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Date: 19980806

Dossier: 94-1573-IT-G

ENTRE :

MAGICUTS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] L'appelante, Magicuts Inc.1 (la “ Magicuts ”), interjette appel à l'encontre de deux séries de cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Dans la première série de cotisations, le ministre a considéré que des pertes relatives à des avances consenties par la Magicuts à une filiale en propriété exclusive résidant aux États-Unis étaient des pertes en capital et non des pertes d'exploitation comme l'avait indiqué l'appelante dans ses déclarations de revenus pour 1989, 1990 et 1991. Dans la seconde série de cotisations, dont les avis sont datés du 8 décembre 1992, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a imposé la Magicuts en vertu de l'article 212 de la Loi en se fondant sur le fait que, durant ses années d'imposition 1989, 1990 et 1991, la Magicuts avait omis de déduire et de remettre de l'impôt sur des dividendes qui avaient été versés à The Magicuts International S.A. (l'“ International ”), un non-résident du Canada, ou qui avaient été portés au crédit de cette dernière.

[2] Durant toute la période pertinente, la Magicuts exploitait une entreprise de coiffure par l'intermédiaire de ses propres salons et vendait des franchises permettant d'exploiter une telle entreprise. Les sources de revenu de la Magicuts sont la coiffure, la vente de franchises, la réception de redevances des franchisés et la vente de produits pour les cheveux.

[3] Le principal témoin de l'appelante au procès a été Brian Luborsky, qui était directeur général et président du conseil d'administration de la Magicuts à l'époque du procès. M. Luborsky, qui est également comptable agréé, travaillait pour un cabinet d'expertise comptable en 1984, lorsque lui et un membre de sa famille ont acquis des franchises Magicuts dans les Maritimes et en Californie. En contre-interrogatoire, l'avocat de l'intimée a dit qu'il doutait que M. Luborsky, qui n'était pas un dirigeant de l'appelante avant 1988, ait suffisamment de connaissances pour témoigner pour l'appelante au sujet d'événements antérieurs. M. Luborsky a déclaré dans son témoignage qu'il était un franchisé de la Magicuts entre 1983 et 1988, année où il est devenu président de la Magicuts. Il a déclaré qu'il avait acquis des connaissances sur l'appelante en travaillant pour le cabinet d'expertise comptable avec lequel l'appelante faisait affaire et en étant propriétaire de plusieurs franchises. Il a dit qu'il était en contact constant avec les personnes qui étaient alors dirigeantes et administratrices de la Magicuts et que, durant toute la période pertinente, il était au courant des activités commerciales de l'appelante antérieures à 1988 grâce à des réunions et des discussions avec ces personnes. Je considère que M. Luborsky était un dirigeant de l'appelante bien informé et un témoin renseigné.

[4] Deux des trois actionnaires initiaux de la Magicuts Inc. avaient vendu leurs parts en 1986 à un troisième actionnaire, et l'actionnaire restant avait constitué l'International en vertu des lois du Panama. L'actionnaire avait transféré ses actions de Magicuts à l'International contre des actions de cette dernière. M. Luborsky avait acquis “ un certain nombre ” d'actions de l'International vers la fin de 1988 ou le début de 1989. En 1990, il avait fait en sorte que la Sawley Trading Corporation (la “ Sawley ”), société ontarienne dont il avait le contrôle, acquière une dette impayée de 217 710 $ et “ la plupart ” des actions de l'International2.

A) Pertes d'exploitation ou pertes en capital

[5] M. Luborsky a expliqué que, sur le revenu généré par la Magicuts, une somme restreinte provenait de la vente de franchises. La plus grande partie du revenu provient des redevances, basées sur un pourcentage du revenu brut d'un salon donné, selon les circonstances, ainsi que de la vente de produits.

[6] M. Luborsky a dit qu'il avait “ pris part à la décision d'aller aux États-Unis ”. En 1983, d'après lui, il ne restait pas beaucoup de marchés importants au Canada pour la vente de franchises Magicuts. En 1983, la Magicuts avait ouvert son premier salon américain, à Atlanta. Ce salon appartenait à des résidents du Canada et était franchisé par la Magicuts Ltd. Suivant l'avis de conseillers en franchises, on avait constitué en 1983 aux États-Unis la Magicuts Inc. (la “ USMagicuts ”), comme filiale en propriété exclusive de la Magicuts Ltd. chargée d'exploiter l'entreprise de vente de franchises aux États-Unis.

[7] Une des personnes que la Magicuts avait consultées avant de constituer la USMagicuts était Robert James Harris. M. Harris est diplômé de l'Université de Toronto et de la faculté de droit de l'Université de Syracuse. Après avoir obtenu son diplôme de l'Université de Syracuse, en 1960, M. Harris avait travaillé dans une agence de publicité et auprès d'entreprises de l'industrie de la restauration rapide aux États-Unis. M. Harris a dit que c'était une “ période tumultueuse dans le domaine du franchisage ”. Il n'y avait pas alors aux États-Unis de lois régissant tout spécialement le franchisage. M. Harris avait en outre exploité une entreprise de franchises de boulangerie à Toronto de 1968 à 1974. Par la suite, il a constitué la Robert Harris and Associates Inc. pour l'exploitation d'une entreprise de conseils en franchisage. Cette entreprise a par la suite fusionné avec une autre, et M. Harris est devenu associé dans la nouvelle entreprise. Les conseils qu'il avait donnés à la Magicuts se fondaient sur son expérience en matière de franchisage et sur les renseignements que lui avaient fournis des cabinets d'avocats avec lesquels il avait fait affaire à Chicago et à Washington pour obtenir des conseils sur les lois portant sur la divulgation.

[8] D'après M. Harris, aux États-Unis, les investisseurs et d'autres personnes préfèrent traiter avec une société américaine plutôt qu'avec une société “ étrangère ”. Il est particulièrement révélateur qu'un franchiseur doive déposer une circulaire standard d'exploitation de franchises aux États-Unis. M. Luborsky a expliqué dans son témoignage que, aux États-Unis, la commission fédérale du Commerce exige qu'un franchiseur réponde par écrit à 23 questions de base concernant les franchises disponibles pour fins de vente. Cette information est destinée à renseigner et à protéger les franchisés potentiels. Le document, soit la circulaire standard d'exploitation de franchises, est remis à tous les franchisés éventuels. Un franchisé ne doit pas signer de convention de franchisage avant l'expiration d'un délai de dix jours suivant la réception de celle-ci, et il est interdit au franchiseur d'accepter de l'argent de franchisés éventuels durant cette période de dix jours.

[9] Dans la circulaire, le franchiseur doit entre autres indiquer le nom de tous les autres franchisés, expliquer l'exploitation du système de franchises et rendre compte de ses états financiers. Treize États exigent que les renseignements ainsi communiqués soient attestés par des autorités de l'État. La circulaire est déposée annuellement.

[10] À l'époque où la Magicuts voulait se lancer sur le marché américain, les franchisés3étaient prospères, d'après M. Luborsky, mais les salons de la société ne l'étaient pas. Comme ces salons étaient détenus par un prédécesseur de la Magicuts, soit un résident du Canada, les résultats des salons de la société n'avaient pas à être indiqués dans la circulaire par une compagnie résidant aux États-Unis qui exploitait l'entreprise de franchisage aux États-Unis. Certains États, par exemple la Californie et l'État de New York, pouvaient saisir les droits de franchise de franchiseurs étrangers; c'était là une autre raison pour constituer une entité aux États-Unis. Parmi les autres problèmes qu'un franchiseur canadien avait aux États-Unis, d'après M. Luborsky, mentionnons le fait qu'il lui était difficile d'intenter des poursuites judiciaires aux États-Unis, que le droit américain était plus favorable aux franchisés, que le système juridique américain favorisait les litiges (en raison des honoraires conditionnels, par exemple) et que tout paiement de redevances à un résident canadien était assujetti à une retenue d'impôt. Tous ces problèmes, a dit M. Luborsky, n'aidaient pas à vendre des franchises.

[11] D'après la circulaire en date du 14 novembre 1986, la USMagicuts demandait des droits de franchise de 18 000 $. Elle demandait aussi des redevances et des frais de service représentant 7 p. 100 du revenu brut, selon la définition qui en était donnée.

[12] Un franchisé potentiel était également informé quant au fait que le franchiseur ou sa société affiliée tirerait un revenu de tous achats faits directement à eux par le franchisé. Ce dernier était tenu de vendre et d'exposer dans la boutique des produits spécifiés par le franchiseur. M. Luborsky a dit que la seule société affiliée de la USMagicuts était la Magicuts. Il a également dit que la marque “ Magicuts ” était enregistrée auprès du bureau américain des brevets et marques et que la USMagicuts avait obtenu de sa société mère, la Magicuts, le droit d'utiliser la marque sans frais.

[13] Les activités de l'appelante, des sociétés canadiennes qui en sont le prédécesseur et de la USMagicuts étaient toutes contrôlées à partir du Canada, soit notamment à partir du siège social de l'appelante, situé à Scarborough (Ontario). Les registres comptables de toutes les sociétés étaient tenus à un seul bureau, et un seul grand livre était tenu pour toutes les sociétés. À la fin de chaque année, a expliqué M. Luborsky, le comptable des compagnies passait les écritures d'ajustement nécessaires; ce qui devait être séparé était séparé, et des montants étaient attribués à chaque société. Des pièces déposées au procès font état d'écritures manuscrites effectives passées entre les deux sociétés, soit la Magicuts et la USMagicuts, et notamment d'avances de l'appelante à la USMagicuts (pièce A-1, onglet 68).

[14] Tous les employés de soutien, les “ préposés aux achats ” et les autres employés, y compris les employés responsables de la construction des divers salons de coiffure, étaient basés au Canada, a déclaré M. Luborsky. Ce dernier a dit que le seul employé travaillant aux États-Unis répondait au téléphone. Tous les approvisionnements des salons de coiffure au Canada et aux États-Unis provenaient du Canada.

[15] Lorsqu'une franchise était vendue, l'emplacement du nouveau salon de coiffure était choisi par MM. Shawn et Welcott, respectivement président-directeur général et vice-président de l'appelante. Ces messieurs étaient résidents ontariens. La Magicuts retenait les services d'un agent immobilier local simplement pour la recommandation d'emplacements.

[16] Toutes les négociations concernant les ventes et les franchises avaient lieu à Toronto, d'après M. Luborsky. Les salons de coiffure du Canada et des États-Unis étaient conçus à Toronto. Tout le matériel et tous les approvisionnements étaient achetés à Toronto, puis expédiés à l'emplacement du salon de coiffure, au Canada ou aux États-Unis. Les entrepreneurs qui construisaient le salon de coiffure étaient des entrepreneurs locaux. Toutefois, le directeur de la division des salons de coiffure de la Magicuts, M. Dickson, se rendait sur place pour surveiller la construction et s'occuper de toutes négociations en cours. Il veillait à ce qu'un salon de coiffure “ clés en main ” soit transféré au franchisé.

[17] Des employés de Scarborough assistaient à l'ouverture du salon, a expliqué M. Luborsky. Ils engageaient et formaient le personnel et choisissaient le gérant ainsi que le gérant adjoint du salon de coiffure. Le franchisé était, presque invariablement, propriétaire non gérant. Le franchisé prenait le salon de coiffure uniquement lorsque celui-ci était “ en place, prêt pour l'exploitation ”. Lorsqu'un salon avait besoin d'approvisionnements supplémentaires, l'employé responsable les commandait par téléphone au bureau de l'appelante situé à Scarborough, d'après M. Luborsky.

[18] M. Luborsky a dit que, en fait, aucune somme n'avait été directement avancée à la USMagicuts par l'appelante. L'appelante avait facturé des produits et services à la USMagicuts, qui a omis de payer. La USMagicuts avait subi des pertes depuis sa première année d'exploitation, d'après M. Luborsky. Les dépenses engagées par la USMagicuts comprenaient des sommes importantes relatives aux salaires payés au nom de cette dernière par l'appelante. Par exemple, comme je l'ai dit précédemment, lorsqu'un nouveau salon devait ouvrir aux États-Unis, les employés de l'appelante le préparaient en vue de l'ouverture. Le salaire de ces employés était facturé à la USMagicuts et était indiqué comme une avance de l'appelante à la USMagicuts. Les avances4 incluent également des sommes payées par l'appelante aux locateurs de la USMagicuts, au titre du loyer, et à d'autres tiers. Dans certains cas, l'appelante effectuait pour la USMagicuts des achats qu'elle indiquait dans ses états financiers comme des avances.

[19] Les états financiers de la Magicuts sont le complément de ceux de la USMagicuts. Les sommes figurant au bilan de la Magicuts sont évidemment indiquées en dollars canadiens. La fin de l'exercice est le 28 février dans le cas des deux compagnies. La page 4 de l'onglet 68 de la pièce A-1 est une copie de la dernière page d'écritures de journal enregistrant les avances et paiements faits entre la Magicuts et la USMagicuts au cours de l'exercice 1986. Le montant figurant à la page 4, indiqué en dollars canadiens, coïncide avec la dette en dollars américains envers la Magicuts figurant dans le bilan de la USMagicuts au 28 février 1986.

[20] L'onglet 68 de la pièce A-1 inclut des copies d'extraits d'écritures de journal, d'extraits du grand livre général et d'extraits d'écritures d'ajustement, entre autres, qui font état des paiements (avances) de la Magicuts à la USMagicuts et des versements effectués par cette dernière. Il y a une augmentation constante des dépenses payées par la Magicuts au nom de la USMagicuts. Dans le bilan de la USMagicuts au 23 février 1985, par exemple, il est indiqué que la USMagicuts doit à la Magicuts 115 262 $ (US). Un an plus tard, la dette est passée à 670 302 $ (US). Elle est ramenée à 227 967 $ au 28 février 1987, mais, dans l'exercice 1987, 720 302 $ (US) de dettes ont été capitalisés comme surplus d'apport. Dans le bilan de la USMagicuts au 29 février 1988, la dette envers la Magicuts est de 287 964 $ (US). Dans le bilan de la USMagicuts au 28 février 1989, aucune somme n'est due à la Magicuts : un montant de 283 408 $ (US) a fait l'objet d'une remise de dette et a été ajouté au surplus d'apport.

[21] Une note5 au 28 février 1987 inscrite au bilan par l'appelante informe le lecteur que la Magicuts a fait un apport supplémentaire de 998 411 $ au capital de la USMagicuts. La même note dit que l'investissement de la Magicuts dans la USMagicuts est de 998 412 $ et que la Magicuts a avancé à la USMagicuts 349 153 $ au total6. Au 28 février 1987, les sommes avancées à la USMagicuts s'élèvent à 349 153 $. Dans l'état financier de la Magicuts pour 1989, seule la note 5 dit qu'une somme de 30 011 $ seulement est indiquée comme due par la USMagicuts à la Magicuts. En 1989, la totalité de l'investissement de la Magicuts dans la USMagicuts a été ramenée à sa valeur de réalisation, soit zéro, “ par suite d'une baisse permanente de valeur ” (note 5). Le montant ainsi radié, soit le montant de 1 355 026 $, a été déduit par la Magicuts dans le calcul de son revenu pour 1989. De l'avis de M. Luborsky, il n'était pas prudent d'indiquer comme actif un surplus d'apport de 1 300 000 $, ce qui était indiqué comme avance dans les exercices précédents; dans son exercice 1989, l'appelante a “ réduit une partie du montant des avances et a déduit la somme dans le calcul de son revenu pour l'année ”. M. Luborsky se rappelait que rien n'avait été vendu par l'appelante aux États-Unis et qu'une “ partie importante des redevances avait été absorbée ”. On a mis fin à l'entreprise de la USMagicuts en 1988, soit au cours de l'exercice 1989 de l'appelante.

[22] La USMagicuts avait douze franchisés aux États-Unis lorsqu'elle a cessé ses activités. Les franchisés américains payaient alors des redevances à la Magicuts. Au cours de la période allant de 1988 à 1997, le revenu net de la Magicuts provenant de redevances de franchisés américains, notamment de franchisés de la Californie, était de 321 916 $. Les redevances totales payées (en dollars américains) par les franchisés américains au cours de la période allant de 1986 à 1997 ont été les suivantes :

Redevances totales payées par les franchisés américains

Fin de l'exercice

Montant

1986

84 947 $

1987

102 799 $

1988

48 711 $

1989

57 096 $

1990

36 753 $

1991

101 386 $

1992

64 884 $

1993

29 861 $

1994

25 595 $

1995

19 055 $

1996

27 804 $

1997

65 456 $

664 347 $

[23] Les paiements de franchise effectués en 1986 et en 1987 par les franchisés américains ont été faits à la USMagicuts. Sur les 48 711 $ qui ont été payés en 1988, environ 4 000 $ ont été payés à la USMagicuts, et le reste à la Magicuts. Des sommes supplémentaires ont été reçues par la USMagicuts en 1989 et en 1990, en raison d'“ efforts ” de recouvrement, d'après M. Luborsky. En outre, des redevances totalisant 134 048 $ ont été reçues par des tiers parce qu'ils avaient soutenu des franchisés aux États-Unis. M. Luborsky a expliqué que, lorsque la USMagicuts avait cessé ses activités, la Magicuts avait demandé à certaines personnes d'approvisionner les emplacements américains existants de la Magicuts, en échange de quoi ces personnes avaient reçu les redevances.

[24] M. Luborsky a également déclaré que la Magicuts facturait aux franchisés américains les produits qu'elle leur envoyait auparavant. Tout profit tiré de ventes de produits aux franchisés américains aurait normalement été un profit pour la Magicuts et la USMagicuts. Les ventes avaient été enregistrées dans une seule série de livres tenus par la Magicuts.

[25] Les sources de revenu indiquées dans les états des résultats de la Magicuts pour la période allant du 21 septembre 1985 au 28 février 1986 sont la coiffure, les ventes de franchises, les redevances et “ autres ”. Les états des résultats de la Magicuts pour 1987, 1988, 1989, 1990 et 1991 indiquent les quatre mêmes sources de revenu. Il n'y avait aucune confirmation de registres comptables quant à savoir ce que représente le mot “ autres ”. Il ne semble y avoir aucun enregistrement des ventes d'approvisionnements aux franchisés des États-Unis. D'ailleurs, les états de la USMagicuts n'indiquent également que la coiffure, les ventes de franchises, les redevances et “ autres ”7.

[26] Comme l'appelante attaquait la thèse du ministre en alléguant principalement qu'elle tirait un revenu de la vente de produits à la USMagicuts ou aux franchisés de cette dernière et qu'il n'y avait aucune confirmation de cet élément de preuve dans les états financiers de l'une ou l'autre compagnie, j'ai vu à la tenue d'une conférence téléphonique entre les avocats des parties et moi le 18 décembre 19978. M. Luborsky participait aussi à cette conférence téléphonique. Tous étaient d'accord sur le fait que M. Luborsky serait considéré comme étant sous serment lorsqu'il fournirait des informations durant la conférence. Malheureusement, et ce pour une bonne raison, M. Luborsky n'a pu confirmer qu'il y avait eu des ventes de la Magicuts à la USMagicuts ou à ses franchisés américains et que les ventes étaient enregistrées dans les états financiers. Il n'avait simplement pas les documents avec lui. Toutefois, il s'est engagé à examiner les documents de travail des personnes qui étaient alors les vérificateurs de l'appelante, et l'avocat de l'appelante devait aviser la coordinatrice des rôles quant à l'état d'avancement de l'examen de M. Luborsky au plus tard le 9 janvier 1998. Si M. Luborsky réussissait à trouver des documents, j'allais être disposé à rouvrir l'audience pour entendre cette preuve9. La coordinatrice des rôles m'a avisé que, au 28 février 1998, elle n'avait reçu aucune information de l'avocat de l'appelante. Dans les circonstances, j'ai estimé qu'il était dans le plus grand intérêt de la justice que les avocats soient contactés par des fonctionnaires de la Cour10. Le 22 avril 1998, les avocats et moi avons eu une conférence téléphonique, et j'ai fixé au 30 juin 1998 (la date initiale était le 2 juillet 1998) la tenue d'une audience à Ottawa pour que M. Luborsky puisse présenter d'autres éléments de preuve.

[27] En vue de la réouverture de l'audience, M. Luborsky avait produit une déclaration sous serment incluant des documents11. Les autres documents comprenaient, entre autres, des copies de factures envoyées à des franchises de la USMagicuts en 1985 et en 1986 — au titre de matériel et d'approvisionnements —, des documents de travail et des sommaires faisant état de parties de redevances que l'appelante a reçues des États-Unis en 1985 et en 1986, ainsi qu'un sommaire de dépôts effectués en 1988, y compris des bordereaux bancaires de dépôt, soit des dépôts faits par des franchisés américains dans le compte bancaire de la Magicuts après que la USMagicuts eut cessé ses activités. À la réouverture de l'audience, M. Luborsky a été interrogé au sujet de sa déclaration sous serment. La Magicuts s'était organisée avec une société des États-Unis, Shavecan Inc. (la “ Shavecan ”), pour que cette dernière “ s'occupe ” des franchisés aux États-Unis. L'actionnaire majoritaire de la Shavecan est M. Luborsky. La Shavecan exploitait plusieurs franchises aux États-Unis et, en contrepartie de l'administration des franchises, elle n'avait pas à payer de droits de franchise à la Magicuts. La Shavecan était également devenue “ sous-franchiseur ” de la Magicuts en Californie. Les franchisés américains payaient des droits de franchise directement à la Magicuts. Pendant tout ce temps, la Magicuts continuait à vendre du matériel aux franchisés américains.

[28] En contre-interrogatoire, M. Luborsky a expliqué que les franchisés américains achetaient des produits à la Magicuts et étaient facturés à partir du Canada. Il a également dit que, chaque fois qu'un salon était ouvert, que ce soit au Canada ou aux États-Unis, la Magicuts vendait à la nouvelle franchise du matériel et des composantes locatives et tirait un revenu de ces ventes. Au milieu des années 80, se rappelait M. Luborsky, les franchises américaines s'étaient plaintes quant au fait qu'il leur aurait été possible d'acheter localement des produits meilleur marché, et la Magicuts leur avait permis de le faire; cependant, tout le matériel était fourni par la Magicuts.

Argumentation et analyse

[29] L'appelante, soutenait l'avocat de celle-ci, a engagé des dépenses pour la USMagicuts de manière à pouvoir tirer un revenu des franchisés de la USMagicuts : l'appelante vendait des approvisionnements aux franchisés américains de la USMagicuts.

[30] Dans sa réponse à l'avis d'appel modifié, l'intimée disait que dans la cotisation qu'il avait établie à l'égard de l'appelante le ministre avait présumé que, lorsque la USMagicuts avait cessé ses activités, la Magicuts avait investi 998 412 $ en actions et avait consenti des avances totalisant 356 614 $. L'avocat de l'intimée soutenait qu'une fois qu'un créancier convertit en capital sa créance ou ses avances, c'est-à-dire lorsqu'il fait un apport de capital au débiteur en éliminant ou en réduisant la dette de ce dernier, cette créance, qu'elle corresponde initialement à une dette d'exploitation ou à une dette en capital, cesse d'exister. Le surplus d'apport fait partie du capital-actions du débiteur; il acquiert un caractère de capital. La somme correspondant à cet apport ne peut être “ radiée ” ou déduite par le créancier dans le calcul de son revenu12. Les sommes radiées par l'appelante n'ont pas été engagées aux fins de sa propre entreprise; elles ont plutôt été engagées pour rendre viable l'entreprise exploitée par la US Magicuts : donc, le montant n'est pas déductible dans le calcul du revenu.

[31] L'avocat de l'intimée soutenait que les faits de l'espèce ne sont pas très différents de ceux de l'affaire Morflot Freightliners Limited v. The Queen13, soit une décision du juge Strayer, titre qu'il portait alors. Le contribuable, une société, servait de représentant à une compagnie de navigation soviétique (la “ F Co. ”), de manière que les navires de celle-ci puissent avoir accès à certains ports de la côte Ouest du Canada et du Nord-ouest des États-Unis. La filiale américaine en propriété exclusive du contribuable (la “ M Inc. ”) avait été créée pour s'occuper aux États-Unis des fonctions du contribuable en tant que représentant de la F Co. Comme les relations internationales américano-soviétiques avaient dégénéré à partir de 1978, l'accès des navires soviétiques aux ports américains avait commencé à être plus difficile et, en mars 1982, avait complètement cessé. Cela avait détruit l'entreprise de M. Rees, ce qui fait que le contribuable avait progressivement mis un terme à l'activité de cette entreprise en 1982. En même temps, le contribuable avait radié une somme de 284 854 $ représentant des avances qu'il avait consenties depuis 1979 pour renflouer la M Inc. au cours de la période postérieure à 1978 pendant laquelle son entreprise avait enregistré une baisse. Le contribuable avait cherché à déduire les 284 854 $ dans le calcul de son revenu d'entreprise pour son année d'imposition 1982. Le ministre avait refusé la déduction, alléguant que les 284 854 $ représentaient une dépense en capital. Le contribuable en avait appelé à la section de première instance de la Cour fédérale, soutenant qu'il avait engagé la dépense de 284 854 $ pour gagner un revenu en assurant le maintien de sa filiale, sans laquelle son entreprise canadienne serait devenue non rentable.

[32] L'appel du contribuable avait été rejeté. Le juge Strayer avait statué que les avances en question avaient été consenties dans un but à long terme, soit le maintien, pour un avenir indéfini, de la filiale américaine du contribuable en tant qu'actif durable, filiale par l'entremise de laquelle elle pouvait s'acquitter de ses responsabilités d'agent de la F Co. aux États-Unis. Le juge Strayer avait fait remarquer que le contribuable semblait avoir engagé la dépense correspondant aux avances consenties en vue de tirer un revenu non pas de son entreprise, mais de celle de la filiale américaine. Ainsi, les avances en cause avaient le caractère de dépenses en capital, de sorte que le contribuable ne pouvait les déduire comme dépenses d'entreprise pour son année d'imposition 1982.

[33] Le juge Strayer avait statué que l'affaire Morflot correspondait au principe énoncé dans l'arrêt Stewart & Morrison Limited v. M.N.R.14 et était semblable, du point de vue des faits, à cette affaire et à l'affaire The Queen v. H. Griffiths Company Limited15. Dans l'arrêt Stewart & Morrison, une compagnie située à Toronto avait établi une filiale américaine en propriété exclusive pour qu'elle exploite un bureau à New York. La compagnie de New York exploitait une entreprise de son propre chef et avait son propre personnel, mais, d'une manière générale, elle était dirigée par la société mère de Toronto. La compagnie de New York avait fini par subir des pertes et avait dû cesser ses activités. Elle était incapable de rembourser les avances que lui avait consenties la compagnie de Toronto, laquelle a cherché à déduire les sommes en cause comme dépenses engagées en vue de tirer un revenu de sa propre entreprise. La Cour suprême du Canada a rejeté cette thèse et a considéré les avances comme des “ fonds de roulement ”.

[34] Dans l'affaire Griffiths, le prêt consenti à la filiale — prêt qui avait été garanti par la société mère et qui a fini par être remboursé par cette dernière à cause de la faillite de la filiale — était un investissement au titre du capital. La société mère, soit un entrepreneur en construction mécanique, avait besoin d'un approvisionnement fiable en produits de tôle et avait constitué la filiale comme fournisseur de tels produits. Il a été dit que la somme payée par la société mère pour la filiale représentait une dépense engagée en vue d'assurer un avantage durable à la société mère et était donc une dépense en capital. Dans l'affaire Morflot, précitée, le juge Strayer dit à la page 5185 que l'affaire Griffiths et, par implication, l'affaire Morflot n'étaient pas des cas dans lesquels les avances avaient été consenties aux fins de la promotion directe et immédiate des ventes.

[35] Dans son avis d'appel modifié, la Magicuts soutenait que la USMagicuts lui servait de représentant relativement à l'entreprise exploitée par la Magicuts aux États-Unis et que les pertes subies par la USMagicuts étaient donc des pertes subies par la Magicuts. Au procès, l'avocat de l'appelante a dit qu'il ne donnerait pas suite à cet argument. Il a dit qu'il se fonderait plutôt sur son argument subsidiaire selon lequel, de 1984 à 1988, année où la USMagicuts a cessé ses activités, la USMagicuts a acquis des produits et services auprès de la Magicuts aux fins de son entreprise et, si je comprends bien la thèse de l'avocat, la Magicuts a tiré un revenu de la vente de ces produits et services à la USMagicuts. Les sommes ainsi avancées et radiées devraient donc être déductibles dans le calcul du revenu. La déduction de ces sommes n'est pas prohibée par l'alinéa 18(1)a) de la Loi, puisqu'il s'agit de dépenses engagées en vue de tirer un revenu de l'entreprise de la Magicuts. L'avocat invoquait les motifs du jugement rendus dans l'affaire The Queen v. F.H. Jones Tobacco Sales Co. Ltd., 73 DTC 5577, entre autres.

[36] Dans l'affaire F.H. Jones Tobacco, le contribuable, soit une société, oeuvrait dans le domaine de la préparation du tabac. Un tiers voulait acheter les actions d'un client (“ TTC ”) du contribuable qui était en difficulté financière. Le contribuable avait entrepris de garantir le prêt nécessaire au tiers pour le financement de l'achat de la TTC. En échange de cette garantie, le tiers avait accepté d'acheter tout son tabac du contribuable par l'intermédiaire de la TTC. Le tiers était devenu insolvable, et le contribuable avait payé une somme en vertu de la garantie qu'il avait donnée. Le juge Noël a statué que le contribuable était en droit de déduire le paiement effectué en vertu de la garantie. Il a fait remarquer que le paiement avait été effectué pour des raisons commerciales, conformément aux pratiques commerciales ordinaires. Le but du paiement était de tirer un revenu de l'entreprise du contribuable grâce à des ventes accrues et entrait donc dans le cadre de l'exception prévue à l'alinéa 18(1)a).

[37] En fait, a dit le juge Noël16, le contribuable avait cherché au moyen de la garantie à assurer une croissance soutenue de ses ventes à la TTC tout en veillant à ce que cette dernière puisse passer d'importantes commandes de tabac. En l'espèce, contrairement à ce qu'il en était dans l'affaire Morflot, précitée, les paiements faits au nom de la USMagicuts ont été faits en vue de gagner un revenu pour l'appelante et non en vue d'assurer le maintien de la USMagicuts, même si l'une dépendait de l'autre. Tant que la USMagicuts exploitait une entreprise, les franchisés commandaient des produits à l'appelante, ce qui augmentait les ventes et les profits de cette dernière. Une grande partie du revenu gagné par l'appelante au fil des ans provenait de ces ventes.

[38] Dans les motifs du jugement qu'il a rendus dans l'affaire F.H. Jones Tobacco, le juge Noël renvoyait aux motifs du jugement rendus par la Cour suprême du Canada dans l'affaire M.N.R. v. Henry J. Freud, 68 DTC 5279, à la page 5283. Dans l'affaire Freud, le contribuable, un particulier, avait consenti des avances à une société américaine dont il était actionnaire (la “ US Co ”). La US Co avait été créée aux fins d'élaborer et de promouvoir un prototype de voiture sport. Le juge Pigeon avait statué (pour la Cour) que les avances du contribuable avaient été consenties en vue de tirer un bénéfice de la vente de cette voiture et non en vue de tirer un revenu d'un investissement et que l'opération était donc caractéristique d'un projet comportant un risque de caractère commercial. Le juge Pigeon avait souligné que l'opération ne pouvait être considérée comme un investissement parce qu'il s'agissait de pure spéculation et que, si un profit avait été réalisé, il aurait été imposable à titre de revenu. Les dépenses étaient donc déductibles.

[39] L'avocat a également cité les jugements Algoma Central Railway v. M.N.R., 67 DTC 5091, 68 DTC 5096 (C. de l'É.), Paco Corporation v. The Queen, 80 DTC 6215 (C.F., 1re inst.), et Canada Starch Company Limited v. M.N.R., 68 DTC 5320.

[40] Comme je l'ai dit précédemment, le point de vue de M. Luborsky selon lequel l'appelante vendait des produits aux franchisés de la USMagicuts ou à la USMagicuts elle-même peut ne pas se dégager clairement d'un examen initial des états financiers de l'appelante pour les années considérées en l'espèce. À la réouverture de l'audience, M. Luborsky a déclaré que la Magicuts avait vendu des produits à la USMagicuts et il a présenté de la documentation à l'appui de son témoignage. Les documents sont inclus dans sa déclaration sous serment du 17 avril 1998. Par suite des nouveaux éléments de preuve présentés par M. Luborsky, il semble que les faits de l'espèce s'apparentent davantage à ceux de l'affaire F.H. Jones Tobacco, précitée, qu'à ceux des affaires Stewart & Morrison, H. Griffiths Company Limited et Morflot, précitées. La Magicuts vendait des produits et du matériel à la USMagicuts en vue de réaliser un profit. La dette provient du fait que la USMagicuts n'a pas payé les produits et le matériel qu'elle avait acquis auprès de la Magicuts. La USMagicuts était un débiteur commercial de l'appelante, et les sommes dues étaient des créances de la Magicuts. Comme elle était le seul actionnaire de la USMagicuts, la Magicuts considérait les comptes créditeurs comme des avances à sa filiale. Ce n'était pas des avances consenties par la Magicuts pour maintenir la USMagicuts comme actif durable ou “ fonds de roulement ”. La Magicuts vendait des produits à la USMagicuts moyennant une contrepartie. Ces dettes ont été contractées dans le cadre de l'entreprise à but lucratif de la Magicuts et, si le débiteur commercial, la USMagicuts, a fini par ne pas payer les dettes, la Magicuts devrait être autorisée à déduire ces sommes comme créances irrécouvrables pour l'année dans laquelle les créances sont effectivement devenues irrécouvrables.

[41] Toutefois, à partir de 1986 ou 1987, la Magicuts a commencé à réduire le montant de la dette que la USMagicuts avait envers elle. Pour quelque raison — M. Luborsky a dit que c'était pour satisfaire les autorités de la Californie —, la Magicuts a décidé d'annuler des parties de la dette de la USMagicuts. La Magicuts a fait un apport au capital de la USMagicuts correspondant à des parties de cette dette. À la fin de son exercice 1989, la Magicuts avait ainsi fait un apport de 1 366 026 $ au capital de la USMagicuts et, cette année-là, elle a décidé de ramener son investissement à sa valeur de réalisation et de radier le montant de son investissement.

[42] Lorsqu'une personne fait un apport à une société sous forme d'argent ou d'autres biens, elle investit dans la société, et il s'agit d'un investissement au titre du capital. La Magicuts détenait un actif, soit une créance, et en a fait l'apport à la USMagicuts en tant qu'investissement. Les états financiers de la Magicuts décrivent le surplus d'apport comme un investissement parce que c'est ce que c'était. Le fait que l'argent correspondant à cet apport soit provenu du compte de produits de la Magicuts n'importe pas17.

[43] Une fois la somme investie dans la USMagicuts, la nature de l'opération a changé. Il y a eu un changement d'utilisation de l'argent : on est passé d'une dette d'exploitation à du capital. La USMagicuts n'était plus un débiteur, et la Magicuts n'était plus un créancier. Il y a eu un apport pour assurer la viabilité à long terme de la USMagicuts, et les principes énoncés dans les affaires Stewart & Morrison, H. Griffiths Company Limited et Morflot, précitées, s'appliquent. La perte de la Magicuts était une perte en capital.

B) Omission de retenir et de remettre des sommes

[44] Le deuxième point litigieux dépend de la question de savoir si, par suite des opérations de prêt entre l'appelante, soit la Magicuts, et l'International, on peut appliquer l'alinéa 15(2)b) de la Loi de manière à inclure le montant de quelque prêt ou dette dans le revenu de l'International comme dividende réputé reçu. Le ministre présumait que l'International devait à la Magicuts 77 664 $ à la fin de l'année d'imposition 1988 de la Magicuts et que le prêt ou la dette était passé à 261 219 $ à la fin de son année d'imposition 1989. De plus, le ministre allègue que, en 1989 et en 1990, l'International a reçu des prêts de la Magicuts ou a par ailleurs contracté des dettes envers la Magicuts au titre desquels aucun intérêt n'a été payé.

[45] Donc, le ministre concluait que, en vertu de l'alinéa 214(3)a) de la Loi,les prêts à l'actionnaire reçus par l'International et qui étaient impayés à la fin de l'année d'imposition 1989 de la Magicuts selon le paragraphe 15(2) et les intérêts calculés en vertu du paragraphe 80.4(2) pour les années d'imposition 1990 et 1991 étaient réputés correspondre à un montant versé comme dividende à l'International au titre duquel la Magicuts était tenue de payer de l'impôt en vertu de la partie XIII de la Loi, soit un pourcentage de 25 p. 100, comme suit :

Année

1989

1990

1991

Montant réputé inclus

183 555 $ (par. 15(2))

5 367 $ (art. 80.4)

8 514 $ (art. 80.4)

Retenue d'impôt

45 888 $

1 342 $

2 129 $

[46] La Magicuts admet que, à la fin de son exercice 1988, son actionnaire International lui devait 77 664 $. Toutefois, soutient l'appelante, ces dettes et des dettes subséquentes contractées envers elle par l'International durant l'exercice 1989 de l'appelante étaient remboursées à la fin de l'exercice, soit le 28 février 1989. Le remboursement provenait du fait que l'on avait fait les compensations, au 28 février 1989, entre les deux comptes de grand livre enregistrant les sommes dues à l'International et les sommes dues par elle. La thèse de la Magicuts est que cette compensation relative aux sommes dues à l'International et aux sommes dues par elle reflétait le véritable arrangement qui avait été conclu entre l'appelante et son actionnaire.

[47] Le compte de grand livre de l'appelante enregistrant les sommes avancées par elle à l'International porte le numéro 127 et s'intitule “ Magicuts SA ”. Le grand livre enregistre des sommes portées au débit et au crédit du compte pour la période allant du 28 février 1986 au 28 février 1989. Au 29 février 1988, le solde du grand livre indique une somme de 92 663,99 $ due par l'International. Un ajustement de 15 000 $ en faveur de l'International ramenait cette somme au montant de 77 664 $ convenu par les parties comme étant dû par l'International à la Magicuts à la fin de l'exercice 1988. À la fin de l'exercice 1989, le solde du compte indiquait une somme de 261 218,99 $ due par l'International à la Magicuts.

[48] Le compte de grand livre général enregistrant les paiements faits par l'International à l'appelante porte le numéro 540 et s'intitule “ Sommes dues à Worldwide Trust ”. Ce grand livre indique deux sommes portées au crédit du compte au 28 février 1989. Ces sommes de 125 000 $ et de 185 145 $, soit 310 145 $ au total, semblent représenter des sommes dues à l'International par la Magicuts.

[49] L'avocat de l'intimée me demandait de conclure que les paiements enregistrés dans le compte de grand livre intitulé “ Sommes dues à Worldwide Trust ” n'étaient pas des sommes avancées par World Wide Trust Services Inc., en tant qu'agent de transfert, au bénéfice de l'International. Les documents que l'appelante a présentés en preuve indiquent le contraire, et la déposition de son témoin, M. Luborsky, est digne de foi. J'accepte donc le témoignage de ce dernier selon lequel les “ Sommes dues à Worldwide Trust ” qui figurent dans les livres comptables de l'appelante représentent des sommes dues à l'International.

[50] Le résultat des compensations faites entre les deux comptes est indiqué dans les états financiers vérifiés de l'appelante pour l'exercice se terminant le 28 février 1989 comme prêt de l'actionnaire d'un montant de 48 926 $. Dans l'affaire Ozawa v. The Queen, 97 DTC 1500, à la page 1504, le juge Sarchuk, de la C.C.I., faisait remarquer que c'est au contribuable qu'il incombe d'établir le droit de compensation et le montant de la compensation. La preuve présentée par l'appelante indique qu'une compensation a eu lieu et confirme les sommes en cause. Il est indéniable que, si les comptes sont l'objet de compensations au 28 février 1989, l'International est devenue un créancier net de la Magicuts.

[51] La question que je dois maintenant trancher est donc de savoir si la Magicuts a droit, d'un point de vue juridique, à la compensation indiquée. Dans l'affaire Austin v. M.N.R., 91 DTC 778 (C.C.I.), le contribuable soutenait que tout avantage réputé reçu en vertu d'une cotisation établie aux termes du paragraphe 80.4(2) devrait être réduit dans la mesure où des sommes dues au contribuable par la compagnie de crédit pouvaient être déduites des dettes du contribuable envers la compagnie. Le juge Mogan, de la C.C.I., disait à la page 780 concernant l'argument du contribuable relatif à la compensation :

[...] Si aucune action n'est intentée en vue du paiement d'une dette, rien dans la loi n'empêche la coexistence de dettes mutuelles. En d'autres termes, si A doit mille dollars à B et que B contracte par la suite une dette de 1 400 $ envers A, la dette de A à B n'est pas éteinte. Si A ou B intentait une action à l'égard de la dette, le défendeur revendiquerait le droit de compensation dans sa défense. Même si aucune action n'était intentée, A et B pourraient convenir d'effectuer une compensation entre leurs dettes mutuelles de sorte que B ne devrait que 400 $ à A. Toutefois, il devrait y avoir une preuve réelle de cette entente.

[52] Sur la foi des faits dont il était saisi, le juge Mogan, de la C.C.I., concluait à la page 781 qu'il n'y avait aucune preuve indiquant que le contribuable et la compagnie avaient conclu une convention pour que les montants soient l'objet d'une compensation. Il faisait notamment remarquer ceci :

Compte tenu des circonstances ici en cause, il faut se demander s'il est établi que l'appelant et la société ont convenu d'effectuer une compensation entre les primes acquises et le compte débiteur, actionnaires. Rien ne montre qu'une inscription a été faite dans le journal pour lier le solde des deux comptes. Il n'a pas été prouvé que selon une pratique établie depuis longtemps, il y a compensation entre ces comptes respectifs au cours de chaque exercice financier. Rien ne montre la manière dont la société inscrivait dans ses livres et registres le paiement des primes acquises lorsqu'elles étaient réellement payées de façon à satisfaire au délai fixé par l'article 78 de la Loi. Bref, rien ne montre que l'appelant et la société avaient convenu d'effectuer une compensation entre ces deux comptes.

[53] Le juge Mogan, de la C.C.I., appuyait sa décision sur les motifs du jugement rendus par le juge Bonner, de la C.C.I., dans l'affaire Gannon v. M.N.R., 88 DTC 1282, dans laquelle le contribuable, un actionnaire, avait déclaré dans son témoignage qu'il entendait que la dette de la compagnie envers lui soit remboursée avant que des prélèvements puissent être considérés comme une dette du contribuable envers la compagnie. Le juge Bonner, de la C.C.I., avait statué, à la page 1284 :

Rien dans la preuve présentée en l'espèce ne suggère l'existence d'une entente ou d'un contrat aux termes desquels il y aurait extinction de la dette constatée par le billet à ordre en vertu des paiements faits à l'appelant. Une entente entre un actionnaire et une compagnie n'est pas créée simplement par une pensée éphémère dans l'esprit de celui qui en a le contrôle. Les comptes en cause ici ne sont liés d'aucune façon. Il s'agit simplement d'une affaire dans laquelle la compagnie et l'appelant se doivent réciproquement de l'argent. Rien ne vient appuyer la proposition de l'appelant que, de fait, des dettes réciproques ne sauraient exister et que dans tous les cas où elles pourraient se présenter, il y a automatiquement compensation.18

[54] Concluant ainsi, le juge Bonner, de la C.C.I., avait mentionné l'affaire Bank of Montreal v. Tudhope, (1911) 21 Man. R. 380, dans laquelle le juge Robson, à la page 386, renvoyait au jugement Watson v. Mid-Wales Railway Company, 36 L.J.C.P. 285, et disait :

[TRADUCTION]

Le juge Willes souligne que les simples créances réciproques ne sont pas nécessairement susceptibles de compensation, et encore moins lorsqu'elles visent l'avenir. Il dit: ' Il est nécessaire de prouver un crédit réciproque: je n'entends pas par là le crédit réciproque dont il est question dans la Bankrupt Law, mais un contrat ou une entente exprès ou implicite voulant qu'une dette annule l'autre. Lorsque seul le solde doit constituer la dette, il y a clairement volonté que les actions d'une partie ne désavantagent pas l'autre partie. Mais en l'espèce, les dettes sont payables à des époques différentes. Rien ne nous permet de déduire qu'une dette devait éteindre l'autre, ou que seul le solde devrait être considéré comme étant dû '.

[55] En l'espèce, il n'y a aucune preuve selon laquelle la Magicuts et l'International avaient conclu une convention officielle ou un contrat que leurs dettes mutuelles soient l'objet d'une compensation. Dans l'affaire The Queen v. Peter Neudorf, 75 DTC 5213, le juge Heald disait à la page 5215 :

À mon avis, puisqu'une des parties à la convention était une compagnie, on en exige plus de formalités (comme par exemple, des délibérations prises par la compagnie) que des particuliers, spécialement quand il est important à l'égard des tiers comme le ministère du Revenu, de déterminer les liens existants entre les parties.

[56] Sur la foi des faits dont je suis saisi, je n'exigerais pas nécessairement plus de formalités de l'appelante s'il y avait des preuves extrinsèques selon lesquelles la Magicuts et son actionnaire entendaient que leurs dettes mutuelles soient l'objet d'une compensation. Aucune des résolutions de société de l'appelante qui ont été présentées en preuve n'indique que l'appelante et l'International entendaient qu'il y ait une compensation. Le procès-verbal d'une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de l'appelante tenue le 21 septembre 1988 indique qu'une débenture à vue de 750 000 $ a été signée par M. Luborsky pour l'appelante en faveur de la World Wide Trust Services Inc. pour garantir des “ avances actuelles et futures ” de la World Wide Trust Services Inc. à l'appelante. Ce procès-verbal, cependant, ne témoigne pas de l'existence d'une convention entre l'appelante et la SA visant la compensation de leurs dettes mutuelles.

[57] Les grands livres de l'appelante relatifs aux comptes de la “ Magicuts SA ” et de “ Worldwide Trust ” ont été présentés en preuve sous forme manuscrite — pièce A-1 — et sous forme informatique — pièces A-7 à A-9. Les soldes de ces comptes ne sont pas liés les uns aux autres dans les grands livres au 28 février 1989, soit la fin de l'exercice 1989.

[58] Le bilan de la Magicuts au 28 février 1986 indique une somme de 25 000 $ due par l'International. Dans le bilan au 28 février 1987, la somme due par l'International est passée à 110 711 $ et est décrite comme n'étant assortie d'aucune modalité de remboursement déterminée. Le bilan de la Magicuts au 28 février 1988 indique une somme de 77 664 $ due par l'International, sans modalité de remboursement déterminée.

[59] Aucune preuve n'indique que l'une quelconque des sommes enregistrées dans les états financiers de l'appelante comme étant dues par l'International résultait d'une compensation de dettes mutuelles. Une compensation n'aurait pas été nécessaire plus tôt, car la Magicuts ne semble pas avoir contracté de dettes envers l'International avant mai 1988. Les états financiers de l'appelante ne révèlent donc pas le type de pratique de compensation de longue date qui aurait pu montrer que les parties entendaient que leurs dettes mutuelles soient l'objet d'une compensation en fin d'exercice.

[60] Les événements subséquents ne sont pas utiles non plus. Le bilan de la Magicuts au 28 février 1989 indique une créance de 126 074 $ sur l'International sans modalité de remboursement déterminée. Après la vente, par l'International, du bloc de contrôle détenu dans l'appelante, en octobre 1990, le bilan de fin d'exercice du 30 novembre 1990 fait état d'une somme de 300 000 $ due par des “ apparentés ”19. Toutefois, en l'absence d'éléments de preuve comptables concernant le calcul de ces chiffres, je ne peux conclure que ces états financiers témoignent de la compensation des comptes de dettes sous-jacents.

[61] Je ne suis pas convaincu que, à l'époque où les dettes ont été contractées, il y avait entre la Magicuts et l'International une intention de faire en sorte que leurs dettes mutuelles soient l'objet d'une compensation. La preuve n'est simplement pas suffisante pour établir que les deux sociétés avaient convenu d'une compensation.

[62] Le ministre a imposé l'appelante en se fondant sur le fait qu'une dette de 183 555 $ avait été contractée par l'International dans l'année d'imposition 1989. Le ministre semble être arrivé à ce chiffre en soustrayant le solde de 261 219 $ figurant dans le compte de la “ Magicuts SA ” à la fin de l'exercice 1989 du solde de 77 664 $ figurant dans le même compte à la fin de l'exercice 1988. En vertu de l'alinéa 15(2)b), pour que le montant de la dette ne doive pas être inclus, il faut que l'emprunteur ait remboursé sa dette dans l'année suivant la fin de l'année d'imposition du prêteur dans laquelle la dette est survenue. L'International a contracté la dette de 183 555 $ envers l'appelante dans l'année d'imposition 1989 de l'appelante. L'International avait donc un an suivant la fin de l'exercice 1989 de l'appelante pour rembourser sa dette de manière que le montant ne doive pas être inclus en vertu de l'alinéa 15(2)b).

[63] On n'a présenté aucune preuve au procès pour établir que les 183 555 $ avaient été remboursés dans le délai prévu à l'alinéa 15(2)b). Les comptes de grand livre “ Magicuts SA ” et “ Sommes dues à Worldwide Trust ” présentés en preuve n'indiquent pas de débits ou de crédits au-delà du 28 février 1989. Un montant de 126 074 $ est indiqué dans l'état financier de l'appelante du 28 février 1990 comme dû par la “ société mère ”, l'International.

[64] En vertu du paragraphe 80.4(2), lorsqu'une dette ou un prêt était impayé à un moment quelconque dans l'année, un avantage imposable est attribué à l'actionnaire débiteur, soit un avantage représentant les intérêts calculés au taux prescrit20 pour la période, moins les intérêts effectivement versés au plus tard 30 jours après la fin de l'année :

Lorsqu'une personne (autre qu'une société résidant au Canada) ou une société de personnes (autre qu'une société de personnes dont chacun des associés est une société résidant au Canada) était :

a) soit un actionnaire d'une société;

[...]

et que, à ce titre, la personne ou la société de personnes a reçu un prêt de la société, de toute autre société qui lui est liée ou d'une société de personnes dont la société ou toute autre société qui lui est liée est un associé, ou a par ailleurs contracté une dette en faveur de l'une d'elles, la personne ou la société de personnes est réputée avoir reçu, au cours d'une année d'imposition, un avantage égal à l'excédent éventuel du total visé à l'alinéa d) sur le montant visé à l'alinéa e) :

d) le total des intérêts sur tous ces prêts et sur toutes ces dettes, calculés au taux prescrit sur chacun de ces prêts et chacune de ces dettes pour la période de l'année où le prêt ou la dette était impayé;

e) le montant des intérêts pour l'année versés sur tous ces prêts ou toutes ces dettes au plus tard 30 jours après le dernier en date de la fin de l'année et du 31 décembre 1982.

[65] Pour avoir gain de cause à cet égard, l'appelante doit établir que, à aucun moment durant les années d'imposition 1990 et 1991, des sommes ne lui étaient dues par l'International ou que, si tel était le cas, des intérêts sur les sommes ont été versés par l'International à un taux égal ou supérieur au taux prescrit. Il ne suffit pas que l'appelante établisse simplement que l'International lui a remboursé des dettes au titre desquelles l'International avait une obligation potentielle en vertu du paragraphe 15(2). Tant que le prêt ou la dette était impayé, le paragraphe 80.4(2) s'applique.

[66] Aucun élément de preuve n'indique que l'International a versé des intérêts au taux prescrit sur le montant de sa dette envers l'appelante.

[67] La question suivante à examiner est de savoir si les avantages qui en résultent sont assujettis à l'impôt de la partie XIII et, dans l'affirmative, si l'appelante est tenue de payer de l'impôt de la partie XIII dû par l'International. Les dispositions législatives pertinentes sont l'alinéa 214(3)a) et les paragraphes 15(9), 215(1) et 215(6)21, qui figurent dans la partie XIII de la Loi22.

[68] En vertu de l'alinéa 214(3)a), si l'International avait reçu une somme entrant dans le cadre de l'article 15, la somme serait réputée constituer un dividende, et l'International serait assujettie à de l'impôt en vertu de la partie XIII à l'égard de la somme. Le paragraphe 215(1) oblige le résident canadien versant la somme à en déduire et à en remettre le montant de l'impôt, au taux approprié, avant de payer le non-résident. En vertu du paragraphe 215(6), la personne qui est tenue par l'article 215 de déduire ou de retenir le montant de l'impôt et qui omet de le faire est personnellement responsable du paiement du montant de l'impôt.

[69] L'International a contracté une dette qui n'a pas été remboursée dans l'année suivant la fin de l'année dans laquelle la dette a été contractée. Le montant impayé de la dette est inclus dans le revenu de l'International en vertu du paragraphe 15(2). L'International est également réputée avoir reçu un avantage en vertu de l'article 80.4. Cet avantage est, en vertu du paragraphe 15(9), réputé être un avantage accordé à un actionnaire pour l'année aux fins du paragraphe 15(1). Donc, les dispositions du paragraphe 214(3) s'appliquent, et l'International est réputée avoir reçu un dividende de la Magicuts. La Magicuts était tenue de déduire l'impôt approprié sur le paiement à l'International des dividendes réputés. Manifestement, l'appelante n'a pas déduit ni remis l'impôt requis; elle est responsable du paiement de ces sommes.

[70] En conséquence, la cotisation du ministre doit être maintenue. L'International est réputée avoir reçu un avantage comme actionnaire dans l'année 1989, soit un avantage d'un montant de 183 555 $, et l'appelante est responsable de l'omission de retenir 45 889 $ d'impôt sur ce montant.

Décision

Les appels des cotisations pour les années d'imposition de l'appelante 1989, 1990 et 1991 sont rejetés. De même, les appels de cotisations établies en vertu de l'article 212 de la Loi sont rejetés. Il y aura un seul mémoire de frais en faveur de l'intimée.

Ottawa, Canada, le 6 août 1998.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de janvier 1999.

Mario Lagacé, réviseur



1                La Magicuts Inc. avait été constituée en vertu des lois de l'Ontario en 1981. Elle accordait des franchises et exploitait ses propres salons de coiffure. Vers 1983, la Magicuts Ltd., soit également une société ontarienne, avait été constituée et avait repris l'entreprise de franchisage de la Magicuts Inc. Chaque société avait initialement comme actionnaires trois particuliers, qui étaient tous résidents du Canada. La société américaine Magicuts Inc. avait été constituée en 1983 pour vendre des franchises aux États-Unis. Les actions de la société américaine étaient initialement détenues par la Magicuts Ltd. Les sociétés ontariennes Magicuts Ltd. et Magicuts Inc. se sont fusionnées le 20 septembre 1985 sous le nom de Magicuts Inc., soit l'appelante en l'espèce.

2                Selon le document figurant à l'onglet 57 de la pièce A-1, la Sawley a acquis le contrôle de la Magicuts au 30 novembre 1990.

3                Les franchisés aux États-Unis sont appelés les “ franchisés américains ”.

4                Je n'accorde aucune importance au fait que la dette de la USMagicuts envers la Magicuts est décrite comme une “ avance ” de celle-ci à celle-là. M. Luborsky a dit qu'il en était ainsi parce que les opérations entre les sociétés étaient assujetties aux “ règles relatives aux opérations entre apparentés ” de la profession comptable.

5                L'inscription comptable dit “ prêt à la société mère ”. Comme il s'agit d'un passif et que l'inscription correspondante pour 1987 est la même somme qui est indiquée dans le bilan au 28 février 1987 comme “ Somme due à la société mère [...] ”, je présume que l'inscription pour 1988 devrait également se lire comme suit : “ Somme due à la société mère ”.

6                Les sommes figurant dans l'état financier de la Magicuts sont indiquées en dollars canadiens.

7                Les états des résultats inclus dans les états financiers consolidés pro forma de la Magicuts pour la période allant du 3 février 1981 au 30 juin 1985 indiquent des revenus provenant des mêmes sources.

8                Article 138 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale).

9                L'avocat de l'intimée a fait savoir qu'il pourrait soulever certaines objections à la production de documents non mentionnés dans la liste de documents de l'appelante. Voir la note de bas de page no 11.

10              Voir le paragraphe 138(1) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale). Voir aussi le jugement Guay v. The Queen, 96 DTC 1534 (C.C.I.), révisé par 97 DTC 5266 — bien que la question de la réouverture de l'audience n'ait pas été traitée par la Cour d'appel fédérale — et le jugement Morrison v. Hicks (1991), 80 D.L.R. (4th) 659 (C.A.C.-B.).

11              L'avocat de l'intimée s'opposait à la production de documents non inclus dans la liste partielle de documents de l'appelante. Il est dit au paragraphe 138(2) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) :

(2) À tout moment avant le jugement, le juge peut attirer l'attention des parties sur toute lacune dans la preuve de certains faits ou de certains documents pertinents à la cause d'une partie, ou sur toute lacune dans l'instance, et permettre à une partie de la combler aux fins et aux conditions qui sont appropriées.

                J'ai demandé à l'appelante de fournir de la documentation supplémentaire pour que tous les faits concernant les avances à la USMagicuts me soient communiqués. Dans ces circonstances, le paragraphe 138(1) des Règles me permet d'admettre en preuve de la documentation non incluse dans la liste de documents d'une partie.

                L'avocat de l'intimée mettait aussi en doute la compétence de M. Luborsky pour témoigner et produire des éléments de preuve concernant des événements antérieurs à l'époque où il est devenu un dirigeant de l'appelante. Les paragraphes 30(1) et (9) de la Loi sur la preuve au Canada permettent à une personne comme M. Luborsky de témoigner et de produire des éléments de preuve :

               

30. (1) Lorsqu'une preuve orale concernant une chose serait admissible dans une procédure judiciaire, une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des renseignements sur cette chose est, en vertu du présent article, admissible en preuve dans la procédure judiciaire sur production de la pièce. [...]

     (9) Sous réserve de l'article 4, lorsqu'une personne a connaissance de l'établissement ou du contenu d'une pièce produite ou admise en preuve en vertu du présent article, ou lorsqu'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elle en ait connaissance, cette personne peut, avec la permission du tribunal, être interrogée ou contre-interrogée à ce sujet par toute partie à la procédure judiciaire.

                Voir aussi l'arrêt R. c. Smith, [1992] 2 R.C.S. 915 (C.S.C.), concernant l'admissibilité d'une preuve par ouï-dire dans certains cas.

                Enfin, l'avocat de l'intimée s'opposait à la production de documents que M. Luborsky avait omis de produire lors de l'interrogatoire préalable, bien qu'il se soit engagé à le faire. L'article 91 des Règles accorde au juge du procès amplement de latitude pour ordonner à la partie ayant commis cette omission d'y remédier, pour rejeter l'appel ou pour donner toute autre directive appropriée. Dans les circonstances, l'intimée n'était pas suffisamment préparée pour que la question de la réparation ne puisse être réglée par voie de dépens.

12              Je signale que le bilan de la compagnie américaine, exprimé en dollars américains, au 28 février 1989 indiquait que le capital-actions de la compagnie était de un dollar et que le surplus d'apport était de 1 033 710 $, soit le montant correspondant à la créance qui a été convertie.

13              89 DTC 5182 (C.F., 1re inst.).

14              72 DTC 6049 (C.S.C.).

15              76 DTC 6261, juge Dubé (C.F., 1re inst.).

16              p. 5582.

17              Voir l'affaire M. Jacobs Young & Co. Ltd. v. Harris, (1926) 11 T.C. 221 (B.R.), juge Rowlatt.

18              Voir également le jugement Docherty v. M.N.R., 91 DTC 537, à la p. 539.

19              On ne sait pas clairement si l' “ apparenté ” est l'International.

20              Le “ taux prescrit ” aux fins d'une année quelconque après 1978 est défini par l'alinéa 80.4(7)c) et est déterminé en conformité avec les articles 4300 et 4301 du Règlement, partie XLIII. Après 1983, le taux est déterminé trimestriellement, par rapport au taux d'intérêt sur les bons du Trésor du gouvernement du Canada à 90 jours.

21              Dans l'affaire Florsheim Inc. v. The Queen, 95 DTC 110 (C.C.I.), le juge McArthur, de la C.C.I., avait rejeté un appel se rapportant à l'application des paragraphes 15(9), 80.4(2), 214(3), 215(1) et 215(6). Le contribuable soutenait que, considérées ensemble, les dispositions n'étaient pas claires, qu'elles étaient ambigues et qu'elles devaient être appliquées en sa faveur. Rejetant cet argument, le juge McArthur avait utilisé le raisonnement adopté par le juge Dussault, de la C.C.I., dans l'affaire Industries P.W.I. Inc. v. M.N.R., 93 DTC 852 (C.C.I.), c'est-à-dire que l'alinéa 214(3)a) fait une supposition, à savoir que la partie I est applicable à des non-résidents à l'égard des questions visées à l'article 15.

22              Ces dispositions se lisent comme suit :

                15(9) Lorsqu'une somme à l'égard d'un prêt ou d'une dette est réputée, en vertu de l'article 80.4, être un avantage reçu par une personne ou une société dans une année d'imposition, cette somme (à l'exception de toute somme à laquelle s'applique le paragraphe 6(9) ou l'alinéa 12(1)w)) est réputée être, aux fins du pragraphe (1), un avantage accordé dans l'année à un actionnaire.

                214.(3)a) lorsque l'article 15 ou le paragraphe 56(2) exigerait, si la Partie I était applicable, qu'une somme fût incluse dans le calcul du revenu d'un contribuable, cette somme est réputée avoir été versée au contribuable à titre de dividende provenant d'une corporation résidant au Canada; [...]

                215.(1) Lorsqu'une personne verse ou crédite ou est réputée avoir versé ou crédité une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est exigible en vertu de la présente Partie, elle doit, nonobstant toute disposition contraire d'une convention ou d'une loi, en déduire ou en retenir le montant de l'impôt et le remettre immédiatement au receveur général au nom de la personne non résidante, à valoir sur l'impôt, et l'accompagner d'un état selon le formulaire prescrit.

                [...]

                (6) Lorsqu'une personne a omis de défalquer ou de retenir, comme l'exige le présent article, une somme sur un montant payé à une personne non résidante ou porté à son crédit ou réputé avoir été payé à une personne non résidante ou porté à son crédit, cette personne est tenue de verser à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie, au nom de la personne non résidante, la totalité de la somme qui aurait dû être défalquée ou retenue, et elle a le droit de défalquer ou de retenir sur tout montant payé par elle à la personne non résidante ou portée à son crédit, ou par ailleurs de recouvrer de cette personne non résidante toute somme qu'elle a versée pour le compte de cette dernière à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie.

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