative à l'achat — pièce A-1, onglet 35.

[13]             Pièce A-1, onglet 34.

[14]             Pièce A-1, onglet 39.

[15]             Pièce A-1, onglet 38.

[16]             Pièce A-1, onglet 39.

[17]             L'acheteur, la société en commandite 90, Eglinton, a reconnu également que les montants qui étaient payables et qui ont finalement été payés conformément au billet à ordre en question représentent le remboursement du dépôt fait par Equitable et Holbrook Manor aux vendeurs conformément au contrat d'achat.

[18]             Cela est parfois appelé l'entente de “ roulement ” concernant la propriété du 90, Eglinton. Pièce A-2, onglet 41.

[19]             Pièce A-1, onglet 39, page 22.

[20]             Pièces A-2, onglets 49, 59-3, 61, et A-3.

[21]             Pièce A-2, onglet 57.

[22]             Pièce A-2, onglet 58.

[23]             Pièce A-2, onglet 63.

[24]             Pièce A-1, onglets 20 et 24.

[25]             90 DTC 6583; et MDS Health Group Limited v. The Queen, 97 DTC 5009, à la page 5011.

[26]             Faits admis, paragraphes 5 et 6.

[27]             Pièce A-1, onglet 38.

[28]             Pièce A-1, onglet 39.

[29]             Pièce A-2, onglet 41.

[30]             [1998] 1 C.T.C. 2821.

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