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Date: 19990506

Dossier: 96-4005-IT-G

ENTRE :

BETTY J. DAVIDSON,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] La question à trancher en l’espèce est celle de savoir si l’appelante a conclu des arrangements de bonne foi, à la date à laquelle un certain prêt a été consenti, pour le rembourser dans un délai raisonnable. Dans l’affirmative, elle respecte les exigences du par. 15(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans la négative, le montant de la dette doit être inclus dans le calcul de son revenu imposable pour l’année d’imposition 1990.

[2] À l’époque en l’espèce, les parties pertinentes du par. 15(2) étaient ainsi libellées :

Lorsqu’une personne (autre qu’une corporation résidant au Canada) ou une société (autre qu’une société dont chaque membre est une corporation résidant au Canada) est actionnaire d’une corporation donnée, est rattachée à un actionnaire d’une corporation donnée, ou est un membre d’une société ou un bénéficiaire d’une fiducie qui est actionnaire d’une corporation donnée, et a reçu dans une année d’imposition un prêt consenti par la corporation donnée, par une autre corporation liée à celle-ci ou par une société dont la corporation donné, ou une corporation liée à celle-ci, est un membre, ou est devenue sa débitrice, le montant du prêt ou de la dette doit être inclus dans le calcul du revenu, pour l’année, de la personne ou de la société sauf

a) [...]

(ii) soit à l’égard d’un particulier qui est l’employé du prêteur ou du créancier ou le conjoint d’un tel employé pour permettre au particulier d’acquérir une habitation [...]

et si des arrangements ont été conclus de bonne foi, à la date à laquelle le prêt a été consenti ou la dette est survenue, pour que le prêt ou la dette soit remboursé dans un délai raisonnable; ou

[3] Les parties s’entendent sur les faits ci-dessous que l’avocat de l’appelante a énoncés par écrit.

[TRADUCTION]

1. En tout temps pertinent en l’espèce, l’appelante était une employée et une actionnaire de 3408 Investments Ltd. (la “ compagnie ”).

2. Le 28 août 1990, ou aux environs de cette date, la compagnie a prêté à l’appelante la somme de 95 000 $ pour lui permettre d’acheter une résidence personnelle (le “ prêt au logement”). Le prêt ne portait pas intérêt.

3. En garantie du remboursement du prêt au logement, l’appelante a souscrit deux billets à ordre payables sur demande (l'un de 70 000 $ et l'autre de 25 000 $) en faveur de la compagnie pour le montant global de 95 000 $.

4. À la date à laquelle le prêt a été consenti, le seul directeur de la compagnie, Ken Davidson (l’époux de l’appelante) a adopté une résolution pour approuver l’octroi du prêt. Il s’agit d’une résolution à l'égard de laquelle il existe une preuve écrite.

5. L’appelante a inclus l’intérêt calculé conformément à l’art. 80.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard du prêt au logement dans le calcul de son revenu pour chaque année d’imposition.

6. Dans l’avis de nouvelle cotisation daté du 12 mai 1994, le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante, et le montant du prêt au logement a été inclus dans le revenu de l’appelante pour 1990 pour le motif que, contrairement à ce que prescrit le par. 15(2) de la Loi, aucun arrangement n’a été conclu de bonne foi pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable.

7. Dans l’avis de nouvelle cotisation daté du 15 juillet 1996, le ministre a, conformément au par. 165(3) de la Loi, établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour son année d’imposition 1990. Le ministre a alors, entre autres, soustrait du revenu de l’appelante la somme de 3 356 $ représentant “ les intérêts sur le prêt ” et confirmé l’inclusion du prêt au logement dans le revenu de l’appelante pour l’année en question.

Il est donc bien établi que l’appel en l’espèce doit être admis si l’appelante démontre que des arrangements ont été conclus de bonne foi en vue du remboursement du prêt dans un délai raisonnable.

[4] Le mari de Mme Davidson a déclaré dans le cadre de son témoignage que, pendant de nombreuses années, il avait occupé divers postes dans le secteur bancaire puis que, vers la fin des années 80, il avait accepté et occupé un poste auprès de la British Columbia Entreprise Corporation. Les premières années, il travaillait surtout à Vancouver, mais à mesure que le temps passait, il devait se rendre de plus en plus souvent à Victoria. En fin de compte, son employeur lui a demandé de déménager à Victoria, ce qu’il a accepté de faire en 1990. Lui et son épouse avaient de jeunes enfants et ils ont décidé d’acheter une maison à Victoria. Pour ce faire, ils devaient emprunter 95 000 $.

[5] Ils s’y s’ont pris de la façon suivante pour financer l’achat de la maison. La compagnie avait déjà été légalement constituée à la demande de M. Davidson qui détenait 35 p. 100 de l'ensemble des actions, soit toutes les actions de catégorie A. L’appelante et une fiducie établie pour le compte de leurs enfants mineurs et dont M. et Mme Davidson étaient les fiduciaires détenaient respectivement 35 et 30 p. 100 de l'ensemble des actions, soit des actions de catégorie B. La compagnie avait des biens de 90 000 $ sous la forme de certificats de dépôt à terme qui venaient à échéance en septembre 1990 peu après la signature du contrat d’achat de la maison à Victoria prévue pour la fin du mois d’août. La compagnie a emprunté la somme de 90 000 $ qu’elle a ensuite prêtée à l’appelante qui s’en est servie pour faire le versement initial sur le prix de la maison. En septembre, la compagnie a utilisé le produit des certificats de dépôt à terme pour rembourser son prêt bancaire.

[6] M. Davidson savait que certaines conditions devaient être réunies pour éviter que le montant total du prêt soit imposé. Il a déclaré qu’il avait eu une discussion informelle avec un fiscaliste du cabinet Russell & Dumoulin à Vancouver sur la manière dont il se proposait de financer l’achat et que le fiscaliste lui avait appris que, pour échapper à l'assujettissement prévu au par. 15(2) de la Loi, il fallait que des arrangements soient conclus de bonne foi pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable ce qui, d’après le fiscaliste, signifiait que le prêt devait être remboursé dans un délai de cinq ans. D’autres avocats du cabinet, un en droit des affaires et un fiscaliste, ont rédigé à son intention la résolution du directeur et les billets à ordre. L’avocat qu’il a consulté corrobore le témoignage de M. Davidson sur ce point.

[7] M. et Mme Davidson ont tous les deux déclaré dans le cadre de leur témoignage qu’ils avaient discuté de la question du remboursement avant l’opération et qu’ils avaient convenu que le prêt serait remboursé dans le délai de cinq ans. Un dividende de 90 000 $ serait déclaré et attribué aux actions de catégorie B et il servirait à rembourser le prêt. À ce moment-là, Mme Davidson poursuivait des études au Kwantlen College à Vancouver. Ils avaient tous les deux escompté que Mme Davidson poursuivrait ses cours au Camosan College à Victoria à l’automne 1991, les termineraient à l’automne 1992, qu’elle serait alors en mesure de réintégrer le marché du travail et disposerait alors d’un revenu qui lui permettrait de payer l’impôt exigible sur le dividende.

[8] Les événements ne se sont pas déroulés comme prévu. Premièrement, lorsque Mme Davidson s’est inscrite au Camosan College à Victoria, elle a appris qu’il ne lui serait pas possible de terminer en un an le cours qu’elle avait commencé à suivre à Vancouver. L’appelante et son mari ont alors modifié leur plan original. Mme Davidson s’est plutôt inscrite à un cours à l’université de Victoria, et ils ont décidé de déclarer le dividende et de rembourser le prêt en janvier 1994. Ainsi, le prêt serait remboursé bien avant l’expiration du délai de cinq ans dont ils avaient convenu, et elle aurait jusqu’au mois d’avril 1995 pour payer l’impôt sur le dividende.

[9] Deuxièmement, l’appelante a dû faire face à une autre difficulté à l’automne 1993. Revenu Canada a alors décidé d’effectuer une vérification de la compagnie et le prêt consenti à l’appelante a éveillé l’attention du vérificateur. M. Davidson a déclaré qu’il a expliqué au vérificateur qu’ils avaient prévu rembourser le prêt dans le délai de cinq ans, mais ce dernier, inflexible aux arguments, a établi une nouvelle cotisation à l’égard de Mme Davidson pour l’année 1990 pour le motif qu’aucun arrangement n’avait été conclu de bonne foi en août 1990 pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable. M. Davidson a également déclaré que le remboursement du prêt n’a pas été effectué en 1993 ni par la suite pour la seule raison que le vérificateur de Revenu Canada lui a dit qu’ils ne devraient pas le faire jusqu’à ce que la vérification soit terminée. Aucun remboursement n’a eu lieu non plus en 1995 parce que Mme Davidson avait alors payé l’impôt exigé aux termes de la nouvelle cotisation. M.Davidson a déclaré que le prêt serait remboursé si l’appel était admis.

[10] Compte tenu des faits en l’espèce, pour déterminer si, comme la Loi le prescrit, un arrangement relatif au remboursement a été conclu de bonne foi lorsque le prêt a été consenti, il est nécessaire d’examiner un certain nombre de questions.

1. Faut-il que l’arrangement relatif au remboursement soit consigné par écrit et figure dans le document prouvant l'existence du prêt ou dans tout autre document?

2. Faut-il que l’arrangement soit contractuel et obligatoire?

3. Faut-il qu’il soit stipulé dans l’arrangement que le remboursement aura lieu à une date précise?

4. Puisqu’il faut qu’il y ait un arrangement conclu de bonne foi, la Cour doit-elle examiner la manière dont l’appelante et son mari projetaient obtenir les fonds pour effectuer le remboursement? Si c’est le cas, le fait qu’ils se proposaient d’utiliser le dividende devant être payé sur les actions de la fiducie vicie-t-il la bonne foi?

5. Si la Cour est d’avis qu’un arrangement a été conclu de bonne foi et que la condition imposée par la Loi a été respectée, la bonne foi est-elle viciée si le remboursement n’est pas effectué conformément aux modalités de l’arrangement?

Avant d’examiner ces questions, cependant, je désire formuler deux observations. D’abord, l’intimée n’a pas, ce qui était tout à fait correct selon moi, prétendu qu’un délai de cinq ans est plus qu’il n’en faut raisonnablement pour rembourser un prêt au logement. L’avocat de l’intimée a fait reposer son argumentation carrément sur le fait que l’appelante et son mari ne sont pas des témoins crédibles. Il qualifie la preuve qu’ils ont présentée à la Cour de “ planification fiscale à l’inverse ” c’est-à-dire de planification fiscale rétroactive ou, en termes moins polis, d’histoire inventée pour répondre aux conditions du par. 15(2) une fois que la vérification était commencée. Malheureusement, il n’a pas exposé cette théorie aux témoins durant leur témoignage. Son contre-interrogatoire de M. Davidson a été bref, et il ne lui a jamais soumis que son témoignage sur l’arrangement relatif au remboursement était une histoire inventée. Il n’a pas contre-interrogé du tout l’avocat. Dans son contre-interrogatoire de l’appelante qui a été encore plus court que celui de son mari, l’avocat de l’intimée n’a même pas suggéré que sa crédibilité ou celle de son mari étaient mises en doute. Il incombe à l’avocat qui se propose de demander à la Cour de conclure que les témoins de l’autre partie n’ont pas dit la vérité, de soulever cette question avec les témoins durant le contre-interrogatoire. Il est injuste envers les témoins d’agir autrement et cette façon de faire ne doit pas être tolérée.[1] Dans les circonstances, je ne conclurai pas que les témoins ont inventé une histoire.

[11] À titre de seconde observation, je mentionne qu’il est apparent que le mari de l’appelante a été l’architecte de l’arrangement selon lequel le versement initial devait être fait. Il ressort du témoignage de Mme Davidson qu’elle était, au mieux, vaguement au courant de la façon dont l’arrangement allait fonctionner. Je crois, cependant, qu’elle a accepté la proposition de son mari et, en particulier, qu’elle était d’accord avec lui pour que le remboursement soit effectué avant l’expiration d’un délai de cinq ans à compter du 28 août 1990. Elle a agi ainsi parce qu’elle croyait que c’était la condition à respecter en vertu de la Loi pour éviter de payer de l’impôt sur toute la somme de 90 000 $ en 1990. L’octroi d’un prêt devant être remboursé à une date ultérieure visait à permettre à l’appelante et à son mari d’utiliser, à titre de versement initial, la somme de 90 000 $ accumulée par la compagnie et de reporter à plus tard l’obligation de payer l’impôt sur le dividende. Il n’y a rien à redire là-dessus en autant que l’arrangement relatif au remboursement réponde aux conditions que la Loi prescrit.

[12] J’examine maintenant les questions que j’ai formulées ci-dessus.

Première question

[13] Je ne vois aucune raison d’exiger que l’arrangement relatif au remboursement figure dans le document attestant l'existence du prêt ou même qu’il soit par écrit. Le libellé de l’al. 15(2)a) n’impose aucune telle condition. Si le législateur avait eu l’intention d’exiger un arrangement par écrit, il aurait simplement fait ajouter les mots : “ par écrit ” dans le texte. En l’absence d’une exigence dans ce contexte précis, il ne m’appartient pas d’ajouter des mots dans le texte de la Loi.[2]

Deuxième question

[14] L’utilisation par le législateur des expressions “ des arrangements ont été conclus de bonne foi ” dans la version française et “ bona fide arrangements ” dans la version anglaise semble viser clairement l’inclusion des arrangements qui ne sont pas contractuellement obligatoires. Le sens commun du mot : “ arrangement ” dans les deux langues indique cela. Le sens propre du mot dans le contexte où il figure est tel que l’a décrit lord Denning qui s’exprimait au nom du Conseil privé dans l’arrêt Newton v. Commissioner of Taxation:[3]

[TRADUCTION]

Leurs Seigneuries sont d’avis que le mot “ arrangement ” peut décrire quelque chose de moins qu’un contrat obligatoire ou une entente, quelque chose qui est de la nature d’un commun accord entre deux ou plusieurs personnes – un plan dont elles ont convenu mais qui peut ne pas avoir force exécutoire en vertu de la loi.

Ce passage décrit précisément l’arrangement conclu entre l’appelante et son mari qui représentait la compagnie.

Troisième question

[15] L’avocat de l’intimée s’appuie sur les décisions de la présente cour dans les affaires Kanters[4] et Perlingieri,[5] et sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Silden,[6] pour faire valoir qu’en l’absence de mention d’une date précise de remboursement du prêt, il n’est pas possible de réunir les conditions prévues à l’al. 15(2)a). Dans Kanters, le prêteur et l’emprunteur avaient conclu une entente verbale et n’avaient pas discuté des modalités de remboursement. Selon l'intention apparente des parties, l'emprunteur devait rembourser le prêt quand il en aurait les moyens. Dans Perlingieri, le prêt était payable sur demande mais, contrairement au cas en l’espèce, aucun arrangement accessoire prévoyant quand le remboursement serait effectué n’avait été conclu. Dans l’arrêt Silden, l’appelant ne devait rembourser le prêt à son employeur que s’il quittait son emploi ou vendait la maison. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Pratte a statué ce qui suit :[7]

La véritable question n’est donc pas de savoir si les arrangements relatifs au remboursement du prêt étaient raisonnables, mais plutôt de savoir si, selon ces arrangements, le prêt devait être remboursé dans un délai raisonnable. On ne saurait, en l’espèce, répondre à cette question par l’affirmative puisque les arrangements conclus lors de l’octroi du prêt ne permettaient pas de déterminer avec la moindre certitude le délai pendant lequel il devait être remboursé.

[16] La Loi ne fixe pas comme condition qu’il y ait un remboursement à une date précise mais seulement qu’il y ait un arrangement pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable. En l’espèce, il y avait un arrangement qui imposait une limite de cinq ans sur la durée du prêt, un facteur qui ne se trouve dans aucune des affaires sur lesquelles l’avocat de l’intimée s’appuie. Une mesure telle que la fixation d’un délai est suffisante pour que l'on puisse conclure qu'il y a un arrangement pour que le prêt soit remboursé dans un délai raisonnable. Cette conclusion se fonde sur le jugement rendu par le juge MacArthur dans l’affaire Dionne v. The Queen.[8]

Quatrième question

[17] Durant l’audience, j’ai mentionné que j’étais un peu préoccupé par la partie du témoignage de M. Davidson où il explique son plan, avec lequel l’appelante était d’accord je crois, et selon lequel le prêt au logement serait remboursé à la compagnie par l’entremise du produit d’un dividende de 90 000 $ devant être déclaré et attribué aux actions de catégorie B, dont 46 p. 100 étaient détenues par la fiducie au nom des enfants mineurs. Il ressort du témoignage de M. Davidson qu’il était prévu que le dividende payable à la fiducie servirait à rembourser le prêt dû par l’appelante. J’ai soulevé la question de savoir s’il s’agissait dans les circonstances d’un arrangement conclu de bonne foi. L’avocat de l’intimée n’a pas traité de cette question dans son argumentation. Ce que l’avocat de l’appelante a fait valoir, d’après ce que j’ai compris, est que l’expression : “ bonne foi ” à l’al. 15(2)a) ne s’applique qu’à l’obligation ou à l’intention d’effectuer le remboursement et que la Cour ne devrait pas chercher à savoir si la provenance des fonds est appropriée ou non. Après avoir examiné la question, j’ai conclu qu’aux termes de cet alinéa de la Loi, il suffit de chercher à savoir si l’appelante avait sincèrement l’intention de rembourser le prêt conformément aux conditions prévues dans l’arrangement, rien de plus. Une preuve visant à démontrer que les fonds pour rembourser le prêt seront ou, au contraire, ne seront pas disponibles en temps voulu est pertinente, mais elle doit être évaluée en tenant compte de toute autre preuve portant sur la bonne foi de l’arrangement.

[18] Je ne crois pas que le fait que M. Davidson ait déclaré qu’il avait l’intention d’utiliser le dividende pour rembourser le prêt vicie la bonne foi dans le conclusion de l’arrangement en l’espèce. Je ne dispose d’aucune preuve sur les modalités de la fiducie, et il ne ressort pas de la preuve que M. et Mme Davidson se proposaient simplement, comme fiduciaires, de prélever à titre gratuit des fonds provenant de la fiducie pour le compte de Mme Davidson. M. Davidson a déclaré dans son témoignage qu’ils auraient pu, si nécessaire, emprunter la totalité ou une partie des fonds pour être en mesure de rembourser le prêt au moment voulu. Ils auraient fort bien pu agir de la sorte après avoir consulté soit un avocat soit quelqu’un d’autre.

Cinquième question

[19] L’avocat de l’intimée me demande de considérer le fait que le prêt n’avait pas encore été remboursé lors de l’audition, soit environ huit ans après avoir été consenti et trois ans après la date à laquelle, selon la preuve, le remboursement aurait dû avoir lieu. Comme pour les questions précédentes, je commence par faire observer que la Loi prescrit qu’un arrangement doit être conclu de bonne foi à la date à laquelle le prêt est consenti. S’il est établi que tel est le cas, l’appelante n’a pas à inclure le montant du prêt dans le calcul du revenu comme elle devrait le faire selon le libellé du par. 15(2) si elle ne respectait pas la condition. Encore une fois, si le législateur avait eu l’intention de ne pas permettre au contribuable d’exclure le montant du prêt dans le calcul du revenu dans les cas où l’arrangement relatif au remboursement n’est pas respecté, il aurait pu facilement adopter le libellé qui aurait donné ce résultat.

[20] S’il est démontré que le remboursement n’a pas été fait selon les modalités de l’arrangement, cette preuve est pertinente quand il s’agit de déterminer s’il y a bonne foi, mais elle n’est pas concluante. Il faut cependant que l’on sache pourquoi il n’y a pas eu de remboursement. L’appelante et son mari ont expliqué que le vérificateur de Revenu Canada avait, en fait, dit à M. Davidson que le statu quo devrait être maintenu jusqu’à ce que la vérification soit terminée. La réalisation de la vérification a donné lieu à la cotisation faisant l’objet du présent appel. L’appelante a payé l’impôt, et il est compréhensible qu’elle ne veuille pas, d’une part, payer l’impôt aux termes de l’art. 15, d’autre part, rembourser le prêt à la compagnie qui est maintenant inactive et payer l’impôt une seconde fois sur la même somme de 90 000 $ lorsqu’un dividende sera déclaré. Je n’accepte pas l’argument de l’avocat de l’intimée voulant que l’appelante était tenue de faire témoigner le vérificateur pour corroborer son témoignage sur cette discussion. Si la discussion ne s’est pas déroulée comme l’appelante et son mari l’ont prétendu, l’intimée aurait pu demander au vérificateur de comparaître comme témoin et de donner une déposition à ce sujet. Lorsqu’il a contre-interrogé M. et Mme Davidson, l’avocat de l’intimée n’a même pas insinué que le vérificateur ne leur avait rien dit de tel. J’accepte l’explication de l’appelante et de son mari et je conclus que le fait que le prêt n’a pas été remboursé durant le délai de cinq ans n’a pas comme conséquence de vicier la bonne foi qui existait lorsque l'arrangement a été conclu .

[21] En résumé, je conclus que, lorsque la compagnie a consenti le prêt au logement à l’appelante en 1990, un arrangement a été conclu de bonne foi selon lequel l’appelante devait rembourser le prêt dans un délai de cinq ans. Je conclus également que, dans les circonstances, un délai de cinq ans était raisonnable.

[22] L’appel est admis avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 1999.

“ E. A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 18e jour de février 2000.

Mario Lagacé, réviseur



[1]                Voir les motifs de Lord Halsbury dans Browne v. Dunn [1894] 6 R. 67 (H.L.), pp. 76 et 77, et la discussion de cet arrêt par J. Sopinka, S.N. Lederman et A.W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, pp. 876 à 879; dans Phipson on Evidence, 14e édition, pp. 245 à 247; et par A. Keane, The Modern Law of Evidence, pp. 153 et 154.

[2]                Friesen v. The Queen, 95 DTC 5551 p. 5556.

[3]                [1958] 2 All E.R. 759 p. 763.

[4]                Kanters et al. v. M.N.R., 92 DTC 1508.

[5]                Perlingieri v. M.N.R., 93 DTC 158.

[6]                The Queen v. Silden, 93 DTC 5362.

[7]                p. 5365.

[8]                98 DTC 1245.

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