Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980424

Dossier: 96-1186-IT-G

ENTRE :

ALGOA TRUST,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Montréal (Québec), le 10 février 1998.)

Le juge P.R. Dussault, C.C.I.

[1] L'appelante conteste une cotisation au montant de 25 278,60 $ établie en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) dont l'avis est en date du 21 décembre 1995.

[2] La responsabilité de l'appelante à titre de bénéficiaire d'un transfert de biens par voie de dividendes au montant de 78 000,00 $ a été reconnue à l'égard d'une cotisation antérieure dans un jugement du juge Rip de cette cour en date du 1er février 1993.[1] Toutefois, la dette de l'auteur du transfert (Jaans Leasing Limited ( « Jaans Leasing » )) pour les années antérieures au transfert devait être recalculée selon les instructions du juge Rip quant à l'affectation de certains paiements faits par Jaans Leasing en réduction de sa dette. L'appelante conteste le calcul effectué par Revenu Canada suite au jugement pour établir la nouvelle cotisation du 21 décembre 1995.

[3] Le principe énoncé à l’article 160 de la Loi n’a pas pour effet de créer une dette fiscale. La disposition n’a pas pour effet de créer une deuxième dette, il n’y a qu’une seule dette fiscale. Le libellé de la Loi est très clair : le but de l’article 160 est essentiellement d’ajouter un autre débiteur qui est solidaire avec l’auteur du transfert. Ce nouveau débiteur est désigné comme étant le bénéficiaire d’un transfert. Il n’y a donc pas de nouvelle dette créée en vertu de la Loi, et ce n’est pas la cotisation qui fait naître l'obligation, c’est la Loi elle-même. Ainsi, fondamentalement il n'y a qu'une seule dette et c’est cette seule dette qui peut porter intérêt.

[4] D'abord, le premier paragraphe de l'article 160 établit effectivement une responsabilité solidaire du bénéficiaire d’un transfert et sa responsabilité est limitée au moins élevé des deux montants que l'on retrouve aux deux sous-alinéas 160(1)e)(i) et (ii), soit (i) la valeur du bien transféré moins la contrepartie et (ii), le total des montants que l’auteur doit payer au cours de l’année du transfert ou d’une année antérieure ou pour ces années-là, c'est-à-dire pour l’année du transfert et pour toutes les années antérieures.

[5] Deuxièmement, le paragraphe 160(2) stipule que le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) peut établir une cotisation à tout moment. Cela est aussi très clair. Toutefois à l'égard de chaque cotisation émise la limite fixée à l'alinéa 160(1)e) doit être respectée.

[6] Troisièmement, je dirais qu’il n’y a aucune disposition de la Loi concernant les intérêts qui peut être applicable concernant une cotisation émise en vertu de l'article 160 de la Loi. Cela est logique puisqu'il n’y a pas de nouvelle dette fiscale et que la cotisation en vertu de l’article 160 reflète déjà les intérêts que l’auteur du transfert devait en plus de l’impôt. La cotisation peut refléter aussi des pénalités et des intérêts sur les pénalités.

[7] Maintenant, les faits que je retrace comme étant les plus importants dans cette affaire. Il y a d'abord un transfert de 78 000,00 $ par voie de dividendes en deux versements, un de 40 000,00 $ et un de 38 000,00 $, de Jaans Leasing à Algoa Trust en 1982.

[8] Jaans Leasing doit, pour 1982 et les années antérieures 88 327,54 $ tel que cela a été établi au 20 novembre 1989. On peut se référer ici à la pièce A-9, à la page 233. Il y a un autre montant qui diffère légèrement, soit 88 244,82 $, selon la page 234 du même document. Partout on a ajouté 20,00 $ de frais juridiques qu’on a conservés, je pense, jusqu’à la fin. À mon avis, ce montant de 20,00 $ a été cotisé sans aucun droit. Une cotisation ne peut comprendre un tel montant. Une cotisation peut comprendre trois éléments, rien de plus : impôt, intérêts et pénalité.

[9] Donc, il y a eu cotisation en 1989 et en 1992. En 1992 on a ajouté simplement des explications pour se conformer au jugement dans l'affaire Leung v. M.N.R.[2], conformément au jugement qui avait été rendu au niveau de la Cour canadienne de l’impôt. Plus tard, comme on le sait, en Cour fédérale, section de première instance, la décision a été renversée.[3]

[10] Ainsi, il est clair, selon la pièce A-9 que Jaans Leasing doit des montants pour 1978, 1979, 1980, 1981 et 1982. La cotisation du bénéficiaire est limitée au moindre des montants indiqués à l'alinéa 160(1)e). En l'occurrence il s'agit de 78 000,00 $, soit la valeur des biens transférés.

[11] Il y a deux événements subséquents dont il faut tenir compte. Le jugement du juge Rip en date du 1er février 1993 établit que la cotisation est valide mais que la dette de l’auteur du transfert doit être recalculée en rapport avec six paiements qui doivent être affectés comme l’indique ce jugement. Sous deux alinéas, le juge Rip indique dans un premier temps, (sous a)), que quatre paiements doivent être affectés tel qu’il est indiqué par le contribuable sans tenir compte des ratures qu’on peut retrouver sur les documents. Ensuite, deux autres paiements, (sous b)), doivent être affectés de façon spécifique à l’année 1981. L’avocat de l’appelante conteste l’affectation particulièrement à l’égard d’un des paiements de 1 600,00 $ mais n’apporte aucune preuve précise que l’affectation est contraire au jugement. Je pense qu’il découle du jugement, cela est évident pour moi, que si on a pris la peine de dire spécifiquement que deux paiements se rapportent à 1981, que l'on doit d'abord refaire le calcul sur cette base. Un autre paiement a également été appliqué pour 1981. Ensuite, les autres ont été appliqués aux années suivantes : deux paiements sont pour 1982 et sont demeurés pour 1982 puis on a appliqué un paiement pour 1983.

[12] Ainsi, aucune preuve précise ne m’a été apportée que l’affectation a été contraire au jugement. Monsieur Gélinas de Revenu Canada a expliqué de façon détaillée sa façon de faire et je suis d’accord avec la méthode utilisée. Selon lui, l’effet global est d’établir la dette fiscale de Jaans Leasing en novembre 1989 à un montant de 64 495,66 $ même si des calculs antérieurs faits par une autre personne font état d’une dette de 60 585,68 $. Ce dernier montant on peut le retrouver notamment dans ce qui est indiqué comme « Exhibit A » de la Réponse à l’avis d’appel. Selon monsieur Gélinas, il y aurait eu aussi d’autres erreurs et en fait, il ne faut pas se le cacher, plusieurs documents reçus par l'appelante et mis en preuve par son avocat indiquent qu’il y a eu une certaine confusion. Le résultat des calculs de monsieur Gélinas est que la cotisation du 21 décembre 1995 aurait dû être de 26 810,36 $ et non de 25 278,60 $ tel qu’indiqué dans ce qui est désigné « Exhibit C » de la Réponse à l’avis d’appel. Que ce soit 25 000,00 $ ou que ce soit 26 000,00 $ ou que ce soit 27 000,00 $ ou même 200 000,00 $, cela n’a pas d’importance vu la limite imposée par l'alinéa 160(1)e) de la Loi.

[13] J’en arrive au deuxième événement, soit le paiement par Algoa Trust le 14 février 1991 d’un montant de 57 387,14 $. Le paiement n'a été reconnu qu'en 1993 seulement et a été appliqué rétroactivement au 14 février 1991 en réduction de la dette. Incidemment, le jugement du juge Rip ne fait pas du tout état de cela. Il y a donc lieu d’appliquer ici l’alinéa 160(3)a). Ce paiement est appliqué de façon à réduire la responsabilité solidaire du bénéficiaire puisqu'il réduit la dette fiscale de l’auteur du transfert pour 1978 et 1979 ainsi que pour les années subséquentes, bien que lors de l’émission de la première cotisation le 20 novembre 1989, on n'a pas fait référence à la dette de 1978 et on n'a fait qu’une référence partielle à celle de 1979 puisque la cotisation devait être limitée à 78 000,00 $, la valeur des biens transférés, et non à 88 244,82 $, le montant de la dette fiscale de l’auteur tel qu’établi antérieurement. Cette façon de procéder est correcte. Ce n’est pas parce que la cotisation était limitée à 78 000,00 $ que le solde de la dette s’est éteint comme par miracle. La dette de 1978 et la dette totale de 1979 n’ont pas été éteintes simplement parce qu’on n’avait pas eu besoin d’y faire référence puisqu'on était déjà rendu à la limite permise par l'alinéa 160(1)e) de la Loi.

[14] Entre le 20 novembre 1989 (date de la cotisation) et le 14 février 1991, la dette totale augmente à cause des intérêts et par la suite, la dette réduite par le paiement de 57 387,14 $, continue, elle, de s’accroître pour devenir 26 810,36 $ au 21 décembre 1995 selon les calculs de monsieur Gélinas. Aujourd’hui, elle est peut-être de 32 000,00 $ ou 33 000,00 $, cela n’a, encore une fois, aucune importance. Si on cotisait aujourd’hui Algoa Trust pour la première fois et qu’on recevait le jour même un paiement de 57 387,14 $, il est évident qu’on ne pourrait tenir Algoa Trust responsable d’un montant supérieur à 20 612,86 $ en appliquant l’alinéa 160(1)e) et l’alinéa 160(3)a), c’est-à-dire la différence entre le montant établi sous l’alinéa 160(1)e), soit 78 000,00 $, et le montant déjà payé soit 57 387,14 $. Alors, même si on ne récupère pas, qu’on ne fait pas le recouvrement d’Algoa Trust avant 50 ans, on ne pourra jamais recouvrer, à mon avis, plus de 20 612,86 $.

[15] Ainsi, en conclusion, l’appel est admis et la cotisation du 21 décembre 1995 est réduite à 20 612,86 $.

[16] L’intimée a le droit à des frais taxés ne pouvant cependant excéder 1 000,00 $ dans les circonstances. Si les choses avaient été plus claires et faites correctement au départ, il y aurait eu beaucoup moins de confusion et on ne serait peut-être pas dans la même position aujourd’hui.

Texte révisé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour d'avril 1998.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.



[1]           Algoa Trust et al. v. The Queen, 93 DTC 405 (C.C.I.).

[2]           Voir 91 DTC 1020 (C.C.I.).

[3]           Voir 93 DTC 5467 (C.F. 1ère inst.).

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