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Date: 19990406

Dossier: 97-2-IT-G

ENTRE :

DAVID W. MORRIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Garon, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance est interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt sur le revenu établie par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) pour l'année d'imposition 1991. Dans cette cotisation, le ministre a inclus, dans le revenu de l'appelant, un montant de 42 680 $ au titre des honoraires que ce dernier aurait reçus au cours de l'année d'imposition 1991, en plus du montant initialement déclaré par l'appelant dans sa déclaration de revenus pour la même année. En outre, le ministre a imposé à l'appelant une pénalité pour avoir omis d'inclure le montant susmentionné dans le calcul de son revenu.

[2] L'appelant, quant à lui, admet avoir reçu un montant de 20 000 $ (qu'il n'avait pas initialement inclus dans sa déclaration de revenus) et allègue, dans son avis d'appel, qu'il a reçu ce montant dans des circonstances qui l'ont amené à croire raisonnablement qu'il s'agissait d'un don. Il nie cependant avoir reçu le montant de 42 680 $.

[3] L'appelant a agi et témoigné pour son compte.

[4] L'appelant est un avocat et un homme d'affaires, issu d'une famille de gens d'affaires : son père était le principal actionnaire de la Morris Wholesale Limited, une compagnie exploitant une épicerie en gros.

[5] L'appelant a été admis au barreau du Nouveau-Brunswick en 1976 et, en 1991, l'année en cause, il comptait 15 années d'expérience comme avocat. Il était et il est encore aujourd'hui un praticien exerçant à titre individuel dans ce qui est aujourd'hui la ville de Miramichi (auparavant Newcastle) (Nouveau-Brunswick). Il pratique le droit général, particulièrement le droit commercial et le droit immobilier.

[6] L'appelant était aussi l'unique actionnaire d'Opera House Ltd., une entreprise propriétaire d'une boîte de nuit et d'un restaurant dirigée par l'appelant. Le revenu brut de l'entreprise s'élevait à trois quarts de million de dollars environ dans les années 1990. L'appelant consacrait une bonne partie de son temps à la gestion de cette entreprise. Il détenait également 50 p. 100 des actions du capital-actions de Blue Stone Enterprises Ltd., qui avait été établie à la fin des années 1970 ou au début des années 1980. Il s'agit d'une entreprise de développement résidentiel. L'autre détenteur de 50 p. 100 des actions de Blue Stone Enterprises Ltd. est un particulier lié à l'appelant. Ce dernier détenait également 5 à 10 p. 100 des actions de Morris Wholesale Limited, qui a été mentionnée plus tôt et qui compte environ 30 employés. L'appelant ne figurait pas sur la liste de paie de cette entreprise à laquelle il consacrait du temps à l'occasion. Il y a quelques années, l'appelant a également mis sur pied la Heritage Insurance Limited, une compagnie d'assurance générale qui vend des contrats d'assurance par l'intermédiaire d'un agent autorisé. Il détient 50 p. 100 du capital-actions de cette société et il en est un administrateur.

[7] L'appelant a indiqué que, en sa qualité d'avocat, il était à l'occasion engagé par M. Donald Taylor et que, à la demande de ce dernier, il fournissait des services à certaines des compagnies dans lesquelles M. Taylor avait une participation, dont Hall Industries Ltd., D.R. Taylor and Edon Enterprises Ltd. (“ Edon ”). L'appelant connaissait M. Taylor, l'un des deux actionnaires d'Edon, depuis le début des années 1980 ou peut-être la fin des années 1970. L'autre actionnaire était M. Ed McKibbon.

[8] L'appelant a mentionné qu'à la fin des années 1980 Edon avait fait appel à lui pour s'occuper d'une réclamation portant sur une prétendue rupture de contrat par le gouvernement du Nouveau-Brunswick relativement à la construction d'un immeuble de bureaux dont devait se charger Edon. Une fois construit, l'immeuble en question devait être loué au même gouvernement. Après qu'Edon eut effectué des travaux préliminaires sur les terrains de ces propriétés situées rue Pleasant, dans la localité alors connue sous le nom de ville de Newcastle, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a annulé une lettre d'engagement portant sur la construction de l'immeuble susmentionné. La réclamation contre le gouvernement du Nouveau-Brunswick était très complexe, d'après l'appelant. Sa cliente demandait un montant substantiel à titre de dommages-intérêts pour la rupture du contrat. Dans le cadre des services fournis à Edon, l'appelant a traité surtout avec M. Taylor, et à l'occasion avec M. McKibbon. L'appelant et M. Taylor avaient convenu que cette affaire débordait les paramètres de la pratique générale de l'appelant et qu'il devrait faire appel à un cabinet d'avocats plus important qui se chargerait de mener toute poursuite qui en découlerait probablement. On s'attendait à ce que des poursuites judiciaires soient nécessaires car les premiers contacts avec les représentants du gouvernement du Nouveau-Brunswick n'avaient donné aucun résultat positif. L'appelant a reconnu qu'il avait négocié au nom de sa cliente avec les représentants du gouvernement du Nouveau-Brunswick; c'est aussi lui qui a rencontré le représentant de la cliente, M. Taylor. L'appelant devait faire les premières démarches et établir le contact avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick. En conformité avec l'entente conclue avec M. Taylor, le cabinet d'avocats Mockler Allen & Dixon de Fredericton a été engagé.

[9] L'appelant a révélé également qu'une autre propriété située rue Henry avait été l'objet de négociations entre le gouvernement du Nouveau-Brunswick et Edon car le gouvernement du Nouveau-Brunswick avait refusé d'en renouveler le bail. Le gouvernement voulait louer au mois. Edon lui avait signifié un avis de quitter les lieux s'il n'acceptait pas de payer un certain loyer. La nature précise du conflit n'a pas été précisée.

[10] L'appelant a indiqué qu'au Nouveau-Brunswick les avocats peuvent être rémunérés proportionnellement aux résultats obtenus. L'appelant a affirmé que, lorsqu'il avait eu recours à cette méthode de rémunération, il avait facturé à ses clients 15 à 20 p. cent du montant du règlement obtenu. Dans les autres cas, son taux horaire variait, mais il se situait autour de 100 $ au cours des années 1988 à 1991. L'appelant a déclaré qu'il n'était pas fréquemment payé proportionnellement aux résultats obtenus — pas plus de trois causes par année. Dans de nombreux cas, l'appelant ne discutait pas de ses honoraires au moment où ses services étaient retenus; il le faisait plus tard. Il envoyait sa facture, et le client l'acquittait. La plus grande partie du travail qu'il faisait était comprise dans le tarif applicable pour honoraires professionnels. L'appelant a déclaré que, lorsqu'il était payé en proportion des résultats, il ne concluait pas toujours dès le début un accord sur le pourcentage qu'il devait toucher. Dans de tels cas, sa secrétaire consignait les heures qu'il consacrait à un dossier en particulier.

[11] L'appelant a déclaré qu'au moment où ses services avaient été retenus par Edon il avait été convenu qu'il serait payé proportionnellement aux résultats. Plus précisément, l'appelant a témoigné dans les termes suivants sur le mode de rémunération de ses services dans les causes susmentionnées qui concernaient Edon et le gouvernement du Nouveau-Brunswick :

[TRADUCTION]

Me VÉZINA : [...] la possibilité que cette cause n'aboutisse jamais à un procès existait. Lorsque ... lorsque M. Taylor s'est présenté dans votre bureau pour discuter de la cause, vous avez pensé qu'il était possible de régler, n'est-ce pas?

Me MORRIS : Effectivement. Oui.

Me VÉZINA : Cela étant, avez-vous convenu avec lui que, en cas de règlement, vous obtiendriez vous-même un ... vous seriez ... vous seriez payé proportionnellement au montant obtenu, aux alentours de ... vous recevriez quinze à vingt pour cent du montant du règlement total?

Me MORRIS : Non. Nous ... lorsque nous avons commencé à travailler au dossier, nous n'avons pas discuté des honoraires proportionnels en fonction du fait que l'affaire n'irait pas en cour.

Me VÉZINA : Vous avez simplement accepté d'être payé proportionnellement aux résultats?

Me MORRIS : Si l'affaire avait été plaidée, je devais facturer des honoraires proportionnels, oui.

Me VÉZINA : Mais, dans les faits, vous avez fini par être payé en proportion des résultats, n'est-ce pas ce qui s'est produit?

Me MORRIS : Non. Ma facture représentait le temps consacré au dossier.

Me VÉZINA : Oui, mais vous avez dit plus tôt que vous n'aviez jamais consigné les heures que vous aviez consacrées à ce dossier.

Me MORRIS : Oui, c'est ce que j'ai dit. Oui.

Me VÉZINA : Alors comment pouvez-vous penser être payé à l'heure puisque, si vous n'êtes pas payé proportionnellement aux résultats, vous devez être payé à l'heure; comment pouvez-vous expliquer cela?

Me MORRIS : Parce que ma secrétaire consignait les heures. Je ... j'ai dit cela.

Me VÉZINA : Mais vous n'avez jamais vu le nombre d'heures que vous avez consacrées au dossier?

Me MORRIS : Bien, j'ai dit que je ... je ne me souviens pas du nombre d'heures que j'ai consacrées au dossier, mais, je veux dire, c'était il y a sept ans; j'avais plus d'un dossier et j'exploitais plus d'une entreprise, alors je voyais beaucoup de choses, mais ...

[Transcription, page 118, ligne 17,

à la page 120, ligne 21]

L'appelant a fait aussi les remarques suivantes concernant la rémunération de ses services :

[TRADUCTION]

Me MORRIS : À l'époque où nous avons accepté le dossier, nous prévoyions qu'il y aurait un procès et que ce serait Mockler Allen & Dixon qui s'en chargerait. À ce moment-là, on aurait convenu par écrit d'un tarif proportionnel. Quel que soit le montant recouvré, ils m'auraient payé pour mes services car je n'avais pas du tout l'intention de me charger personnellement d'une action en justice aussi importante. Je ne devais faire que le travail préliminaire lorsque j'ai commencé.

LE JUGE : Bien, et s'il n'y avait aucun procès?

Me MORRIS : C'est ...

LE JUGE : Quelle était la nature de l'entente?

Me MORRIS : ... c'est effectivement ce qui s'est produit, alors il n'y a jamais eu d'entente officielle liant l'une ou l'autre des parties parce que l'affaire a été réglée. Avant que la question fasse l'objet d'un bref, il ... il semblait que cela n'irait nulle part; alors le gouvernement est devenu très réceptif, lors d'une rencontre, à l'idée de mettre un terme à cette affaire, pour des raisons qui lui étaient propres, et j'ai été en mesure d'obtenir un règlement qui n'était pas le montant envisagé à l'époque où nous avons accepté le dossier; le montant était moindre et j'avais une idée, à l'époque, de ce que mes services valaient. M. Taylor avait une idée différente et il m'a fait une proposition que j'ai acceptée.

[Transcription, page 103, ligne 4,

à la page 104, ligne 7]

[12] Quant à l'importance de l'affaire, l'appelant a déclaré que c'était le “ plus gros règlement que j'ai obtenu à ce jour ”. Dans le cadre des négociations, l'appelant a dû se rendre en véhicule de Newcastle à Fredericton pour rencontrer Me Paul H. Blanchet, un avocat du gouvernement du Nouveau-Brunswick, ce qui représente un trajet d'un peu moins de deux heures. La rencontre a duré environ une heure. Ils se sont rencontrés à deux reprises. La lettre datée du 9 octobre 1991 confirme que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a convenu de payer, à titre de règlement, le montant de 108 249 $ relativement à la réclamation de loyer concernant la propriété de la rue Henry. La réclamation concernant la propriété de la rue Pleasant avait été réglée peu de temps auparavant et, aux termes de ce règlement, Edon devait toucher 239 000 $. Les décharges datées du 18 octobre 1991 concernant les deux réclamations ont été dûment signées pour le compte des deux parties.

[13] Le cabinet Mockler Allen & Dixon a effectué des recherches juridiques et rédigé des opinions juridiques pour Edon, mais il n'a participé à aucune négociation pour le compte de la compagnie. L'appelant était en contact avec Me Patrick E. Hurley de Mockler Allen & Dixon et il a payé le cabinet directement pour ses services. Le cabinet Deloitte & Touche a effectué du travail de comptabilité relativement à la réclamation d'Edon en dommages-intérêts contre le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Sa facture a été acquittée par le cabinet de l'appelant le 4 juin 1991. À la demande d'Edon, la société AES Consultants Ltd. avait effectué une évaluation. Le cabinet de l'appelant a acquitté sa facture le 11 février 1991.

[14] L'appelant a déclaré que, sur une période de quatre ans, soit de 1987 à 1991, il a consacré environ 34 heures au dossier en question. Selon la facture non datée qu'il a soumise au mois d'octobre 1991, les honoraires s'élevaient à 3 430 $ et les débours, à 6 800,50 $, ce qui donnait 10 470,67 $ au total, T.P.S. incluse. Le taux horaire se situait autour de 100 $.

[15] L'appelant a déclaré à maintes reprises qu'il n'avait conclu aucune entente relative au paiement de ses services avant que les réclamations soient réglées avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, et il a ajouté que, lorsqu'il avait reçu un chèque du gouvernement du Nouveau-Brunswick en règlement des réclamations d'Edon, il avait également reçu de M. Taylor une proposition concernant le paiement de ses services, qu'il avait acceptée.

[16] L'appelant a décrit la proposition dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

[...] aux termes de la proposition, je ne devais pas facturer un pourcentage ni réclamer un montant supplémentaire sur le montant du règlement; je devais plutôt dresser une facture incluant mes débours, mes dépenses et le temps consacré au dossier, en fonction d'un taux horaire, et M. Taylor veillerait personnellement à ce que je reçoive un montant supplémentaire pour ce travail et pour d'autres services que j'avais fournis. J'ai alors chargé ma secrétaire de préparer une facture habituelle suivant un tarif horaire pour nos débours et de déduire ce montant du règlement obtenu. Nous avons reçu le montant du règlement et en avons remis le solde à M. Taylor. Conformément à l'entente, ce dernier est revenu et m'a remis 20 000 $ comptant, et comme il l'avait indiqué ce montant devait être libre d'impôt; qu'il veillerait lui-même à ce que ce ne soit pas un chèque de la compagnie, mais plutôt de l'argent comptant, et qu'il veillerait, vous savez, à ce que les impôts soient payés et que l'argent me soit remis libre d'impôt. À cette époque-là, j'ai accepté cela. Je n'ai pas écrit ... je n'ai pas inclus le montant d'argent dans mon revenu ...

[Transcription, page 11, ligne 25,

à la page 12, ligne 17]

[17] L'appelant a déclaré dans le cadre de son témoignage qu'au cours de sa première rencontre avec le vérificateur de Revenu Canada, M. Keirstead lui avait montré une écriture de journal faite dans les registres comptables d'Edon. Ils indiquent qu'un chèque de 52 000 $ a été passé en charges et qu'une partie de ce montant a été imputée à des honoraires. Le nom de l'appelant était mentionné dans ces registres. Lorsque M. Keirstead lui a demandé d'expliquer ces écritures, l'appelant a indiqué qu'il ne pouvait répondre en raison du privilège du secret professionnel de l'avocat et l'a invité à poser la question directement à M. Taylor, d'Edon, qui a informé le vérificateur de Revenu Canada, d'après la déposition de l'appelant, que ce dernier avait reçu 20 000 $ de M. Taylor.

[18] L'appelant a ensuite expliqué que M. Taylor avait pris 20 000 $ dans son porte-documents et les lui avait remis, en grande partie pour le travail qu'il avait fait pour Edon. L'appelant a précisé que le montant de 20 000 $ n'était pas inclus dans le montant total de la facture afin de respecter l'entente conclue avec sa cliente. La proposition relative au paiement de 20 000 $ pour services rendus a été faite par M. Taylor, et l'appelant l'a acceptée. Ce dernier a reconnu que le montant total qu'il a reçu pour ses services (20 000 $ + 3 420 $) ne représente ni 15 p. 100 ni 20 p. 100 du montant du règlement total obtenu par Edon dans les deux affaires, lequel montant s'élevait au total à 347 249 $. L'appelant a nié avoir accepté un montant inférieur parce qu'il n'aurait pas à payer d'impôt sur ce montant, et il a dit ceci :

[TRADUCTION]

Me MORRIS : Non. Je vous ai dit que l'on m'a proposé de prendre l'argent de cette façon, qu'ils s'occuperaient de payer les impôts sur le montant que j'ai reçu pour qu'il soit libre d'impôt.

[Transcription, page 163, lignes 4 à 7]

[19] En ce qui concerne la prétention que le paiement comptant de 20 000 $ que M. Taylor a fait à l'appelant était un don, l'appelant a répondu ceci aux questions que lui a posées l'avocat de l'intimée, reproduites ci-après :

[TRADUCTION]

Me VÉZINA : Oui. Alors, dans ce contexte, l'argent que vous avez reçu de votre cliente dans ce contexte, est-ce un don pour vous?

Me MORRIS : L'argent qui provenait de M. Taylor personnellement, et non de la compagnie.

Me VÉZINA : Cet argent ne vous a-t-il pas été remis pour services rendus ou pour Edon Enterprises?

Me MORRIS : Mais il m'a été remis par M. Taylor, et j'ai tenu pour acquis que l'impôt était payé sur le montant pour qu'il me le donne.

[Transcription, page 167, ligne 17,

à la page 168, ligne 3]

[20] Il a ajouté ceci lorsqu'on a affirmé que M. Taylor l'avait payé pour les services qu'il avait fournis à Edon :

[TRADUCTION]

M. MORRIS : Non. Il m'a remis ce montant personnellement pour le travail que j'ai fait pour lui et certaines de ses autres compagnies, et c'est ainsi que je l'ai interprété.

[Transcription, page 168, lignes 20 à 23]

[21] Plus tard, il a ajouté ceci :

[TRADUCTION]

Me MORRIS : Bien, en l'occurrence, il a indiqué qu'il payait les impôts et il a confirmé à M. Keirstead qu'il devait payer les impôts sur ce montant, et c'est lui qui a proposé de payer les impôts sur le montant, alors lorsqu'il me l'a remis, j'ai cru que les impôts avaient effectivement été payés.

[...]

Me VÉZINA : Pouvez-vous nous expliquer, vous avez dit que c'était ... c'était ... vous avez dit que M. Taylor a accepté de payer l'impôt sur le montant. Pourriez-vous préciser vos propos?

Me MORRIS : Il m'a fait une proposition, et le montant en sus des heures que j'avais consacrées au dossier devait m'être remis libre d'impôt. Il a dit qu'il s'occuperait de l'impôt.

LE JUGE : Vous voulez dire qu'il ... qu'il allait payer l'impôt pour vous?

Me MORRIS : Il allait ... l'impôt devait être payé sur le montant en question pour que je le reçoive libre d'impôt. C'est ce que j'ai cru comprendre à l'époque. De toute évidence, je suis ici, de toute évidence j'avais tort ...

[...]

Me VÉZINA : Alors, vous dites que M. Taylor devait vous remettre le montant en question pour le travail que vous aviez fait pour Edon Enterprises, mais qu'il devait inclure ce montant dans sa propre déclaration de revenus — est-ce ce que vous dites?

Me MORRIS : C'est ce que j'ai cru comprendre, oui.

[Transcription, page 169, lignes 3 à 9, page 170,

lignes 5 à 20 et page 171, lignes 1 à 7]

Il a ensuite ajouté les explications suivantes sur la question du don :

[TRADUCTION]

Me VÉZINA : Mais n'est-ce pas là ce que vous avez fait lorsque vous avez reçu le montant d'argent et que vous avez convenu de le qualifier de don parce que Edon Enterprise ou M. Taylor paierait l'impôt? N'est-ce pas là ce que vous avez fait en réalité?

Me MORRIS : J'avais une opinion au sujet du montant, oui. Je me suis fait une opinion.

[Transcription, page 218, lignes 8 à 16]

[22] L'appelant a déclaré en outre que, le 23 octobre 1991, il avait déposé 347 249 $ dans son compte en fiducie et viré 10 470 $ dans le compte bancaire qu'il maintenait pour les transactions effectuées dans le cadre de sa pratique. Il a reconnu qu'à cette date il savait qu'il recevrait plus d'argent pour ses services. Le montant de 20 000 $ lui a effectivement été remis dans les vingt-quatre heures suivant la remise du chèque à Edon. L'appelant ne se rappelle pas s'il a donné un reçu pour le paiement de 20 000 $. Il n'a pas déposé ce montant dans son compte bancaire. L'appelant a admis qu'il est possible qu'il soit allé en Floride le lendemain. Il ne se rappelle pas où il a mis les 20 000 $ après que le montant eut été déposé sur son bureau. Il ne se souvient pas de quelle façon il a dépensé l'argent. Il n'a jamais déposé le montant et il ne se rappelle pas pourquoi il ne l'a pas déposé. Il avait un coffre-fort dans son bureau. Il a déclaré qu'il avait dépensé le montant de 20 000 $ en question. Il a admis avoir mentionné lors de l'interrogatoire préalable qu'il voulait probablement éviter que la réception de ce montant soit consignée.

[23] On a mentionné la télécopie datée du 28 juin 1991 que l'appelant a envoyée à M. John Redding, comptable chez Deloitte & Touche, concernant le travail qu'il avait fait pour Edon dans le cadre de la réclamation de celle-ci contre le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Voici ce qu'on peut y lire :

[TRADUCTION]

Pour faire suite à votre demande, nous avons examiné nos dossiers et, bien que cette action intentée contre le gouvernement pour perte de profits soit toujours en cours et que notre entente concernant les honoraires dépende de l'issue positive de l'action, nous avons évalué que nos honoraires pour le travail effectué relativement au dossier se situaient, au mois de mars 1989, aux alentours de 22 000 $ à 26 000 $.

[24] L'appelant a donné sa propre interprétation des termes qu'il a utilisés dans cette télécopie, à savoir que le travail qu'il a effectué pour Edon jusqu'au mois de mars 1989 valait, selon ses estimations, entre 22 000 $ et 26 000 $, si ses honoraires étaient calculés en fonction d'un taux horaire. À cet égard, le passage suivant, tiré de la transcription, est assez intéressant :

[TRADUCTION]

Me MORRIS : Non. Cela ne devrait absolument pas être interprété de cette façon. Il est écrit que les honoraires dépendent de l'issue positive de l'action. Si nous avions obtenu 200 000 $ deux ans plus tard et touché 20 p. 100 de ... de ce montant, ce qui aurait donné 40 000 $, et que leurs comptables avaient choisi d'essayer de dire, même s'il y avait eu un seul paiement global, qu'ils avaient choisi de le passer en charges sur un certain nombre d'années, ils pourraient attribuer cette facture, ce montant à cette époque, mais ... c'était leur travail, pas le mien.

Me VÉZINA : Alors, est-ce que, selon ce que vous avez compris, leurs comptables déduisaient les honoraires dès qu'ils étaient dus de 1987 à 1991?

Me MORRIS : Je ne suis pas certain de ce qu'ils faisaient au moment où j'ai fait cela. C'est ce dont je me doutais; j'ai refusé de leur envoyer quoi que ce soit, et j'ai reçu un certain nombre d'appels puis, finalement, la demande de M. Taylor, à savoir si j'acceptais d'envoyer quelque chose à M. Redding; j'ai utilisé des termes aussi vagues que possible, qui ne voulaient rien dire et ... et ... c'était ... c'était ... c'était pour leur tenue de livre. Cela n'avait aucun rapport avec quelque facturation que ce soit relativement au dossier, pour notre travail ou quelque chose mais ...

Me VÉZINA : Bien ...

Me MORRIS : le montant aurait très bien pu être exact comme je l'ai dit ...

Me VÉZINA : ... bien ...

Me MORRIS : ... sur un résultat positif, il aurait pu être exact.

Me VÉZINA : ... bien, si nous voyons ... si nous lisons “ au ... ”, il est écrit :

[...] nous avons évalué que nos honoraires dans le dossier se situaient, au mois de mars 1989 [...]

Lorsque vous dites que vous avez évalué, est-ce que vous ne faites pas référence aux heures que vous avez consacrées au dossier?

Me MORRIS : Non. Je n'en avais pas l'intention. C'était ... c'est écrit au début de la chose, perte de profits, c'est une entente en cours et les honoraires dépendent de l'issue positive de l'action; alors, vous savez, cela veut dire à mon avis que, si nous n'obtenions pas gain de cause, tout ce qui était dit après cela ne s'appliquerait pas.

[Transcription, page 252, ligne 20,

à la page 254, ligne 19]

[25] L'appelant a également prétendu qu'Edon avait acquitté la facture en se fondant sur un taux horaire. À un moment donné au cours du contre-interrogatoire, l'appelant a clairement affirmé que ce qu'il avait écrit dans la télécopie datée du 28 juin 1991, c'est-à-dire que “ nous avons évalué que nos honoraires relativement au dossier se situaient, au mois de mars 1991, aux alentours de 22 000 $ à 26 000 $ ”, “ ne se rapportait pas au nombre d'heures que j'avais consacrées ou estimé avoir consacré à ce dossier ”.

[26] L'appelant a ajouté que, immédiatement après sa conversation avec le vérificateur de Revenu Canada, il avait appelé son comptable, M. Ned Fowler, à Moncton, et l'avait informé de l'argent qu'il avait reçu de M. Taylor, car son comptable l'ignorait. Il a indiqué à la Cour que son comptable lui avait dit que le montant en question devrait probablement être inclus dans son revenu et qu'il aurait dû le déclarer à l'époque. Il a reconnu qu'il n'avait pas consulté M. Fowler au sujet du traitement fiscal du montant de 20 000 $ avant le 15 septembre 1991. Il a également demandé à M. Keirstead si le montant devait être traité comme un don ou un revenu. Il a affirmé qu'à ce moment-là, c'est-à-dire le 15 septembre 1994, M. Keirstead ne lui avait pas donné de réponse précise. L'appelant a également déclaré qu'il avait reçu de son comptable une circulaire d'information concernant les divulgations volontaires. Il a cru comprendre que, s'il faisait une divulgation volontaire, aucune pénalité ne lui serait imposée. L'appelant a demandé à son comptable de rédiger une lettre à cet effet et il a immédiatement fait, à l'ordre de Revenu Canada, un chèque dont le montant a été déterminé par son comptable. Il a admis avoir produit une déclaration modifiée pour éviter l'imposition d'une pénalité, mais il a ajouté qu'il n'estimait pas avoir été négligent.

[27] L'appelant a également mentionné que, d'après ses notes, M. Keirstead l'avait appelé le 27 septembre 1994, après avoir parlé à M. Taylor, pour l'informer qu'il lui envoyait une lettre le priant d'inclure 20 000 $ dans son revenu et que cela mettait un terme à l'affaire. À ce moment-là, l'appelant a-t-il déclaré, il avait déjà posté à Revenu Canada la déclaration modifiée ainsi que le chèque requis. À cet égard, la question suivante, que l'avocat de l'intimée a posée à l'appelant, et la réponse de ce dernier, sont intéressantes :

[TRADUCTION]

N'est-il pas vrai que, s'il (le vérificateur) ne vous avait jamais parlé, vous auriez ... vous n'auriez pas produit de déclaration modifiée?

Je l'ignore. Si je ne l'avais pas mentionné à mon comptable et qu'il ne me l'avait pas dit, je l'aurais peut-être fait.

L'appelant a également déclaré que, au cours du mois de septembre 1994, M. Keirstead l'avait appelé pour l'informer qu'il allait effectuer une vérification de ses compagnies Opera House Limited et Blue Stone Enterprises ainsi que de son cabinet d'avocats pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994.

[28] Une fois la vérification terminée, l'appelant a mentionné une proposition émanant de Revenu Canada, selon laquelle, en ce qui concerne le chèque de 52 000 $, “ ils allaient effectuer une répartition et attribuer 5 000 $ à chacun des dirigeants ou administrateurs de la compagnie, ce qui donnait un total de 10 000 $. Ils allaient proposer de m'attribuer le montant de 20 000 $ à titre de déduction fiscale de la compagnie si je reconnaissais avoir reçu la somme ”. Il a ajouté que “ le reste de l'argent allait être attribué à la compagnie sous la rubrique “ destination de l'argent non révélée ou inconnue ”. Subséquemment, une nouvelle cotisation a été établie à l'égard de l'appelant; un montant de 42 680 $ a été ajouté à son revenu et une pénalité lui a été imposée.

[29] Deux témoins ont été entendus pour le compte de l'intimée : MM. John Redding et Robert Taylor.

[30] M. John Redding est un comptable en management accrédité depuis septembre 1988. Pendant les périodes pertinentes, il travaillait pour Deloitte & Touche, cabinet qu'il a quitté en septembre 1997.

[31] M. Redding a dressé les états financiers d'Edon pour les années d'imposition 1988, approximativement, à 1992, avec l'aide du personnel débutant du cabinet. Il a indiqué qu'Edon exploitait deux genres d'entreprise, la construction d'immeubles et la location. Il l'a qualifiée de petite entreprise. Elle n'employait pas de comptable. M. Redding a déclaré qu'il n'avait pas effectué de vérification ni d'examen des états financiers. Au cours de son témoignage, il a parlé d'un document de travail daté du 12 juillet 1989, préparé initialement par son adjoint, et il a commenté l'écriture de journal suivante :

[TRADUCTION]

honoraires d'avocat cumulatifs concernant rupture de contrat sur terrain de Anderson Delnio par Don; travail juridique jusqu'à la fin de l'exercice.

[Transcription, page 279, lignes 16 à 19]

[32] Il a mentionné que cette écriture représentait “ une estimation des honoraires payables dans le cadre de l'action pour rupture de contrat, fondée sur l'information ” que M. Taylor lui avait fournie. Il a également mentionné que, dans l'état des résultats de l'exercice clos le 31 mars 1989, le poste “ honoraires ”, qui se trouvait sur la même ligne que le montant de 32 010 $ “ incluait les honoraires d'avocat cumulatifs de 25 000 $ ” mentionnés dans le document de travail dont il est question au paragraphe précédent.

[33] M. Redding a également formulé des remarques au sujet d'une écriture faite en regard du montant de 40 000 $ dans un document de travail portant sur l'année d'imposition 1990 d'Edon et concernant la même affaire que celle dont il est question dans le document de travail mentionné au paragraphe précédent, et il a confirmé que l'écriture portait sur “ des honoraires d'avocat cumulatifs ”, et qu'à côté il y avait un crochet défini dans une note en bas de page dans les termes suivants : “ tel que discuté avec le client ”. D'après M. Redding, le montant de 40 000 $, qui excédait de 15 000 $ le montant mentionné pour l'exercice précédent, indique que “ les avocats avaient de nouveau consacré du temps au dossier au cours de cette année-là, et que beaucoup d'argent était dû à la fin de l'exercice ”. Dans le même document de travail, il y a une autre écriture relative aux services juridiques qui mentionnait les services fournis par le cabinet Mockler Allen & Dixon concernant la propriété de la rue Henry. Des explications semblables ont été données par M. Redding au sujet de l'écriture se rapportant aux honoraires pour l'exercice clos le 31 mars 1991; le montant indiqué est 43 000 $ et non 40 000 $, qui avait été consigné pour l'exercice précédent.

[34] M. Redding a donné les explications suivantes concernant le montant de 42 680 $ consigné dans le “ grand livre général [d'Edon] au 31 mars 1992 ” :

[TRADUCTION]

Me VÉZINA : [...] pourriez-vous expliquer l'origine du montant de 42 680 $ qui figure sous le poste “ honoraires ”?

M. REDDING : Ce montant est le résultat d'un chèque qui a été payé sur le compte de Central Trust. Le montant du chèque était de 52 680 $ au total. Le chèque est payable à la caisse. Il est daté du 23 octobre 1991 et [...]

[...]

M. REDDING : Oui. Puisque le chèque est payable à la caisse et que rien n'indique quel en était l'objet, il faudrait que je demande à quelqu'un quel était l'objet du chèque en question. Je consulte mes notes ici et il y est indiqué que j'ai eu une discussion avec Don Taylor et que ce dernier a affirmé que le chèque incluait le montant de 5 000 $ payable à lui-même pour frais de gestion, le montant de 5 000 $ payable à Ned McKibbon pour frais de gestion, et le reste, soit 42 680 $, payable comptant à David Morris au titre du solde de ses honoraires dans l'action intentée contre la province.

[Transcription, page 297, lignes 12 à 19

et page 298, ligne 19, à la page 299, ligne 4]

[35] On a également mentionné le relevé bancaire d'Edon à la Compagnie Trust Central Guaranty pour la période se terminant le 31 octobre 1991 et, en particulier, l'écriture concernant un chèque de 52 680 $; à ce sujet, M. Redding a fait la remarque suivante :

[TRADUCTION]

M. REDDING : C'est un ... un relevé bancaire de la Central Trust Guaranty. Oui, je l'ai vu parce que c'est mon écriture et il ... il contient lui aussi les inscriptions que je viens de décrire : Don, 5 000 $; Ned, le même montant; David Morris, 42 680 $, avec un crochet et une flèche en direction du montant de 52 680 $.

Me VÉZINA : Alors, que croyez-vous qu'il s'est produit compte tenu de cette feuille?

M. REDDING : Je crois qu'un paiement comptant a été fait à ces personnes pour les montants indiqués avec ... d'un ... et le comptant provenant d'un chèque qui a été tiré sur le compte bancaire à la Central Trust.

Me VÉZINA : Et c'est le même ... le ... 23 octobre 1991, le même jour qu'un montant de 336 778,33 $ a été déposé dans le compte? Est-ce exact?

M. REDDING : Oui.

[Transcription, page 299, ligne 24,

à la page 300, ligne 17]

[36] M. Redding a confirmé que, d'après les données financières pertinentes mentionnées précédemment, l'appelant avait reçu un montant de 42 680 $ en octobre 1991 auquel il fallait ajouter 10 470 $ (au titre des honoraires et des débours), ce qui donnait le montant total remis à l'appelant par Edon pour l'exercice 1991.

[37] Le témoignage de M. Donald Taylor était intéressant, particulièrement en ce qui concerne la répartition du produit du chèque de 52 680 $. Il s'est décrit comme un entrepreneur en construction. M. Taylor était le vice-président d'Edon et il s'occupait de la feuille de paie, des paiements aux fournisseurs, etc. Il détenait 37 p. 100 des actions du capital-actions d'Edon, comme M. Edward McKibbon, et leurs épouses respectives détenaient chacune 13 p. 100 des actions de cette entreprise constituée en société en 1976. Edon était une entreprise de location; elle effectuait aussi des travaux forestiers et de construction. Elle comptait une demi-douzaine d'employés.

[38] M. Taylor a confirmé que, lorsqu'il a retenu les services de l'appelant, la question des honoraires n'a pas été abordée, mais le paiement de ceux-ci dépendait de l'issue de l'action en justice. M. Taylor a déclaré qu'il ne pouvait se rappeler le montant exact qu'il avait remis à l'appelant, mais il a reconnu sa signature sur le chèque de 52 680 $ et le fait qu'il l'avait fait encaisser. Il a ensuite expliqué qu'il avait remis 5 000 $ à M. McKibbon, qu'il avait pris le même montant et que le reste avait été remis à l'appelant. Il a ajouté que ce montant représentait les honoraires dont il avait été convenu avec l'appelant. Il ne se rappelle pas s'il y a eu des discussions sur la façon dont ce montant de 42 680 $ devait être imposé. En ce qui concerne la facture non datée soumise par l'appelant à Edon, il n'en avait qu'un très vague souvenir. Il a mentionné qu'il avait donné deux chèques à l'appelant et que ce dernier lui avait remis l'un d'eux.

Observations de l'appelant

[39] Dans un premier temps, l'appelant a fait valoir que, dans certains cas, les sommes d'argent reçues par un procureur constituent un don et que les sommes d'argent en cause en l'espèce constituaient un don. À cet égard, il a mentionné l'affaire E. Winemaker v. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2992, et 96 DTC 6040. Il a ajouté que, quoi qu'il en soit, dans les circonstances de la réception de ces sommes d'argent, il ne pouvait être accusé d'avoir commis une faute lourde pour avoir omis d'inclure les sommes d'argent en question dans le calcul de son revenu.

[40] Dans un deuxième temps, il a fait valoir qu'il y avait eu divulgation volontaire de sa part et, à cette fin, il a invoqué la circulaire d'information portant sur les divulgations volontaires. Il a indiqué que la preuve selon laquelle il avait pris les mesures nécessaires n'a pas été contredite. Il a également soutenu que, même si la Cour n'était pas liée par la circulaire d'information en question, elle devait tenir compte de son comportement et de son esprit de collaboration en ce qui concerne la pénalité.

[41] Dans ses conclusions finales, l'appelant a fait valoir qu'il avait reçu seulement 20 000 $ de M. Taylor, et non 42 680 $, comme le ministre l'a supposé. Il a indiqué que son témoignage à cet égard n'avait pas été réfuté.

Observations de l'intimée

[42] En ce qui concerne la prétention selon laquelle les sommes d'argent reçues par l'appelant constituaient un don, l'avocat de l'intimée a simplement déclaré que, lorsqu'une personne est rémunérée pour son travail, il ne peut être question d'un don car il y a contrepartie. Il a renvoyé au Black's Law Dictionary et aux décisions rendues dans les affaires Hudson Bay Mining and Smelting Co. v. The Queen, [1986] 1 C.T.C. 484, et [1989] 2 C.T.C. 309, et Winemaker v. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2992, [1996] E.T.C. 2007.

[43] Sur la question du montant d'argent que l'appelant a reçu de M. Taylor, l'avocat de l'intimée a fait valoir qu'il est très peu probable que l'appelant n'ait reçu que 20 000 $ pour le travail qu'il a effectué pour Edon, et qu'il est plus vraisemblable qu'il ait reçu 42 680 $.

[44] À l'appui de cette thèse, l'avocat de l'intimée a souligné qu'aucune réponse plausible n'avait été donnée à la question de savoir pourquoi l'appelant n'avait pas reçu au moins 15 p. 100 du montant total du règlement car, d'après son propre témoignage, c'est le pourcentage minimum qu'il demandait lorsqu'il était payé en proportion des résultats. L'avocat a également invoqué le témoignage de M. Taylor concernant l'encaissement du chèque de 52 680 $ et la distribution subséquente de son produit.

[45] À l'appui de sa thèse, l'avocat a aussi invoqué la preuve documentaire concernant la valeur du travail de l'appelant telle qu'elle est consignée dans les registres comptables d'Edon, et le témoignage de M. Redding. Il a également invoqué le fait que l'appelant n'avait donné aucune explication quant à l'usage fait de l'argent qu'il a admis avoir reçu.

[46] Sur la question de la pénalité, l'appelant a invoqué la décision rendue dans l'affaire W.S. Morgan v. Canada, [1995] 2 C.T.C. 2635, et L. Venne v. The Queen, [1984] C.T.C. 223. Le fait qu'il n'a laissé aucune trace documentaire est important aux fins de l'impôt sur le revenu. Il convient de noter que, le lendemain de sa discussion avec M. Keirstead, l'appelant a décidé de déclarer le montant et de modifier sa déclaration de revenus. Il savait qu'il avait été pris. De plus, il n'a pas discuté avec son comptable du traitement fiscal du montant de 20 000 $ au moment où il a préparé sa déclaration de revenus.

Analyse

[47] Premièrement, il semble approprié de déterminer si le montant que l'appelant a reçu en octobre 1991, que ce soit 20 000 $, comme il le soutient, ou 42 680 $, comme l'a supposé le ministre du Revenu national lorsqu'il a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, doit être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant.

[48] Il ressort clairement de la preuve que le montant que l'appelant a reçu de M. Taylor représentait un paiement pour le travail de nature juridique qu'il avait effectué pour Edon, et peut-être aussi pour les services fournis à une autre compagnie dans laquelle M. Taylor détenait une importante participation. Incontestablement, le montant a été versé à l'appelant en contrepartie des services qu'il avait rendus à titre d'avocat. De plus, dès que le vérificateur de Revenu Canada a attiré l'attention de l'appelant sur son omission d'inclure le montant en question dans son revenu, l'appelant a modifié sa déclaration de revenus, après avoir consulté son comptable, pour inclure dans son revenu le montant de 20 000 $ qu'il a prétendu avoir reçu de M. Taylor. Dans le cadre de ses plaidoiries, l'appelant n'a pas fait valoir avec beaucoup de conviction que le montant que lui avait remis M. Taylor était un don, bien qu'il ait invoqué l'affaire Winemaker, mentionnée précédemment.

[49] Ayant conclu que le montant que l'appelant a reçu aurait dû être inclus dans le calcul du revenu de ce dernier pour l'année d'imposition 1991, je dois maintenant déterminer si le ministre du Revenu national a, conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le droit d'imposer une pénalité pour l'omission de l'appelant d'inclure le montant qu'il a reçu.

[50] À mon avis, l'appelant a commis une faute lourde en omettant d'inclure dans son revenu le montant que lui a remis M. Taylor. À l'époque en cause, l'appelant était avocat et comptait environ 15 années d'expérience; en outre, c'était un homme d'affaires chevronné ayant de multiples intérêts. De toute évidence, il savait que le montant qu'il avait reçu de M. Taylor s'appliquait aux services qu'il avait fournis à titre d'avocat dans une large mesure, voire exclusivement, à Edon. Il est clair que ce paiement ne pouvait pas être considéré comme un don. L'appelant a reconnu que, lorsque ses services ont été retenus par M. Taylor pour la première fois en 1987, il devait être payé, pour le travail effectué pour Edon, en proportion des résultats obtenus. Son explication selon laquelle M. Taylor devait payer l'impôt sur le revenu sur le montant qui lui a été remis n'est simplement pas crédible, notamment parce que M. Taylor n'a jamais mentionné une telle entente.

[51] Je suis d'autant plus convaincu de la justesse de ma conclusion que, lorsque M. Keirstead lui a mentionné qu'il avait reçu un certain montant de M. Taylor, l'appelant n'a pas hésité à prendre les mesures appropriées et à demander à son comptable de modifier sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1991 et de remettre le chèque requis à Revenu Canada. Je conviens avec l'avocat de l'intimée que l'appelant a été pris en faute par Revenu Canada et qu'il a tenté d'éviter l'imposition d'une pénalité à ce moment-là en invoquant la circulaire d'information pertinente. Le fait qu'il a modifié sa déclaration de revenus ne peut empêcher le ministre du Revenu national d'imposer une pénalité pour l'omission d'inclure le montant en question dans sa déclaration initiale.

[52] Je conclus que le ministre du Revenu national s'est acquitté de la charge de la preuve qui lui est imposée au paragraphe 163(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[53] La question qu'il reste à trancher porte sur le montant que l'appelant a reçu de M. Taylor en octobre 1991.

[54] Le témoignage de M. Redding, un témoin franc et crédible, qui, pendant les périodes pertinentes, était chargé de la comptabilité d'Edon, indique que l'appelant a probablement reçu 42 680 $ et non 20 000 $.

[55] Premièrement, Edon a évalué le travail effectué par l'appelant à 42 680 $ environ. Il serait étonnant qu'Edon ait versé 20 000 $ à l'appelant pour ses services alors qu'elle a convenu d'indiquer dans ses livres comptables, pour son année d'imposition 1991, qu'elle devait 43 000 $ à l'appelant pour ses services d'avocat.

[56] La complexité du travail, le nombre de démarches faites par l'appelant sur une période de quatre ans, le résultat positif des négociations, le montant d'argent substantiel que le gouvernement du Nouveau-Brunswick a versé à Edon, sont tous des facteurs qui m'empêchent de conclure que, dans les circonstances, M. Taylor n'aurait payé que 20 000 $ pour les services de l'appelant en plus du montant de 3 430 $ figurant sur la facture non datée que l'appelant a soumise à Edon.

[57] En outre, le témoignage de M. Taylor donne fortement à penser que ce dernier a remis 42 680 $ à l'appelant plutôt que 20 000 $. S'il est vrai que M. Taylor peut avoir un intérêt dans l'affaire, sa crédibilité n'a pas été réellement contestée par l'appelant.

[58] Même si je n'avais pour preuve que le témoignage de l'appelant sur le montant d'argent qu'il a vraisemblablement reçu de M. Taylor en octobre 1991, je serais enclin à conclure, pour les motifs suivants, qu'il est peu probable qu'il n'ait reçu que 20 000 $ :

Le fait que l'appelant ait reçu 20 000 $ n'est pas compatible avec son témoignage selon lequel, lorsqu'il était payé proportionnellement aux résultats, il réclamait au moins 15 p. 100 du montant obtenu. Le montant de 20 000 $ (même si le montant de 3 430 $ y est ajouté) représente beaucoup moins que 10 p. 100 du montant total du règlement.

L'absence de preuve documentaire concernant le montant reçu par l'appelant milite à l'encontre de sa prétention selon laquelle il n'a reçu que 20 000 $ de M. Taylor.

Compte tenu, notamment, du résultat positif des négociations entre l'appelant et les représentants du gouvernement du Nouveau-Brunswick et du montant total du règlement, soit 347 249 $, je ne vois pas pourquoi l'appelant n'aurait pas reçu un montant représentant près de 15 p. 100 du montant du règlement. De plus, le montant de 42 680 $ est presque égal, justement, à l'estimation faite dans les livres d'Edon de la valeur des services de l'appelant.

J'ai conclu que le témoignage de l'appelant était peu crédible à de nombreux égards, notamment en raison du fait qu'il a dit que l'impôt payable par lui devait être payé par M. Taylor et qu'il a omis d'expliquer ce qu'il avait fait de l'argent que M. Taylor lui avait remis en octobre 1991.

[59] Compte tenu du témoignage de M. Redding, de celui de M. Taylor et de la déposition de l'appelant, je conclus que ce dernier ne s'est pas acquitté de la charge qui lui incombait de prouver qu'il n'a pas reçu le montant de 42 680 $ de M. Taylor en octobre 1991.

[60] Compte tenu de l'ensemble de la preuve, je suis par conséquent d'avis que le ministre du Revenu national a à juste titre inclus le montant de 42 680 $ dans le revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1991. L'imposition de la pénalité est confirmée également.

[61] Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'avril 1999.

“ Alban Garon ”

J.C.A.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de janvier 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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