Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20001020

Dossier: 1999-4273-GST-I

ENTRE:

ANDREW E. McKAY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] Andrew McKay a porté en appel une cotisation établie aux termes de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”), dans laquelle la demande de crédits de taxe sur les intrants (CTI), au sens de l'article 169 de la Loi, qu'il avait faite au titre de l'achat, vers le mois d’août 1997, d'un camion Chevrolet Silverado a été rejetée.

[2] M. McKay est agent d'assurances. En 1997, il exploitait en outre une entreprise d'achat et de vente de véhicules récréatifs (VR). L'appelant était inscrit aux fins de la partie IX de la Loi. Le camion Silverado a été acheté en vue de déplacer des VR à l'intérieur du parc de véhicules, de livrer les VR aux acheteurs et d'aller prendre les VR achetés.

[3] M. McKay a décrit le Silverado comme étant un camion de type pick-up non complètement fermé. Il possède une cabine allongée pouvant accueillir quatre personnes. Une attache de remorquage a été installée à l'arrière.

[4] M. McKay a produit sa déclaration aux fins de la taxe sur les produits et services (TPS) pour la période de déclaration allant du 1er mars 1997 au 30 juin 1998; il faisait état de 9 420 $ de TPS à percevoir et demandait au titre des CTI un montant s'élevant à 11 473,87 $[1].

[5] De l'avis du ministre, le pourcentage d'utilisation du Silverado par M. McKay dans le cadre de son entreprise était inférieur à 90 p. 100. Ce dernier n'a pas tenu de registre d'utilisation du Silverado et a revendu le camion dans les neuf mois suivant son achat.

[6] M. McKay a témoigné qu'il disposait d'un autre véhicule pour son usage quotidien et qu'il utilisait rarement le Silverado à des fins personnelles. Il s'en servait par exemple pour aller prendre du matériel à un magasin. Il a décidé de vendre le camion parce que son utilisation n'en justifiait pas le coût. Toutefois, il insiste sur le fait que, durant le temps où il s'en est servi, il l'a utilisé dans une proportion de 80 à 90 p. 100 dans le cadre de son entreprise.

[7] L'entreprise de véhicules récréatifs n'a pas été très profitable pour M. McKay. Il l'a essentiellement exploitée au cours de l'été et de l'automne 1997, et il n'a vendu que deux ou trois véhicules. En 1997 et en 1998, il a vendu en tout “ environ ” quatre véhicules.

[8] M. Scott Kerr, vérificateur de Revenu Canada, a témoigné que, selon les registres de l'appelant, celui-ci a effectué dix transactions dans le cadre de son entreprise. (Je suppose que chaque achat et chaque vente constitue une transaction distincte.) Il a également indiqué qu'aucune taxe n'avait été facturée lorsque M. McKay avait acheté le Silverado et que ce dernier n'avait pas perçu de taxe lorsqu'il avait revendu le camion à un concessionnaire automobile. M. Kerr a convenu que le Silverado était utilisé dans le cadre de l'entreprise, mais il a indiqué que le nombre de transactions était peu élevé et qu'on n'avait tenu aucun registre d'utilisation qui eût permis de vérifier le pourcentage d'utilisation à des fins d'affaires et celui à des fins personnelles.

[9] M. McKay a fait valoir qu'il avait l'intention d'utiliser davantage le Silverado pour son entreprise que ce ne fut le cas en réalité. Étant donné que les affaires ne marchaient pas, le Silverado est demeuré dans le parc la plupart du temps. M. McKay estime avoir utilisé le Silverado de 25 à 30 heures environ pour son entreprise pendant la période où il en a été propriétaire.

[10] M. McKay n'a pas déclaré de déduction pour amortissement aux fins de l'impôt sur le revenu en 1997 à l'égard du Silverado[2].

[11] Le plaidoyer de l'appelant se résume essentiellement à ceci : il a acheté le Silverado afin de s'en servir dans le cadre de son entreprise; il l'a bel et bien utilisé à cette fin; l'entreprise n'a pas donné les résultats escomptés; étant donné que le Silverado ne servait guère, M. McKay l'a revendu. Par conséquent, il a droit à un montant au titre des CTI.

[12] L'intimée soutient que le Silverado constitue une voiture de tourisme, puisqu'il peut accueillir jusqu'à quatre passagers, et que l'appelant ne l'a pas utilisé en totalité ou presque pour le transport de marchandises dans le cadre de son entreprise ni exclusivement dans le cadre d'une activité commerciale.

[13] Pour le ministre du Revenu national (le “ ministre ”), le Silverado est une “ voiture de tourisme ” au sens du paragraphe 123(1) de la Loi et du paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ LIR ”), ce qui signifie que M. McKay n'a pas droit à un montant au titre des CTI à l'égard de son achat. Pour l'application du paragraphe 123(1), l'expression “ voiture de tourisme ” s'entend au sens du paragraphe 248(1) de la LIR. En l'instance, une “ voiture de tourisme ” est une automobile. Voici la définition du terme “ automobile ” figurant au paragraphe 248(1) de la LIR :

Véhicule à moteur principalement conçu ou aménagé pour transporter des particuliers sur les routes et dans les rues et comptant au maximum neuf places assises, y compris celle du conducteur, à l'exclusion des véhicules suivants :

[...]

d) les véhicules à moteur de type pick-up ou fourgonnette ou d'un type analogue :

(i) comptant au maximum trois places assises, y compris celle du conducteur, et qui, au cours de l'année d'imposition où ils sont acquis, servent principalement au transport de marchandises ou de matériel en vue de gagner un revenu,

(ii) dont la totalité, ou presque, de l'utilisation au cours de l'année d'imposition où ils sont acquis est pour le transport de marchandises, de matériel ou de passagers en vue de gagner un revenu.

[14] Aux termes du paragraphe 202(2) de la Loi, un particulier qui est un inscrit, comme l'appelant, ne peut demander de CTI à l'égard d'une voiture de tourisme acquise pour utilisation comme immobilisation, sauf s'il l'acquiert pour utilisation exclusive dans le cadre de ses activités commerciales.

[15] Le paragraphe 202(4) prévoit toutefois qu'un tel inscrit peut, à la fin de son année d'imposition, demander un montant au titre des CTI à l'égard d’un véhicule à moteur utilisé comme immobilisation, mais non exclusivement dans le cadre de ses activités commerciales. Dans un tel cas, le montant des CTI est calculé en fonction de la déduction pour amortissement déclarée par l'inscrit à l'égard de la voiture aux termes de la LIR.

[16] Aux termes du paragraphe 123(1) de la Loi, le terme “ exclusif ” :

S'entend, dans le cas des personnes autres que les institutions financières, de la totalité, ou presque, de la consommation, de l'utilisation ou de la fourniture d'un bien ou d'un service et [...]

[17] Le ministre estime que, pour qu'une voiture de tourisme soit utilisée par un contribuable en “ totalité, ou presque ” pour le transport de marchandises dans le cadre d'une activité commerciale, elle doit être utilisée dans une proportion de 90 p. 100 au moins dans le cadre de l'activité commerciale. De même, aux yeux du ministre, la voiture de tourisme est utilisée exclusivement dans le cadre d'activités commerciales si elle est utilisée à de telles fins dans une proportion d'au moins 90 p. 100[3]. Les tribunaux ont parfois ramené ce seuil sous les 90 p. 100, tout dépendant des circonstances propres à chaque affaire[4]. L'intimée prétend en outre que l'appelant, puisqu'il ne s'est pas prévalu, aux fins de l'impôt, de la déduction pour amortissement à l'égard du Silverado en 1997, ne peut se prévaloir du paragraphe 202(4) de la Loi et demander de CTI.

[18] Je conviens avec l'intimée que, si M. McKay n'a pas utilisé le Silverado exclusivement dans le cadre de ses activités commerciales, il ne peut se prévaloir du paragraphe 202(4) de la Loi et demander de CTI, puisqu’il n'a pas déclaré de déduction pour amortissement aux fins de l'impôt pour l'année en question. La principale question que je dois examiner consiste donc à savoir si l'appelant a utilisé le Silverado en “ totalité ou presque ” pour des activités commerciales. A-t-il utilisé le Silverado exclusivement dans le cadre de l'entreprise? Le fait que le véhicule ait rarement été utilisé constitue-t-il un facteur à prendre en considération pour déterminer en quoi consiste une proportion importante de son utilisation?

[19] L'expression “ l'utilisation ” (en anglais, “ the use of which ”) figurant à la définition d'“ automobile ” au paragraphe 248(1) de la LIR semble se rapporter au fait d'utiliser le véhicule ou de le mettre en service pour quelque fin que ce soit, en particulier celle à laquelle il est destiné[5]. Si l'on se fie au simple bon sens, lorsqu'un véhicule est garé dans un garage ou un parc, il n'est pas utilisé. Par conséquent, le laps de temps pendant lequel le véhicule est garé (et inutilisé) n'est pas pris en considération dans la formule servant à déterminer si l'utilisation du véhicule est en “ totalité, ou presque, [...] pour le transport de marchandises [...] en vue de gagner un revenu ”. Ce qui compte, c'est le temps d'utilisation réelle du véhicule, même si ce dernier est demeuré dans un parc plus de 90 p. 100 du temps pendant lequel le contribuable en a eu la propriété. Pour l'application de la définition d'“ automobile ”, que le véhicule soit ou non “ prêt à être mis en service ” est sans importance.

[20] Dans la présente affaire, le Silverado a été utilisé par M. McKay dans le cadre de son entreprise durant 30 à 35 heures environ. M. McKay estime qu'il a servi dans le cadre de l'entreprise environ 80 à 90 p. 100 du temps où il a été utilisé. L'appelant n'ayant pas tenu de registre, on ne dispose d'aucun document justificatif concernant les distances parcourues à des fins personnelles et celles parcourues à des fins d'affaires.

[21] Je suis disposé, sur la foi du témoignage de M. McKay, à croire que le Silverado a été utilisé dans le cadre de son entreprise dans une proportion d'au moins 80 p. 100. Cette proportion suffit à satisfaire au critère voulant que l'utilisation ait été principalement pour permettre de gagner un revenu d'entreprise et “ exclusivement ” dans le cadre d'activités commerciales. La revente du Silverado par M. McKay, si peu de temps après qu'il l'eut acheté, corrobore ses dires portant que le véhicule a été acquis pour l'entreprise, utilisé dans le cadre de l'entreprise, et revendu parce qu'il ne pouvait être utilisé de façon appropriée dans le cadre de l'entreprise. Selon la prépondérance des probabilités, l'utilisation du Silverado à des fins personnelles est négligeable. Le Silverado a été utilisé la quasi-totalité du temps dans le but de permettre de gagner un revenu d'entreprise, et il a donc été utilisé “ exclusivement ” dans le cadre des activités commerciales de M. McKay. Le Silverado n'était pas une “ voiture de tourisme ” au sens du paragraphe 123(1) de la Loi.

[22] L'appel est admis avec frais, s'il y en a.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d'octobre 2000.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur



[1] Il semble que l'appelant ait acheté une Cadillac Seville (la “ Cadillac ”) en septembre 1997 et qu'il ait payé 4 749,36 $ de TPS. Le ministre lui a accordé un montant de CTI s'élevant à 3 749,36 $ en septembre 1997 à l'égard de la Cadillac. Un montant de CTI additionnel de 33,04 $ a toutefois été refusé au motif que M. McKay ne disposait pas des documents justificatifs requis. M. McKay a indiqué que ce montant n’était plus en litige.

[2] Alinéa 20(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[3] Se reporter notamment au mémorandum sur la TPS 400-3-4 de Revenu Canada, “ Voitures de tourisme et aéronefs ” (12 septembre 1992), paragraphe 34.

[4] Voir les décisions suivantes de la Cour canadienne de l'impôt : Ruhl c. La Reine, C.C.I., no 96-3597(GST)I, 5 décembre 1997 ([1998] G.S.T.C. 4); McDonald c. La Reine, C.C.I., no 97-2209(IT)I, 27 juillet 1998 ([1998] 4 C.T.C. 2569) et Wood c. M.R.N., C.C.I., no 85-1848, 23 avril 1987 (87 D.T.C. 312).

[5] Se reporter à la définition du mot “ utilisation ” dans Le Robert, Dictionnaire de la Langue Française, Deuxième Édition, ainsi qu'à la définition du mot anglais “ use ” dans The Oxford Illustrated Dictionary, deuxième édition, 1989, et The Random House Dictionary of the English Language, deuxième édition, 1987.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.