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Date: 19980814

Dossier: 97-1126-UI

ENTRE :

SUSAN TINIANOV,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1] Cet appel fut entendu le 5 août 1998 à Toronto (Ontario).

[2] L’appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le Ministre) en date du 25 mars 1997, à savoir que l’emploi exercé chez Fine Decor International Inc., le payeur, au cours de la période en cause, soit du

1er avril au 30 août 1996, est un emploi exclu au sens de la Loi sur l’assurance-chômage et de la Loi sur l’assurance-emploi, étant donné que les parties ont un lien de dépendance.

[3] Les dispositions applicables figurent au paragraphe 3(2) de la Loi sur l’assurance-chômage et au paragraphe 5(2) de la Loi sur l’assurance-emploi, ainsi qu’à l’article 251 de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui se lisent comme suit :

“ 3 (2) Les emplois exclus sont les suivants :

c)        sous réserve de l'alinéa d), tout emploi lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, pour l'application du présent alinéa :

(i)                    la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance étant déterminée en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu,

5(2) N'est pas un emploi assurable :

[. . .]

(i)                    l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance. ”

(ii)                 

ARTICLE 251 : Lien de dépendance

(1)                  Aux fins de la présente loi,

a)        des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance; et

b)        la question de savoir si des personnes non liées entre elles n’avaient aucun lien de dépendance à une date donnée est une question de fait.

c)       

[4] Le Ministre s’est fondé sur les allégations suivantes pour rendre sa décision :

[TRADUCTION]

“ (a) le payeur fut constitué en personne morale le 1er janvier 1995;

(b) les actionnaires du payeur sont :

Michael Tinianov 50% (époux de l’appelante)

Lyle Libenstein 50%

d)        le payeur exploite une entreprise fournissant un service complet de décoration d'intérieurs à une clientèle commerciale et résidentielle;

e)        Skylines Interior Corporation, qui opère au même endroit, a les mêmes actionnaires et traite directement avec le public;

f)         l’appelante fut engagée à titre de chef de bureau;

g)        l’appelante s’occupait à la fois du payeur et de Skyline mais était payée par le payeur;

h)        avant la période en question, l’appelante travaillait pour les deux compagnies (2 à 3 jours par semaine) à titre de travailleuse indépendante;

i)          l’appelante fut embauchée par le payeur 20 semaines avant la naissance de son enfant;

j)          pour cette période, le traitement annuel de l’appelante était de 43 855,24$, soit 21,09$ l’heure, ce qui est inférieur aux 25,00$ l’heure qu’elle recevait à titre de travailleuse indépendante pour le compte du payeur;

k)        l’appelante recevait un chèque toutes les deux semaines, mais les chèques n’étaient pas encaissés en temps opportun;

l)          l’appelante était la seule employée du payeur;

m)       le chiffre d’affaires ne justifiait pas l’embauche à plein temps de l’appelante;

n)        le 30 août 1997 constituait le dernier jour de travail de l’appelante, selon le “ registre des gains ”, mais son dernier chèque de paye était daté du 23 août 1996;

o)        l’appelante travaillait exactement 20 semaines assurables pour le payeur, ce qui représentait le nombre de semaines minimum requis pour être admissible aux prestations d’assurance-chômage et aux prestations d’assurance-emploi;

p)        la décision du payeur de modifier le statut d’emploi de l’appelante, de travailleuse indépendante à temps partiel à employée à plein temps, 20 semaines avant le début de son congé de maternité, ne cadre pas avec un contrat de louage de services conclu par des parties sans lien de dépendance;

q)        l’appelante est liée à un actionnaire du payeur selon les termes de la Loi de l’impôt sur le revenu;

r)         l’appelante n’est pas liée au payeur mais, en fait, elle avait un lien de dépendance avec le payeur;

s)        l’appelante a un lien de dépendance avec le payeur;

t)         compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, il n'est pas raisonnable de conclure que l’appelante et le payeur auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance. ”

[5] Lors de l’audience, l’avocat de l’appelante a admis les allégations faites aux sous-alinéas (a) à (c), (e), (f) et (p) et a nié les allégations faites aux sous-alinéas (g), (h), (k) à (o) et (q) à (s) du paragraphe 7 de la Réponse à l’avis d’appel; il n'a pas connaissance des faits allégués aux alinéas (d), (i) et (j).

[6] Le fardeau de la preuve repose sur l’appelante; elle doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du Ministre du 25 mars 1997 était mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[7] L’appelante et son époux, Michael Tinianov, étaient les seuls témoins lors de l’audition de l’appel; M. Lyle Libenstein, le copropriétaire du payeur et la personne avec laquelle l’appelante a traité lorsqu’elle fut embauchée par le payeur, ne fut pas appelé à témoigner. Michael Tinianov a eu recours à sa pauvre mémoire pour les détails concernant la période d’emploi de l’appelante et les événements subséquents à la période en cause.

[8] L’appelante avait effectué la tenue de livres pour le compte du payeur et de Skyline Interiors Corporation (Skyline) avant le 1er avril 1996 à titre d’entrepreneur indépendante et autonome et avait facturé les deux compagnies pour le temps travaillé, soit environ 2 à 3 jours par semaine chacune, à 25,00$ l’heure. Le 1er avril 1996, elle commença à travailler à plein temps pour les deux compagnies, assumant en plus les responsabilités de gérante; elle ne fut payée par le payeur qu'au taux approximatif de 21,00$ l'heure. Lorsque l’appelante entreprit de travailler à plein temps, elle était déjà enceinte. Elle cessa de travailler à la naissance du bébé, environ cinq semaines plus tôt que prévu. L’appelante remplit sont relevé d'emploi qui fut signé par son époux. Le relevé d’emploi, daté du 3 septembre 1996, fait mention de 20 semaines de travail entre le 1er avril 1996 et le 30 août 1996; elle ne fut payée que pour 20 semaines de travail sur la période de 22 semaines.

[9] L’appelante s’est occupée de toutes les activités du payeur (de même que celles de Skyline), à l’exception des ventes dont s'occupaient les deux propriétaires. Rien n’indiquait qui était son supérieur à qui elle devait rendre compte; elle semblait travailler pour son propre compte, motivée par le désir de garantir le succès des deux compagnies dont son époux était copropriétaire. Elle a été payée au taux annuel d’environ 43 000,00$ pour 20 semaines sur les 22 semaines travaillées, à cause de la confiance que les deux propriétaires avaient en ses capacités. Avant que l’appelante travaille à plein temps, le payeur avait une autre personne qui remplissait la fonction de gérant, mais dont les services ne satisfaisaient pas les deux copropriétaires. Lorsque l’appelante arrêta de travailler, le 30 août 1996, son époux assuma les responsabilités en matière de gestion tandis que l’autre copropriétaire s’occupa de la comptabilité pour les deux compagnies. Par la suite, le payeur engagea une nouvelle personne. Cependant, il n’y a aucun détail sur la date de début d’emploi, le nombre d’heures travaillées, la nature des tâches exécutées ou le taux salarial.

[10] De temps à autre, l’appelante a dû attendre son chèque bihebdomadaire ou le négocier lorsque le payeur avait de légères difficultés de trésorerie. Une personne étrangère, à la place de l’appelante, aurait-elle été aussi accommodante avec le payeur; aurait-elle rempli elle-même le relevé d’emploi et ses chèques de paye?

[11] L’appelante avait l’obligation d’établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre, à savoir que les parties avaient un lien de dépendance, était mal fondée en fait et en droit. Prenant en considération toutes les circonstances du présent appel, y compris la déposition des témoins, les admissions et les preuves documentaires, je suis convaincu, à la lumière de la jurisprudence fournie par l'avocate, que l’appelante a failli à son obligation. À mon avis, le fait que les parties avaient un lien de dépendance explique à lui seul de façon raisonnable les conditions de travail et la rémunération de l’appelante au cours de la période en question.

[12] L’emploi de l’appelante au cours de la période en cause est un emploi exclu au sens de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l’assurance-chômage et du paragraphe 5(2) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[13] En conséquence, l’appel est rejeté et la décision du Ministre en date du 25 mars 1997 est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’août 1998.

“ D.R. Watson ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de janvier 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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