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Date: 20000808

Dossier: 2000-205-GST-I

ENTRE :

MINAZ REHMAT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Aux termes de l’avis numéro 11GU0102788 en date du 8 octobre 1998, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établi à l'égard de l'appelant une nouvelle cotisation de TPS (la “ nouvelle cotisation ”), lui réclamant 34 518,02 $ de TPS nette, 14 610,01 $ d'intérêts et 17 905,57 $ de pénalité, c'est-à-dire au total 84 245,58 $. Le fondement de la nouvelle cotisation était que l'appelant était assujetti aux règles sur la fourniture à soi-même figurant au paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”) relativement à la construction et à l'occupation d'un immeuble d'habitation à logement unique, soit le 3951, avenue Piper, Burnaby (Colombie-Britannique), dont la description officielle figure ci-après. Cet immeuble et le terrain y relatif sont parfois appelés ci-après la “ propriété ”. Les faits et questions en cause sont, pour l'essentiel, énoncés dans les paragraphes suivants de la réponse à l'avis d'appel.

[TRADUCTION]

11. En établissant cette nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

[...]

b) l'appelant est devenu un inscrit aux termes de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”) le 30 mars 1993 et s'est vu attribuer le numéro d'inscription 135025369;

c) l'appelant était tenu de produire des déclarations de TPS trimestriellement;

d) l'appelant oeuvrait dans le domaine de la promotion immobilière [...];

e) en novembre 1992, l'appelant a acheté la propriété dont la description officielle est : identificateur de parcelle 002-949-750, lot 108, lot du district 42, plan 44013;

f) l'appelant a passé un contrat pour la démolition de la maison située sur la propriété et la construction d’une nouvelle maison et il a payé tous les frais, y compris la TPS;

g) l'appelant a demandé comme CTI la TPS payée sur les frais de construction, soit un montant de 23 180,52 $;

h) les CTI se rapportaient aux activités commerciales de l'appelant;

i) le 24 mars 1994 ou vers cette date, l'appelant a pris possession de la maison à titre résidentiel;

j) l'appelant n'a pas versé la TPS sur la juste valeur marchande de la propriété, c’est-à-dire sur 739 000 $.

B. QUESTIONS À TRANCHER

12. Dans cet appel, il s'agit de savoir :

a) si l'appelant est tenu de payer de la TPS à l'égard de la fourniture à soi-même de la propriété, en application du paragraphe 191(1) de la Loi;

b) si l'appelant est en droit de se prévaloir de l'exception relative à l'utilisation personnelle prévue au paragraphe 191(5) de la Loi;

c) quelle était la juste valeur marchande de la propriété à la date de la vente réputée avoir été faite à l'appelant.

ARGUMENTS

[2] L'appelant fait valoir qu'il avait été l'objet d'une première cotisation le 24 février 1998 et que, par voie d'avis de décision en date du 19 août 1998, le ministre avait admis les CTI réclamés et n'avait pas fixé de TPS non versée, d'intérêts et de pénalités. Les montants mentionnés précédemment ont été fixés dans la nouvelle cotisation. En d'autres termes, l'appelant considère que la première décision était exacte et que la nouvelle cotisation ne l'est pas. Il soutient par ailleurs que la TPS pouvant être exigible doit être calculée sur le coût de la propriété, lequel était inférieur à la juste valeur marchande. Il soutient en outre que la TPS pouvant être due ne devrait être versée que lorsque la propriété est vendue. À la date de l'audition du présent appel, la propriété n'avait pas encore été vendue, et l'appelant et sa famille continuaient de l’occuper. L'appelant a ajouté que le marché immobilier s'était effondré dans le secteur où la propriété est située et que la valeur de la propriété est inférieure à la juste valeur marchande déterminée par le ministre. L'avocat du ministre soutient que, comme constructeur, l'appelant est assujetti aux règles sur la fourniture à soi-même prévues au paragraphe 191(1) de la Loi et ne peut se prévaloir de l'exception relative à l'utilisation personnelle prévue au paragraphe 191(5) de la Loi, car il a demandé et obtenu des crédits de taxe sur les intrants à l'égard de la construction de la nouvelle maison.

ANALYSE

[3] Les dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d'accise sont les suivantes :

191. Fourniture à soi-même d'un immeuble d'habitation à logement unique ou d'un logement en copropriété

(1) Pour l'application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation – immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété – sont achevées en grande partie;

b) le constructeur de l'immeuble :

(i) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable (sauf un accord qui est connexe à un contrat de vente visant l'immeuble et qui porte sur la possession ou l'occupation de l'immeuble jusqu'au transfert de sa propriété à l'acheteur aux termes du contrat) conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel,

(ii) soit en transfère la possession à une personne aux termes d'une convention, sauf une convention portant sur la fourniture d'une maison mobile et d'un emplacement pour celle-ci dans un parc à roulottes résidentiel, portant sur l'une des fournitures suivantes :

(A) la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment dans lequel est située l'habitation faisant partie de l'immeuble,

(B) la fourniture par bail du fonds faisant partie de l'immeuble ou la fourniture d'un tel bail par cession,

(iii) soit, s'il est un particulier, occupe lui-même l'immeuble à titre résidentiel;

c) le constructeur, la personne ou le particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper l'immeuble à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est transférée à la personne ou l'immeuble est occupé par lui;

e) avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

(5) Exception – utilisation personnelle

Les paragraphes (1) à (4) ne s'appliquent pas au constructeur d'un immeuble d'habitation ou d'une adjonction à celui-ci si :

a) le constructeur est un particulier;

b) à un moment donné après que la construction ou les rénovations de l'immeuble ou de l'adjonction sont achevées en grande partie, l'immeuble est utilisé principalement à titre résidentiel par le particulier, son ex-conjoint ou un particulier lié à ce particulier;

c) l'immeuble n'est pas utilisé principalement à une autre fin entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et le moment donné;

d) le particulier n'a pas demandé de crédit de taxe sur les intrants relativement à l'acquisition de l'immeuble ou aux améliorations qui y ont été apportées.

[4] Le paragraphe 191(1) s'applique si un constructeur est le premier à occuper un immeuble d'habitation à logement unique à titre résidentiel après que la construction de l'immeuble est achevée en grande partie. Si tel est le cas, le constructeur est alors réputé avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble au dernier en date du jour où la construction est achevée en grande partie et du jour où l'immeuble est occupé par lui. Il est également réputé avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande au dernier en date de ces jours. La disposition déterminative pour ce qui est de savoir qui est réputé être un constructeur figure au paragraphe 190(1) de la Loi, et la définition de “ constructeur ” figure au paragraphe 123(1). Sur la foi de la preuve, l'appelant était un constructeur.

EXCEPTION PRÉVUE AU PARAGRAPHE 191(5)

[5] Le paragraphe 191(5) indique que le paragraphe (1) ne s'applique pas dans un nombre limité de circonstances. Tout d'abord, il ne s'applique pas si le constructeur est un particulier et si la maison est utilisée principalement à titre résidentiel par lui et non à une autre fin. La partie la plus importante de l'exception est que le particulier ne doit pas avoir demandé de crédit de taxe sur les intrants relativement à l'acquisition de l'immeuble ou aux améliorations qui y ont été apportées. Comme l'appelant a bel et bien demandé des crédits de taxe sur les intrants relativement aux améliorations qui ont été apportées à la propriété, il n’est pas visé par cette exception. Il n'est donc pas en droit de se prévaloir du paragraphe 191(5).

[6] Au sujet de la question de la valeur à utiliser aux fins de la TPS, le ministre soutient que l'hypothèse énoncée à l'alinéa 11j) de la réponse à l'avis d'appel, selon laquelle la juste valeur marchande était de 739 000 $ à l'époque pertinente, n'a pas été réfutée par l'appelant. L'appelant n'a déposé aucune estimation et a simplement affirmé que la valeur de la propriété était d’après lui d'environ 600 000 $, soit un peu plus que le coût. Par l'entremise de M. Reardon, soit le vérificateur du ministre dans cette affaire, l'avocat du ministre a déposé la pièce R-4, qui comprend notamment une note indiquant comment les valeurs ont été déterminées, lesquelles valeurs étaient fondées sur les avis d'évaluation de la BCAA. Il ressort de cette note que, d'après l'évaluation de la BCAA, la propriété valait 739 000 $ en 1995, 741 000 $ en 1996, 723 000 $ en 1997 et 693 000 $ en 1998. L'avocat a fait référence à l'affaire Watt c. La Reine, C.C.I., 98-1223(IT)G, 19 novembre 1999 ([1999] Carswell Nat. 2344), dans laquelle le juge Beaubier, de la C.C.I., avait souligné que l'appelant n'avait pas présenté de preuve d'expert relativement à la valeur de certains biens et s'était simplement fondé sur son propre témoignage. Le juge Beaubier avait conclu que, sans le témoignage d'un expert reconnu relativement à la valeur des biens en question, les hypothèses du ministre n'étaient pas réfutées. L'avocat a en outre fait référence à l'affaire Goodwin v. M.N.R., 82 DTC 1679, dans laquelle la Commission de révision de l'impôt avait déclaré ce qui suit, à la page 1680 :

[TRADUCTION]

Dans une affaire d'évaluation, j'estime que la Commission a principalement pour rôle de déterminer si la preuve présentée par la partie appelante étaye une évaluation différente de celle que le ministre a utilisée en établissant la cotisation. La méthode choisie par la partie appelante en l'espèce, ainsi que dans la plupart des appels semblables, consiste à présenter des éléments de preuve à l'appui d'une évaluation différente, soit une évaluation de 6 000 $ l'acre dans ce cas-ci. Sans une bonne preuve prima facie au soutien de cette évaluation de rechange, je ne pense pas que la Commission soit tenue d'examiner la question de savoir si l'évaluation utilisée par le ministre est exacte ou non.

[7] L'avocat de l'intimée a également fait référence à l'affaire Budden c. La Reine, C.C.I., no 96-1375(GST)I, 22 janvier 1997 ([1997] G.S.T.C. 7), soit une autre décision du juge Beaubier, de la C.C.I., qui avait statué, relativement à des faits très semblables à ceux du présent appel, que l'appel devait être rejeté parce que la règle sur la fourniture à soi-même prévue au paragraphe 191(1) s'appliquait et que l'exception prévue au paragraphe 191(5) ne s'appliquait pas. Il est utile de citer en outre la note de David Sherman concernant l'affaire Budden :

[TRADUCTION]

Il s'agissait d'un cas ordinaire de “ fourniture à soi-même ”. La raison pour laquelle l'appelant a porté l’affaire en appel n'est pas claire, si ce n'est, peut-être, que ce dernier ne comprenait pas la loi.

L'idée fondamentale des règles sur la fourniture à soi-même est simple. Si un constructeur bâtit une maison neuve et la vend, la vente est taxable. Si, au lieu de la vendre, il la loue à quelqu'un ou l'occupe personnellement, il est réputé, en application du paragraphe 191(1), avoir vendu la maison, et de la TPS est payable sur la juste valeur marchande de la maison.

De nombreux constructeurs ne sont pas au courant de cette règle. Dans ce cas-ci, le constructeur a essayé de vendre la maison pendant huit mois. N'y parvenant pas, il y a emménagé. Cela donnait évidemment lieu à l'application de la règle sur la fourniture à soi-même prévue au paragraphe 191(1).

Ainsi que l'a fait remarquer le juge Beaubier, si le constructeur n'avait pas demandé de crédit de taxe sur les intrants, la règle sur la fourniture à soi-même ne se serait pas appliquée en raison de l’exception prévue au paragraphe 191(5). Voir l'affaire Brown c. La Reine, C.C.I., 94-2767(GST)I, 26 juin 1995 ([1995] G.S.T.C. 38). Toutefois, comme le constructeur avait demandé de tels crédits, cette exception ne s'appliquait pas, et la règle sur la fourniture à soi-même s'appliquait.

[8] Pour toutes les raisons précitées, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d'août 2000.

“ T. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de février 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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