Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980728

Dossier: 97-2283-GST-I

ENTRE :

ROBIN HENRY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

Le juge McArthur, C.C.I.

[1] Par voie de requête, l'avocate de l'intimée a demandé une ordonnance rejetant l'appel pour le motif que l'appelant n'avait pas signifié un avis d'appel dans le délai prescrit à l'article 306 de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA » ) et qu'il n'avait pas non plus demandé une prorogation du délai en vertu de l'article 305 de la LTA.

[2] Comme je n'étais pas prêt à rendre une décision sans avoir soigneusement examiné les règles de droit applicables, j'ai procédé à l'audition à de l'appel. L'intimée invoquait l'arrêt A. G. Canada v. Bowen, 91 DTC 5594 (C.A.F.) (l'arrêt « Bowen » ). J'ai avisé l'appelant que, si les règles de droit n'avaient pas évolué depuis l'arrêt Bowen, la requête de l'intimée serait accueillie. Or, j'ai cherché à trouver des éléments favorables à la thèse de l'appelant, mais je n'ai pu en trouver et dois faire droit à la requête demandant le rejet de l'appel.

Faits

[3] Les faits ne sont pas en litige. L'intimée a envoyé l'avis de décision daté du 26 mars 1997 à l'appelant à l'adresse que l'appelant avait indiquée dans son avis d'opposition. Le 90e jour suivant cette date était le 24 juin 1997. Par lettre en date du 25 juin 1997 (soit le 91e jour), l'appelant a interjeté appel à l'encontre de la cotisation. Notre cour a reçu cette lettre le 27 juin 1997. L'appelant a expliqué qu'il était à l'extérieur de la ville lorsque l'avis du 26 mars 1997 était parvenu à son domicile pour finir par être retourné à l'intimée. En avril 1997, l'appelant a communiqué avec Revenu Canada, avisant ce dernier qu'il n'avait pas reçu l'avis de décision, et une copie exacte portant la même date, soit le 26 mars 1997, a été envoyée à l'appelant, copie qu'il a reconnu avoir reçue vers la fin d'avril 1997.

Analyse

[4] Bien que la principale question soit de savoir si la requête sera accueillie, j'ai choisi d'aborder le problème de deux points de vue en examinant, premièrement, si la Cour a compétence pour accepter l'avis d'appel comme ayant été déposé à temps et, deuxièmement, si la Cour a le pouvoir discrétionnaire de considérer l'avis d'appel comme une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d'appel.

L'avis d'appel a-t-il été déposé à temps et, dans la négative, la Cour canadienne de l'impôt a-t-elle compétence pour l'accepter?

[5] Les dispositions législatives pertinentes se lisent comme suit :

306. Appel

La personne qui a produit un avis d'opposition à une cotisation aux termes de la présente sous-section peut interjeter appel à la Cour canadienne de l'impôt pour faire annuler la cotisation ou en faire établir une nouvelle lorsque, selon le cas :

a) la cotisation est confirmée par le ministre ou une nouvelle cotisation est établie;

b) un délai de 180 jours suivant la production de l'avis est expiré sans que le ministre n'ait notifié la personne du fait qu'il a annulé ou confirmé la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

Toutefois, nul appel ne peut être interjeté après l'expiration d'un délai de 90 jours suivant l'envoi à la personne, aux termes de l'article 301, d'un avis portant que le ministre a confirmé la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

(Le soulignement est de moi.)

[6] Le délai de 90 jours commence dès que l'avis approprié est envoyé au contribuable. Le paragraphe 301(5) spécifie les exigences en matière d'avis auxquelles le ministre doit avoir satisfait avant que puisse commencer le délai. Ce paragraphe se lit comme suit :

301(5) Avis de décision

Après avoir examiné de nouveau ou confirmé une cotisation, le ministre fait part de sa décision par avis envoyé par courrier recommandé ou certifié à la personne qui a fait opposition à la cotisation.

[7] Dans l'affaire Bowen, précitée, il s'agissait d'un appel interjeté en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR » ); le paragraphe 165(3) de la LIR, tel qu'il se lisait alors, exigeait que le ministre avise le contribuable, « par lettre recommandée » , de la ratification d'une cotisation. Il est approprié en l'espèce d'invoquer l'arrêt Bowen, précité, car aux termes de l'article 169 de la LIR, dont le libellé est semblable à celui de l'article 306 de la LTA, un avis d'appel doit être déposé à la Cour canadienne de l'impôt dans les 90 jours « qui suivent la date où avis a été expédié par la poste » .

[8] Selon l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Bowen, précitée, rendu oralement per curiam par le juge Stone, on ne saurait faire fi du sens évident du paragraphe 165(3) et de l'article 169 de la LIR. Concernant l'obligation d'informer un appelant éventuel, le législateur n'avait rien exigé d'autre que la notification par lettre recommandée.

[9] L'intimée a convaincu la Cour que l'avis a été envoyé par la poste conformément à l'exigence législative. L'appelant a déposé son avis d'appel en retard, et la Cour n'a pas compétence pour entendre l'appel.

[10] Depuis l'arrêt Bowen, précité, la Cour canadienne de l'impôt a uniformément conclu que, en ce qui concerne les cotisations, les nouvelles cotisations ou les décisions, l'intimée n'a envers l'appelant aucune autre obligation de l'en informer, de les lui signifier à personne ou de les lui autrement notifier que celle expressément prévue dans la LIR. Dans tous les cas où un contribuable n'est pas là pour recevoir un avis à temps pour interjeter appel, que ce soit parce qu'il est à l'étranger, parce qu'il a changé d'adresse ou pour une autre raison, c'est carrément à l'appelant qu'il incombe de fournir au ministre une autre adresse ou le nom d'un représentant.

L'avis d'appel peut-il être interprété comme une demande de prorogation du délai?

[11] En vertu de l'article 305 de la LTA,l'appelant peut présenter une demande de prorogation du délai pour déposer l'avis d'appel qui aurait dû être déposé en vertu de l'article 306 de la LTA.

[12] L'article 305 de la LTA est le reflet de l'article 167 actuel de la LIR. L'article 167 de la version actuelle de la LIR est une révision entrée en vigueur le 17 janvier 1992, et il n'y a guère de jurisprudence qui en traite. J'ai donc consulté les jugements se rapportant à la LIR telle qu'elle était avant 1992. Les dispositions de la LTA ressemblent beaucoup à celles de la version actuelle de la LIR pour ce qui est des appels et des demandes de prorogation de délai.

[13] En vertu du paragraphe 305(1) de la LTA, l'appelant aurait pu présenter une demande de prorogation du délai pour déposer l'avis d'appel. L'ancien article 167 de la LIR donnait à la Cour canadienne de l'impôt une plus grande latitude en ce qu'elle pouvait accueillir une telle demande « [s]i, à son avis, les circonstances du cas font qu'il serait juste et équitable » de le faire. Même avec un pouvoir discrétionnaire apparemment aussi vaste, le juge Sarchuk de la C.C.I. avait conclu dans l'affaire M.N.R. v. Minuteman Press of Canada Company Limited, 87 DTC 462, conf. par 88 DTC 6275 (C.A.F.), qu'une lettre déposée par un représentant de l'appelante et disant « [n]ous désirons donc en appeler officiellement » n'était pas une demande de prorogation de délai. L'avocat de l'appelante avait soutenu que ces termes étaient ambigus et devaient donc être interprétés en faveur de l'appelante.

[14] L'article 305 de la LTA, tout comme l'article 167 de la version actuelle de la LIR, limite le pouvoir discrétionnaire de la Cour davantage que ne le faisait l'ancien article 167 à l'époque de l'affaire Minuteman, précitée. Aujourd'hui, la Cour ne peut faire droit à une demande que s'il est satisfait à toutes les exigences de l'article 305. Le paragraphe 305(2) dit qu'une telle demande « doit indiquer les raisons pour lesquelles » l'appel n'a pas été interjeté à temps. Le paragraphe 305(3) dit que la demande, accompagnée de trois exemplaires de l'avis d'appel, « est déposée » ou « envoyée » par courrier en trois exemplaires.

[15] Dans l'affaire dont je suis saisi, l'appelant a, par courrier, envoyé au ministre une lettre disant qu'il voulait interjeter appel. Il a aussi déposé au greffe une lettre différente dans laquelle il a dit qu'il voulait que la procédure informelle régisse l'appel. Il n'y a aucune ambiguïté dans les termes utilisés par l'appelant; ce dernier n'entendait simplement pas présenter une demande en vertu de l'article 305 de la LTA, et notre cour ne peut interpréter son avis d'appel comme constituant une telle demande.

Conclusion

[16] Je n'ai trouvé aucune jurisprudence ou loi pouvant servir de fondement juridique à un rejet de la requête de l'intimée.

[17] L'intimée a raison d'invoquer l'arrêt Bowen, précité, comme établissant qu'une fois que le ministre s'est acquitté de l'obligation que lui impose le paragraphe 301(5) de la LTA, c'est-à-dire après qu'il a fait part de sa décision par avis envoyé par courrier recommandé ou certifié à la dernière adresse connue de l'appelant, le délai de 90 jours commence le jour suivant. La Cour n'a pas compétence pour modifier la date du commencement du délai dans quelque circonstance que ce soit et n'a pas compétence non plus pour recevoir un appel dont l'avis a été déposé en retard, à moins qu'une prorogation du délai n'ait été accordée à la suite d'une demande présentée en vertu de l'article 305 de la LTA.

[18] Pour ces motifs, il est ordonné que la requête soit accueillie et que l'appel soit rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juillet 1998.

« C. H. McArthur »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de novembre 1998.

Stephen Balogh, réviseur

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