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Date: 19980414

Dossier: 95-3729-IT-G

ENTRE :

E. F. ANTHONY MERCHANT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels interjetés à l’encontre de cotisations relatives aux années d'imposition 1990, 1991 et 1992 de l'appelant. Les questions litigieuses, telles qu'elles sont énoncées dans les avis d'appel et dans les réponses, sont les suivantes, à savoir :

a) si la nouvelle cotisation du 2 décembre 1994 relative à l'année 1990 est prescrite;

b) si l'appelant a le droit de déduire des frais relatifs à l'exercice d'une profession de 10 838 $ et des frais financiers de 31 133 $;

c) si le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a eu raison d'ajouter un montant de 33 525 $ au titre du revenu professionnel tiré de sociétés de personnes;

d) si le ministre a eu raison d'imposer des pénalités.

[2] Dans l'avis d'appel se rapportant à l'année 1990, il est également fait mention du fait que le ministre n'a pas répondu au rajustement d’une formule T-1.

[3] L'audience a duré sept jours, soit les 11, 12, 13 et 14 août 1997 ainsi que les 23, 24 et 25 février 1998. Pourtant, l'affaire se résumait essentiellement à un certain nombre de questions de fait qui auraient pu ou auraient dû être réglées au stade de l'établissement des cotisations ou des appels.

[4] Je conclus que Me Merchant n'a pas coopéré lorsque le répartiteur, M. Steven Kendall Button, a effectué la vérification, de sorte que celui-ci n'a pas pu effectuer la vérification d'une façon qui aurait selon toute probabilité permis de régler de nombreuses questions. Me Merchant a encore eu l'occasion de régler l'affaire au stade des appels, après le dépôt des avis d'opposition. Il a refusé de faire des observations à l'agent des appels, de toute évidence en se fondant sur le fait qu'il porterait l'affaire devant les tribunaux. La production de documents et l'interrogatoire préalable de Me Merchant se sont éternisés, et ce, principalement à cause des tactiques obstructionnistes de Me Merchant. La Couronne s'est vue obligée de présenter des requêtes qu'elle n'aurait normalement pas eu à présenter.

[5] Le système qui s'applique aux cotisations, aux oppositions et aux appels en matière d'impôt au Canada est fort efficace. De fait, à en juger par mon expérience, c'est l'un des meilleurs systèmes au monde. À chaque stade, le contribuable ou son représentant a le droit de rencontrer des représentants du gouvernement en vue de tenter de régler les questions qui se posent, de sorte que de nombreux litiges sont réglés. Toutefois, pour que le système fonctionne bien, il faut faire preuve de bonne foi et de franchise des deux côtés. Le système ne fonctionne pas si la procédure d'appel est considérée, comme elle l'a été dans ce cas-ci, comme un jeu dont le but est de battre et de dérouter l'adversaire.

[6] En l'espèce, des documents ont été produits jusqu'à la dernière minute. L'audience a duré sept jours. Toute question importante (par opposition à la laborieuse présentation en preuve des reçus, qui auraient dû être produits au stade de la vérification ou de l'opposition) aurait pu être tranchée en une journée. On a consacré une bonne partie de l'audience à justifier de petites dépenses, question qui aurait dû être réglée au stade de l'établissement des cotisations, lorsque M. Button vérifiait le dossier.

[7] Lorsqu'il faut établir un grand nombre de documents, comme des factures, on gaspille le temps de la Cour en les présentant en preuve l'un après l'autre. L'approche préconisée dans Wigmore on Evidence (3e éd.), vol. IV, s. 1230, s'impose :

[TRADUCTION]

s. 1230(11) : [...] Lorsqu'il serait uniquement possible d'établir un fait en examinant un grand nombre de documents composés de nombreux états détaillés — comme le solde net résultant des pièces que le trésorier a accumulées au cours de l'année ou les comptes d'un grand livre de banque pour l'année — il est évident qu'il ne serait bien souvent pas question d'appliquer le principe dont il est ici question en exigeant la production d'une masse de documents et d'inscriptions que le jury doit examiner ou qu'il faut lire au jury. Pour plus de commodité, les audiences exigent qu'on permette la présentation d'autres éléments de preuve, sous la forme du témoignage d'une personne compétente qui a examiné la masse de documents et qui expliquera sommairement le résultat net. La légitimité de cette pratique est établie.

[8] Le juge d'appel Wakeling, dans l'arrêt Sunnyside Nursing Home v. Builders Contract Management Ltd. et al., (1990) 75 S.R. 1, à la page 24, (C.A. Sask.), et le juge MacPherson, dans le jugement R. v. Fichter, Kaufmann et al., 37 S.R. 128 (B.R. Sask.), à la page 129, ont cité ce passage en l'approuvant. Je souscris respectueusement à leur avis.

[9] Somme toute, à part le fait qu'une affaire qui aurait dû être réglée ou qui aurait dû tout au plus ne prendre qu'une journée, a duré sept jours, la Cour est saisie de l'affaire sans que le ministre ait déterminé les faits d'une façon préliminaire, détermination sur laquelle on se fonde normalement pour identifier les questions que la Cour doit trancher. Il en est ainsi pour les déductions que Me Merchant a faites au titre des dépenses et qui ont été refusées. M. Button a déclaré que, dans le cadre de la procédure normale de vérification, il examine les pièces, les reçus et les autres documents en vue de déterminer si le contribuable a de fait engagé les dépenses. Habituellement, il examine ensuite les documents d'autres entités auxquelles le contribuable était associé pour s'assurer qu'aucune des dépenses n'a également été déduite par l'une des sociétés de personnes dont l'appelant était membre ou par la société de l'appelant, et pour déterminer si l'appelant a été dédommagé. Le répartiteur n'a pas été en mesure de le faire dans ce cas-ci.

[10] Me Merchant s'est présenté devant cette cour en s'attendant à ce que cette dernière accomplisse la tâche qui aurait dû être accomplie par le répartiteur au moment de la vérification. Ce faisant, il assume la charge d'établir tous les éléments nécessaires pour avoir droit à un redressement. Ce n'est pas la Cour qui lui impose une obligation plus lourde que celle qui est imposée aux autres plaideurs. C'est Me Merchant qui, par ses propres actions à tous les stades de la procédure, jusqu'au moment où il a comparu devant la Cour, s'est imposé une lourde charge, du fait qu'il avait empêché les représentants du ministère du Revenu national ou l'avocat de l'intimée de déterminer tout fait qui faciliterait l'identification des points à débattre, le cas échéant. Le répartiteur, M. Button, a été présent dans la salle d'audience pendant toute la durée de l'audience et il a témoigné. Contrairement aux commentaires fort injustes qui ont été formulés à son endroit, j'ai jugé qu'il s'agissait d'un témoin honnête et sincère qui s'acquittait de sa tâche d'une façon professionnelle et juste, mais qui faisait face à des obstacles insurmontables. Dans la mesure où il y a un conflit entre le témoignage de M. Button et celui de Me Merchant à l'égard du déroulement de la vérification, je retiens le témoignage de M. Button. Étant donné que de nouveaux documents étaient sans cesse produits, jusqu'à la dernière minute, M. Button s'est vu obligé de les examiner dans des circonstances plutôt difficiles en vue de tenter de combler certaines lacunes de la vérification que Me Merchant avait fait échouer. Je n'entends pas par là critiquer Me Tochor, qui a présenté la preuve d'une façon compétente et professionnelle. Toutefois, son client était impossible.

1990

Question de la prescription

[11] Il s'agit en premier lieu de savoir si la cotisation relative à l'année 1990 est prescrite, du fait qu'elle a été établie en dehors de la période normale de nouvelle cotisation, qui est de trois ans suivant la date à laquelle la cotisation originale a été établie.

[12] L'appelant a accordé une certaine importance au fait que la cotisation originale relative à l'année 1990 n'a été établie que le 4 décembre 1991. Il a également été soutenu que l'avis de cotisation originale n'a jamais été reçu.

[13] La nouvelle cotisation relative à l'année 1990 qui est ici en cause est datée du 2 décembre 1994. Si, comme l'a soutenu l'appelant, la cotisation originale n'a jamais été délivrée, la période de trois ans n'a pas commencé à courir et la nouvelle cotisation du 2 décembre 1994 est donc la cotisation originale et n'est pas prescrite. Si la cotisation originale a de fait été délivrée le 4 décembre 1991, la cotisation du 2 décembre 1994 a été établie pendant la période de trois ans. Ni l'une ni l'autre de ces deux hypothèses n'étaye la position de l'appelant, à savoir qu'il y a prescription.

[14] Le point n'a pas été plaidé, mais l'appelant a également soutenu que la cotisation n'avait pas été établie avec toute la diligence possible. Je ne suis pas prêt à conclure que la cotisation originale n'a pas été établie le 4 décembre 1991. Quoi qu'il en soit, en vertu du paragraphe 152(1), l'obligation relative à la diligence raisonnable s'applique à la cotisation originale et non à une nouvelle cotisation subséquente. Une nouvelle cotisation établie dans les trois ans suivant la date de la cotisation originale n'est pas indûment tardive. De fait, étant donné les tentatives délibérées que Me Merchant a faites pour faire échouer la vérification, il est surprenant que cela n'ait pas pris plus de temps.

[15] Un certain nombre de questions se posent à l'égard de l'année 1990, en ce qui concerne le calcul du revenu de Me Merchant. Il convient en premier lieu de faire remarquer que Me Merchant est et était, pendant les années en question, un homme de loi bien connu en Saskatchewan et ailleurs. Il était un faiseur de pluie — quelqu'un qui recrutait un grand nombre de clients pour le cabinet et qui contribuait énormément à la prospérité des cabinets d'avocats auxquels il était associé. La détermination du revenu de Me Merchant pendant les années en question pose certains problèmes en ce sens que chaque fois qu'un nouvel associé se joignait au cabinet d'avocats, une nouvelle société de personnes était formée. D'où les sociétés de personnes P1, P2, P3, P4 et P5, la dernière société de personnes étant connue sous le nom de Merchant Law Group. Me Merchant possédait également une société connue sous le nom de Merchant 2000 Ltd. Les tactiques obstructionnistes que Me Merchant a adoptées envers le ministère du Revenu national ont contribué à accroître la confusion à laquelle pouvait donner lieu cette prolifération d'organisations commerciales. Je ne puis démêler ce fouillis qu'en prenant les réponses aux avis d'appel l'une après l'autre et en examinant les questions qui y sont soulevées. Les avis d'appel ne m'aident aucunement.

[16] Selon les alinéas 5d) et e) de la réponse relative à l'année 1990, Me Merchant a déclaré un revenu de 12 176 $ tiré de la société de personnes P4, alors que le revenu devrait être de 13 176 $. L'appelant concède ce point.

[17] Selon l'alinéa 5f), la société de personnes P3 a transféré à la société de personnes P4 certaines dépenses s'élevant à 22 530,78 $, sans réduire pour autant ses dépenses. M. Button a supposé que les deux sociétés de personnes déduisaient le même montant. Cette hypothèse n'a pas été réfutée. M. Button a réduit de 22 530,78 $ le montant des dépenses de la société de personnes P3. On n'a présenté aucun élément de preuve permettant de douter du bien-fondé de cette mesure. À mon avis, la déclaration du comptable que l'appelant a appelé à témoigner, M. Eli Fluter, CA, à savoir que les livres des deux sociétés de personnes étaient en équilibre, ne prouve rien. Cela ne prouve pas que les deux sociétés de personnes ne déduisaient pas le même montant.

[18] À l'alinéa 5g), il est fait mention du fait que la société de personnes P3 versait aux associés un montant de 6 000 $ au titre des allocations pour frais, en versements mensuels déterminés à l'avance, sans que ceux-ci aient à rendre compte de l'utilisation de ces fonds. À l'alinéa 5k), il est mentionné qu'il en allait de même pour la société de personnes P4, le montant dans ce cas-ci étant de 11 725 $. M. Button a rejeté ces déductions dans le calcul du revenu des deux sociétés de personnes ce qui a eu pour effet d'accroître la part proportionnelle de Me Merchant.

[19] La chose soulève un point discutable. Les allocations pour frais à l'égard desquelles les sociétés de personnes n'exigent apparemment aucune pièce ou aucun reçu ne sont pas acceptables lorsque des montants élevés sont en cause. Les dépenses engagées dans le cadre des activités du cabinet, si les associés ou les employés les imputent au cabinet, devraient idéalement être étayées par des pièces justificatives précises. Est-ce si difficile, même pour un cabinet d'avocats affairé qui sans aucun doute engage des frais de déplacement et de représentation, de fournir des pièces au directeur de bureau? Les indemnités étaient peut-être raisonnables puisque, après que Me Merchant eut commencé à déduire des dépenses précises que cette indemnité était destinée à couvrir, les déductions excédaient le montant qui lui était versé à titre d'allocation, mais, je ne vois pas pourquoi pareille indemnisation ne peut pas être justifiée. Je rejette donc cette déduction.

[20] À l'alinéa 5h), il est question d'une disposition réputée d'achalandage d'un montant de 1 507 $, au moment de la dissolution de la société de personnes P3. L'intimée concède ce point.

[21] L'alinéa 5i) ne fait que résumer l'effet des rajustements effectués aux alinéas 5f), g) et h), le revenu que Me Merchant a tiré de la société de personnes P3 étant porté à 17 722,29 $. Ce montant devra être rajusté de façon qu'il soit tenu compte de la concession qui a été faite à l'égard de l'alinéa 5h).

Société de personnes P4

[22] À l'alinéa 5j), il est allégué que la société de personnes a déduit un montant de 15 436,48 $ au titre des dépenses, sans pièces à l'appui.

[23] À mon avis, il n'est pas nécessaire en droit que les dépenses soient justifiées au moyen de reçus ou d'autres pièces si elles peuvent l'être au moyen d'un témoignage de vive voix crédible et si les montants peuvent être identifiés d'une façon raisonnablement précise (Weinberger v. M.N.R., 64 DTC 5060). Le paragraphe 230(2.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu exige expressément que les personnes exerçant la profession d'avocat tiennent des livres et des registres. On ne sait pas trop pourquoi la chose s'applique uniquement aux avocats, mais je ne considère pas l'observation de l'article 230 comme étant une condition aux fins de la déductibilité des dépenses si celles-ci peuvent par ailleurs être prouvées. L'omission de tenir des livres et des registres emporte sa propre sanction, mais si le législateur avait voulu que la sanction comprenne la non-déductibilité des dépenses, il l'aurait dit.

[24] L'examen du document figurant à l'onglet C de la pièce A me convainc que le montant de 6 587,50 $ a été établi. Un certain nombre d'autres éléments énumérés dans cette pièce, s'élevant en tout à 15 436 $, ne sont pas suffisamment précis en ce qui concerne le but des dépenses pour me permettre d’infirmer la décision du répartiteur.

Alinéa 5m)

[25] L'intimée concède qu'une autre déduction de 10 838,39 $ est justifiée. Des pénalités ont été imposées à l'égard de cet élément. Étant donné que le ministère admet la déduction, les pénalités en question devraient être radiées.

Alinéa 5p)

[26] L'appelant a déduit des intérêts et des frais financiers de 33 113,71 $. Il demande maintenant une déduction de 32 629,85 $. Ces dépenses sont énumérées à l'onglet K (pièce A-14) et je suis convaincu qu'elles ont été payées. Elles devraient être admises à titre de déductions et les pénalités s'y rapportant devraient être radiées.

1991

[27] À l'alinéa 5c), des déductions concernant les dépenses s'élevant en tout à 24 574,38 $ sont énumérées. Le montant le plus élevé est de 17 931,51 $. Sur ce montant, un montant de 5 186,80 $ se rapportait à des dons effectués à des organismes de charité et à la participation à certains événements.

[28] En ce qui concerne les dons de charité, l'appelant déduit au titre des frais de promotion tout montant à l'égard duquel il n'avait pas obtenu de reçu d'un organisme de charité. Je ne suis pas prêt à élargir la portée de la décision que la Cour de l'Échiquier du Canada a rendue dans l'affaire Olympia Floor & Wall Tile (Québec) Ltd. v. M.N.R., 70 DTC 6085, de la façon proposée par l'appelant. Me Merchant s'annonce peut-être personnellement sans cesse, mais il faudrait des éléments de preuve plus convaincants que ceux que j'ai vus pour que le principe établi dans l’arrêt Olympia s'applique à lui. Il en va de même pour ses contributions politiques. La déduction des sommes versées aux organismes de charité et des contributions politiques est assujettie à un régime fort précis dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Je ne me propose pas d'examiner plus à fond ces dispositions.

[29] L'appelant déduit un montant de 7 860 $ au titre des frais de représentation liés à la promotion. Sur ce montant, un montant de 6 379,46 $ se rapportait à un gala connu sous le nom de “ Your Friendly Neighbourhood Solicitor ”. Ce montant a été établi et j'estime qu'il s'agit d'une dépense légitime.

[30] L'appelante déduit une somme de 4 768,55 $ à l'égard des dépenses liées à la promotion gouvernementale. Me Merchant est un politicien libéral bien connu. De nombreuses dépenses visent sans aucun doute à promouvoir sa carrière au sein du parti libéral. Toutefois, je ne puis pour cette seule raison statuer qu'elles ne sont pas destinées à promouvoir son entreprise. La politique et la pratique du droit sont inséparables dans le cas de Me Merchant et semblent avoir entre elles un rapport symbiotique. Néanmoins, je ne suis pas prêt à admettre les dépenses puisque les imprimés figurant à l'onglet Q ne permettent pas d'établir que les dépenses en question ont été engagées ou, si elles l'ont été, quel était le but visé.

[31] Un montant de 4 438,76 $ est déduit au titre des taxes d'affaires, des redevances et des droits de licence. L'appelant demande maintenant la déduction d'un montant de 10 158,80 $. Je suis prêt à admettre les frais d'avocats du cabinet Balfour Moss, de 6 105,23 $. Ces dépenses avaient été engagées dans le cadre d'une action en justice que Me Merchant avait intentée contre Radio-Canada. Les autres dépenses ont peut-être été engagées, mais il n'a pas été établi qu'elles n'avaient pas été payées par l'un ou l'autre de ses cabinets d'avocats. Il semble s'agir du genre de dépenses que le cabinet d'avocats paierait. Si Me Merchant s'attend à ce que cette cour agisse comme vérificateur fiscal, le fait que l'omission d'établir chaque élément essentiel à la déduction d'une dépense donne lieu à une inférence défavorable de la part de la Cour ne devrait pas le surprendre. C'était précisément ce genre de choses que M. Button, qui avait constaté dans d'autres cas que les dépenses avaient été déduites à deux reprises, n'a pas été en mesure de vérifier.

[32] L'intimée concède un montant de 1 100 $ à l'égard d'un bureau à domicile.

[33] Frais financiers et frais d'intérêt — L'appelant déduit une somme de 39 044 $. Ces dépenses ont été prouvées et je reconnais qu'elles sont déductibles, à l'exception des frais d'intérêt hypothécaire de 7 413,69 $ se rapportant à la propriété Rosecrest. La propriété Rosecrest n'a jamais appartenu à l'appelant et aucun fondement juridique ne lui permet de déduire les frais d'intérêt hypothécaire en vertu de l'alinéa 20(1)c). Les pénalités y afférentes devraient être radiées.

[34] Mauvaises créances — 111 672 $. Les sociétés de personnes P4 et P5 avaient déjà déduit une provision pour mauvaises créances ou pour créances douteuses. L'appelant a ensuite déduit le solde des créances au titre des mauvaises créances ou des créances douteuses. Je dois admettre que j'ai rarement vu quelque chose d'aussi exagéré. Il est soutenu qu'une fois que le cabinet a déduit une provision pour mauvaises créances ou pour créances douteuses, un associé peut déduire personnellement une provision à l'égard du reste de ces créances. Il suffit d'invoquer pareil argument pour montrer jusqu'à quel point il est complètement absurde. La déduction a été à bon droit rejetée et les pénalités ont été à juste titre imposées. Cela est tout à fait conforme au paragraphe 163(2).

[35] Pertes d'entreprise — 728,26 $. Ces déductions ont été prouvées et elles sont admises.

[36] Pertes locatives — 3 995,20 $. L'appelant demande maintenant une déduction de 20 646 $. La déduction du montant additionnel n'a pas été demandée dans l'avis d'appel. Des états financiers ont été produits à l'audience, mais aucun élément de preuve acceptable n'a été présenté pour en démontrer l'exactitude ou pour justifier les pertes subies par l'appelant.

[37] Allocation pour frais — 10 502 $. Cette déduction n'a pas été plaidée et il n'est pas établi que le ministre ait traité ce montant d'une façon erronée. Cette déduction est rejetée.

1992

[38] Des frais comptables, des frais juridiques et des frais de consultation d'un montant de 3 517,50 $ ont été déduits. Sur ce montant, un montant de 2 318,87 $ a été prouvé et devrait être admis.

[39] Publicité et promotion — L'appelant a demandé la déduction d'un montant de 15 682,35 $. Ce montant a été prouvé et il est déductible.

[40] Il n'a pas été établi que les frais de 9 252,71 $ se rapportant au consulat de l'Autriche soit une dépense d'entreprise légitime. En l'absence d'une preuve adéquate contraire, je crois que les frais que l'appelant a engagés en sa qualité de consul honoraire de l'Autriche devraient être considérés comme des frais personnels.

[41] Taxe d'affaires, redevances, droits de licences, cotisations — 3 842,72 $. Il a été prouvé que cette somme avait été payée. Toutefois, il n'a pas été établi qu'elle n'ait pas déjà été payée ou déduite par l'une ou l'autre des sociétés de personnes de Me Merchant. Compte tenu de la façon dont ces dépenses ont essentiellement été mentionnées devant la Cour à la dernière minute, il serait dangereux de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que Me Merchant les avait engagées ou qu'il pouvait les déduire. Le point n'a pas été plaidé dans l'avis d'appel et, selon la réponse, la déduction d'un montant de 3 842,72 $ a été demandée. Me Merchant demande maintenant une déduction de 5 059,43 $, dont un montant de 8,37 $ pour le nettoyage de sa veste et de sa toge, ce qui montre son arrogance. Encombrer le dossier de ce genre de choses, c'est insulter la Cour.

[42] Assurance — 1 550,45 $. Ce montant n'a pas été prouvé.

[43] Frais de bureau — 2 077,52 $. Il n'a pas été établi que ces dépenses se rapportaient à la réalisation d'un revenu.

[44] Salaire — 180 $. Me Merchant aurait apparemment versé ce salaire à sa femme parce qu'elle avait fait du travail de classement pour un comité quelconque dont il était membre. Cette déduction est ridicule.

[45] Frais de recouvrement — 5 674 $. Les frais de recouvrement constituent en général une déduction permise. Toutefois, Me Merchant aurait dû imputer ce montant au cabinet et le cabinet aurait dû demander la déduction y afférente, de sorte que Me Merchant aurait eu droit à sa part proportionnelle.

[46] Utilisation de la résidence à des fins professionnelles — 1 496 $. La Couronne concède ce montant.

[47] Frais financiers et frais d'intérêt — L'appelant demande une déduction de 40 878,04 $. Il a prouvé un montant de 35 136,45 $. Ce montant est déductible, sauf en ce qui concerne les frais de renouvellement de l'hypothèque Rosecrest, qui s'élevaient à 85 $.

[48] Pertes locatives — Un montant de 13 180 $ a été admis. L'appelant demande la déduction d'un montant additionnel de 6 713 $. Il n'a tout simplement pas été établi que des pertes additionnelles aient été subies.

[49] Allocation pour frais — 10 808,84 $. Sur ce point, la preuve ne permet pas d'effectuer un rajustement.

[50] Revenu tiré de la société de personnes P4 — 75 592 $. L'appelant a tout simplement omis de déclarer un montant de 75 592 $ au titre du revenu tiré de la société de personnes P4. Ce montant est clairement imposable et le fait qu'il n'a pas été inscrit dans la déclaration de Me Merchant constitue pour le moins une faute lourde, sinon délibérée. La pénalité est confirmée.

[51] Frais d'exploration et d'aménagement — 2 500 $. Cette dépense a été prouvée.

[52] Pertes autres qu'en capital relatives à d'autres années — 46 117 $. Cette dépense n'a pas été prouvée, mais je suppose que, le cas échéant, le ministre en tiendra compte en établissant la nouvelle cotisation.

[53] Frais de scolarité transférés d'un enfant — 4 000 $. Ce montant n'a pas été plaidé et il n'a tout simplement pas été prouvé.

[54] Les appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon les présents motifs.

[55] En examinant le bien-fondé des questions qui ont été soulevées, je n'ai pas tenu compte de la conduite inacceptable de Me Merchant et j'ai uniquement mis l'accent sur les points de droit et de fait. La conduite d'un plaideur n'est généralement pas pertinente aux fins du règlement d'une affaire au fond. C'est au moment où les frais et les dépens sont adjugés qu'il convient de tenir compte de pareille conduite.

[56] Me Merchant a obtenu tout ce à quoi il pouvait raisonnablement s'attendre en ce qui concerne les questions de fond. En outre, on lui a accordé énormément de latitude lorsqu'il s'est agi de produire des documents et de soulever certains points. Toutefois, il a traité avec mépris cette cour, ses règles, ses ordonnances et l'avocat de l'intimée, qui est un fonctionnaire de la Cour.

[57] Si Me Merchant ne s'était pas conduit d'une façon aussi outrageuse au stade de la vérification, des oppositions et des appels, il aurait probablement pu obtenir un redressement additionnel que je ne suis pas prêt à lui accorder, compte tenu de la preuve. Il ne convient pas d'effectuer une vérification fiscale devant la Cour; imposer cette fonction à un juge est un jeu dangereux et, comme l'adjudication des frais et dépens permettra de le constater, un jeu coûteux.

[58] Habituellement, les frais et dépens ne sont pas adjugés contre une partie qui a en partie eu gain de cause, en particulier sur la base procureur-client. Cette question est examinée dans l'arrêt Young c. Young, [1993] 4 R.C.S. 3. En général, le plaideur qui l'emporte a droit aux frais et dépens entre parties. Lorsque le succès est partagé, il arrive souvent qu'aucune ordonnance ne soit rendue à l'égard des frais et dépens. Déroger à la règle exige des circonstances inhabituelles. Pour qu'un plaideur qui a en totalité ou en partie gain de cause,

a) soit privé des frais,

b) soit tenu de payer les frais et dépens entre parties,

c) soit tenu de verser des frais à l'autre partie sur la base procureur-client,

il faut que sa conduite soit dans une certaine mesure répréhensible. Pour adjuger les frais sur la base procureur-client contre un plaideur qui remporte un certain succès comme c'était ici le cas pour Me Merchant, il faut que la conduite soit fort répréhensible. Comme l'a dit le juge McLachlin dans l'arrêt Young, ci-dessus, à la page 134, il doit y avoir eu “ conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d'une des parties ”.

[59] Le juge Sarchuk a minutieusement examiné la jurisprudence sur ce point dans la décision Bruhm v. The Queen, 94 DTC 1400 (C.C.I.), et je ne répéterai pas ce qu'il a dit. Je souscris à l'avis selon lequel il arrive rarement que les frais soient adjugés sur la base procureur-client contre une partie qui a en partie gain de cause et que cela ne devrait être fait que dans des circonstances exceptionnelles. En vertu de l'article 147 des Règles de procédure générale, le juge qui préside l'audience a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens. Il s'agit ici d'un cas dans lequel il convient d'enjoindre à Me Merchant de payer les frais de la Couronne sur la base procureur-client. Me Merchant a fait dès le début tout son possible pour faire obstacle aux tentatives que la Couronne faisait en vue de présenter sa preuve d'une façon ordonnée. Il a produit des documents jusqu'à la dernière minute. Il a empêché la conduite de l'interrogatoire préalable. L'abus dont il a fait preuve envers le répartiteur, qui a toujours agi d'une façon appropriée, est intolérable. D'une façon générale, la conduite d'un plaideur avant l'introduction de l'action n'a rien à voir avec l'adjudication des frais. Cependant, cette règle n'est pas absolue. Dans ce cas-ci, Me Merchant a délibérément frustré la procédure de vérification et la procédure d'opposition de façon à amener la Cour à examiner des questions dont elle n'aurait jamais dû être saisie. La conduite de Me Merchant, avant l'introduction de l'appel et avant la tenue de l'audience, a eu des répercussions directes sur le déroulement de l'audience. Me Merchant a fait en sorte qu'une audience qui n'aurait dû durer qu'un jour se prolonge pendant sept jours. En outre, il n'a rien obtenu de plus à l'audience que ce qu'il aurait obtenu au stade de la vérification, des oppositions ou des interrogatoires préalables, s'il n'avait pas jugé bon de faire obstruction à la procédure prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu et par les règles de cette cour à l'égard des cotisations et des oppositions.

[60] Je conclus que la conduite de Me Merchant justifie qu'on adjuge les frais contre lui sur la base procureur-client.

[61] L'intimée a droit à ses frais, et notamment aux frais de l'audience et de toutes les requêtes présentées avant l'audience, sur la base procureur-client.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d'avril 1998.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de septembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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