Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990923

Dossier: 98-9238-IT-I

ENTRE :

CAROLE-ANN ARMSTRONG,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Il s'agit en l'espèce de l'appel à l'encontre d'un Avis-Prestation fiscale pour enfants. Dans cet avis, le ministre du Revenu national a déterminé que l'appelante n'avait pas droit à la prestation fiscale pour enfants pour la période allant de juillet à septembre 1996 pour le motif, qu'en juillet et août 1996, elle n'était pas un “ particulier admissible ” au sens de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne ses trois enfants mineurs, Paul, Michael et Luke Hey et que, durant les mois en question, elle n'était pas la personne qui assumait principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de ces enfants.

[2] L'appelante et son mari, Simon Hey, se sont séparés durant le mois de mai 1991 et elle est déménagée à Vancouver durant le mois d'août 1991. La question de la garde des enfants a ensuite été longuement débattue devant les tribunaux.

[3] Aux termes d'un contrat familial conclu le 12 mai 1991, l'appelante et son mari avaient la garde conjointe des enfants, mais ces derniers “ continuaient à demeurer surtout avec l'épouse ”.

[4] Le 14 juillet 1993, les époux ont signé une modification du contrat familial, dont une partie est ainsi libellée :

[TRADUCTION]

Le mari et l'épouse auront la garde conjointe des enfants issus du mariage, et les enfants demeureront surtout avec le mari. L'épouse disposera d'un droit d'accès libéral et raisonnable aux enfants issus du mariage, en tout temps raisonnable, et après avoir donné un avis raisonnable au mari.

[5] L'avocat de l'appelante, Me Rooneem, a attesté que sa cliente avait reçu des conseils juridiques de personnes indépendantes relativement à cette transaction. L'attestation était fausse. L'appelante n'avait pas reçu de conseils juridiques de personnes indépendantes et elle n'avait pas compris la nature ni les conséquences du document qu'elle signait. L'avocat avait fait l'objet de mesures disciplinaires du Barreau.

[6] Le 22 novembre 1994, le juge Gallant a accordé la garde des enfants au père pour le motif que la mère “ avait signé une entente de modification en juillet 1993 dans laquelle elle avait reconnu que le père avait le droit de prendre soin et de s'occuper des trois enfants et démontré une fois de plus qu'elle ne se préoccupait pas de ses enfants ”.

[7] Il a refusé de rejeter l'attestation voulant qu'elle ait reçu des conseils juridiques de personnes indépendantes. Cette attestation s'est révélée fausse par la suite. J'ai observé l'appelante durant toute l'audience et, selon moi, elle s'intéresse d'une façon exceptionnelle à ses enfants dont elle a maintenant la garde exclusive.

[8] En conséquence, à mon avis, le fait que la garde ait été accordée au père en novembre 1994 n'est pas déterminant.

[9] En juillet et août 1996, les enfants ont demeuré avec l'appelante. Je conclus que durant ces deux mois elle a assumé principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation des enfants.

[10] Dans R. v. Marshall, [1996] 2 C.T.C. 92 le juge Stone de la Cour d'appel fédérale a dit à la page 94 :

Cet article de la Loi prévoit qu'un seul des deux parents est un “ particulier admissible ” aux fins d'admissibilité aux avantages. L'article ne prévoit aucun partage proportionnel entre deux parents qui prétendent être des parents admissibles. Seul, le Parlement peut prévoir le partage proportionnel des avantages, mais il ne l'a pas fait.

[11] La juge Lamarre Proulx a appliqué ce principe dans Bouchard v. R., [1998] 1 C.T.C. 3071 et j'ai fait de même dans Pollak c. La Reine, 98-444(IT)I, 22 janvier 1999. La juge Lamarre Proulx a conclu que l'admissibilité du parent qui demande la prestation devait être déterminée “ à un moment donné ”. Ceci signifie que, bien que la prestation ne puisse être partagée proportionnellement entre deux parents, une détermination doit être effectuée à un moment en particulier et non année par année. Lorsqu'un parent satisfait aux critères visés à l'article 6302 du Règlement de l'impôt sur le revenu durant une période significative – dans le cas présent deux mois – ce parent est durant cette période un “ particulier admissible ” aux fins de la prestation fiscale pour enfants. Les articles 122.61 et 122.62 semblent envisager une telle détermination mois par mois. Bien entendu, je ne parle pas de visites occasionnelles de quelques jours.

[12] L'avocate de l'intimée a soutenu que l'expression “ réside avec ” aux alinéas a) et f) de la définition de “ particulier admissible ” signifie “ résident habituel ”, expression employée ailleurs dans la Loi de l'impôt sur le revenu pour déterminer la résidence aux fins de l'impôt. Le concept a fait l'objet d'une discussion détaillée dans Thomson v. M.N.R., [1946] R.C.S. 209 et dans Fisher v. The Queen, 95 DTC 840.

[13] “ Réside avec ” et “ résident habituel ” sont deux expressions différentes employées à différentes fins, et si le Parlement utilise des mots différents il est présumé avoir eu l'intention de leur voir accorder des significations différentes (Glaxo Wellcome Inc. v. The Queen, 96 DTC 1159, confirmé (C.A.F.) 98 DTC 6638.

[14] Je pourrais signaler en passant que la présomption visée à l'alinéa f) de la définition ne s'applique probablement pas compte tenu de l'alinéa 6301(1) d) du Règlement de l'impôt sur le revenu.

[15] Je conclus cependant, sans tenir nullement compte de l'alinéa f), qu'en juillet et août 1996 les trois enfants résidaient avec l'appelante au sens de l'alinéa a) de la définition et que durant cette période elle était le parent qui assumait principalement la responsabilité pour leur soin et leur éducation.

[16] L'appel est donc admis et la détermination est déférée au ministre du Revenu national pour nouvelle détermination pour le motif que l'appelante était un particulier admissible au sens de l'article 122.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu en juillet et août 1996 en ce qui concerne les trois enfants Michael, Luke et Paul aux fins de la prestation fiscale pour enfants.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de septembre 1999.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour de juillet 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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