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Date: 20000302

Dossier: 1999-2447-EI

ENTRE :

CAROLYN MCKAY,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

BING HOLDINGS LTD.,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Regina (Saskatchewan), le 19 janvier 2000. L'appelante était présente et représentée par son avocat. L'intervenante était représentée par son président, M. Brian Barber, que l'intimé a cité à témoigner.

[2] L'appelante a interjeté appel de la décision rendue par le ministre du Revenu national (ci-après appelé le “ ministre ”) le 10 février 1999, par laquelle celui-ci a déterminé que l'emploi de l'appelante chez Bing Holdings Ltd. (“ Bing ”), au cours de la période allant du 9 mars 1992 au 30 novembre 1995, n'était pas un emploi assurable. Le motif donné était le suivant :

[TRADUCTION]

[. . .] Vous n'étiez pas engagée aux termes d'un contrat de louage de services et, par conséquent, vous n'étiez pas une employée.

La décision aurait été rendue en vertu du paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance-emploi (la “ Loi A-E ”) et fondée sur l'alinéa 3(1)a) de l'ancienne Loi sur l'assurance-chômage (la “ Loi A-C ”).

[3] Les faits établis révèlent que l'appelante a géré l'Hôtel Regina Beach qui appartenait à Bing, à compter du 9 mars 1992 jusqu'au 30 novembre 1995. Elle a exercé ses fonctions en vertu d'un contrat verbal du 9 mars 1992 jusqu'au mois de juin 1993. À une date inconnue, mais que l'avocat et les représentants ont convenu de désigner comme étant le 30 juin 1993, l'appelante et son époux, d'une part, et Bing d'autre part, ont conclu une entente écrite relative aux futures modalités de travail de l'appelante à l'hôtel et comprenant des dispositions selon lesquelles il serait possible à Mme McKay et à son mari d'acheter l'hôtel conformément à une option d'achat.

[4] Le ministre a soutenu que les modalités de travail de l'appelante, dans leur ensemble, constituaient un contrat d'entreprise et que par conséquent elle n'avait pas été une employée, ni avant ni après l'entente écrite de juin 1993. L'appelante, au contraire, a fait valoir que tout au long de la période concernée, elle travaillait aux termes d'un contrat de louage de services et qu'elle était donc une employée exerçant un emploi assurable. Bing est intervenu en faveur du ministre. Voilà la nature de la question litigieuse entre les parties.

Le droit

[5] La Cour d'appel fédérale a clairement exposé, dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), la façon dont le tribunal doit procéder pour déterminer si des modalités de travail particulières constituent un contrat de louage de services donnant lieu à une relation employeur-employé, ou un contrat d'entreprise donnant lieu à une relation d'entrepreneur indépendant. La Cour en question a précisé davantage le critère applicable dans l'arrêt Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc. c. M.R.N., C.A.F. no A-531-87, 15 janvier 1988 (88 DTC 6099). À la suite de ces arrêts, de nombreuses décisions de notre cour, dont certaines ont été citées par l'avocat, ont démontré comment ont été appliquées les lignes directrices énoncées par la Cour d'appel fédérale. Dans l'arrêt Moose Jaw Kinsmen Flying Fins Inc., précité, voici ce qu'a dit la Cour d'appel fédérale :

[Analyse]

La cause décisive concernant cette question dans le contexte de la loi est la décision de la Cour dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. Le ministre du Revenu national, 87 D.T.C. 5025. Parlant au nom de la Cour, le juge MacGuigan a analysé des causes canadiennes, britanniques et américaines et, en particulier, il a mentionné les quatre critères pour rendre une telle décision qui sont énoncés par lord Wright dans l'affaire La ville de Montréal c. Montreal Locomotive Works Ltd., [1974] 1 D.L.R. 161, aux pages 169 et 170. Il a conclu à la page 5028 que :

Dans ce contexte, les quatre critères établis par lord Wright constituent une règle générale, et même universelle, qui nous oblige à [TRADUCTION] "examiner l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties". Quand il s'est servi de cette règle pour déterminer la nature du lien existant dans l'affaire Montreal Locomotive Works, lord Wright a combiné et intégré les quatre critères afin d'interpréter l'ensemble de la transaction.

À la page 5029, il déclare :

Je considère le critère de lord Wright non pas comme une règle comprenant quatre critères, comme beaucoup l'ont interprété, mais comme un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur ce que lord Wright a appelé [TRADUCTION] "l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations" et ce même si je reconnais l'utilité des quatre critères subordonnés.

[C'est moi qui souligne.]

À la page 5030, il poursuit:

Il est toujours important de déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles.

Il fait également observer : "Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents".

[...] comme le juge MacGuigan, nous considérons les critères comme des subordonnés utiles pour peser tous les faits relatifs à l'entreprise de la requérante. C'est maintenant l'approche appropriée et préférable pour la très bonne raison que dans une cause donnée, et celle-ci peut très bien en être une, un ou plusieurs des critères peuvent être peu ou pas applicables. Pour rendre une décision, il faut donc considérer l'ensemble de la preuve en tenant compte des critères qui peuvent être appliqués et donner à toute la preuve le poids que les circonstances peuvent exiger.

[6] La nature des critères mentionnés par la Cour peut se résumer comme suit :

a) le degré ou l'absence de contrôle exercé par le prétendu employeur;

b) la propriété des instruments de travail;

c) les chances de bénéfices et les risques de pertes;

d) l'intégration des travaux effectués par les prétendus employés dans l'entreprise de l'employeur présumé.

[7] Je prends aussi note des propos du juge MacGuigan dans l'arrêt Wiebe, précité, dans lesquels il a approuvé l'approche des tribunaux anglais :

C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739):

[TRADUCTION] Les remarques de LORD Wright, du LORD JUGE DENNING et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci: “ La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte ”. Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

[8] Je tiens à ajouter à ce qui précède les propos du juge d'appel Décary dans l'arrêt Charbonneau c. Canada (M.R.N.) [1996] A.C.F. no 1337, dans lequel, s'exprimant pour la Cour d'appel fédérale, il a dit ce qui suit :

Les critères énoncés par cette Cour [...] ne sont pas les recettes d'une formule magique. Ce sont des points de repère qu'il sera généralement utiles de considérer, mais pas au point de mettre en péril l'objectif ultime de l'exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu'il s'agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l'existence d'un véritable contrat, c'est s'il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu'il s'agisse d'un contrat de travail [...] ou s'il n'y a pas, plutôt, un degré d'autonomie tel qu'il s'agisse d'un contrat d'entreprise ou de service [...] En d'autres termes, il ne faut pas [...] examiner les arbres de si près qu'on perde de vue la forêt. Les parties doivent s'effacer devant le tout.

Les faits

[9] Dans la réponse à l'avis d'appel signée par le sous-procureur général du Canada, il est dit que le ministre, pour parvenir à sa décision, s'est fondé sur les hypothèses de faits suivantes :

[TRADUCTION]

a) les faits admis susmentionnés;

b) l'appelante n'était pas liée au payeur;

c) le payeur exploitait une entreprise hôtelière qui comprenait un restaurant et un bar;

d) M. Wayne McKay (ci-après appelé le “ conjoint ”) est le conjoint de l'appelante;

e) l'appelante et son conjoint ont signé une entente avec le payeur en 1993 aux termes de laquelle ils convenaient de ce qui suit :

(i) l'appelante et M. Wayne McKay étaient responsables de l'exploitation quotidienne de l'hôtel, entre autres choses de l'achat du stock, de l'embauchage et du congédiement du personnel, de la location des chambres, du nettoyage et de l'entretien des chambres et des lieux et du fonctionnement du gril pour le bifteck,

(ii) l'appelante et son conjoint ont convenu de demander l'autorisation du payeur à l'égard de toutes les dépenses supérieures à 2 500 $,

(iii) l'appelante et son conjoint ont convenu de verser au payeur un loyer mensuel égal à 15 pour 100 des ventes brutes du mois, à l'exclusion du distributeur automatique de spiritueux, les versements ne devant pas dépasser 32 500 $ par an,

(iv) l'appelante et son conjoint ont convenu de verser au payeur les intérêts mensuels d'un prêt d'exploitation de 50 000 $ au taux annuel de 10 pour 100, et de rembourser 10 000 $ sur le capital du prêt au plus tard le 30 septembre 1993,

(v) l'appelante et son conjoint ont convenu de fournir au payeur, sur demande, un compte rendu des ventes et des états financiers mensuels ainsi que les chèques payés,

(vi) à condition que l'appelante et son conjoint aient respecté l'entente, ils avaient la faculté d'acheter l'hôtel au cours d'une période de 18 mois,

(vii) la faculté d'achat pouvait être prolongée de 12 mois,

(viii) l'appelante et son conjoint devaient conserver un stock de spiritueux de 15 000 $,

(ix) une fois le prêt d'exploitation de 50 000 $ remboursé par l'appelante et son conjoint, ces derniers devenaient propriétaires du stock de spiritueux,

(x) l'appelante et son conjoint avaient droit aux profits restants de l'hôtel après s'être acquittés de toutes leurs obligations relatives à l'entente et avoir payé tous les frais d'exploitation quotidiens, notamment les salaires du personnel, l'achat du stock, le paiement de toutes les factures des services publics, des primes d'assurance, de la Liquor Consumption Tax, des cotisations au Régime de pensions du Canada, des primes d'assurance-chômage et de tous les autres paiements que peuvent exiger les gouvernements fédéral et provincial et tous paiements requis au titre des réparations et de l'entretien et autres choses du genre, à l'exclusion des réparations structurales,

(xi) l'appelante, son conjoint et le payeur se portaient caution conjointement d'une marge de crédit de 10 000 $,

(xii) tout recours à la marge de crédit devait être débattu avec le payeur avant obtention des fonds,

(xiii) la marge de crédit ne devait pas excéder 10 000 $ sans consentement mutuel;

f) l'appelante travaillait entre 40 et 70 heures par semaine selon le temps requis;

g) les heures de travail de l'appelante n'étaient pas consignées;

h) l'appelante exerçait les fonctions de directeur;

i) l'appelante et son conjoint n'étaient pas supervisés par le payeur.

[10] L'alinéa a) ci dessus vise les aveux de faits suivants exposés à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

(1) Le 9 mars 1992, Bing Holdings Ltd. m'a engagée en qualité de directeur général pour gérer les activités quotidiennes de l'Hôtel Regina Beach.

[...]

(3) [...] je touchais une rémunération annuelle assortie d'avantages.

(4) Toutes les décisions administratives afférentes à la situation financière de la compagnie auprès des établissements bancaires relevaient des administra-teurs (actionnaires) de Bing Holdings Ltd.

(5) Toute décision importante concernant les réparations ou les achats (matériel, etc) devait être approuvée par Bing Holdings.

(6) [...] Ceci a suscité l'entente de gestion signée en juin 1993 par M. Wayne McKay et moi-même.

[...]

(1) Mon rôle en qualité de directeur général ne différait pas de celui des directeurs généraux d'autres entreprises. J'étais sur place pour diriger les activités quotidiennes de l'hôtel uniquement. Je ne participais pas à la prise des décisions de Bing Holdings, mais seulement à l'exploitation elle-même.

(2) [Je n'étais pas actionnaire ni administratrice de Bing Holdings Ltd.] [...]

[...]

(6) Tous les achats de matériel et les réparations majeures de plus de 2 500 $ devaient être approuvés par les actionnaires.

(7) Des états mensuels devaient être présentés à Bing Holdings pour lui permettre d'analyser ses activités. M. Wayne McKay rédigeait ces états financiers à partir de mes registres quotidiens.

(8) Mes fonctions faisaient partie intégrante de l'entreprise hôtelière sans qu'il y ait un nom commercial, du papier à en-tête ni un bureau de travail distincts. Je n'exploitais pas une entreprise ni une exploitation commerciale distincte. – Bing me versait un salaire normal.

[...]

(10) [...] Il devait y avoir remboursement de 10 000 $ sur le prêt d'exploitation de 50 000 $ au cours des quatre premiers mois.

[...]

(12) J'ai fait en sorte que Bing Holdings inclue dans l'entente une faculté d'achat de l'hôtel, car nous connaissions son souhait de vendre dans un avenir prochain. Cet achat ne s'est jamais concrétisé.

[11] En témoignant, l'appelante a convenu des hypothèses de faits suivantes contenues dans la réponse à l'avis d'appel : a), b), c) (elle a ajouté que le permis d'alcool restait au nom de Bing), d), e)(i) (elle dit que toutes ces fonctions étaient les mêmes et que rien n'avait changé à cet égard), e)(ii) (elle a affirmé que son mari Wayne ne participait pas aux activités de chaque jour sauf lorsqu'elle s'était absentée en 1993 pendant quelques mois pour cause de maladie), e)(iii) (elle a convenu que cette disposition faisait partie de l'entente, mais en pratique il s'agissait de rembourser chaque année au Credit Union la somme de 32 500 $ sur le prêt hypothécaire de l'immeuble), e)(iv) (elle a soutenu ne pas connaître les détails du prêt), e)(v), e)(vi), e)(vii), e)(viii), f), g), h), and i).

[12] L'appelante n'était pas d'accord avec les sous-alinéas e)(ix), e)(x), e)(xi), e)(xii) et e)(xiii) ou elle a fait à leur égard de nombreux commentaires.

[13] L'appelante a témoigné pour son propre compte, et M. Brian Barber a témoigné pour le ministre.

[14] L'appelante a initialement été engagée pour gérer l'hôtel, qui était en mauvais état et dans une situation financière plutôt précaire. Il n'est pas clair qui l'a engagée. Néanmoins, il semble très évident qu'au début, elle a été engagée comme employée par Bing. Elle touchait un salaire de départ annuel de 25 000 $, qui est rapidement passé à 30 000 $. Il n'y a pas dans la preuve le moindre indice que l'appelante était, à ce stade, autre chose qu'une employée. Des retenues étaient faites sur son salaire, elle était supervisée par M. Brian Barber, qui l'a de fait rapidement laissée se débrouiller seule, tout en conservant son droit de supervision. Tout ce qui se rapportait à l'entreprise appartenait à Bing ou à ses créanciers, et je suis absolument convaincu qu'elle était une employée ordinaire de mars 1992 lorsqu'elle a débuté, jusqu'au 30 juin 1993, la date convenue de l'entente écrite.

[15] La question se pose alors de savoir quels changements, s'il en est, a apporté l'entente écrite. L'appelante affirme que l'entente n'a effectué aucun changement. Selon elle, les choses ont continué comme avant. C'est toutefois là, à mon sens, un point de vue superficiel, et les clauses de l'entente que je joins à ce jugement en guise d'appendice “ A ”, ainsi que les particularités que révèle la gestion de l'hôtel par la suite, demandent une étude plus approfondie.

[16] L'appelante dit qu'elle ne connaissait pas vraiment les clauses de l'entente, qu'elle ne les comprenait pas et qu'elle les avait interprétées de façon différente du sens accordé, à première vue, aux mots utilisés. M. Brian Barber, d'autre part, a soutenu que l'entente restait l'entente et que l'interprétation que l'appelante donnait à l'exercice de ses fonctions était son affaire, mais que le fonds de l'entente s'appliquait toujours.

[17] Ceci est important, parce que l'avocat de l'appelante m'a prié d'accepter le fait que, lorsque les parties ont en réalité convenu d'exécuter leur arrangement de façon différant des clauses de l'entente écrite qui les liait, le tribunal devrait étudier les faits propres à l'arrangement et non simplement les clauses écrites. Malheureusement pour l'appelante, Bing ne semble pas d'accord avec elle pour dire que les clauses de l'entente écrite ne devaient pas de fait être respectées. Donc, à mon avis, cet argument n'a aucune valeur. L'entente écrite conclue entre les parties est demeurée en tout temps l'entente entre elles.

[18] Dès le départ, l'entente se présente comme une entente entre l'appelante et son mari d'une part, et Bing d'autre part. La première clause énonce les fonctions de l'appelante et de son mari en des termes généraux. Le fait que, dans l'ensemble, ces fonctions ont été principalement exercées par l'appelante plutôt que par son mari dépendait de l'accord entre eux. Ils pouvaient s'entendre entre eux en vertu des clauses de l'entente, sans avoir à s'en remettre à Bing, et c'est précisément ce qu'ils ont fait. Lorsque l'appelante est devenue incapable de travailler pour des raisons médicales, son mari l'a remplacée sans que Bing n'intervienne.

[19] Ils ont convenu, dans la seconde clause de l'entente de gestion de l'hôtel, de ne faire pour l'hôtel aucune dépense en immobilisations supérieure à 2 500 $ sans demander l'approbation préalable de Bing.

[20] L'entente écrite ne prévoyait pas la rémunération de l'appelante ni de son mari au moyen d'un salaire. Au contraire, en échange du droit d'exploiter l'hôtel, l'appelante et son mari s'engageaient à verser à Bing 15 pour 100 des ventes brutes par mois, à l'exclusion des ventes de spiritueux, et mises à part les taxes foncières et la TPS, jusqu'à concurrence de 32 500 $ par an. Le premier versement de 15 pour 100 devait se faire le premier juin 1993. Il ne s'agissait donc plus de les rémunérer pour leur travail, comme c'était jusqu'alors le cas pour l'appelante, mais c'était plutôt celle-ci et son mari qui devaient payer un loyer pour avoir le privilège de gérer l'hôtel. Il importe peu qu'il se soit agi d'un loyer, au sens véritable du mot, ou d'un droit afférent au privilège de la gestion de l'hôtel. Il ressort essentiellement qu'ils payaient à Bing le privilège de gérer l'hôtel en se fondant sur un pourcentage des ventes brutes jusqu'à concurrence 32 500 $ par an. De fait, c'est le créancier hypothécaire qui a été payé sur le fonds de “ fiducie ” pour le compte de Bing, plutôt que Bing lui-même. À mon sens, cela ne fait aucune différence.

[21] En fin de compte, il me semble évident que les modalités de travail de l'appelante étaient considérablement différentes à la suite de l'entente écrite. Le fait qu'elle ait choisi de continuer de gérer l'hôtel de la même façon qu'avant ne change rien au droit qu'elle avait obtenu ni à son obligation découlant de l'entente.

Application des quatre volets du critère à la preuve

[22] Contrôle : Le tribunal cherche toujours à savoir non pas s'il y a eu exercice réel du contrôle, mais si le payeur ou le prétendu employeur avait le droit de contrôler le travail de la personne offrant le service. En l'espèce, il ne fait aucun doute qu'avant le 30 juin 1993, Bing possédait le droit de superviser et de contrôler les activités quotidiennes de l'appelante. En réalité, Bing avait tendance à ne pas exercer ce droit, sauf à l'égard de certaines questions financières, étant donné que l'appelante avait de toute évidence très rapidement prouvé sa valeur et sa compétence en qualité de directeur de l'hôtel. Néanmoins, Bing possédait un droit de contrôle jusqu'à ce point.

[23] Après la conclusion du contrat écrit le 30 juin 1993, il est également clair que Bing n'avait pas le droit de contrôler les activités de l'appelante à son travail. Ils avaient évidemment conclu un contrat de gestion distinct, selon lequel l'appelante avait la propriété bénéficiaire des bénéfices possibles et elle était tenue de faire des paiements à Bing contre son droit de gérer l'hôtel. Elle n'était plus rémunérée par Bing. Son salaire consistait en réalité en une série d'avances qu'elle fixait elle-même. Elle avait le droit de gérer cette situation ou de la modifier à son gré. De plus, les parties avaient convenu de certaines mesures de sécurité financières destinées à protéger toutes les parties. Ces mesures ne comprenaient pas le contrôle des fonctions de gestion de l'appelante. De la même façon, le droit réservé à Bing d'approuver les dépenses en immobilisations ne signifiait pas que celle-ci avait le contrôle sur les activités quotidiennes de gestion de l'appelante. Cette réserve signifiait simplement que l'appelante ne pouvait s'engager pour le compte de Bing à faire des dépenses au titre des améliorations apportées aux immobilisations au-delà de la limite fixée. À mon sens, l'appelante était libre de gérer l'hôtel avec son mari comme ils l'entendaient, sans supervision ni contrôle de la part de Bing. Ce volet du critère indique clairement, après juin 1993, l'existence d'un contrat d'entreprise.

[24] Les outils de travail et le matériel : Tout le matériel appartenait à Bing. Il était de la nature d'une immobilisation. Bing a prétendu tout le louer à l'appelante. Cette façon d'agir n'était aucunement incompatible avec l'existence d'un contrat d'entreprise.

[25] Les bénéfices et les pertes : L'appelante avait évidemment beaucoup à gagner de la gestion efficiente et efficace de l'hôtel. Ce qui restait, une fois les dépenses payées, lui appartenait ainsi qu'à son mari. La caution qu'ils avaient souscrite pouvait aussi présenter des désavantages pour eux. Selon les clauses du contrat, l'appelante était censée avoir signé la caution, mais en réalité seul son mari l'avait fait. Néanmoins, du point de vue de l'appelante et de son mari, il y avait possibilité de pertes. Ce volet du critère favorise aussi l'interprétation selon laquelle il s'agirait d'un contrat d'entreprise.

[26] L'intégration : La Cour doit se poser la question suivante : “ À qui appartenait l'entreprise? ”. L'hôtel appartenait clairement à Bing. Tout aussi clairement, sa gestion relevait de l'appelante et de son mari après juin 1993. Les bénéfices devaient leur appartenir. La gestion de l'hôtel était leur affaire. L'hôtel lui-même était mis à leur disposition pour leur permettre de le gérer, sous réserve du remboursement des prêts. Le contrat désignait cette modalité comme étant un loyer. À partir de juin 1993, je n'ai aucune hésitation à conclure que l'appelante était en affaires à son propre compte dans le sens entrepreneurial du terme et ce volet du critère indique clairement l'existence d'un contrat d'entreprise après juin 1993.

Conclusion

[27] Bien que l'avocat de l'appelante ait fait valoir de solides arguments avec compétence, lorsque je prends du recul pour considérer les modalités du contrat, et que je regarde la situation dans son ensemble ainsi que tous les volets distincts du critère à quatre volets énoncé par la Cour d'appel fédérale, je vois clairement un contrat de travail jusqu'au 30 juin 1993, suivi tout aussi clairement d'un contrat d'entreprise conclu par l'appelante et son mari en qualité d'entrepreneurs indépendants après juin 1993. La nature entrepreneuriale des dispositions prises en second lieu n'était nullement compatible avec une relation employeur-employé, mais l'était avec celle d'une relation d'entrepreneur indépendant. Le droit aux bénéfices m'apparaît particulièrement significatif.

[28] Conséquemment, l'appel est accueilli au motif que l'emploi est considéré comme étant assurable jusqu'au 30 juin 1993. La décision du ministre est modifiée en conséquence.

Signé à Calgary (Alberta) ce deuxième jour de mars 2000.

“ Michael H. Porter ”

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 3e jour d'octobre 2000.

Benoît Charron, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

APPENDICE “ A ”

CETTE ENTENTE a été conclue le          jour de          1993

ENTRE :

BING HOLDINGS LTD.

(ci-après appelée “ Bing ”)

D'UNE PART

- et -

WAYNE MCKAY et CAROLYN DEMPSEY

(ci-après appelés “ McKay ” et “ Dempsey ”)

D'AUTRE PART

ATTENDU que Bing est propriétaire d'un certain établissement hôtelier, de bâtiments et de matériel situés sur le bien immobilier décrit à l'annexe “ A ” (l'“ hôtel ”);

ET ATTENDU QUE Bing, McKay et Dempsey souhaitent conclure une entente de gestion en vertu de laquelle McKay et Dempsey conviennent de gérer l'hôtel selon les modalités exposées ci-après;

PAR CONSÉQUENT, en considération des promesses et des engagements réciproques stipulées dans les présentes, les parties conviennent de ce qui suit :

1. McKay et Dempsey conviennent d'accomplir fidèlement et avec diligence les fonctions de directeurs de l'hôtel, le fonctionnement quotidien de l'hôtel étant la responsabilité de Dempsey. Les fonctions de McKay et de Dempsey comprennent notamment ce qui suit : l'achat du stock selon les besoins; l'embauchage et le congédiement du personnel selon qu'il est raisonnablement nécessaire; la location des chambres; le nettoyage et l'entretien des chambres et des locaux; le fonctionnement du four à steak; les autres fonctions accessoires au fonctionnement quotidien de l'hôtel dont peuvent convenir les parties.

2. McKay et Dempsey conviennent d'obtenir l'autorisation de Bing avant de faire une seule dépense en immobilisations supérieure à 2 500 $.

3. En contrepartie du droit d'exploiter et de gérer l'hôtel, McKay et Dempsey conviennent de verser à Bing au plus tard le dixième jour de chaque mois un loyer fondé sur 15 pour 100 des ventes brutes du mois, plus la taxe sur les produits et services applicable, à l'exclusion du distributeur automatique de spiritueux, ce versement ne devant pas dépasser 32 500 $ par an, à l'exclusion des taxes foncières et de la taxe sur les produits et services, le premier versement devant se faire le premier juin 1993.

4. En plus des versements auxquels ils sont tenus par les présentes, McKay et Dempsey s'engagent à payer à Bing Holdings les intérêts mensuels d'un prêt d'exploitation de 50 000 $ consenti à Bing par M. Dave Dunn, dont le taux d'intérêt annuel a été fixé à 10 pour 100. McKay et Dempsey conviennent en outre de rembourser, sur les recettes de l'hôtel, la somme de 10 000 $ sur le principal du prêt d'exploitation au plus tard le 30 septembre 1993.

5. McKay et Dempsey conviennent de fournir à Bing un état mensuel des ventes au plus tard le dixième jour de chaque mois, consignant chaque vente par section, et des états financiers mensuels comprenant un état des résultats et des dépenses, un état de la modification de la situation financière et un bilan rédigé à l'interne. Sur demande, Bing a aussi droit de voir tous les chèques payés émis à son nom.

6. Pourvu que McKay et Demsey se soient conformés aux dispositions de la présente entente, l'un ou l'autre ou l'un et l'autre auront droit d'acheter l'hôtel en achetant toutes les actions en circulation de Bing ainsi que la totalité du matériel et du stock dans un délai de 18 mois de la date des présentes moyennant la somme totale de 250 000 $, plus le remboursement de tout solde débiteur du prêt de fonctionnement consenti par M. Dave Dunn à Bing.

7. Dans l'éventualité où McKay et Dempsey exerceraient l'option prévue au paragraphe 6, Bing convient de porter à leur crédit tout paiement de loyer en trop calculé conformément au paragraphe 3 des présentes, de sorte que Mckay et Dempsey ne soient tenus de verser que la partie exigible du loyer annuel pour les mois antérieurs à celui où l'option est exercée.

8. Les parties conviennent que l'option d'achat de l'hôtel prévue au paragraphe 6 des présentes peut être prorogée de 12 mois. Dans l'éventualité d'une telle prorogation, les parties aux présentes conviennent que le montant du paiement relatif à l'exploitation et à la gestion effectué par McKay et Dempsey à Bing conformément au paragraphe 3 des présentes sera calculé de façon à refléter le solde dû par Bing sur le petit emprunt commercial fait en vue de l'achat de l'hôtel, de sorte que Bing tire le même revenu du paiement relatif à l'exploitation et à la gestion de l'hôtel sur le solde alors dû sur le petit prêt commercial qu'elle tire actuellement sur le solde dû maintenant par le versement de la somme de 32 500 $ conformément au paragraphe 3.

9. McKay et Dempsey conviennent par les présentes que le stock de spiritueux de l'hôtel s'élève à 15 000 $ à la date des présentes, et Mckay et Dempsey conviennent de ne pas laisser le stock atteindre une somme inférieure à 15 000 $ sans l'autorisation préalable de Bing. McKay et Dempsey reconnaissent en outre que le stock de 15 000 $ appartient intégralement à Bing; toutefois, il est entendu que dès que McKay et Dempsey auront remboursé le prêt de fonctionnement de 50 000 $ consenti par M. Dave Dunn à Bing, la propriété du stock passera à McKay et à Dempsey.

10. Les parties aux présentes conviennent que McKay et Dempsey auront droit aux bénéfices restants de l'hôtel après paiement de toutes les obligations prévues par les présentes et de toutes les dépenses d'exploitation quotidiennes que McKay et Dempsey sont obligés de faire, notamment le paiement des salaires du personnel, l'achat du stock, le paiement de tous les comptes des services publics, le paiement des primes d'assurance, le paiement de la Liquor Consumption Tax, le paiement des cotisations au Régime de pension du Canada, les primes d'assurance-chômage et tous les autres paiements requis par les gouvernements fédéral ou provincial et les paiements qui pourraient s'imposer pour les réparations, l'entretien et autres choses du genre, à l'exclusion des réparations relatives à la structure.

11. Les parties aux présentes reconnaissent qu'elles sont les cautions conjointes d'une marge de crédit de 10 000 $ auprès de Sherwood Credit Union à Lumsden (Saskatchewan). McKay et Dempsey conviennent qu'avant de se prévaloir de cette marge de crédit, tout retrait et les motifs d'un tel retrait feront l'objet de discussions avec les mandants de Bing et que le retrait éventuel devra être autorisé par Bing. En aucun cas la marge de crédit chez Sherwood Credit Union à Lumsden (Saskatchewan) pourra-t-elle dépasser 10 000 $ sans l'accord réciproque des parties aux présentes.

EN FOI DE QUOI les parties aux présentes ont signé le jour et l'an mentionnés en premier lieu.

BING HOLDINGS LTD.

Sceau par: B. Barber

D. Dempsey

témoin

Wayne McKay

Wayne McKay

D. Dempsey

témoin

Carolyn Dempsey

Carolyn Dempsey

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