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Date: 20001103

Dossier: 97-1178-IT-G

ENTRE :

ROSS LLOYD MARTIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] Les appels portent sur des cotisations d'impôt établies pour les années d'imposition 1987, 1988 et 1989. Au moyen d'un accord écrit déposé au début du procès, les parties ont convenu que les questions à trancher étaient les suivantes.

Pour l'année 1987 :

1. L'appelant a vendu cinq maisons en rangée en copropriété. Le produit de la vente constitue-t-il un revenu ou un gain en capital?

2. L'appelant demande la déduction de gains en capital de 25 000 $.

3. Le ministre du Revenu national a établi une cotisation de 6 456 $ au titre d'un avantage conféré à un actionnaire.

4. Le ministre a inclus un montant de 43 206 $ dans le revenu de l'appelant relativement à la vente d'une maison en rangée située au 117, rue Gerrard Est, Toronto.

5. L'appelant prétend avoir le droit de reporter rétrospectivement une perte en capital nette de 50 666 $ pour l'année d'imposition 1988. Dans la nouvelle cotisation qu’il a établie, le ministre a refusé le report rétrospectif.

Pour l'année 1988 :

6. Le ministre a inclus un montant de 26 034 $ dans le revenu de l'appelant, soit le montant du bénéfice réalisé lors de la vente d'une maison en rangée située au 74, chemin Markville. Ce montant constitue-t-il un revenu ou un gain en capital?

7. Le ministre a établi une cotisation de 12 515 $ au titre de la récupération de la déduction pour amortissement relativement au 74, chemin Markville.

8. L'appelant demande la déduction d'une perte en capital déductible de 151 990 $ (2/3 x la perte en capital de 227 985 $).

Pour l'année 1989 :

9. L'appelant demande la déduction d'une perte en capital déductible de 211 183 $ (2/3 x la perte en capital de 316 775 $).

[2] Dans cette même entente écrite, le ministre abandonne ses prétentions relativement aux questions nos 3 et 4, l'appelant admet avoir réalisé un bénéfice lors de la vente du 74, chemin Markville, mais il soutient qu'il s'agit d'un gain en capital, et il accepte d'être assujetti à une récupération de la déduction pour amortissement. Le règlement des questions nos 2 et 5 est tributaire de l'issue des autres questions. Les questions nos 1, 6, 8 et 9 restent à trancher.

La vente des maisons en rangée

[3] L'appelant est courtier immobilier. Pendant de nombreuses années, il a exploité son entreprise par le truchement d'un certain nombre d'entités commerciales. Sa principale activité consistait à vendre, à commission, des maisons construites sur de nouveaux lotissements. Il tirait de cette activité un revenu substantiel, qu'il réinvestissait en grande partie dans ses entreprises. En plus d'exploiter ses entreprises de vente immobilière, il a de temps à autre acquis une participation minoritaire dans certains projets de construction résidentielle réalisés par des constructeurs avec lesquels il avait déjà fait affaire. D'ordinaire, il investissait dans un projet afin que sa société obtienne le contrat de vente des maisons construites. Dans ces cas-là, il ne participait pas à la gestion des sociétés de construction ou des projets que celles-ci réalisaient.

[4] Au début des années 1980, l'épouse de l'appelant a appris qu'elle souffrait d'une maladie mortelle. L'appelant lui a promis d'assurer la sécurité financière de leurs enfants. Il a cherché divers moyens de tenir sa promesse. Comme il connaissait bien le marché des biens immeubles à usage d'habitation, qui était généralement considéré comme un marché sûr, il a décidé d'investir dans des biens immobiliers producteurs de revenu. Il a ainsi fait l'acquisition de 21 maisons en rangée dans des immeubles résidentiels à logements multiples (IRLM). Ces immeubles faisaient partie d'un projet réalisé par une société appelée 565477 Ontario Limited, dont Ross Lloyd Martin Enterprises Limited détenait 25 p. 100 des actions. M. Martin a acheté ces maisons presque totalement avec de l’argent emprunté. Il prévoyait qu'elles commenceraient à lui rapporter un revenu dans une dizaine d'années, soit lorsqu'il aurait besoin de rentrées d'argent pour payer les études de ses enfants. Entre-temps, il allait subir des pertes, qu'il comptait utiliser à son avantage sur le plan fiscal. La preuve a établi que les immeubles en question se trouvaient dans un projet de grande qualité situé dans un secteur de choix, et que l'appelant en avait fait l'acquisition uniquement dans le but de disposer d'une source de revenu plus tard, pour subvenir aux besoins de ses enfants qui grandissaient. La preuve n'a pas permis d'établir de façon précise quand l'appelant avait acheté les maisons, mais il semble que ce soit au cours des années 1982 à 1984.

[5] Certaines des autres entreprises de l'appelant n'ont malheureusement pas eu autant de succès et, dans les années 1986, 1987 et 1988, la banque a exercé de fortes pressions pour qu'il réduise le solde impayé des marges de crédit qu'elle avait consenties à ses diverses entreprises. Les IRLM sont devenus rapidement les seuls actifs dans lesquels il avait suffisamment de capital investi pour réunir les sommes dont il avait besoin, et son comptable, M. Rossi, l'a informé à de nombreuses reprises qu'il allait devoir liquider les IRLM pour satisfaire aux exigences de la banque. L'appelant a clairement précisé à M. Rossi que les IRLM devaient être vendus en dernier recours seulement, et uniquement afin de satisfaire aux exigences auxquelles il était impossible de satisfaire autrement. Quoi qu'il en soit, 15 maisons ont été vendues entre les mois de mars et décembre 1986, cinq autres en 1987, et la dernière, soit la propriété sise au 74, chemin Markville, en 1988.

[6] La valeur des biens immeubles à usage d'habitation ayant beaucoup augmenté durant la courte période où l'appelant a été propriétaire des maisons, celles-ci ont été vendues beaucoup plus cher que ce qu'elles avaient initialement coûté. La vente de cinq maisons en 1987 et d'une autre en 1988 a généré des bénéfices de 194 736 $ et 26 034 $, respectivement. Compte tenu de la nature de l'entreprise de l'appelant, des actions qu'il possédait dans la société ayant réalisé le projet, des achats financés totalement par emprunt et de la période somme toute assez courte durant laquelle il a été propriétaire des maisons, il ne faut pas se surprendre que le ministre ait établi une cotisation dans laquelle il considérait que ces bénéfices constituaient un revenu. En dépit de cela, j'ai conclu que l'appelant avait acheté les maisons en rangée à des fins de placement et qu'il les avait vendues uniquement à cause des pressions que la banque exerçait sur lui, et en dernier recours seulement.

[7] Lors du contre-interrogatoire, l'avocat de l'intimée n'a pas interrogé l'appelant sur les motifs de son investissement initial. Il s'est employé à démontrer que l'appelant disposait d'autres actifs qu'il aurait pu utiliser pour satisfaire la banque, mais j'accepte le témoignage de M. Rossi selon lequel l’appelant n'avait pas suffisamment de capital investi dans ces actifs, et j'accepte le témoignage de l'appelant selon lequel il a vendu les IRLM bien malgré lui. L'intimée n'a pas invoqué d'intention secondaire. Dans sa plaidoirie, elle s’est contentée d’inviter la Cour à ne pas accorder foi aux propos de l'appelant. J'accepte le témoignage de l'appelant sur cette question, et je conclus qu'il a acheté les IRLM dans le seul but de les détenir à long terme, et qu'il les a vendus uniquement parce qu'il s'est inopinément trouvé dans l'obligation de renflouer ses autres entreprises. L'appelant obtient donc gain de cause sur la question no 1, ainsi que sur la question no 2, qui en découle, de même que sur la question no 6.

Les pertes en capital

[8] Les pertes en capital que l'appelant prétend avoir subies dans les années d'imposition 1988 et 1989 résulteraient de certains placements immobiliers faits aux États-Unis, plus particulièrement de paiements effectués pour honorer certaines garanties de prêt données relativement à ces placements. Les paiements se divisent en deux catégories : il y a, d'une part, les montants versés aux avocats chargés d'assurer sa défense dans le cadre d'actions intentées en vue de faire honorer les garanties, et, d'autre part, les sommes versées aux créanciers par suite du règlement à l'amiable de ces actions.

[9] Au cours des années pertinentes, les entreprises de l'appelant étaient exploitées par un certain nombre de personnes morales. 695542 Ontario Limited (695) était une société de portefeuille ayant deux catégories d'actions. L'une des catégories était détenue entièrement par 694978 Ontario Limited (694), et l'autre, par Ross Lloyd Martin Family Trust (la fiducie). Toutes les actions de 694 étaient détenues par l'appelant personnellement. La fiducie avait été établie au profit des enfants de l'appelant. Même si la preuve produite relativement à la nature des deux catégories d'actions de 695 détenues par 694 et par la fiducie était loin d'être claire, je suis convaincu qu'elles ont toutes deux rapporté des bénéfices. Aucune preuve n'a été fournie quant à l'identité des fiduciaires.

[10] 695 détenait la totalité des actions de Splendorbranch Investments Limited (Splendorbranch), ainsi que la totalité des actions de Alpha-Mar Corporation (Alpha-Mar), qui détenait pour sa part la totalité des actions de Genesis Investment Inc. (Genesis). Il semble qu’Alpha-Mar et Genesis étaient des sociétés américaines. Genesis détenait une participation de 20 p. 100 dans Orion Partnership (Orion). Les autres associés d'Orion étaient Mohammad Safdar, Robert T. Sims, Ken Shamburger et William J. Shepherd Jr., qui détenaient chacun une participation de 20 p. 100[1].

[11] Enchanted Bays Section Four Joint Venture (Enchanted Bays) a été créée par Orion (62,5 p. 100), Frank Vecera (12,5 p. 100) et Palmnold-McMillan Joint Venture[2] (25 p. 100). Orion a été créée en juillet 1984 et Enchanted Bays, peu de temps après, dans le but d'aménager une parcelle d'environ 22,5 acres près de Houston, au Texas, à des fins résidentielles et autres fins connexes. Les associés de l'appelant aux États-Unis n'ont pas tardé à faire pression sur lui pour qu'il investisse davantage de fonds dans Orion. Le projet nécessitait l'investissement de sommes considérables et, selon la pièce A-12, en février 1988, le capital investi par l'appelant dans Orion dépassait de quelque 900 000 $ la participation exigée aux termes du contrat de société.

[12] La coentreprise a retenu par contrat les services de Lone Star Contracting Corporation (Lone Star) du Texas pour effectuer du travail de terrassement et d'autres travaux semblables. En juin 1986, la somme qu’Enchanted Bays devait à Lone Star aux termes de ce contrat s'élevait à 1 518 286 $; elle a été garantie au moyen d'un billet à ordre établi au même montant par Enchanted Bays en faveur de Lone Star, et garanti par MM. Sims, Shamburger et Safdar et l'appelant lui-même. En mai 1987, Lone Star a intenté une poursuite devant la Cour de district du Texas, exigeant le paiement des sommes dues aux termes du contrat, le billet à ordre et les garanties, et a désigné la totalité des coentrepreneurs, dont l'appelant et Genesis, à titre de défendeurs. Elle a également intenté une action contre l'appelant et Genesis devant la Cour de l'Ontario. L'appelant a donné pour instructions à son avocat de contester énergiquement pour son compte et pour le compte de Genesis les actions intentées au Texas et en Ontario. De nouveau, la preuve manque de clarté, mais il semble qu'aucun des autres associés n'a pris de mesure pour contester les actions. Il n'y a pas de quoi se surprendre, parce qu'à ce moment-là, ils étaient, semble-t-il, à l'abri de tout jugement. En octobre 1989, Lone Star et l'appelant en sont venus à une entente à l'amiable. Aux termes de celle-ci, les défendeurs devaient verser 425 000 $ (US) en un certain nombre de versements, le premier, de 200 000 $, devant être fait au plus tard le 13 octobre 1989, le deuxième, de 50 000 $, le 3 janvier 1990, et les autres, de 5 833,33 $ chacun, mensuellement, à compter du 2 février 1990. L'appelant a fait valoir qu'il avait payé la moitié des frais judiciaires exorbitants engagés pour contester ces actions, ainsi que la moitié des premier et deuxième versements prévus dans le règlement à l'amiable. C'est de ces montants, ainsi que des frais judiciaires engagés pour contester les actions intentées dans le but de faire honorer deux garanties qu'il avait données à l’InterFirst Bank Fort Worth, N.A. Fort Worth, Texas, que l'appelant a demandé la déduction à titre de pertes en capital subies en 1988 et 1989. Les garanties d’InterFirst se rapportent à l'achat d'un bien-fonds par Park Lake Joint Venture, à laquelle participait l'appelant.

[13] L'appelant soutient avoir payé les montants qui constituent les pertes dont il demande la déduction en raison du fait que les paiements destinés aux avocats et aux demandeurs aux États-Unis ont initialement été effectués au moyen de chèques émis par Genesis Marketing Organization Limited (GMO), et que la moitié des montants versés par cette dernière ont été imputés à Splendorbranch, et l'autre, à l'appelant, par le truchement de son compte de prêt. L'appelant prétend avoir un droit de subrogation contre ses associés américains, dont les dettes ont été éteintes, ou à tout le moins réduites, grâce à ces paiements. Les autres associés étaient tous insolvables à la fin de l'année 1998, et c'est pourquoi l'appelant est réputé, aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, avoir disposé de leurs créances sans contrepartie aucune à la fin de l'année. GMO était l'une des sociétés canadiennes par le truchement desquelles l'appelant exploitait son entreprise de courtage immobilier, et elle a vraisemblablement été choisie pour effectuer les paiements parce qu'elle avait des liquidités qui lui permettaient de le faire.

[14] L'intimée n'est pas d'accord avec un certain nombre d'éléments de la thèse de l'appelant, mais je dois uniquement me pencher sur l'un de ces éléments. L'avocat de l'intimée n'a pas véritablement contesté l'affirmation selon laquelle les montants de 374 371,12 $ et 316 775,43 $ avaient été versés par GMO aux différents avocats au cours des années 1988 et 1989, aux termes de l'entente négociée avec Lone Star. Il a cependant énergiquement contesté l'affirmation de l'appelant selon laquelle la moitié de ces montants avaient été remboursés à GMO par imputation sur le compte de prêt de l'appelant. Une des hypothèses sur lesquelles sont fondées les cotisations dont il est interjeté appel est celle qui est plaidée au paragraphe 8 de la réponse :

[TRADUCTION]

8 (vii) l'appelant n'a pas honoré les garanties;

(viii) l'appelant n'a pas engagé les présumés frais juridiques au cours des années d'imposition 1988 ou 1989;

Après un examen attentif de la preuve, j'ai conclu que l'appelant n'avait pas réussi, selon la prépondérance des probabilités, à infirmer ces deux hypothèses, et qu'il ne pouvait donc pas obtenir gain de cause sur cette question.

[15] L'appelant a appelé comme témoin M. Peter Douglas Holt, C.A., un associé dans le cabinet de comptables agréés Hilborn Ellis Grant. Au cours des années 1988 et 1989, le groupe de sociétés de l'appelant avait un service interne de comptabilité qui s'occupait de la tenue de livres et de la gestion financière quotidiennes. Hilborn Ellis Grant avait été engagée pour effectuer la vérification des opérations des différentes sociétés du groupe et pour régler les questions fiscales pour le compte de l'appelant et de ses sociétés. M. Holt avait commencé sa carrière dans le cabinet comme étudiant, au début des années 1980. En 1988, il était devenu stagiaire comptable agréé, et avait entre autres pour tâche d'effectuer la vérification des opérations du groupe de sociétés Martin.

[16] M. Holt a témoigné que les documents de travail pour les années visées par l'appel n'étaient pas disponibles, ayant été détruits au bout de six ans, comme c'est la pratique au cabinet. Cela me semble incroyable, si l'on tient compte du fait que le cabinet savait que l'appelant avait interjeté appel de la cotisation devant la Cour de l'impôt relativement à ces deux années et que les appels n'avaient pas encore été réglés. Cependant, j'accepte le témoignage de M. Holt à ce sujet, et je n'attribue aucune responsabilité à l'appelant en ce qui concerne les documents de travail manquants. M. Holt a ensuite été appelé à témoigner au sujet des opérations en cause. Il a reconnu des photocopies d'imprimés de certaines pages du grand livre de GMO pour chacune des années 1988 et 1989. Y figuraient un compte no 1510 appelé “ Orion Partnership ”. Le témoin a expliqué que les montants versés aux avocats, pour contester les actions intentées aux États-Unis, et aux demandeurs, pour régler à l'amiable, avaient été imputés sur ce compte au cours de chacune des années 1988 et 1989. Il a également reconnu une photocopie presque illisible d'un tableau qu'il avait lui-même préparé à la fin de l'année 1988. Ce tableau servait à deux choses : convertir les montants imputés en dollars américains — car c'est ainsi que le compte était tenu — sur le compte Orion en dollars canadiens, en incluant l'écart dû au taux de change dans le total partiel à la fin de chaque mois; diviser par deux le total, à la fin de l'année, des montants imputés. On procédait de la sorte, a-t-il dit, afin d'imputer la moitié du solde à Splendorbranch et l'autre moitié à l'appelant dans le cadre des redressements de fin d'année. Voici ce qu’il a dit à cet égard au cours de l’interrogatoire principal :

[TRADUCTION]

Q. Le tableau qui se trouve à la dernière page de l'onglet 15, savez-vous qui l’a préparé?

R. C'est moi.

Q. Vous pouvez donc expliquer à la Cour ce que contient ce tableau, et surtout indiquer ce que signifient les mots “ part de M. Martin ”, ainsi que la mention 50 p. 100, que vous avez écrits au bas de la page. Pouvez-vous donner des précisions à ce sujet?

R. Eh bien, il semble que, dans le cadre de la réattribution du compte, 50 p. 100 a été attribué à M. Martin et 50 p. 100 — je crois que l'autre 50 p. 100 a été attribué à Splendorbranch Investments.

Q. Donc, le total est — qu'est-il écrit? C'est 227 000, n'est-ce pas?

R. Cela représente, je suppose, la part de M. Martin.

Q. Donc —

R. Après avoir tenu compte de l'écart dû au taux de change.

Q. Après avoir tenu compte de l'écart dû au taux de change, d'accord. Donc, le montant de 227 985,50 $ correspond à la part de M. Martin. Maintenant, qu'entendez-vous par “ la part de M. Martin ”?

R. Eh bien, cela signifie que c'est le montant qui aurait été imputé sur le compte d'actionnaire de M. Martin[3].

[17] Il s'agit en l'occurrence de supputations de la part de M. Holt, que, par la suite, il s'est montré disposé à convertir en affirmations, en réponse à des questions suggestives de l'avocat. Je suis convaincu qu'il ne se rappelait pas du tout que ce montant de 227 985,50 $ avait été débité du compte d'actionnaire de l'appelant. En fait, il n'a pas été établi qu'il avait effectué quelque écriture de redressement que ce soit à la fin de 1988. Compte tenu du nombre d'années qui se sont écoulées depuis, il n'est pas surprenant qu'il ne se rappelle plus rien.

[18] En ce qui concerne l'année 1989, les souvenirs de M. Holt étaient tout aussi vagues. Dans les pages tirées du grand livre général de cette année-là figurent le compte no 1085 Splendorbranch Investments ainsi que le compte Orion. Dans ce dernier compte, deux montants de 316 775,45 $ chacun ont été inscrits au crédit à la fin de l'année. Une des écritures est accompagnée de la mention “ imputé à Splendorbranch ”, et l'autre, “ imputé à “ s/hy ” ”. Étant donné que le compte Splendorbranch est inclus dans la pièce, il est possible de vérifier si un montant correspondant de 316 775,45 $ a été inscrit au débit de ce compte au 31 décembre, avec la mention “ paiements à Orion pour 1989 ”. De nouveau, ni l'entrée dans le journal ni le compte du grand livre général dans lequel l'autre montant de 316 775,45 $ a été inscrit n'a été produit en preuve. En fait, l'appelant n'était pas lui-même un actionnaire de GMO au 31 décembre 1988 ou 1989. Son groupe de sociétés a été restructuré en 1987, à la suite de quoi toutes les actions de GMO sont devenues la propriété de 695 et toutes les siennes, celle de 694 (1 000 000 d'actions de catégorie A) et de la fiducie (100 actions ordinaires)[4]. Interrogé à ce sujet, M. Holt a indiqué qu'il s'agissait probablement d'un compte d'administrateur et non pas d'un compte d'actionnaire, puisque M. Martin, même s'il avait cessé d'être actionnaire, aurait continué d'être administrateur.

[19] M. Albert Rossi, C.P.A., a également témoigné sur cette question. Il occupait un poste de vérificateur dans le cabinet Hilborn Ellis Grant au début des années 1980. En 1984, il a quitté le cabinet pour devenir contrôleur et vice-président des finances du groupe de sociétés de M. Martin, poste qu'il a occupé jusqu'à son départ pour le Texas en 1990. C'est lui qui était responsable de la tenue des registres et de l'établissement des états financiers des sociétés du groupe Martin en 1988 et 1989. Manifestement, il se rappelait très bien les problèmes financiers que M. Martin et ses sociétés avaient éprouvés à la fin des années 1980 en raison, en partie du moins, de l'effondrement du marché de l'immobilier au Texas. Il se souvenait des actions qui avaient dû être contestées et se rappelait qu'il lui avait fallu trouver des fonds pour payer les cabinets d'avocats engagés à cette fin. C'est sur sa recommandation, a-t-il déclaré, que M. Martin avait décidé d'attribuer la moitié des frais à lui-même et l'autre moitié à Splendorbranch. C'est aussi sur sa recommandation qu'une prime suffisante était versée à M. Martin chaque année pour ramener à zéro tout solde débiteur dans son compte de prêt à la fin de l'année. Au cours de sa preuve en interrogatoire, l'échange suivant a eu lieu :

[TRADUCTION]

Q. Très bien. Donc, vous faisiez une écriture puis vous réattribuiez 50 p. 100 du compte total à M. Martin et 50 p. 100 à Splendorbranch?

R. C'est ce que nous faisions, oui.

Q. Lorsque je dis réattribuiez à M. Martin, que voulez-vous dire — à quel compte précisément par opposition à la part de M. Martin?

R. Dans Genesis Marketing, M. Martin avait un compte d'actionnaire dont le solde créditeur était toujours très élevé. Chaque année, nous versions une prime à M. Martin. Et, parce que ce montant était versé en argent, nous étions toujours à court de liquidités, nous avions toujours besoin de capital, et M. Martin prêtait l’argent qu’il avait reçu à la société. Dans les livres de Genesis Marketing, il y avait donc un solde créditeur élevé, qui était dû à l'actionnaire; c'était une dette envers l'actionnaire et il s'agissait d'un chiffre.

L'écriture que je faisais — je débitais ce compte pour ramener en fait le solde à zéro, et je créditais — pardon, je créditais ce compte et inscrivais au débit du compte d'actionnaire de M. Martin la moitié des dépenses de l'année.

Q. Laissez-moi vous montrer les états financiers de la société. Voici la pièce A-3, Monsieur le juge. La pièce A-3 et la pièce A-2, soit les états financiers vérifiés de Genesis Marketing Organization Limited.

LE TÉMOIN : Pour les années 1988, 1989?

M. MORRIS : Q. Oui.

R. Oui, il s'agit des états vérifiés de Genesis pour l'année 1988 et pour l'année 1989.

Q. Bon, vous dites que le compte de prêt de M. Martin avait un solde créditeur élevé?

R. Oui. Le solde créditeur du compte de prêt était normalement élevé.

Q. En était-il ainsi à la fin de l'année?

R. Pour être plus précis, de quelle année parlez-vous? Parce que tout est par année.

Q. D'accord. Eh bien, examinons l'année 1988; lorsque vous examinez les états financiers, vous indiquent-ils si le solde créditeur du compte de M. Martin — de son compte de prêt — était élevé?

R. Non, en 1988, ils indiquent qu'il n'y avait aucun solde dû à M. Martin.

Q. D'accord. M. Martin devait-il de l'argent à la société?

R. Non, ils n'indiquent pas non plus que des sommes sont dues.

Q. Bon, comment cela s'articulait-il alors? Pourquoi y avait-il — comment était-ce possible? Vous avez dit que vous imputiez les frais sur son compte de prêt. Comment pouvait-il n'y avoir aucun solde dû ou payable?

R. À la fin de chaque année, nous versions à M. Martin une prime qui, certaines fois, servait à réduire l'impôt payable par la société, et, d'autres fois, à ramener son compte à zéro, tout au plus. Donc, nous utilisions la prime à cette fin, nous lui versions une prime sur laquelle il payait de l'impôt à titre personnel de façon à ce que le compte d'actionnaire n'indique pas de solde débiteur.

Q. J'ai ici les déclarations de revenu de M. Martin des années 1987, 1988 et 1989. Monsieur le juge, elles se trouvent dans le recueil de l'intimée, aux onglets 1, 2 et 3, je crois. Donc, M. Rossi, vous avez indiqué que la société versait une prime à M. Martin?

R. Oui.

Q. Donc, pourriez-vous m'indiquer où il est fait mention de cette prime dans sa déclaration de revenu personnelle ou alors où je pourrais trouver une mention de cette prime dont vous parlez?

R. Certainement. M. Martin recevait un chèque de paie, comme tout autre employé, de Ross Lloyd Martin Enterprises. Il recevait un T4 au titre de cette paie. Dans le cas de Genesis Marketing — nous n'avions pas de compte de retenues sur la paie pour Genesis Marketing, seulement pour M. Martin. Ainsi, nous lui remettions un T4, que nous établissions de concert avec les vérificateurs à la fin de l'année. Ainsi, si vous jetez un coup d'oeil à la déclaration de revenu, si vous regardez au —

Q. Vous examinez la déclaration de revenu de 1987?

R. Oui, celle de 1987. Je vais juste vérifier où se trouve le T4 Sommaire. Bon. Il y a — c'est à la page 28. Et si vous regardez — c'est un T4 Sommaire.

Q. Laissez-nous le temps de nous reporter à la page 28. Comment savez-vous — oh oui, c'est écrit au crayon, dans le coin inférieur droit. Oui.

R. À la page 28, on peut lire —

Q. C'est quoi, ce tableau?

R. C'est un sommaire de ses T4 et vous verrez qu'il a — la Ross Lloyd Martin Enterprises, c'est la paie qu'il recevait de façon courante comme tout autre employé.

Q. C'est 120 000?

R. 120 000. Et dans Genesis Marketing, vous allez voir un T4 de 316 000 $. Ce doit être la prime versée cette année-là.

Q. Avez-vous — prépariez-vous un chèque de 316 000 $ pour M. Martin?

R. Nous n'avions pas d'argent pour cela.

Q. Avez-vous rédigé un chèque de 316 000 $ pour M. Martin?

R. Non, nous ne l'avons pas fait.

Q. Comment consigniez-vous de tels éléments dans les livres? Vous ne rédigiez pas de chèque, alors comment comptabiliseriez-vous ce montant de 316 000 $?

R. Je procéderais exactement comme quand nous payions des dépenses en son nom. J'inscrirais la dépense salariale de 316 000 $ au débit dans les livres de Genesis Marketing et j'inscrirais le montant de 316 000 $ au crédit dans le compte de l'actionnaire.

Q. Ah bon, ne vous trouviez-vous donc pas alors à compenser le montant que vous lui aviez imputé?

R. Tout à fait.

Q. Je vois. Pouvez-vous vous reporter maintenant à l'onglet 2 de l'année 1988, ainsi qu'à l'onglet 3 de l'année 1989, et nous expliquer les écritures qui ont été faites à ce moment-là?

R. En 1988, aucune prime n'a été déclarée pour M. Martin.

Q. D'accord.

R. Ça semble être uniquement le salaire qu'il touchait régulièrement de Ross Lloyd Martin Enterprises, 120 000, et sa déclaration de revenu indique seulement un montant de 130 000 $. Il n'y a donc pas eu de prime, il n'a pas été nécessaire de verser une prime en 1988.

Q. D'accord. Quel était l'état — quel était le solde de son compte de prêt à la fin de 1988? Je vous demanderais simplement de vous reporter de nouveau à l'état financier. Je ne sais pas si vous vous en rappelez, mais vous pouvez y jeter un coup d'oeil.

R. En 1988?

Q. Oui.

R. Je ne vois aucun solde payable par M. Martin en 1988.

Q. Quel serait — dans le cadre de l'examen du compte de prêt de M. Martin, c'est quelque chose qui serait fait de concert avec les vérificateurs, est-ce que —

R. La procédure de vérification consisterait à établir un sommaire de toutes les opérations effectuées dans le compte de M. Martin; on dresserait un tableau. Je le dresserais moi-même, les vérificateurs le vérifieraient, et l'associé responsable l'examinerait avec M. Martin.

Il faut se rappeler qu'il y avait un montant de 316 000 $, quel que soit le montant imputé pour 1988, que nous devions déclarer comme ayant été imputé sur ce compte.

Q. Si le compte de M. Martin indiquait un solde débiteur, ce qui voulait dire qu'il devait de l'argent à la compagnie, que faisiez-vous?

R. Je lui versais une prime de façon qu'il n'ait pas — qu'il n'y ait pas de solde débiteur dans les livres. Ma préoccupation a toujours été que nous nous conformions aux règles établies par Revenu Canada. C'est pourquoi j'ai décidé — c'est pourquoi nous avons décidé, pas moi — je dis toujours “ moi ”, mais en réalité, ce n'est pas juste moi, il y avait aussi l'associé en vérification, Jack Hilborn, qui était un bon ami de M. Martin, et nous travaillions ensemble.

Mais nous ne voulions rien faire qui serait — qui pourrait être contesté par Revenu Canada. Nous sommes au courant des pénalités, et, savez-vous, à quoi bon faire quelque chose et se retrouver avec un solde débiteur relativement auquel des pénalités et des intérêts seront imposés par la suite et qui sera considéré comme une part. Vous savez, ils traiteraient cela comme un salaire.

Vous pourriez tout aussi bien vous contenter de déclarer une prime et de payer l'impôt exigible, et en finir avec ça.

Q. En 1989, maintenant, en 1989, M. Martin a également déclaré une perte en capital. Une prime a-t-elle été déclarée — nous reviendrons sur la manière dont elle a été créée. Y a-t-il eu une prime? Ou que s'est-il alors passé en 1989?

R. En 1989, le revenu total de M. Martin s'élevait à 616 000 et il semble que le revenu provenait de Ross Lloyd Martin Enterprises —

Q. À quelle page êtes-vous?

R. À la page 15. Le revenu provenant de Ross Lloyd Enterprises était de 140. Je ne peux lire le chiffre. Je n'arrive pas à lire le reste des chiffres, mais c'était environ 140 000. Et la société 698042 avait un T4 sur lequel figurait le montant de 463 050 $, qui serait la prime qui a été calculée pour cette année-là[5].

[20] Les états financiers de GMO pour les années 1986, 1988 et 1989 (les chiffres comparatifs pour l'année 1987 étant inclus dans les états de 1988) ont été produits en preuve par l'intimée. Ils indiquent qu'au 31 décembre 1986, le solde dû aux actionnaires était de 326 065 $[6], et que le solde dû à un administrateur a été réduit du même montant au cours de l'année 1987[7]. Pour les années 1988 et 1989, l'état de l'évolution de la situation financière n'indique aucun changement des montants dus aux actionnaires ou aux administrateurs, et les bilans ne font état d'aucun solde en fin d'année dû aux actionnaires ou aux administrateurs, ou payables par ceux-ci. À titre d'explication, les témoins de l'appelant ont affirmé que les montants dus aux administrateurs, ou payables par ceux-ci, étaient demeurés inchangés et que le solde du compte de prêt en fin d'année pouvait être nul chaque année si le total de tous les montants imputés sur le compte au cours de l'année était exactement compensé par une prime du même montant portée au crédit du compte en fin d'année. En d'autres termes, si les montants des débits et des crédits durant l'année étaient égaux, cela cadrait avec les états financiers.

[21] Les déclarations personnelles de revenu de M. Martin pour les années 1987, 1988 et 1989 ont également été produites en preuve par l'intimée. Elles indiquent que M. Martin a reçu une prime de 316 000 $ de GMO en 1987, qu'il n'en a reçu aucune en 1998 et qu'il en a reçu une de 463 050 $ en 1999, non pas de GMO, mais de 698042 Ontario Limited, une société détenue à 100 p. 100 par la fiducie créée pour les enfants de l'appelant. Aucun des témoins n'a affirmé qu'une prime versée à M. Martin par une société autre que GMO avait été portée au crédit du compte de prêt de GMO. On n’a produit aucune preuve établissant un lien entre la prime versée à l'appelant par 698042 Ontario Limited en 1989 et le compte Orion, ou un compte de prêt d'actionnaire ou d'administrateur dans GMO; et je n'ai pas non plus réussi à trouver de tel lien. L'échange qui suit est représentatif du témoignage vague et truffé d'hypothèses de M. Rossi sur cette question :

[TRADUCTION]

M. LE JUGE : Il y a deux choses que vous pourriez éclaircir pour moi juste avant que Me Morris procède à votre réinterrogatoire.

Je lis dans mes notes que vous avez dit plus tôt au cours de votre témoignage que le solde créditeur de M. Martin dans le compte de prêt de l'actionnaire de Genesis était demeuré élevé pendant toute la période en cause. Est-ce bien cela?

LE TÉMOIN : Eh bien, je me fondais pour dire cela — j'examine son crédit — si vous examinez l'état financier, vous constatez qu'en 1986 le solde créditeur dans son compte est élevé. Si vous examinez ensuite les primes qu'il a reçues au cours des trois années subséquentes, vous arrivez à plus de 1 000 000 $ en prime. Et je ne peux imaginer — c'est peut-être parce que le compte d'actionnaire de M. Martin ne se trouve pas là. Peut-être se trouvait-il dans la société à dénomination numérique, mais il ne pouvait pas y avoir de solde débiteur. C'est ça que je dis.

M. LE JUGE : Mais si son compte indiquait un solde créditeur, la société lui doit de l'argent.

LE TÉMOIN : Oui.

M. LE JUGE : Comment ramenez-vous ce solde à zéro en lui versant une prime, ce qui oblige la société à lui donner plus d'argent?

LE TÉMOIN : Elle a peut-être été inscrite dans les livres d'une autre compagnie par après. Dans cette restructuration, vous constateriez peut-être que le compte de l'actionnaire se trouve dans une autre société.

M. LE JUGE : Bien entendu, nous ne pouvons le constater parce que nous ne l'avons pas; c'est bien cela?

LE TÉMOIN : Oui[8].

[22] Dans son témoignage sur les écritures faites en fin d'année afin, a-t-il dit, d'imputer à M. Martin la moitié des paiements effectués aux avocats et aux demandeurs américains, M. Rossi, à l'instar de M. Holt, ne s'est pas appuyé sur les faits dont il connaissait l'existence, mais plutôt sur ce qui, selon lui, aurait dû s'être produit. Son témoignage n'est pas étayé par les états dont il a supervisé la préparation à l'époque ni par les renseignements inscrits dans les feuillets T4 annexés aux déclarations de revenu de l'appelant.

[23] Les témoignages de MM. Holt et Rossi, sur la question cruciale des écritures faites en fin d'année dans le but, ont-ils déclaré, d'imputer sur le compte de prêt de l'appelant les montants compris dans la perte en capital dont l'appelant demande la déduction, s'appuyaient de toute évidence sur leur interprétation des renseignements contenus dans les pages tirées du grand livre se rapportant au compte Orion, et non pas sur ce qu'ils savaient personnellement de la situation. Les deux témoins ont fondé leur témoignage bien plus sur des suppositions que sur des souvenirs. Dans les pages tirées du grand livre de GMO pour les deux années, on ne trouve manifestement aucune trace du compte de prêt de l'appelant sur lequel les montants ont censément été imputés.

[24] Seul l'appelant a expliqué, dans le cadre de son témoignage, pourquoi cette partie on ne peut plus pertinente du grand livre n'avait pas été produite. Voici sa preuve en interrogatoire sur cette question :

[TRADUCTION]

Q. Et hier matin, vous avez entendu M. Holt affirmer que les livres et les registres de la société se rapportant au groupe de sociétés avaient été détruits, a-t-il dit, en conformité avec la procédure établie. Quand avez-vous appris que les livres et les registres de votre groupe de sociétés avaient été détruits?

R. Quand nous — je dirais il y a un an environ. Il y a un an, nous nous sommes présentés devant la Cour et l'audience a été reportée au mois de février. Et en février, ou plutôt avant le mois de février, nous avons commencé à nous préparer et c'est alors que nous avons découvert qu'ils avaient été détruits. Et ensuite, après février, le délai a été prolongé. Il a été prolongé jusqu'à aujourd'hui par Revenu Canada.

Nous sommes ensuite retournés les voir et avons essayé de les persuader de poursuivre les recherches, de faire tout ce qui était nécessaire, y avait-il eu une erreur, avait-t-on gardé quelque document, parce que nous étions totalement stupéfaits, vu que leur représentante, Margaret Riggins, avait déposé l'opposition initiale et aurait — nous concevions mal qu'ils ne les aient pas conservés.

Cela dit, nous ne faisons plus affaire avec eux. Nous concevions mal qu'ils n'aient pas conservé les documents, ou du moins, qu'ils ne nous aient pas informés. Mais c'est à ce moment-là que nous avons appris que les documents avaient été détruits en conformité avec la procédure établie.

Q. D'accord. Où se trouvent actuellement les livres et les registres du groupe de sociétés Lloyd Martin? Nous avons cherché, et vous m'avez entendu, et nous avons examiné des pages tirées de ces documents. Où sont les originaux des livres comptables?

R. Malheureusement, ces sociétés, Ross Lloyd Martin, Genesis, les sociétés canadiennes, ont été mises sous séquestre. J'ai dit lors de mon, je veux dire, de mon interrogatoire, qu'ils avaient été mis sous séquestre.

Q. Quand?

R. Cela remonte à 1992.

Q. 1992. D'accord.

R. En 1992, ils ont été mis sous séquestre. Et tous les registres ont été emportés, tout a été emporté. Ils sont arrivés et ils ont tout emporté, et il n'y avait rien à faire.

Q. Avez-vous communiqué avec le syndic afin de trouver ou d'obtenir —

R. Oui.

Q. J'allais terminer, obtenir les livres?

R. Je m'excuse. Je — nous avons fouillé dans tous les coins et recoins pour trouver le moindre élément d'information. Et nous avons communiqué avec le syndic, et celui-ci a déclaré qu'il n'avait plus les registres[9].

M. Holt n'a pas indiqué dans son témoignage que les livres et les registres avaient été détruits. Il a uniquement parlé des documents de travail du vérificateur[10]. L'appelant n'a pas appelé le syndic à témoigner au sujet des registres manquants, ni n'a expliqué pourquoi il n'avait pas appelé ce témoin. De même, personne n'a expliqué comment il se faisait que l'appelant avait été capable de produire des pages tirées des grands livres de 1988 et de 1989, sur lesquels il fonde essentiellement sa preuve, mais qu'il n'avait pas produit les parties faisant état du compte de prêt sur lequel les montants en cause auraient été imputés. Cela semble encore plus invraisemblable lorsqu'on prend connaissance de la liste supplémentaire de documents déposés par l'appelant le 7 juin 1999; dans l'annexe “ A ” de cette liste, il est indiqué que ces deux documents sont en la possession, sous le contrôle ou sous la garde de l'appelant :

[TRADUCTION]

Le rapport du grand livre annuel de Genesis Marketing Organization Limited, ainsi que les documents de travail, pour les mois de janvier à décembre 1988.

[...]

Le rapport du grand livre annuel de Genesis Marketing Organization Limited pour les mois de janvier à décembre 1989.

On ne précise pas qu'il s'agit d'extraits, ou de documents par ailleurs incomplets. Dans l'annexe “ B ”, aucun des documents mentionnés n'est présenté comme un document dont l'appelant connaît l'existence mais qui ne se trouve pas en sa possession, sous son contrôle ou sous sa garde.

[25] Dans son témoignage, M. Martin n'a pas été en mesure d'étoffer les témoignages de MM. Holt et Rossi sur la question du compte de prêt. Il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'il se contentait d'accepter les conseils que lui prodiguaient MM. Rossi et Hilborn sur ces questions et qu'il leur laissait ensuite le soin de s'occuper des détails. J'ai déjà fait état des lacunes que comportaient les témoignages de MM. Holt et Rossi, ainsi que des contradictions apparentes qui existent entre leurs témoignages et les états financiers de GMO, qui avaient été vérifiés à l'époque. Je conclus que l'appelant n'a pas réussi à établir que les montants dont il demande la déduction à titre de perte en capital ont été imputés sur son compte de prêt, ou encore qu'il y avait un compte de prêt à son nom dans les livres de GMO en 1988 et en 1989. Il ne peut obtenir gain de cause relativement aux questions nos 8 et 9.

[26] Les appels visant les années d'imposition 1987 et 1988 sont admis et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les présents motifs. L'appel visant l'année d'imposition 1989 est rejeté. Chaque partie ayant partiellement eu gain de cause, je ne fais aucune adjudication des dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de novembre 2000.

“ E. A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]               Le contrat de société, ainsi qu'un ajout, constituent la pièce R-2. L'annexe “ A ” du contrat et l'ajout n'indiquent pas clairement le pourcentage des actions détenues par chacun des associés Sim, Shamburger et Shepherd, mais cela est sans conséquence.

[2]                Formée de John Di Palma et John McMillan.

[3]               Transcription, page 32, lignes 3 à 25.

[4]               Voir la pièce A-14.

[5]               Transcription, de la page 108, ligne 4, à la page 115, ligne 7.

[6]               Bilan de 1986.

[7]               État de l'évolution de la situation financière de 1988.

[8]               Transcription, de la page 179, ligne 11, à la page 180, ligne 14.

[9]               Transcription, de la page 275, ligne 5, à la page 277, ligne 1.

[10]             Transcription, de la page 26, ligne 11, à la page 27, ligne 5.

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