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Date: 19980401

Dossier: 96-434-GST-G

ENTRE :

WESTCAN MALTING LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] L'appelante interjette appel à l'encontre d'une cotisation de taxe sur les produits et services établie en application de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”) — avis no 10D1700569, 3 décembre 1993 — pour la période allant du 1er novembre 1991 au 30 septembre 1993, soit une cotisation de 221 073,27 $ de taxe nette, de 19 226,84 $ d'intérêts et de 19 021,58 $ de pénalités.

Points en litige

[2] Il s'agit de savoir si des sommes qui ont été payées par la province d'Alberta et le Dominion du Canada au village d'Alix (“ Alix ”) et qui ont ensuite été versées à l'appelante représentaient la contrepartie d'une fourniture taxable, faite par l'appelante à Alix, au sens de l'article 123 de la Loi et, dans l'affirmative, si l'appelante et Alix pouvaient se prévaloir de l'article 273 de la Loi en faisant un choix exonérant l'appelante de la taxe.

Faits

[3] Outre que de nombreuses pièces ont été déposées en preuve, deux personnes ont été appelées à témoigner pour l'appelante, soit :

Bryan James Mickelson, directeur des finances et de l'administration et dirigeant de l'appelante,

et

John Herbert Lund, maire actuel d'Alix, qui était conseiller municipal d'Alix durant la période considérée en l'espèce et président du comité de gestion (des détails à cet égard seront ultérieurement donnés dans les présents motifs).

[4] Les dépositions de ces deux témoins sont acceptées comme entièrement factuelles et sans hésitation.

[5] L'appelante désirait établir une usine de traitement de malt dans le centre de l'Alberta. Alix satisfaisait aux exigences de l'appelante quant à sa situation géographique.

[6] Par-dessus tout, l'appelante avait besoin d'un approvisionnement en eau important et constant, soit au moins 330 gallons la minute, ainsi que d'étangs d'eaux usées et d'un réseau de distribution pour assurer le traitement et l'élimination de la grande quantité d'effluents que l'usine produirait. Actuellement, l'usine transforme chaque année 120 000 tonnes métriques d'orge de malterie en 95 000 tonnes métriques de malt, soit du malt qu'elle vend à l'industrie brassicole dans le monde entier.

[7] Ni l'appelante ni Alix n'avaient les capitaux qu'il fallait pour construire l'infrastructure nécessaire pour produire l'eau indispensable et traiter les effluents.

[8] En juin 1991, une lettre d'intention avait été signée par l'appelante et Alix. Une partie de cette lettre se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Préambule : La Westcan a examiné de nombreux endroits dans la région du centre de l'Alberta avant de choisir Alix comme emplacement pour son projet de malterie de 50 millions de dollars. Westcan Malting a commencé la construction de l'usine, sur des terrains adjacents au village d'Alix. Au cours de discussions préliminaires quant à l'emplacement de l'usine proposé par la Westcan, Alix a accepté de fournir des services, notamment des services d'adduction d'eau et d'évacuation des effluents, selon les besoins de l'usine.

Le projet de la Westcan consiste à construire une usine de transformation agricole pour servir un marché outre-mer perçu. On prévoit que le développement du marché prendra un certain nombre d'années, ce pourquoi la construction de l'usine se fera en trois phases, qui seront menées à terme selon ce que dicteront les ventes.

Le projet sera grandement profitable au village et à la région. On peut toutefois douter que l'entreprise soit rentable les premières années, car c'est progressivement que les ventes atteindront les niveaux cibles. Comprenant cela, la plupart des municipalités étaient disposées à offrir une certaine aide et avaient effectivement offert une certaine aide pour compenser le fardeau de l'impôt municipal. Le village d'Alix s'était dit d'accord là-dessus, en principe. Il est vite apparu bien évident pour la compagnie qu'Alix n'était guère en position d’accorder une aide financière directe. Au cours de discussions tenues entre la Westcan et Alix, il avait été convenu que des efforts seraient faits pour assurer d'une autre manière un avantage financier à long terme à la compagnie, dans le cadre d'un programme conjoint de services publics mutuellement acceptable. Il avait également été convenu que, si un tel programme était mis sur pied, la Westcan ne s'attendrait pas à d'autres réductions de l'impôt municipal.

Il avait été proposé qu'Alix et la Westcan s'occupent ensemble de faire des recherches, d'effectuer des démarches et de présenter des demandes pour obtenir de l'aide des niveaux de gouvernement supérieurs afin de couvrir les coûts en capital de l'infrastructure nécessaire pour pourvoir aux besoins de la malterie projetée.

Par suite des divers efforts faits, le gouvernement provincial a accepté de financer le projet d'infrastructure en versant 2,4 millions de dollars. Le gouvernement fédéral a promis une somme de 700 000 $ pour couvrir la partie de l'engagement correspondant à celui d’Alix. La Westcan a accepté de fournir le terrain pour fins d'irrigation et de couvrir les dépassements de coût éventuels, soit un engagement estimé à 800 000 $. Ainsi, le village d'Alix n'aura à prendre en charge aucun coût en capital important relativement au projet.

En raison de ce qui précède, Alix accepterait de fournir les services publics à la Westcan Malting, moyennant des frais, pour la durée de vie de l'usine et reconnaît qu'une définition acceptable des termes “ moyennant des frais ” est nécessaire, sous forme d'entente exécutoire.

[9] Pour Alix — qui stagnait à l'époque, c'est-à-dire qu'elle ne connaissait aucune croissance et n'avait pas de capacité excédentaire d'adduction d'eau et d'évacuation des eaux usées —, l'avantage tenait au fait que, si l'appelante s'établissait à Alix et que l'argent nécessaire pour couvrir les coûts en capital de l'infrastructure provenait des gouvernements provincial et fédéral, sans frais pour Alix, les impôts municipaux payés par l'appelante seraient tels que le taux de l'impôt foncier payé par les résidents serait réduit de 20 p. 100, et le village enregistrerait une croissance et connaîtrait la prospérité. C’est ce qui est de fait arrivé.

[10] Le projet n'aurait jamais été réalisé si les subventions n'avaient pas été obtenues. La question de savoir à qui appartiendrait l'infrastructure n'importait pas à Alix, qui aurait été tout aussi heureux que l'appelante en soit propriétaire.

[11] En mars 1991, soit trois mois avant la signature de la lettre d'intention de l'appelante susmentionnée, la position de celle-ci était qu'Alix serait seul responsable de tous les frais de construction de l’infrastructure (pièce A-1, onglet 10).

[12] En septembre 1991, Alix a conclu avec le gouvernement fédéral une convention écrite concernant la subvention fédérale (pièce A-1, onglet 15). L'annexe B de la convention démontre que le gouvernement fédéral savait que l'objet intégral de la subvention était de couvrir le coût de l'amélioration d'installations d'adduction et d'égouts visant à assurer à la malterie de l'appelante un approvisionnement en eau suffisant et une capacité suffisante de traitement des eaux usées. Les clauses 2 et 3 de cette convention se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

2. Le BÉNÉFICIAIRE consent à payer toute somme en sus de la contribution du CANADA qui sera nécessaire pour mettre en oeuvre le projet et comprend qu'aucune autre contribution ne sera faite par le CANADA.

3. Le BÉNÉFICIAIRE assumera en tout temps directement la supervision, la gestion et le contrôle du projet.

[13] Alix avait aussi conclu une convention écrite avec la province d'Alberta. En voici des extraits :

[TRADUCTION]

1. Par les présentes, la municipalité consent :

a) à financer entièrement le projet;

b) à entreprendre d'acquérir les permis, licences, autorisations, servitudes et terrains nécessaires pour permettre la mise en oeuvre du projet;

c) à retenir, selon les besoins, les services d'un ingénieur compétent en vue de satisfaire aux normes de conception et de construction jugées acceptables par la province;

d) à solliciter des soumissions le moment venu de procéder à la construction sous contrat et, si elle recommande l'acceptation d'une soumission autre que la soumission basse, à présenter à la province, pour approbation écrite, sa recommandation quant à une telle adjudication, avec les détails de toutes les soumissions reçues;

[...]

f) à réaliser le projet à ses seuls risques, selon les règles de l'art, d'une manière complète à tous égards et conformément aux plans et devis, et à payer tous les frais y afférents;

[...]

3. Les parties conviennent que leurs contributions respectives à l'égard du projet visent les travaux concernant les puits d'eau, la distribution d'eau au village et à l'emplacement de la Westcan, l'amélioration du système de traitement des effluents du village, le raccordement de l'emplacement de la Westcan au système de traitement, l'installation de matériel d'évacuation des eaux d'irrigation et l'amélioration du chemin d'accès.

[14] De toute évidence, Alix a enfreint les deux contrats. L'appelante et Alix ont conclu une convention officielle (la “ convention ” — pièce A-1, onglet 16), qu'elles ont toutes les deux respectée et qu'elles n'ont pas cherché à modifier, ni officiellement ni par leurs actes.

[15] Les clauses importantes de la convention sont les suivantes :

[TRADUCTION]

ATTENDU que la Westcan entend construire et exploiter une malterie sur des terrains lui appartenant, soit des terrains situés à proximité d'Alix;

ATTENDU que la Westcan aura certains besoins en matière d'adduction d'eau et d'évacuation des effluents auxquels il devra être satisfait aux fins du fonctionnement de la malterie;

ATTENDU qu'Alix a besoin d'un système auxiliaire d'adduction d'eau et d'une nouvelle source d'évacuation des effluents pour ses propres fins générales;

ATTENDU qu'Alix a accepté de fournir les services d'adduction d'eau et d'évacuation des effluents pouvant être nécessaires à la malterie pendant la durée de vie de cette dernière;

ATTENDU que la Westcan et Alix ont convenu de créer un programme de services publics d'intérêt mutuel aux fins de la construction et du fonctionnement des systèmes qui seront utilisés conjointement par la Westcan, aux fins de la malterie, et par Alix, aux fins de ses résidents;

ATTENDU que, en tant que partie intégrante de ce programme conjoint de services publics, tous les coûts associés à l'élaboration, à la construction et à l'installation des systèmes nécessaires à la mise en oeuvre du programme seront payés grâce aux subventions et que les dépassements de coûts seront pris en charge par la Westcan;

ATTENDU que, également en tant que partie intégrante de ce programme conjoint de services publics, la Westcan sera en droit de bénéficier des systèmes pendant la durée de la convention aux fins intégrales de l'exploitation de la malterie, moyennant pour la Westcan des frais fondés sur le coût réel de la prestation de tels services;

[...]

q) “ comité de gestion ” Le comité établi conformément à l'article 10.1 des présentes;

[...]

z) “ durée de la convention ” La période allant de la date de la présente convention à la date à laquelle la malterie cessera d'être exploitée;

ARTICLE 2

2.1 Objet général de la convention

Les parties conviennent expressément de ce qui suit :

a) les attendus sont expressément incorporés à la présente convention;

b) Alix sera uniquement tenu de faire des apports pour le coût en capital de la construction des améliorations et pour les honoraires de gestion de la construction — en utilisant les subventions à cette fin — tandis que les dépassements de coûts seront pris en charge par la Westcan conformément à ses obligations aux termes de la présente convention;

c) une fois terminée la construction des améliorations et une fois en service les systèmes d'évacuation des effluents, d'irrigation et d'adduction d'eau, la Westcan n'aura à prendre en charge que sa part du coût de ces systèmes et n'aura aucune obligation envers Alix relativement à tous autres impôts, redevances, coûts ou dépenses concernant ces systèmes et leur utilisation ou les services publics qu'ils assureront pendant la durée de la convention ou relativement à des éléments autres que cette part;

[...]

4.4 Paiement du prix contractuel

Le prix contractuel sera payé par Alix à Westcan comme suit :

a) paiements mensuels fondés sur la valeur des travaux, soit des sommes certifiées par le consultant;

b) une fois les travaux terminés en grande partie, tel que cela aura été certifié par le consultant, tout solde de retenues alors dû;

c) une fois les travaux complètement terminés, tel que cela aura été certifié par le consultant, tout solde impayé du prix contractuel;

d) le paiement de toutes les sommes relatives à l'exécution des travaux sera sujet aux conditions générales;

[...]

4.9 Dépassements de coûts

Alix sera uniquement tenu de payer le prix contractuel et les honoraires de gestion de la construction, à concurrence d'un montant ne dépassant pas le montant des subventions. Si le montant du prix contractuel et des honoraires de gestion de la construction dépasse le montant des subventions, la Westcan devra prendre en charge ce dépassement.

ARTICLE 5

5.1 Négociations relatives aux licences et aux emprises

La Westcan est responsable de la négociation et du règlement des questions concernant tous baux, licences, emprises ou servitudes nécessaires à l'installation, la construction, l'aménagement, l'exploitation, l'entretien, l'inspection ou l'enlèvement des améliorations ou à leur remplacement. Tous ces baux, licences, emprises ou servitudes devront, au plan de la forme et du fond, être jugés satisfaisants par Alix et pourront lui être cédés. Le coût relié à cette négociation et tous les paiements devant être faits à des tiers aux termes du bail, de la licence, de l'emprise ou de la servitude ayant été négocié seront en sus du prix contractuel, pourvu qu'aucun droit ne puisse être exigé par la Westcan en sus des honoraires de gestion de la construction relatifs à ses services concernant la négociation et le règlement de ces questions.

ARTICLE 6

6.1 Transfert à Alix de la propriété des améliorations

La propriété des améliorations sera cédée à Alix au moment où les conditions suivantes seront réunies :

a) achèvement de la construction des améliorations;

b) paiement intégral, par Alix à la Westcan, du prix contractuel et des honoraires de gestion, à concurrence du montant maximum des subventions;

c) inspection finale et acceptation des améliorations par l'ingénieur engagé par Alix.

6.2 Propriété des systèmes et des licences

Alix sera et restera propriétaire des systèmes et des licences pendant la durée de la convention ou aussi longtemps qu'il le jugera nécessaire, sauf que, s'il décide à un moment donné qu'il n'a plus besoin d'utiliser les systèmes d'évacuation des effluents, d'irrigation ou d'adduction d'eau ou la licence d'adduction d'eau, il transférera à Westcan, à la demande de cette dernière, la propriété du ou des systèmes qu'il n'a plus besoin d'utiliser et cédera à Westcan toutes les licences d'adduction d'eau et les autres licences nécessaires à l'exploitation de ce ou ces systèmes, pour une contrepartie symbolique de UN DOLLAR (1 $). Si les licences d'adduction d'eau ou autres licences ne peuvent être immédiatement transférées à Westcan, Alix accepte que le ou les systèmes et les licences d'adduction d'eau ou autres licences restent à son nom, et elle accepte de continuer à faire bénéficier Westcan des systèmes conformément aux modalités prévues aux présentes.

6.3 Expiration de la durée de la convention

À l'expiration de la durée de la convention, la propriété des systèmes restera acquise à Alix. Si Alix décide qu'il a encore besoin d'utiliser les systèmes après l'expiration de la durée de la convention, la Westcan accordera à Alix les droits d'accès et servitudes relatifs aux terrains d'adduction et d'irrigation pouvant être requis par Alix, pour une contrepartie symbolique, de manière qu'Alix puisse continuer à utiliser les terrains d'adduction et d'irrigation aux fins prévues par toute licence d'adduction ou autre licence ayant été en vigueur et demeurant alors en vigueur au nom d'Alix, pourvu toujours que de telles emprises et servitudes ne continuent d'exister qu'aussi longtemps qu'Alix utilisera les licences d'adduction et que, par la suite, il soit mis un terme à de telles emprises et servitudes.

[...]

7.4 Assurance sur les systèmes

Alix assurera les systèmes et veillera à ce qu'ils restent assurés contre les pertes ou dommages causés par l'incendie, le vent, la grêle, la foudre, les émeutes, les tremblements de terre, l'impact d'un aéronef ou d'autres véhicules et la fumée et, dans la mesure applicable, contre les pertes ou dommages causés par des explosions et contre tous autres risques contre lesquels sont habituellement couverts des systèmes et appareils de nature semblable, à leur pleine valeur assurable à l'égard de toute perte. Alix s'engage aussi à maintenir ou à faire en sorte que soit maintenue pour la durée de cette garantie une assurance responsabilité civile et une assurance dommages matériels à des biens concernant les lésions corporelles, décès ou dommages matériels à des biens pouvant survenir relativement aux systèmes, de telles assurances devant offrir une protection dont les montants pourront de temps à autre être déterminés par le comité de gestion.

ARTICLE 8

8.1 Utilisation par la Westcan des étangs d'eaux usées et des systèmes d'évacuation des effluents

La Westcan sera autorisée à transporter les effluents depuis les terrains de l'usine jusqu'aux étangs d'eaux usées, à l'aide du système d'évacuation des effluents, de manière à utiliser toute capacité excédentaire du système d'étangs d'eaux usées pendant la durée de la convention. Si l'utilisation, par la Westcan, du système d'étangs d'eaux usées donne lieu à un manque continu de capacité de ce système pendant six (6) mois relativement aux utilisations normales d'Alix, la Westcan pourra, sur préavis d'Alix, assurer une capacité supplémentaire du système d'étangs d'eaux usées de la manière pouvant raisonnablement être exigée par Alix, pourvu toujours que, si la Westcan et Alix ne parviennent pas à une entente concernant la fourniture à Alix de cette capacité supplémentaire dans les douze (12) mois suivant la date de ce préavis, la Westcan ne soit plus autorisée à utiliser le système d'étangs d'eaux usées pour l'évacuation des effluents et qu'Alix puisse empêcher la Westcan d'utiliser ainsi ce système. Le droit de Westcan d'utiliser la capacité excédentaire du système d'étangs d'eaux usées subsistera en cas de transfert, en faveur d'Alix, de la propriété des systèmes d'adduction, d'irrigation et d'évacuation des effluents ou d'une partie quelconque de ces systèmes effectué conformément à l'article 6.1 des présentes.

8.2 Utilisation du système d'adduction par la Westcan

La Westcan sera en droit de recevoir du système d'adduction et d'utiliser un minimum de trois cent trente (330) gallons d'eau la minute pendant la durée de la présente convention, en priorité sur toutes autres utilisations par Alix.

8.3 Frais d'utilisation des systèmes

Les parties doivent chacune prendre en charge leur part des frais des systèmes.

8.4 Autres coûts

Aucuns autres frais à part ceux qui sont prévus dans la présente convention n'auront à être payés par la Westcan pour l'exploitation et l'entretien des systèmes.

[...]

ARTICLE 10

10.1 Décisions relatives à l'exploitation

et à l'entretien des systèmes

Toutes les décisions concernant l'exploitation, l'entretien, la réparation ou le remplacement des systèmes seront dévolues au comité de gestion créé par les parties au moment de la signature de la présente convention. Le comité de gestion comprendra un représentant avec droit de vote de la Westcan et un représentant avec droit de vote d'Alix. Chacune des parties pourra nommer un remplaçant comme représentant au comité de gestion et pourra de temps à autre changer de représentant, sur présentation d'un avis écrit à l'autre partie. Chaque représentant ou chaque représentant suppléant d'une partie sera mandataire de celle-ci et aura pleins pouvoirs pour lier cette partie aux fins envisagées aux présentes. Les représentants sans droit de vote de chaque partie pourront assister à toute réunion du comité de gestion. Toutes les décisions prises par le comité de gestion lieront les parties. Pour plus de certitude et de clarté, les parties conviennent qu'elles n'ont pas l'intention d’accorder au comité de gestion quelque pouvoir que ce soit sur d'autres services publics ou d'autres questions relevant normalement du village d'Alix; la compétence du comité de gestion s'appliquera seulement aux questions mentionnées aux présentes.

L'article 11 traite d'arbitrage en cas de différend entre l'appelante et Alix et revêt la forme habituelle.

ARTICLE 12

12.1 Cession

La présente convention et les modalités et clauses prévues aux présentes peuvent être cédées par la Westcan à toute autre partie continuant d'exploiter l'entreprise de la malterie sur les terrains de l'usine.

[...]

12.4 Convention indivisible

La présente convention constitue le contrat intégral conclu entre les parties aux présentes relativement à l'objet des présentes et l’emporte sur toutes ententes, négociations et discussions précédentes et contemporaines, écrites ou verbales, des parties concernant les questions y afférentes, et il n'y a pas de garanties, observations ou autres ententes générales ou particulières de la part des parties ou entre elles relativement à la conclusion de la présente convention ou à l'objet de celle-ci sauf ce qui est expressément prévu aux présentes.

[16] L'appelante et Alix se sont conformés aux modalités de la convention. En mars 1996, l'appelante a établi une facture à l'égard d'Alix au titre de la consommation d'eau et de l'évacuation des effluents. Bien que n'ayant pas payé le montant de cette facture (pièce A-2), Alix a bel et bien payé un montant moindre, dont on avait convenu. Cette facture démontre qu'Alix utilise bel et bien, dans une très faible proportion, l'infrastructure élargie.

[17] Au cours de l'automne 1997, l'appelante et Alix ont signé ce qui se veut un choix aux termes de l'article 273 de la Loi (pièce A-3) pour avoir un compte de coentreprise aux fins de la TPS. La pièce A-4 contient une feuille intitulée “ Dépenses de projet engagées par Westcan Malting Ltd. ”. Cette feuille démontre qu'Alix a déduit 9 903,77 $ de la subvention au titre des honoraires de gestion.

[18] Le 17 mai 1993, Alix a envoyé à l'appelante une lettre (pièce A-5) établissant un rapprochement entre les rentrées et les sorties de fonds, soit :

[TRADUCTION]

Comme vous l'aviez demandé, nous vous présentons un état des rentrées et sorties de fonds relatives au projet d'infrastructure :

Rentrées de fonds

Subvention fédérale 703 915,87 $

Subvention provinciale 2 460 514,60 $

Apport des promoteurs 112 843,35 $

TOTAL : 3 277 273,38 $

Sorties de fonds

Réclamations 1 à 13 de Westcan 2 900 874,80 $

Réclamation partielle 14 (argent des subventions) 186 600,00 $

Reste de la réclamation 14 et réclamations 15 et 16 112 843,35 $

Dépenses du village au 09/01/92 76 901,27 $

TOTAL : 3 277 299,42 $

Différence : 53,96 $

Ces chiffres sont issus de la vérification du village de 1992. Le comptable n'a établi aucun rapprochement relativement à la différence de 53,96 $.

Vous trouverez également ci-joint une facture au titre des services de vérification de 1992, moins l'argent restant sur les subventions. Veuillez remettre ce montant au village.

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

[19] Cette lettre démontre qu'Alix a remis à l'appelante le montant net des subventions après avoir déduit toutes ses dépenses relatives au projet.

[20] Alix a reçu des subventions totalisant environ 3 164 430,47 $ et n'a versé à l'appelante que 3 087 000 $, conservant environ 77 000 $ pour récupérer tous ses frais. L'appelante a dû prendre en charge un dépassement de coût de 112 843,35 $.

Thèse et arguments de l'appelante

[21] L'appelante soutient que la construction de l'infrastructure n'était pas une fourniture et que les sommes qui lui ont été versées par Alix ne représentaient pas la contrepartie d'une fourniture,

et elle fait valoir subsidiairement que,

si la Cour conclut qu'il s'agissait d'une fourniture, c'était une fourniture entre coentrepreneurs, donc une fourniture non taxable.

[22] La disposition générale d'assujettissement qui figure dans la Loi est le paragraphe 165(1), lequel, sous l’intertitre “ Assujettissement ”, se lit comme suit :

(1) Taux de la taxe sur les produits et services — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

[23] L'appelante soutient qu'Alix n'est que propriétaire nominal de l'infrastructure, qu'il n'y aurait pas eu d'infrastructure sans les subventions, que les subventions sont simplement passées d'Alix à l'appelante et que le village avait essentiellement conclu la convention avec l’appelante pour rendre service à cette dernière.

[24] L'appelante a fait remarquer que le paragraphe 141.01(1.2), qui figure sous l’intertitre “ Primes et subventions ”, n'était pas applicable. L'intimée n'a formulé aucune objection à cet égard.

[25] L'appelante m'a renvoyé au bulletin d'information B-067 de Revenu Canada, concernant le traitement des subventions et contributions sous le régime de la taxe sur les produits et services, et plus particulièrement à la page 8 de ce document, où figure, à la rubrique intitulée “ Sommaire des lignes directrices ”, la question suivante : “ Un paiement de transfert constitue-t-il la contrepartie d'une fourniture? ” Ce bulletin indique que, si un but public est visé et que la fourniture serve uniquement à assurer le respect de l'obligation de rendre compte, on considère qu'il n'y a aucune contrepartie. L'appelante soutient que la municipalité a non pas encaissé l'argent, mais simplement transmis à l'appelante l'avantage correspondant aux subventions.

[26] L'appelante soutient que l'article 6.2 de la convention vise à l'avantager — de manière qu'aucune autre entité ne puisse reprendre l'infrastructure — et que le village se souciait peu de savoir qui serait propriétaire et qu'il n'a agi de la sorte que parce qu'il le fallait pour obtenir les subventions au profit de l'appelante, qui installait son usine à Alix.

[27] L'appelante fait subsidiairement valoir que, si je décidais qu'il y a eu une fourniture taxable, l'entreprise conjointe était une coentreprise au sens de l'article 273 de la Loi, lequel prévoit une exemption à l’égard de la taxe prévue au paragraphe 165(1); cet article se lit en partie comme suit :

273. Choix concernant les coentreprises

(1) L'inscrit (appelé “ entrepreneur ” au présent article) qui participe à une coentreprise, sauf une société de personnes, en conformité avec une convention constatée par écrit, conclue avec une autre personne (appelée “ coentrepreneur ” au présent article) et portant sur l'exploitation de gisements minéraux, ou l'exploration afférente, ou sur une activité visée par règlement, peut faire, avec le coentrepreneur, un choix conjoint pour que les règles suivantes s'appliquent :

a) pour l'application de la présente partie, les biens et services fournis, acquis, importés ou transférés dans une province participante, pendant que le choix est en vigueur, par l'entrepreneur au nom du coentrepreneur aux termes de la convention dans le cadre des activités visées par celle-ci sont réputés l'être par l'entrepreneur et non par le coentrepreneur;

b) l'article 177 ne s'applique pas à une fourniture visée à l'alinéa a);

c) pour l'application de la présente partie, toutes les fournitures de biens ou de services effectuées par l'entrepreneur au profit du coentrepreneur aux termes de la convention et dans le cadre des activités visées par la convention sont réputées ne pas être des fournitures.

L'alinéa c) a été modifié après le 15 septembre 1992 de manière à se lire comme suit :

c) pour l'application de la présente partie, les fournitures de biens ou de services effectuées par l'entrepreneur au profit du coentrepreneur aux termes de la convention, pendant que le choix est en vigueur, sont réputées ne pas être des fournitures dans la mesure où les biens ou services seraient, sans le présent article, acquis par le coentrepreneur pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre des activités commerciales visées par la convention.

Le paragraphe (4) se lit comme suit :

(4) Forme du choix ou de la révocation

Le choix ou la révocation ne sont valides que s'ils sont faits en la forme déterminée par le ministre, contiennent les renseignements déterminés par lui et précisent la date de leur entrée en vigueur.

[28] Le règlement visant des activités de coentreprise, qui avait été proposé en décembre 1990, porte le titre abrégé de “ Règlement sur les coentreprises (TPS) ”. Le paragraphe 3(1), figurant sous l’intertitre “ Activités ”, se lit comme suit :

3. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les activités suivantes sont visées pour l'application du paragraphe 273(1) de la Loi :

a) la construction d'un immeuble, y compris la tenue d'études de faisabilité, le tracé des plans, les activités d'aménagement et les appels d'offres entrepris dans le cadre d'une coentreprise portant sur la construction d'un immeuble;

b) l'exercice des droits ou privilèges, ou l'acquittement des obligations, liés à la propriété d'un droit sur un immeuble, y compris sa construction et les activités d'aménagement connexes, dans le but d'en tirer un revenu par vente ou aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable.

[29] L'appelante soutient qu'il y a 19 activités ou plus qui sont administrées par Revenu Canada comme s'il s'agissait d'activités visées par règlement; en voici quelques exemples :

1) l'élimination des déchets;

2) l'exploitation et l'entretien du Système d'alerte du Nord;

3) l'entretien des routes sur les réserves indiennes;

4) l'acquisition de données sismiques.

[30] L'appelante, qui soutient que le choix relatif à la coentreprise (pièce A-3) est conforme aux dispositions quant à la forme et qu'il s'agit d'un document pouvant être signé n'importe quand après la date d'entrée en vigueur, m'a renvoyé à l'énoncé numéro P-187, qui mentionne ceci :

Il résulte de l'obligation de préciser la date d'entrée en vigueur que les participants à la coentreprise peuvent remplir le formulaire de choix après le fait.

[31] L'appelante fait remarquer que la dernière page de la pièce A-4 indique quels paiements ont été effectués avant et après le 15 septembre 1992 et que, de toute façon, le libellé de l'alinéa 273(1)c), dans sa version postérieure au 15 septembre 1992, est encore assez large pour que les paiements totaux soient exonérés.

Thèse de l'intimée

[32] L'intimée soutient que la cotisation reste dans le cadre du paragraphe 165(1) de la Loi (précité) et me renvoie à la définition de “ fourniture ”, soit :

“ fourniture ” Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

et à la définition de “ contrepartie ”, soit :

“ contrepartie ” Est assimilé à une contrepartie tout montant qui, par effet de la loi, est payable pour une fourniture.

[33] L'intimée reconnaît que l'appelante et Alix avaient des intérêts communs ; elle soutient que, bien que l'on puisse dire que la convention correspondait à une entreprise conjointe, il ne s'agissait pas d'une coentreprise au sens de la Loi.

[34] Elle fait valoir que, pour qu'il s'agisse d'une coentreprise, des mesures doivent être prises pour gagner un revenu, et que la convention ne représentait donc pas une coentreprise au sens de l'article 273.

[35] On a laissé entendre que les termes “ L'inscrit [...] qui participe à une coentreprise ” figurant à l'article 273 de la Loi désignaient :

[TRADUCTION]

une personne qui, en conformité avec une convention de coentreprise constatée par écrit, fait un investissement en affectant des ressources et prend part aux revenus ou aux pertes découlant des activités de la coentreprise.

[36] L'intimée soutient qu'une “ coentreprise ” correspond à un arrangement aux termes duquel deux ou plus de deux personnes travaillent ensemble dans une entreprise commerciale limitée et définie ne constituant ni une société de personnes ni une fiducie ni une compagnie, dont les produits et les charges seront répartis selon des proportions mutuellement convenues, et que les participants ont normalement un intérêt conjoint dans le produit de la coentreprise.

Analyse

Premier point en litige

[37] La construction de l'infrastructure était-elle une fourniture, et l'argent versé était-il la contrepartie de la fourniture?

[38] Alix n'avait pas besoin de la nouvelle infrastructure; c'est l'appelante qui en avait besoin aux fins d'une exploitation fructueuse. L'avantage qu'avait Alix à conclure cette convention de complaisance tenait à la réduction de 20 p. 100 de l'impôt foncier qui serait payé par ses résidents. Alix était disposé à agir de la sorte pourvu que cela ne lui coûte rien.

[39] La convention est une entente à deux volets en ce qu'elle prévoit d'abord la construction de l'infrastructure, puis l'exploitation. C'est uniquement la construction de l'infrastructure qui nous intéresse.

[40] La construction de l'infrastructure n'a rien coûté à Alix. Si Alix désirait à un moment quelconque se départir de ces infrastructures, l'appelante ou ses successeurs quant à l'entreprise de malterie pourraient reprendre l'infrastructure pour la somme de un dollar.

[41] Le coeur de la question tient à la propriété de l'infrastructure. Lorsque la convention est considérée dans son ensemble, on ne peut que conclure qu'Alix est propriétaire de l'infrastructure. Les obligations en matière d'assurance prévues au paragraphe 7.4 de la convention représentent un indicateur de propriété. On ne peut dire qu'Alix détient le titre en fiducie pour l'appelante ou qu'elle agissait comme mandataire de l'appelante. Les subventions ont été accordées par les deux niveaux de gouvernement aux termes de conventions écrites conclues avec Alix, le principal but étant la construction d'une infrastructure municipale, laquelle permettrait de satisfaire aux besoins de l'appelante.

[42] L'appelante avait besoin de l'infrastructure. Si elle l'avait construite à ses frais, elle aurait en définitive investi 3 200 000 $ et aurait pu utiliser l'infrastructure à ses frais. D’après la convention, elle peut utiliser l'infrastructure moyennant des frais, et le coût en capital pris en charge par elle a été ramené de 3 200 000 $ à seulement 100 000 $ (chiffres qui sont tous arrondis). L'avantage évident pour l'appelante tenait au fait qu'elle n'avait pas à investir 3 100 000 $ pour pouvoir utiliser l'infrastructure moyennant des frais. Initialement, l'appelante voulait qu'Alix prenne en charge tous les frais d'amélioration de son infrastructure. Alix n'avait pas jugé cela acceptable. La convention finale effective était la deuxième solution la meilleure pour l'appelante.

[43] Le mot “ fourniture ” est défini comme suit dans la Loi :

“ fourniture ” Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

[44] Cette définition est une définition globale ayant une vaste portée. Elle vise notamment une “ aliénation ” ou disposition, soit des termes qui ne sont pas définis dans la Loi.

[45] Mon collègue le juge Bonner, de la C.C.I., déclarait dans l'affaire Plant National Ltd. v. M.N.R., 89 DTC 401, aux pages 402 et 403 :

D'après la définition de “ disposition ” dans le Black's Law Dictionary, 5e édition, ce mot comprend [TRADUCTION] “ l'aliénation d'un bien, le fait de s'en départir ou de le céder ”. Dans le même dictionnaire, le mot “ dispose of ” (disposer de) est défini, en partie, de la façon suivante : [TRADUCTION] “ aliéner, se départir ou se débarrasser de; mettre de côté; en finir avec; échanger ”.

[46] Il s'agit maintenant de savoir si cette fourniture peut être considérée comme une fourniture taxable. Selon la Loi, une fourniture taxable est une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale. Aux termes de la Loi, la réalisation de fournitures d'immeubles appartenant à la personne constitue une activité commerciale. Sur la foi de la preuve, on ne peut que conclure qu'une fourniture a été effectuée. Cette fourniture était le projet d'infrastructure, soit l'immeuble pour l’application de la Loi. Je conclus que, dans l'affaire qui nous occupe, une fourniture d'un immeuble appartenant à l'appelante a été faite par l'appelante à Alix, soit une fourniture taxable.

[47] La question suivante que la Cour doit examiner en ce qui a trait à l’application de l'article 165 de la Loi consiste à déterminer la valeur de la contrepartie de cette fourniture. Aux fins du présent appel, j'ai trouvé utile de consulter le bulletin d'information technique (“ BIT ”) B-067 en date du 24 août 1992, qui s'intitule Traitement des subventions et des contributions sous le régime de la taxe sur les produits et services, pour déterminer si les subventions peuvent être considérées comme une contrepartie. Ce BIT indique que les subventions accordées dans l'intérêt public ne sont généralement pas considérées comme la contrepartie d'une fourniture. Toutefois, lorsque la subvention accordée à une personne et une fourniture faite par cette personne au donateur des fonds ou à un ou plusieurs tiers sont directement liées, la subvention sera considérée comme la contrepartie de la fourniture. Pour déterminer s'il existe un tel lien direct, il faut, précise le BIT, tenir compte des questions suivantes :

1) Une fourniture est-elle effectuée relativement au paiement?

2) Y a-t-il un lien direct entre le paiement et la fourniture?

3) Quel était le but du paiement?

4) La fourniture avait-elle pour but de permettre au donateur de respecter son obligation de rendre compte de l'utilisation du paiement?

[48] Sur la foi de la preuve qui m’a été présentée, j'ai déterminé que la fourniture de l'infrastructure est bel et bien effectuée relativement aux subventions versées à l'appelante. Indépendamment de la question de savoir si ces subventions des divers niveaux de gouvernement sont accordées par l'intermédiaire d'Alix ou considérées du point de vue d'Alix, il est certain que la propriété de l'infrastructure a été transmise à Alix au moment du versement final de la subvention à l'appelante. Il y a un lien direct entre le fait que l'appelante a reçu les fonds provenant des subventions et le fait qu'Alix a reçu la propriété de l'infrastructure. Ainsi, les fonds provenant des subventions que l'appelante a reçus d'Alix constituent la contrepartie reçue au titre de la fourniture de l'infrastructure.

[49] Bien qu'il ressorte de la preuve que la propriété de l'infrastructure n'était pas une considération importante pour les parties, le fond et la forme des ententes globales conclues entre les divers niveaux de gouvernement, Alix et l'appelante indiquent qu'Alix devait être propriétaire de l'infrastructure définitive. Le but direct des subventions était de permettre à Alix d'augmenter sa capacité en ce qui a trait à l'adduction et aux égouts afin que l'appelante établisse son usine.

[50] Une fourniture a été faite par l'appelante à Alix, et une contrepartie a été payée par Alix à l'appelante.

[51] L'appelante n'a pas gain de cause relativement au premier point en litige, et je passe maintenant au second point en litige.

Deuxième point en litige — coentreprise

[52] Dans l'affaire Central Mortgage & Housing Corporation v. Graham et al., 43 D.L.R. (3d) 686, le juge Jones, de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, écrivait dans ses motifs de jugement, aux pages 704 à 707 :

[TRADUCTION]

[...] Une coentreprise est définie comme suit à la page 65 du volume I de Partners and Partnerships, Law and Taxation (1956), de Barrett et Seago :

[TRADUCTION]

Une coentreprise peut être définie comme l'association de deux ou plus de deux particuliers, compagnies ou sociétés de personnes ou d'une combinaison de particuliers, compagnies ou sociétés de personnes, en vue d'exploiter une entreprise commerciale. Depuis quelques années, ce type d'organisation commerciale plutôt spécial est davantage utilisé et retient davantage l'attention. Les coentreprises sont assez fréquentes dans le domaine de la construction. Un résultat concret et utile peut ainsi être obtenu en ce que la tâche pourrait bien se révéler trop grande pour un seul groupe de particuliers, une seule entreprise ou une seule compagnie. De plus, il faut du matériel divers et il faut mettre en commun du personnel compétent et expérimenté, ce qui rend cette forme d'organisation intéressante. D'une manière générale, une grande partie du droit des sociétés de personnes s'applique aux coentreprises.

Une autre définition souligne que la coentreprise porte presque invariablement sur une seule entreprise qui n'exige pas continuellement l'attention de tous les participants.

À la page 67, les auteurs ajoutent : “ Il est bien établi qu'une compagnie peut se lancer dans une coentreprise et être partie à une telle entreprise. ”

Dans le volume 2 de Williston on Contracts,3e éd. (1959), on peut lire ceci aux pages 544 et 545 :

[TRADUCTION]

La coentreprise — soit une forme d'organisation commerciale connue depuis longtemps mais n'ayant que récemment obtenu une reconnaissance distincte en droit — représente un moyen commode de s'assurer de la grande concentration de capitaux, connaissances et savoir-faire nécessaires à la réalisation de projets de construction de grande envergure, par exemple des édifices publics, monuments nationaux et autres ouvrages semblables comme des ponts, tunnels, autoroutes et routes à péage, barrages hydroélectriques, canaux et voies maritimes, projets d'énergie électrique, réacteurs atomiques et autres sources d'énergie, pour ne mentionner que quelques-uns des résultats typiques des coentreprises.

Aux pages 547 et 548, il est écrit :

[TRADUCTION]

Comme moyen de faire du commerce ou du négoce, la coentreprise remonte à une période lointaine; cependant, comme concept juridique, sa croissance a été lente. Au début, la common law ne reconnaissait comme relation entre coentrepreneurs que la relation existant entre des associés au sein d’une société, et il fallait prouver l'existence des éléments requis relativement à un tel statut.

Toutefois, face aux problèmes urgents que posait la nécessité d'appliquer des principes fondamentaux de la common law à des faits nouveaux dans le monde des affaires et du commerce, les tribunaux ont graduellement fait évoluer ce qui pourrait devenir une relation juridique distincte : la coentreprise. Ainsi, des parties unissent leurs ressources, soit habituellement des capitaux, connaissances, habiletés et services, dans l'exploitation d'une entreprise commerciale sans créer une société de personnes au sens juridique de l'expression.

Puis, aux pages 549 et 550 :

[TRADUCTION]

Ne pouvant s'appuyer sur des précédents issus de la règle du stare decisis et face à l'évolution et à l'expansion rapides des méthodes et exigences commerciales, les tribunaux ont bien évidemment exprimé des opinions fort différentes quant à la façon de considérer la coentreprise et ont été réticents, ce qui est compréhensible, à définir d'une manière précise “ cette jurisprudence hybride d'origine récente dont les connotations sont indéterminées. ”

Il ressort de la jurisprudence un manque total d'uniformité ou d'exactitude terminologique en ce qui concerne les expressions judiciaires cherchant à définir les coentreprises, et de nombreux tribunaux ont déclaré que les circonstances et le contrat ainsi que l'objet de l'entreprise doivent déterminer la nature juridique de l'association.

Le passage suivant d'un jugement important et représentatif exprime succinctement cette attitude ainsi que les difficultés auxquelles se heurtent les tribunaux lorsqu’il s’agit de préciser la nature d'une coentreprise :

[TRADUCTION]

Il est difficile de définir d'une manière précise ce qu'est une coentreprise. La jurisprudence n'est guère utile, car les jugements rendus se limitent en général aux faits propres à chaque cas. “ L'issue de chaque instance dans laquelle est alléguée l'existence d'une coentreprise [...] dépend évidemment des faits propres à cette instance et, en raison de la grande diversité des faits, aucun jugement en matière de coentreprise ne constitue un précédent plus convaincant qu'un autre ”.

Comme l’indique l'auteur à la page 553, une coentreprise se fonde entièrement sur une convention conclue entre les parties. À la page 554, l'auteur renvoie aux définitions suivantes :

[TRADUCTION]

La coentreprise est une association, fondée sur un contrat, dans laquelle deux ou plus de deux personnes unissent leurs fonds, biens, connaissances, habiletés, expérience, temps ou autres ressources dans la réalisation d'une entreprise ou d'un projet particulier et conviennent habituellement de partager profits et pertes, chacune ayant un certain degré de contrôle sur l'entreprise. D'une manière un peu plus détaillée :

On peut dire qu'une coentreprise correspond à un projet entrepris en commun, que c'est une association de personnes, soit les coentrepreneurs, visant la réalisation d'un seul et unique projet dans un but lucratif et que les profits doivent être partagés, de même que les pertes, quoique la responsabilité d'un coentrepreneur à l'égard d'une part des pertes ou dépenses de la coentreprise puisse être fonction des modalités du contrat. Pour qu’il y ait une coentreprise, il faut un apport des parties à un projet commun, ainsi qu'une communauté d'intérêts et un certain contrôle sur l'objet du contrat ou sur le droit de propriété du contrat.

La question de savoir si les parties à un contrat particulier ont ainsi créé entre elles une relation de coentrepreneurs ou une autre relation dépend de leur intention réelle, et une telle relation n'existe que lorsque les parties entendent s'associer ainsi. Cette intention doit être déterminée selon les règles ordinaires régissant l'interprétation des contrats.

Puis il est écrit aux pages 555 et 556 :

[TRADUCTION]

Bref, une définition ad hoc de “ coentreprise ” fondée sur les décisions judiciaires effectives peut ainsi être formulée : une coentreprise est une association de personnes physiques ou morales qui conviennent par contrat d’exploiter une entreprise commune, habituellement à une fin particulière, dont elles partageront les profits et pour laquelle elles uniront leurs ressources respectives sans toutefois former une compagnie ou une société de personnes au sens juridique (sans qu'un tel statut ne soit créé); le contrat prévoit aussi une communauté d'intérêts entre les coentrepreneurs, chacun étant à la fois mandant et mandataire par rapport aux autres dans le cadre de l'entreprise, sur laquelle chaque entrepreneur exerce un certain degré de contrôle.

Après avoir souligné la nécessité d'un contrat, l'auteur poursuit ainsi, aux pages 557 à 559 :

[TRADUCTION]

La question de savoir si des personnes se sont lancées dans une coentreprise dépend en grande partie de leur intention, exprimée dans les clauses de leur contrat, et de l'interprétation qu'elles en ont donnée. La conduite des parties, la nature de l'entreprise et les circonstances et faits concomitants seront généralement déterminants.

Des faits indiquant une intention d'unir des ressources comme de l'argent, des biens, de la main-d'oeuvre, des connaissances et des habiletés dans une entreprise conjointe en vue d'atteindre un résultat au profit des parties sont importants dans l'établissement de l'existence d'une coentreprise. D'autres facteurs qui seront l'objet d'un examen judiciaire sont la mesure dans laquelle les coentrepreneurs ont le droit de participer à la gestion et au contrôle de l'entreprise, ainsi que l'existence d'un rapport fiduciaire entre eux. La contrepartie du contrat de coentreprise peut être une promesse, expresse ou tacite, d'apporter à l'entreprise des capitaux, de la main-d'oeuvre, des biens, des connaissances, des habiletés ou d'autres ressources.

Conformément aux principes généraux régissant les contrats, la convention entre les coentrepreneurs “ n'a pas besoin d'être expresse ”, et il n'est pas nécessaire non plus qu'elle soit mise par écrit ou qu'elle spécifie les droits et obligations des parties. Une preuve de participation active à l'entreprise ou d’un certain contrôle sur l'objet de l'entreprise ou sur les biens en cause dans celle-ci, la conduite des parties, les faits et les circonstances — en supposant que les autres préalables soient présents — fonderont la Cour à conclure à l'existence d'une coentreprise.

Puis aux pages 563 à 565, l'auteur écrit :

[TRADUCTION]

Outre le fait qu'une coentreprise doit avoir un fondement contractuel, les tribunaux ont énoncé certains autres préalables jugés essentiels pour qu'il soit conclu à l'existence d'une coentreprise. Bien que l'existence d'une coentreprise dépende des faits et des circonstances propres à chaque cas et qu'on n'ait adopté aucune règle bien définie s'appliquant de façon générale à toutes les situations, les tribunaux reconnaissent à peu près tous que les facteurs suivants doivent être présents :

a) un apport, par les parties, de fonds, biens, efforts, connaissances, habiletés ou autres actifs à une entreprise commune;

b) un intérêt de propriété commune dans l'objet de l'entreprise;

c) un droit de gestion ou de contrôle mutuel de l'entreprise;

d) une attente de profit ou la présence de ce qu'on appelle parfois un “ projet à risque ”;

e) un droit de participation aux profits;

f) la plupart du temps, une limitation de l'objectif à une seule et unique entreprise ou à une entreprise constituée à une fin particulière.

[53] Dans l'affaire Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. v. Saint John Shipbuilding Ltd., 126 D.L.R. (4th) 1 (C.A. T.-N.), le juge Cameron, prononçant le jugement pour la Cour, a cité un extrait du jugement Graham, précité, notamment la définition de “ coentreprise ” ainsi que la liste de facteurs de Williston relativement à une coentreprise (Williston on Contracts, S. Williston & W. H. E. Jaeger, éd.). Le juge Cameron concluait ensuite, à la page 12 :

[TRADUCTION]

Personne ne semble avoir été disposé à tenter de définir la quintessence de la coentreprise. En partie — comme l'illustrent les propos précédents — une coentreprise est définie par ce qu'elle n'est pas. Ce n'est pas une société de personnes, bien qu'elle ait été décrite comme ayant “ la nature d'une société de personnes ” : H. C. Black, Black's Law Dictionary, 6e éd. (St. Paul (Minnesota), West Publishing Co., 1990). Ce n'est pas une compagnie non plus.

L'avocat de SJSL soutient que BVI et HOOL présentent tous les indices de coentreprise énumérés par le juge Jones dans l'affaire Graham. Je ne suis pas d'accord.

[...] HOOL et BVI n'ont pas un intérêt de propriété conjointe dans l'entreprise de forage “ Bow Drill 3 ”, qui appartenait uniquement à BVHB [...] Pour ce qui est de la gestion, Raychem concède que HOOL et BVI n'avaient aucune responsabilité à l'égard de l'exploitation de l'installation de forage. Quelle qu'ait été par ailleurs leur relation, il n'y avait entre HOOL et BVI aucune coentreprise consistant à construire et à exploiter l'installation de forage “ Bow Drill 3 ”. En concluant le contraire, le juge de première instance a commis une erreur.

L’affaire a été portée en appel devant la Cour suprême du Canada1. Le juge McLachlin, prononçant le jugement pour la Cour sur la question portée en appel, a confirmé la conclusion de la Cour d'appel selon laquelle il n'existait aucune coentreprise. Voici ce qu’il déclarait à la page 49 :

Le présent cas n'entre dans aucune des trois catégories susmentionnées. En l'espèce, les demanderesses n'avaient aucun droit de possession ou de propriété sur la plate-forme et il ne s'agit pas d'une affaire d'avarie commune. La Cour d'appel a conclu à juste titre que, même s'il existait un lien contractuel entre la demanderesse et le propriétaire du bien, il ne pouvait en aucun sens du terme être considéré comme une entreprise conjointe à laquelle ils auraient participé.

[54] La question de savoir s'il existe une coentreprise aux fins de l'article 273 de la Loi doit être déterminée selon la conduite des parties, la nature de leurs intentions, les circonstances et les faits propres à leur situation, et la convention qu'elles avaient conclue. Bien que la liste de facteurs présentée par Williston ne soit pas déterminante quant à l'existence d'une coentreprise entre les parties, il faut tenir compte de ces facteurs, qui ont été cités avec approbation dans les jugements Graham et Bow Valley, précités.

[55] Je ne conclus pas qu'il existait pour l'une ou l'autre des parties un droit de participation aux profits tirés de l'infrastructure ou une attente de profit à cet égard. Pour Alix, l'avantage devant être tiré de l'infrastructure allait prendre la forme non pas de bénéfices mais plutôt d'une diminution de l'impôt foncier pour ses citoyens si l'appelante s'installait dans la municipalité. Pour l'appelante, l'avantage tiré de l'infrastructure est qu'elle obtient, avec un apport de capital très limité, les systèmes d'adduction d'eau et d'évacuation des eaux usées, moyennant des frais. Il n'y pas d'intérêt financier en jeu, et aucun risque n'est assumé à l'égard du succès ou de l'échec global du programme conjoint de services publics. Je ne suis pas convaincu que les deux parties aient un intérêt de propriété conjointe dans l'infrastructure, soit un élément nécessaire pour qu'il y ait coentreprise.

[56] Le programme conjoint de services publics entrepris par l'appelante et Alix ne peut être considéré comme une coentreprise pour l’application de la Loi. Le choix prévu à l'article 273 de la Loi ne peut être fait ni par l'appelante ni par Alix. La fourniture d'infrastructure faite à Alix reste une fourniture taxable pour l’application de l'article 221 de la Loi.

[57] C'est avec beaucoup de réticence que je rejette cet appel. Je ne crois pas qu'il ait été voulu que ce genre d'opération soit taxable. J'espère que, si l'appelante en fait la demande au ministre, elle se verra sans délai accorder un décret de remise.

[58] Dans ces circonstances, je n'adjuge pas de dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'avril 1998.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de novembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur



1 Bow Valley Husky (Bermuda) c. Saint John Shipbuilding Ltd., [1997] A.C.S. no 111.

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