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Date: 19980816

Dossier: 98-52-IT-I

ENTRE :

SUCCESSION ROLAND AUBÉ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel où le litige est relatif à la déduction en vertu du paragraphe 104(6) de la Loi de l'impôt sur le Revenu (la “Loi”) refusée à l'appelante ainsi que les intérêts d'arriérés relatifs aux impôts supplémentaires imputés à l'appelante, les intérêts sur remboursement en trop et la pénalité pour production tardive imposée à l'appelante.

[2] Le litige concerne la Succession de M. Roland Aubé décédé le 7 octobre 1991.

[3] Le dernier testament du défunt avait été signé le 21 avril 1988, et portait le numéro 6608 des minutes du notaire Richard Déry. Le testament nommait madame Germaine Aubé exécutrice testamentaire, le tout étant prévu aux articles 11 et 12 dudit testament lesquels sont rédigés comme suit :

Article 11. - Je nomme pour exécuter mon testament ma cousine GERMAINE AUBÉ, épouse de Monsieur Jean-Paul Linteau, auquelle je confère la saisine de tous mes biens meubles et immeubles, je prolonge ses pouvoirs au-delà de l'an et jour prévus par la loi, jusqu'à la complète exécution de mes dernières volontés, je la dispense de faire inventaire et de fournir caution.

Si cette dernière refuse, décède ou ne peut agir à cette charge pour quelque cause que ce soit, avant ou pendant son administration, je nomme pour la remplacer ma petite nièce, LISE LINTEAU, avec les mêmes pouvoirs.

Article 12. - Outre les pouvoirs que la loi lui confère, mon exécutrice-testamentaire aura le droit de : -

a) vendre, échanger ou autrement aliéner tous mes biens meubles et immeubles dépendant de ma succession, aux conditions, pour un prix en argent ou pour toute autre considération qu'elle jugera convenables, recevoir tel prix ou telle considération et en donner quittance;

b) emprunter toute somme d'argent et à cette fin, nantir ou hypothéquer mes biens meubles ou immeubles selon le cas;

c) transiger, composer, compromettre ou régler à l'amiable, toute réclamation existant en faveur ou contre ma succession, et notamment donner ou recevoir tout immeuble en paiement d'une dette passive ou active de ma succession, selon le cas; donner toute quittance ou main-levée;

d) faire tous placements qu'elle jugera à propos, sans être astreinte par l'article 9810 et suivants du Code civil;

e) faire elle-même tout partage de mes biens, à cette fin les évaluer, les former en lots et les attribuer à qui de droit, suivant les méthodes qu'elle jugera convenables, le tout sans autorisation, ni formalité de justice même si l'un de mes légataires était mineur, incapable ou absent, auquel cas ce dernier serait représenté par mon exécutrice-testamentaire;

f) décider de façon définitive de toute question qui pourrait survenir au cours de son administration, réalisation des biens, liquidation, partage etc., ses décisions étant finales et obligeant sans appel tous mes légataires;

g) prendre à même le capital de ma succession, toute somme d'argent dont l'un de mes légataires pourrait avoir besoin urgent et notamment employer toute somme d'argent nécessaire à l'éducation, instruction, frais de pension et habillement de mes légataires mineurs, s'il en était.

[4] Pour assumer son mandat d'exécutrice testamentaire, madame Germaine Aubé a retenu les services de monsieur Paul-Henri Gamache, comptable, lequel a été le seul témoin à être entendu au soutien de l'appel.

[5] Au moyen d'un compte-rendu constitué de 50 pièces, le comptable Gamache a indiqué au Tribunal la façon dont le dossier avait cheminé entre le moment où il a reçu mandat et le moment où une transaction est intervenue le 26 août 1993.

[6] Son témoignage a permis de constater que l'ouverture de la succession avait généré plusieurs tensions entre la légataire résiduelle et les légataires particuliers.

[7] À la suite du règlement de la succession, l'intimée a émis une cotisation dont les fondements sont exprimés et décrits comme suit :

a) monsieur Roland Aubé est décédé le 7 octobre 1991;

b) le dernier testament non modifié ni révoqué par monsieur Roland Aubé est celui daté du 21 avril 1988 et faisant partie du numéro 6608 des minutes de Me Richard Déry, notaire;

c) l'année financière de la fiducie au nom de la “Succession Roland Aubé” commençait le 8 octobre 1991 pour se terminer le 7 octobre 1992, pour l'année d'imposition 1992;

d) pour l'année d'imposition 1992, la “Succession Roland Aubé” a reçu, entre autres, les revenus suivants :

Revenus d'intérêts nets : 17 823 $

Revenus nets de location 342 $

Rente - l'Industrielle Alliance

Paiement du montant nominal 6 267 $

Intérêts sur réclamation 100 $

Total 24 532 $

e) il y avait litige au niveau du règlement de la “Succession Roland Aubé”;

f) le litige mentionné au paragraphe précédent a été réglé au cours de l'année d'imposition 1993, tel qu'il apparaît à l'entente par convention entre les parties dans la “Succession Roland Aubé”, signée le 26 août 1993;

g) la déclaration de revenus pour la fiducie “Succession Roland Aubé” a été produite le 9 septembre 1993;

h) la fiducie au nom de la “Succession Roland Aubé” a produit une déclaration T3 supplémentaire au nom de Madame Marie-Paule Giroux Aubé pour un montant de 24 532 $, au cours de l'année 1993;

i) par conséquent, la somme de 24 532 $ était payable en 1993 et non en 1992;

j) de plus, la fiducie “Succession Roland Aubé” aurait dû produire sa déclaration d'impôt pour l'année financière 1992 quatre-vingt-dix jours après la fin de son année financière qui se terminait le 7 octobre 1992;

k) la déclaration de revenus pour la fiducie “Succession Roland Aubé” a été produite en retard à savoir le 9 septembre 1993;

l) le ministre a établi le solde dû par l'appelante à 3 669,99 $, pour l'année d'imposition en litige;

m) en raison du solde dû, le ministre a conséquemment imposé à l'appelante des intérêts sur arriérés, pour l'année d'imposition 1992;

n) en raison du retard à produire sa déclaration de revenus pour son année d'imposition 1992, le ministre a aussi imposé à l'appelante une pénalité pour production tardive;

o) en date du 23 décembre 1993, pour l'année d'imposition 1992, l'appelante avait été remboursée pour un montant de 633,97 $ alors qu'elle n'avait droit à aucun remboursement;

p) par conséquent, elle a reçu en trop paiement d'une somme 7,25 $ à titre d'intérêts sur remboursement.

[8] La principale question en litige est de savoir si le ministre du Revenu national (le “Ministre”) est justifié de refuser à l'appelante une déduction en vertu du paragraphe 104(6) de la Loi pour un montant de 24 532 $ pour l'année d'imposition 1992.

[9] Le comptable, Paul-Henri Gamache, a indiqué que dès janvier 1992, il avait déjà identifié et complété l’inventaire des actifs de la succession. Il a indiqué avoir collaboré à la confection de l'inventaire formel lequel a été officiellement réalisé en date du 12 octobre 1992 (voir pièce A-5).

[10] Toujours selon le comptable, en date du 7 octobre 1992, il a soutenu que la valeur du legs résiduaire était connue.

[11] L'appelante a soutenu que la légataire résiduaire a su très tôt qu'elle avait droit à une partie des actifs de la succession. Le témoignage de madame Micheline Goulet, détentrice d'une procuration de l'héritière résiduaire, est d'ailleurs à l'effet que dans les jours qui ont suivi le décès, elle savait que madame Marie-Paule Giroux-Aubé avait pleinement droit de réclamer une partie des actifs de la succession.

[12] Les prétentions de l'appelante sont d'ailleurs spécifiquement libellées comme suit sur cette importante question :

...

3.d) Madame Marie-Paule Giroux-Aubé était en droit d'exiger en 1992 la part résiduelle de la succession, ce qu'elle a d'ailleurs fait.

e) Marie-Paule Giroux-Aubé, à titre d'héritière résiduaire, a même accepté les conséquences de taxation de cette succession, si taxation devait y avoir, suivant une convention intervenue en 1993.

...

g) Madame Marie-Paule Giroux avait le droit au cours de l'année 1992 d'exiger le paiement du résidu, conformément à l'article 104(24).

...

i) Au cours de l'année 1992 et plus précisément au printemps 1992, le représentant de madame Giroux, monsieur Marc Renaud, était autorisé à prendre possession d'une collection d'armes à feu.

j) Les procureurs de madame Giroux ont également exigé le paiement du résidu de la succession dans l'année suivant le décès et il a même été confirmé par lesdits procureurs en septembre 1992 que ceux-ci étaient consentants à accepter la somme de $200,000.00 en règlement.

5.a) La légataire résiduaire Marie-Paule Giroux a accepté par convention le rapport du 7 octobre 1992 de l'exécutrice testamentaire appelante en la présente instance et dans ledit rapport, il était fait attribution à Marie-Paule Giroux-Aubé des revenus d'intérêts et de location, tel qu'il appert dudit rapport rédigé par les comptables Houle et associés, c.a.

b) De plus, madame Marie-Paule Giroux Linteau, légataire résiduaire, a accepté suivant la convention le paiement du résidu de la succession tant en capital qu'en intérêts et, à titre de bénéficiaire desdites sommes d'argent, aurait dû être imposée sur lesdits intérêts, le tout tel qu'il appert d'une transaction intervenue entre Marie-Paule Giroux Linteau et Germaine Aubé Linteau acceptée et signée par les parties le 26 août 1993.

[13] Le procureur de la succession a soutenu que seul le quantum de la masse résiduaire était problématique ou incertain. L'appelante a soutenu que le comptable mandaté par l'exécutrice testamentaire avait complété son administration et assumé pleinement le mandat qui lui avait été confié dès le mois de février 1992.

[14] À compter de cette date, l'inventaire avait été complété et l'actif de la succession clairement identifié; il était constitué essentiellement d'un certificat de dépôt et des deux immeubles, soit la résidence et un camp.

[15] Selon l'appelante, cette réalité était suffisante pour identifier les paramètres et le contenu de la part devant revenir à la légataire résiduaire. Toujours selon l'appelante, la légataire résiduaire avait ou devait avoir dès l’identification de ses actifs la saisine et, dudit actif par voie de conséquence, la responsabilité des actifs devant lui être transférés éventuellement.

[16] De son côté, le ministère a soutenu que la date de liquidation de la succession correspondait à la date de l'entente intervenue le 26 août 1993. Il s'agissait là d'un règlement négocié difficilement ayant requis de longs délais. La transaction en date du 26 août 1993 a été rédigée comme suit :

TRANSACTION INTERVENUE

________________________________________________

ENTRE

MARIE-PAULE GIROUX, veuve de monsieur Roland Aubé et légataire universelle résiduaire,

ET

GERMAINE AUBE LINTEAU, exécutrice testamentaire,

CONVENTIONS:

ATTENDU QUE monsieur Roland Aubé a, par testament intervenu le 21 avril 1988, constitué Marie-Paule Giroux, son épouse, légataire universelle résiduaire;

ATTENDU QUE dans le même acte, Germaine Aubé Linteau a été nommée exécutrice à ladite succession;

ATTENDU QUE dans le même testament certains legs à titre particulier ont été effectués en faveur de Germaine Aubé Linteau, Jean-Paul Linteau, Pierrette Aubé, Françoise Aubé et Lise Linteau et Sylvie Giroux;

ATTENDU QUE le ou vers le 7 octobre 1991, à Québec, est décédé monsieur Roland Aubé, à l'âge de 78 ans;

ATTENDU QUE le dernier testament non modifié ni révoqué par monsieur Roland Aubé est celui daté du 21 avril 1988 et faisant partie du numéro 6608 des minutes de Me Richard Déry, notaire;

ATTENDU QU'il est de l'intérêt de la justice que les legs à titre particulier soient honorés;

ATTENDU QUE l'exécutrice testamentaire et la légataire universelle résiduaire désirent dès à présent régler le partage de la succession;

LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT:

1.- Le préambule fait partie intégrante de la présente convention;

2.- La présente convention équivaut à une transaction au sens des articles 1918 et suivants du Code civil;

3.- L'exécutrice testamentaire confirme qu'elle a procédé à la remise des legs à titre particulier et a pris les dispositions pour que les légataires à titre particulier reçoivent les biens dont ils étaient les héritiers;

4.- L'héritière universelle résiduaire, Marie-Paule Giroux, reconnaît et accepte l'inventaire de la succession préparé par Mes Gaudreau & Lessard, notaires à Sainte-Foy, suivant l'inventaire faisant partie des minutes 8825 de Me Michel Y. Gaudreau, notaire, le 27 janvier 1992;

5.- Les parties reconnaissent que la légataire universelle résiduaire a pu reprendre possession des biens et effets mobiliers garnissant le domicile conjugal dont elle désirait conserver la propriété;

6.- Les parties aux présentes reconnaissent et acceptent également l'inventaire portant le numéro 8847 des minutes du notaire Me Michel Y. Gaudreau de Sainte-Foy, daté du 12 février 1992 et l'inventaire d'un camp de pêche portant le numéro 8993 des minutes du notaire Me Michel Y. Gaudreau en date du 11 juin 1992;

7.- La légataire universelle résiduaire, Marie-Paule Giroux, hérite de la somme de $190,000.00 à titre d'héritière légataire résiduelle de la succession Roland Aubé;

8.- Dame Marie-Paule Giroux renonce à sa part dans la résidence propriété de succession Roland Aubé et correspondant à l'immeuble désigné comme suit :

"Un immeuble sis au numéro civique 1405, Côte des Erables, Québec, et étant connu comme un immeuble désigné comme étant une partie du lot 227 et une partie du lot 228 du cadastre de la paroisse de Charlesbourg, division d'enregistrement de Québec;"

9.- Dame Marie-Paule Giroux renonce également à toute part, prétention, droit ou réclamation qu'elle pourrait avoir sur la propriété d'un camp de pêche propriété de la succession Roland Aubé et légué à Lise Linteau, ledit immeuble correspondant à la désignation suivante :

"Un emplacement désigné comme étant le lot 15-4 Rang 11 du Canton de Stoneham et correspondant au lot 15-4 Rang 11 du cadastre officiel de la paroisse de St-Emond de Stoneham, division d'enregistrement de Québec.

Le tout avec bâtisse dessus construite, circonstances et dépendances.

Le tout consistant en un camp de pêche."

10.- Dame Marie-Paule Giroux déclare accepter le rapport du 7 octobre 1992 de l'exécutrice testamentaire;

11.- Les parties se donnent quittance finale, mutuelle, réciproque et complète de toute réclamation qu'elles pourraient avoir l'une contre l'autre;

12.- Dame Marie-Paule Giroux renonce à tout autre bien, résidu dans la succession Roland Aubé à la date du paiement de ladite somme de $190,000.00 en capital plus les intérêts;

13.- Les parties s'engagent à signer tous les documents nécessaires pour finaliser la présente transaction y incluant les transferts de propriété immobilière léguée par Roland Aubé à Lise Linteau, à titre de legs particulier suivant les articles 8 et 9 dudit testament;

Signé à Beauport ce 26ième jour de août 1993.

Légataire universelle résiduaire:

___________________________

MARIE-PAULE GIROUX

____________________________________

Me Pierre-Marcel Normandeau, avocat

JOLIN, FOURNIER MORISSET

Signé à Sainte-Foy ce 26ième jour de août 1993.

Exécutrice testamentaire:

___________________________

GERMAINE AUBE LINTEAU

_____________________

Me Michel Poulin, avocat

POULIN & ASSOCIES

Signé à Sainte-Foy ce 26ième jour de août 1993.

Intervenante :

_____________________

LISE LINTEAU

[17] Pour réaliser la transaction, certains légataires particuliers ont dû collaborer en puisant dans leur leg respectif pour constituer le montant convenu nécessaire à la transaction.

[18] À quel moment l'exécutrice testamentaire a-t-elle terminé ou complété son administration? Il m'apparaît important de retourner au testament créateur des droits de l'exécutrice testamentaire sur la question de la durée pour savoir si le testateur y avait prévu certaines réserves.

[19] À l'article 11 dudit testament, il y est clairement indiqué que l'exécutrice pouvait prolonger son administration au delà de l'an et jour prévus par la Loi jusqu'à la complète exécution des dernières volontés du de cujus, le tout étant rédigé comme suit :

Article 11. - Je nomme pour exécuter mon testament ma cousine GERMAINE AUBÉ, épouse de Monsieur Jean-Paul Linteau, auquelle je confère la saisine de tous mes biens meubles et immeubles, je prolonge ses pouvoirs au-delà de l'an et jour prévus par la loi, jusqu'à la complète exécution de mes dernières volontés, je la dispense de faire inventaire et de fournir caution.

[20] Conséquemment, l'exécutrice bénéficiait de tous les pouvoirs lui permettant de prendre le temps nécessaire et requis pour assumer les obligations découlant de sa fonction d'exécutrice.

[21] Pour s'acquitter de sa responsabilité, madame Germaine Aubé a retenu les services du comptable Paul-Henri Gamache. Il s'agissait là d'une sage décision.

[22] Le mandat confié au comptable n'a pas fait l'objet d'une preuve très élaborée; ce dernier a simplement expliqué qu'il avait obtenu le mandat de madame Germaine Aubé de faire l'inventaire aux fins de distribuer, dans un deuxième temps, les biens aux divers légataires définis par le testament. M. Gamache a très rapidement tout mis en oeuvre pour exécuter le mandat.

[23] Ainsi, selon le comptable, son travail était à toutes fins pratiques terminé à compter d'octobre 1992; toujours selon le comptable, après avoir procédé au partage des legs particuliers, le reliquat des actifs était constitué exclusivement de deux immeubles et de certificats de dépôt.

[24] Le comptable et l'exécutrice peuvent-ils prétendre que leur administration était alors complétée? Je ne le crois pas. Les paramètres, l'étendue et les limites d'une administration ne se définissent pas en fonction de l'importance des actes à compléter ou finaliser dans le cadre de cette administration.

[25] Je ne partage pas l'interprétation du comptable qui a soutenu qu'il avait complété son administration du fait que ce qui restait à faire était essentiellement sans importance, le tout étant assujetti à de simples formalités.

[26] Selon le comptable, tout ce qu'il avait à faire était de s'assurer que les placements portent fruits ou génèrent un rendement; selon lui, il devait attendre que les parties s'entendent pour pouvoir émettre les chèques en fonction de l'entente intervenue.

[27] Souscrire à l'interprétation du comptable quant à ce que signifie la notion d'administration mènerait à des aberrations. Ainsi, il faudrait définir la fin d'une administration en fonction de l'importance des tâches et gestes à accomplir. La durée d’une administration est indépendante de son contenu et il m'apparaît qu'un mandat qui vise un ou une administration de biens se termine essentiellement par une reddition de comptes qui n'est pas nécessairement assujettie à des procédures particulières ou à des formalités spécifiques.

[28] Chose certaine, l'administration qui porte sur une masse de biens ou les actifs d'une succession ne prend pas fin avant la remise complète et totale des biens faisant l'objet de ladite administration; sauf évidemment si le mandant retire le mandat en cours d'exécution, auquel cas l'administration du mandataire prend évidemment fin.

[29] En l'espèce, je suis d'avis que l'administration a pris fin à la signature de la transaction intervenue le 26 août 1993, laquelle avait pour effet de liquider les actifs de la succession sur laquelle avait porté l'administration confiée à l'exécutrice testamentaire qui, à son tour, s'était adjointe le comptable.

[30] D'autre part, il s'agissait d'une transaction dont le contenu a été clairement défini et exprimé quant au capital et intérêts.

[31] À cet égard, l'interprétation de l'appelante à l'effet que le capital au montant de 190 000 $ incluait une somme importante représentant les intérêts courus n'est ni soutenue par les faits ni par la convention.

[32] En effet la prépondérance de la preuve est à l'effet que les relations entre les légataires particuliers et la légataire résiduaire étaient difficiles et tendues, chaque clan étant représenté par avocat. Au début, les positions des parties étaient très éloignées quant à la valeur résiduaire de la succession. Les pourparlers et négociations ont finalement abouti à un règlement confirmé par la transaction en date du 26 août 1993.

[33] La preuve a indiqué que certains légataires particuliers avaient dû se cotiser pour réaliser le règlement. En d'autres termes, le règlement intervenu ne découlait aucunement d'une vulgaire addition de sommes liquides auxquelles étaient ajoutés les intérêts; il s'agissait d'un montant forfaitaire non ventilé et en quelque sorte arbitraire fixé dans le but exclusif d'en arriver à une entente scellée par la transaction du 26 août 1993.

[34] De ce fait, il n'est pas approprié, après coup, de tenter de reconstituer les diverses composantes ayant permis de regrouper le capital offert et accepté.

[35] Ce cheminement réfute également totalement le bien-fondé des prétentions de l'appelante à savoir que la succession était réglée depuis fort longtemps. Il m'est d'ailleurs apparu étonnant que le comptable soutienne une telle thèse puisque la réalité était toute autre. Je comprends qu'il a souvent fait référence aux avocasseries qu'il a possiblement considérées comme étant farfelues et dilatoires; par contre son jugement à l'effet que son administration était complétée après le mois de février, étant donné que les actifs se limitaient à des certificats de dépôt et à deux immeubles, est tout aussi farfelu et sans fondement.

[36] J'ai noté aux états financiers non vérifiés et rapports de mission d'examen en date du 7 octobre 1991, à la page 9, que des honoraires de 21 935 $ avaient été payés au comptable. Je présume qu'une partie de ce montant couvrait du travail ultérieur au mois de février 1992. L'ensemble des faits mis en lumière par la preuve, tant testimoniale que testamentaire, a clairement démontré que l'administration d'une partie des actifs de la succession a été active jusqu'à la transaction du mois d'août 1993.

[37] Les actifs, dont la transaction du mois d'août 1993 a fait l'objet, étaient sous la garde et responsabilité de la succession jusqu'à ce moment. Conséquemment, la succession devait assumer la responsabilité fiscale découlant de cette administration. La convention, les faits et la Loi soutiennent d'ailleurs cette conclusion.

[38] Pour ce qui est de la pénalité découlant de la production tardive, le Tribunal s'en remet aux admissions du comptable qui a indiqué connaître le délai applicable et reconnu que le rapport avait été produit plusieurs mois en retard.

[39] Quant aux intérêts, tel que je l'ai indiqué aux parties lors des remarques préliminaires, la jurisprudence à laquelle s'associe le Tribunal a clairement indiqué que seul le Ministre avait juridiction en cette matière.

[40] La Cour canadienne de l'impôt n'a donc aucune juridiction pour annuler, réduire les intérêts applicables aux montants dus dans le cadre d'une cotisation ou d'un trop payé.

[41] Pour toutes ces raisons, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d’août 1998.

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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