Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991029

Dossiers: 98-580-UI; 98-582-UI; 98-581-UI; 98-583-UI

ENTRE :

FONDATION JEAN-GUY ROY,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

ET

ENTRE :

CATHIA LEPAGE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

FONDATION JEAN-GUY ROY,

intervenante,

ET

ENTRE :

MICHEL BEAULIEU,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

FONDATION JEAN-GUY ROY,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune, à Rivière-du-Loup (Québec), les 20, 21 et 22 septembre 1999.

I- Les appels

[2] Les appelants interjettent appel des deux décisions du ministre du Revenu national (le “Ministre”), datées du 1er avril 1998, selon lesquelles l’emploi de Michel Beaulieu (“l’appelant”) exercé du 30 septembre 1991 au 10 janvier 1992, du 14 septembre 1992 au 15 janvier 1993, du 12 juillet au 31 décembre 1993, du 28 février au 30 décembre 1994, du 20 août 1995 au 23 février 1996 et du 22 septembre 1996 au 7 février 1997 et l’emploi de Cathia Lepage (“l’appelante”) exercé du 4 janvier au 26 mars 1993 et du 7 février au 27 mai 1994, auprès de Fondation Jean-Guy Roy (le “payeur”), n’étaient pas assurables au sens de la Loi sur l’assurance-chômage, maintenant la Loi sur l’assurance-emploi (la “Loi”), puisque pendant ces périodes les appelants et le payeur n’étaient pas liés par un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 3(1)a) de l’ancienne Loi et 5(1)a) de la nouvelle Loi.

II- Les faits résumés

[3] L’intimé a soumis aux paragraphes 5 de ses Réponses aux avis d’appel, les faits sur lesquels il a fondé ses décisions.

[4] Pour les besoins de ces appels, il sera nécessaire de réciter seulement les faits allégués dans les dossiers No: 98-581(UI) et No: 98-583(UI) comme suit :

Cathia Lepage (98-581(UI))

“a) Le payeur, constitué en corporation le 25 novembre 1986, est un organisme à but non lucratif enregistré comme organisme de charité.

b) Le 27 mai 1994, la société était enregistrée sous la raison sociale de “Fondation Jean-Guy Roy (1994)”; il s'agissait de la continuité des activités du payeur.

c) Pour financer ses activités, le payeur organise deux levées de fonds par année et obtient différents projets gouvernementaux; il finance également les activités de “La Société Généalogique du K.R.T.” qui accumule les données sur les décès, mariages, etc.

d) De 1992 à 1995, le payeur finançait les activités du K.R.T. qui avait des bureaux à Montmagny, Beauce et Rimouski; depuis 1995, ces 3 bureaux sont fermés et les activités du payeur sont concentrées au bureau de la Fondation et de la Société Généalogique à Rivière-du-Loup.

e) Jean-Guy Roy, prêtre et curé de la Paroisse de St-Épiphane, est le président du payeur dont les administrateurs sont : Me Frank Lemieux, M. Léopold Robichaud, M. Régis Bernier, M. Jean Soucy, M. Marcel Castonguay et M. Michel Beaulieu (depuis 1995), conjoint de fait de l'appelante.

f) Le payeur est exploité à l'année longue avec, en moyenne, 2 employés et 12 stagiaires.

g) L'appelante aurait travaillé pour le payeur durant les périodes en litige.

h) Elle aurait travaillé à mettre à jour la liste des donateurs du payeur, tout comme son conjoint de fait, Michel Beaulieu et elle aurait répondu occasionnellement à la ligne d'écoute du payeur (une ligne aurait été transférée chez elle).

i) L'appelante prétend qu'elle travaillait chez elle et que M. Michel Beaulieu contrôlait son travail.

j) L'appelante prétend que, pendant les semaines en litige uniquement, elle travaillait de 35 à 40 heures par semaine pour le payeur et occasionnellement elle rendait des services sans rémunération.

k) L'appelante prétend que, durant les périodes en litige, elle faisait du travail de secrétariat pour M. Jean-Guy Roy, qu'elle s'occupait du courrier des levées de fonds et entrait les données des mariages dans les registres de la paroisse.

l) Durant les périodes en litige, 12 semaines en 1993 et 16 semaines en 1996, l'appelante aurait reçu une rémunération fixe de 300 $ par semaine.

m) L'appelante n'apparaît pas au livre des salaires du payeur; elle a prétendument été payée directement par M. Jean-Guy Roy.

n) Alors qu'elle prétend avoir travaillé sous la supervision de son conjoint, ce dernier n'apparaît pas au livre des salaires du payeur durant les mêmes périodes.

o) Les périodes prétendument travaillées par l'appelante ne coïncident pas avec les périodes réellement travaillées.

p) Les relevés d'emploi soumis par l'appelante indiquent qu'à peu près le minimum de semaines requises pour se qualifier pour recevoir des prestations d'assurance-chômage/emploi.

q) À chaque occasion, l'appelante a retiré le maximum de prestations auxquelles elle avait droit.”

Michel Beaulieu (98-583(UI))

“a) Le payeur, constitué en corporation le 25 novembre 1986, est un organisme à but non lucratif enregistré comme organisme de charité.

b) Le 27 mai 1994, la société était enregistrée sous la raison sociale de “Fondation Jean-Guy Roy (1994)”; il s'agissait de la continuité des activités du payeur.

c) Pour financer ses activités, le payeur organise deux levées de fonds par année et obtient différents projets gouvernementaux; il finance également les activités de “La Société Généalogique du K.R.T.” qui accumule les données sur les décès, mariages, etc.

d) De 1992 à 1995, le payeur finançait les activités du K.R.T. qui avait des bureaux à Montmany, Beauce et Rimouski; depuis 1995, ces 3 bureaux sont fermés et les activités du payeur sont concentrées au bureau de la Fondation et de la Société Généalogique à Rivière-du-Loup.

e) Jean-Guy Roy, prêtre et curé de la Paroisse de St-Épiphane, est le président du payeur dont les administrateurs sont : Me Frank Lemieux, M. Léopold Robichaud, M. Régis Bernier, M. Jean Soucy, M. Marcel Castonguay et l'appelant (depuis 1995).

f) Le payeur est exploité à l'année longue avec, en moyenne, 2 employés et 12 stagiaires.

g) L'appelant travaille sporadiquement pour le payeur depuis 1989.

h) L'appelant a une formation comme informaticien et il consacre la presque totalité de son temps à vérifier les fichiers d'adresses des donateurs potentiels et à faire la mise à jour des adresses des donateurs dans les fichiers de la Fondation.

i) L'appelant s'occupe aussi de l'entretien des 12 ordinateurs du payeur, répartis dans les divers bureaux ainsi qu'au presbytère de St-Épiphane et s'occupe des deux levées de fonds annuelles.

j) L'appelant travaille surtout dans sa résidence et il fait de nombreux déplacements, entre autres, comme chauffeur de M. Jean-Guy Roy.

k) Jean-Guy Roy donne des directives globales à l'appelant qui est entièrement libre d'effectuer ses tâches quand et comme bon il lui semble.

l) Le payeur n'a aucun contrôle sur les heures de travail de l'appelant.

m) L'appelant recevait une rémunération hebdomadaire fixe du payeur, prétendument durant les périodes en litige, qui a variée comme suit : 680 $ en 1992, 710 $ et 745 $ en 1993, 780 $ en 1994, 800 $ en 1995, 1996 et 1997.

n) La rémunération de l'appelant était plus élevée que pour les autres travailleurs du payeur car ce dernier était apprécié pour ses connaissances en informatique et pour sa disponibilité “lorsqu'il était en chômage”.

o) L'appelant ne recevait aucune compensation pour les nombreux déplacements qu'il effectuait avec son automobile ni pour l'utilisation de sa résidence comme bureau ni pour l'utilisation de son ordinateur personnel ni pour son téléphone.

p) L'appelant rendait de nombreux services au payeur en dehors de ses prétendues périodes de travail (périodes en litige) et ce, bénévolement.

q) L'appelant encourait de nombreux risques car il fournissait son ordinateur, son bureau et son automobile sans compensation et il travaillait souvent sans aucune rémunération.

r) Les prétendues périodes de travail de l'appelant varient beaucoup d'une année à l'autre et il ne fait qu'à peu près que le minimum de semaines requises pour se qualifier pour recevoir des prestations d'assurance-chomage/emploi à chaque année.

s) À chaque fois, sauf en 1994 et 1997, l'appelant a retiré le maximum de prestations auxquelles il avait droit.”

[5] L’appelant Michel Beaulieu, par l’entremise de son procureur, a admis avec explications à fournir à l’audition les faits allégués aux alinéas a), b), d) à g) et m). Les faits allégués aux alinéas c), h) à l) et n) à s) ont été niés.

[6] L’appelante Cathia Lepage, par l’entremise de son procureur a admis avec explications à fournir à l’audition les faits allégués aux alinéas a), b), d) à g) et m). Les faits allégués aux alinéas c), h) à l) et n) à q) ont été niés.

III- Le droit

[7] Définitions de la Loi sur l'assurance-emploi

“emploi”

“emploi” Le fait d'employer ou l'état d'employé.

“emploi assurable”

“emploi assurable” S’entend au sens de l’article 5.

“5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable:

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]”

[8] Le fardeau de la preuve incombe aux appelants.

[9] La Cour d'appel fédérale indique dans l'arrêt Sylvie Desroches et M.R.N. (A-1470-92) quel est le rôle du Juge de la Cour canadienne de l'impôt, et je cite :

“... En dernière analyse, cependant, comme l'a affirmé notre Cour dans Le Procureur général du Canada c. Jacques Doucet, c'est la détermination du ministre qui est en cause, à savoir que l'emploi n'était pas assurable parce que la requérante et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services. Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt s'étend à l'étude du dossier et à la preuve en son entier. Ainsi, le juge Marceau, au nom de la Cour, s'est-il exprimé ainsi dans l'affaire Doucet :

... Le juge avait le pouvoir et le devoir d'examiner toute question de fait ou de droit qu'il était nécessaire de décider pour se prononcer sur la validité de cette détermination. Ainsi le présuppose le paragraphe 70(2) de la Loi et le prévoit, dès après le paragraphe 71(1) de la Loi qui le suit...

Le premier juge pouvait aller jusqu'à décider qu'il n'y avait aucun contrat qui liait les parties.”

[10] S'il y a un doute dans l'interprétation, elle doit favoriser le contribuable et il n'y a rien qui empêche un contribuable de bénéficier d'une mesure sociale si les exigences de la Loi sont respectées. Le juge Hugessen dans l'affaire Le procureur général du Canada et Ludger Rousselle, décision du 31 octobre 1990 (124 N.R. 339) s'exprimait ainsi aux pages 340-341 :

“Ce n'est pas d'exagérer je crois, à la lumière de ces faits, que de dire que si les intimés ont exercé un emploi, il s'agissait bien d'un emploi “de convenance” dont l'unique but était de leur permettre de se qualifier pour des prestations d'assurance-chômage. Certes, ces circonstances n'empêchent pas nécessairement que les emplois soient assurables mais elles imposaient à la Cour canadienne de l'impôt l'obligation de scruter avec un soin particulier les contrats en cause; il est clair que la motivation des intimés était plutôt le désir de profiter des dispositions d'une loi de portée sociale que de participer dans le jeu normal des forces économiques du marché.” (Les soulignés sont de moi.)

[11] Les critères qui doivent être analysés ont été réitérés par la Cour d’appel fédérale. Le juge Décary dans l’affaire Le Procureur Général du Canada v. Normand Charbonneau, décision du 20 septembre 1996, (A-831-95), s’exprimait ainsi à la page 2 en particulier :

“Les critères énoncés par cette Cour dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[1] , à savoir d’une part le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte et d’autre part l’intégration, ne sont pas les recettes d’une formule magique. Ce sont des points de repère qu’il sera généralement utiles de considérer, mais pas au point de mettre en péril l’objectif ultime de l’exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu’il s’agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l’existence d’un véritable contrat, c’est s’il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu’il s’agisse d’un contrat de travail (art. 2085 du Code Civil du Québec) ou s’il n’y a pas, plutôt, un degré d’autonomie tel qu’il s’agisse d’un contrat d’entreprise ou de service (art. 2098 dudit Code). En d’autres termes, il ne faut pas, et l’image est particulièrement appropriée en l’espèce, examiner les arbres de si près qu’on perde de vue la forêt. Les parties doivent s’effacer devant le tout.”

[12] Chaque cas est un cas d'espèce. Les appelants devaient établir, selon la prépondérance de la preuve, que les décisions du Ministre étaient erronées.

[13] Pierre Tremblay, Carole Bourgelas, Hélène Laplante, Michel Rancourt, Pierre Bélanger, Jean-Guy Roy, Martine Dionne et les appelants ont été entendus au soutien des appels. Alain Pelletier, l’enquêteur de la Commission a été entendu pour l’intimé.

[14] Les pièces A-1 à A-8, A-11 à A-15, A-21, A-23, A-24, A-26, A-29 à A-48 et I-1 à I-12 ont été produites aux dossiers.

Bref résumé de la preuve

[15] La Fondation Jean-Guy Roy est un organisme à but non lucratif qui oeuvre dans la communauté depuis plusieurs années. Il serait trop long d’énumérer tout le travail fait par cet organisme. Cette fondation est guidée dans ses activités par son Président, M. Le Curé Jean-Guy Roy, de la Paroisse de St-Épiphane.

[16] Le payeur particulièrement préoccupé par les difficultés que vivent les jeunes en particulier, a parrainé depuis quelques années plusieurs projets de travail, de concert avec différents ministères gouvernementaux, dans le but d’intégrer des personnes sur le marché du travail.

[17] Le Centre local d’emploi, dans la mise en oeuvre de ces programmes, travaillait de concert avec le payeur. Ces programmes étaient coordonnés par des conseillers en main-d'oeuvre ou agents de programmes des ministères concernés.

[18] Par exemple, le payeur avait un projet d’écoute téléphonique connu sous le nom de “S.O.S. Jeunesse”. Le payeur, par l’entremise du Centre local d’emploi, entraînait et affectait des personnes pour répondre à cette ligne.

[19] Un autre exemple était que le payeur avait une entente avec La Société Généalogique du Québec, à qui il transmettait les données des registres de mariages, etc. Ces données devaient être recueillies à partir des registres de l’état civil des paroisses pour être informatisées.

[20] Le payeur finançait aussi certaines de ses activités en procédant à des levées de fonds, deux fois par année. Tous les projets du payeur donnaient l’opportunité aux personnes d’acquérir des habitudes de travail afin de permettre leur intégration dans le milieu du travail.

[21] C’est dans ce contexte qu’il est nécessaire d’analyser les contrats d’emploi des appelants.

[22] L’argument principal de l’intimé est à l’effet que les relevés d’emploi des appelants ne reflètent pas la réalité quant aux périodes réellement travaillées et qu’il y a eu un arrangement entre les parties dans l’unique but de permettre aux appelants de bénéficier de prestations d’assurance-chômage/emploi d’année en année et qu’il n’y avait pas de véritable relation employeur/employé entre les appelants et le payeur.

Contrat de travail de Michel Beaulieu

[23] Cette personne a fait ses débuts auprès du payeur vers l’année 1989.

[24] Il a d’abord accepté de participer dans des programmes du Centre local d’emploi. Ces programmes devaient permettre à des prestataires du Ministère de la Sécurité et du Revenu d’acquérir des habitudes de travail.

[25] L’appelant appréciait le domaine informatique. Il avait acquis beaucoup de connaissances et avait des aptitudes.

[26] Le payeur embauche l’appelant au début des années 1990. Il participe à la mise en marche du bureau du payeur. Il est engagé surtout comme technicien en informatique.

[27] Le rôle de l’appelant, tel que décrit à l’audience par Jean-Guy Roy, était aussi au cours des années en litige, de contrôler le travail des personnes acheminées chez le payeur par le Centre local d’emploi. L’appelant pouvait donc accueillir, interviewer et suggérer à Jean-Guy Roy une de ces personnes, si elle pouvait accomplir le travail à effectuer.

[28] L’appelant devait aussi s’assurer des présences des travailleurs et agir en quelque sorte comme l’agent de liaison entre le Centre local d’emploi et Jean-Guy Roy, le Président du payeur.

[29] L’appelant avait comme tâche de participer à la mise en oeuvre des levées de fonds. Il avait aussi comme tâches, de voir au bon fonctionnement des ordinateurs et, en conséquence, d’assister les autres travailleurs dans l’utilisation des ordinateurs.

[30] Il semble donc que les allégués contenus aux alinéas 5 h) et i) de la Réponse à l’avis d’appel ne reflètent pas totalement le rôle de l’appelant chez le payeur.

[31] Quant à l’allégation contenue à l’alinéa 5 j) de la Réponse à l’avis d’appel, l’appelant ne travaillait pas à sa résidence. Dans la déclaration de l’appelant (pièce I-4), il est fait référence à son travail à la maison. Lorsque l’on lit cette déclaration datée du 20 septembre 1994 dans son ensemble, et surtout la dernière page, on ne peut conclure facilement que l’appelant travaillait toujours à sa résidence entre 1992 et 1994 et l’on ne peut tirer aucune conclusion pour les années après le 20 septembre 1994, soit 1995, 1996 ou 1997.

[32] La preuve a révélé que l’appelant à certaines reprises aurait conduit et fait des commissions pour Jean-Guy Roy au cours des périodes en litige. Cependant, l’on doit accepter qu’une personne dans la situation de l’appelant ne puisse refuser de conduire Jean-Guy Roy là où celui-ci pouvait avoir une activité qui nécessitait la présence de l’appelant et de Jean-Guy Roy. Le fait pour l’appelant de conduire Jean-Guy Roy lorsqu’il était en chômage, ne m’a pas paru comme important dans la situation qui prévalait dans cette communauté.

[33] Quant aux allégations de l’intimé aux alinéas 5 k) et i) de la Réponse à l’avis d’appel, la preuve a démontré que l’appelant avait un calendrier de travail à respecter (pièce A-29). Le témoignage de Jean-Guy Roy a permis de connaître comment l’appelant était assujetti aux directives du payeur. L’appelant avait sûrement plus d’expérience que Jean-Guy Roy en informatique, mais le payeur possédait le pouvoir de contrôler l’appelant dans le travail qu’il effectuait pour le payeur. L’appelant travaillait au bureau. Jean-Guy Roy n’était pas toujours présent, mais l’appelant ne pouvait s’absenter quand il le voulait.

[34] Quant aux allégations de l’intimé aux alinéas 5 m) et n), il semble, selon le payeur, que le salaire payé à l’appelant n’était pas exagéré (pièce A-43). L’intimé a soutenu que le salaire de l’appelant aurait dû être inférieur au salaire payé (pièce I-11). Il est apparu difficile de conclure que l’appelant agissait simplement à titre de programmeur tel que le soutient l’intimé. On ne peut perdre de vue que l’appelant a fréquenté pendant presque une dizaine d’années le payeur et même si son salaire pouvait paraître à première vue plus élevé que d’autres employés, il semble que le payeur a jugé, dans les circonstances particulières de l’appelant, que le salaire était acceptable.

[35] Le cheminement de l’appelant au cours des années a sûrement été un facteur retenu par le payeur pour la rémunération de l’appelant. Les tâches variées de l’appelant pourraient permettre de considérer que son salaire n’était pas hors de proportion avec ce qui aurait pu se payer dans l’industrie. On ne peut conclure aisément que le payeur a exagéré dans la fixation du salaire au fil des années.

[36] Quant aux allégations des alinéas 5 o), p) et q), la preuve a démontré que l’appelant était le seul responsable de ses frais de déplacement et autres frais (pièce A-43). Jean-Guy Roy a affirmé que l’appelant aurait été envoyé une fois à Rimouski. La preuve à l’audition n’a pas démontré que l’appelant effectuait de nombreux déplacements comme le soutient l’intimé.

[37] Quant aux services bénévoles rendus par l’appelant pendant ses périodes de chômage, il est indéniable qu’il y en a eus. Cependant, il est difficile de reprocher à une personne, même en chômage, de faire du bénévolat pour l’organisme qui l’a aidée à s’initier au milieu du travail. L’appelant a été mis à pied, selon Jean-Guy Roy, parce que le payeur “ne pouvait se permettre de garder un spécialiste comme lui”. L’appelant était donc devenu au fil des ans, une personne importante dans l’organisation du payeur. Le payeur l’engageant à tous les ans, on ne peut toutefois conclure que l’appelant était engagé que pour le minimum de semaines requises pour se qualifier pour recevoir des prestations de chômage (pièce A-48). L’engagement de l’appelant devait dépendre aussi des capacités de payer du payeur. Une société à but non lucratif est toujours dans une situation délicate lorsque vient le temps d’embaucher et/ou de mettre fin à l’emploi d’un employé comme l’appelant.

[38] L’appelant m’est apparu un témoin crédible même si certaines contradictions ont été signalées à partir de ses déclarations (pièces I-4 et I-5), qu’il n’a pas adoptées.

[39] En bout de ligne, l’appelant semble avoir réussi à s’intégrer au milieu du travail, puisqu’il détient actuellement un emploi pour un tout autre payeur.

[40] Je suis satisfait que l’appelant a démontré par une prépondérance de preuve qu’il existait un contrat de louage de services entre lui et le payeur au cours des périodes en litige.

Contrat d’emploi de Cathy Lepage

[41] L’appelante a expliqué qu’elle a d’abord, en 1992, participé à un projet de jeunes volontaires destiné à lui permettre d’intégrer le milieu du travail. Elle avait un cours d’informatique de base.

[42] Elle a expliqué son travail pour le payeur. Elle a travaillé sur le projet du payeur “Ligne d’écoute S.O.S Jeunesse” (pièce A-15).

[43] Le payeur préparait pour l’appelante un calendrier de travail (pièce A-30). L’appelante remplissait, lors des appels téléphoniques, une feuille de statistiques (pièce A-47). Ce document permettait au payeur de connaître le nombre d’appels ainsi que le genre de difficultés présentées par les utilisateurs. Ces documents étaient remis au payeur à la fin de la semaine.

[44] Lorsqu’elle travaillait à la ligne d’écoute, pendant les périodes moins occupées, elle procédait aux entrées de données de mariages, etc. sur les ordinateurs.

[45] Elle a dit qu’elle travaillait au bureau de la ligne d’écoute qui était situé à l’hôpital de Rivière-du-Loup. Il arrivait aussi qu’elle travaillait chez elle en transférant la ligne d’écoute à cet endroit. De janvier à mars 1993, elle ne pouvait pas dire combien de temps elle aurait travaillé au bureau ou à la maison.

[46] Elle a admis avoir donné sa déclaration à l’enquêteur de la Commission (pièce I-1), qu’elle a adoptée dans son ensemble.

[47] Elle a admis dans cette déclaration avoir fait du bénévolat. Tout comme dans le cas de Michel Beaulieu antérieurement, il est difficile de reprocher à une personne de faire du bénévolat pour une fondation à but non lucratif qui a aidé cette même personne à s’intégrer au milieu du travail.

[48] Cette personne m’a paru honnête et a répondu au meilleur de ses connaissances et capacités aux questions posées. Sa crédibilité n’a pas été mise en doute. Il est vrai que l’appelante n’apparaît pas au livre des salaires. Jean-Guy Roy a témoigné à l’effet qu’il a payé directement l’appelante et qu’il a considéré ce paiement comme étant une donation à la fondation qu’il dirigeait. Il est peu commun de payer un salaire à un employé de cette façon. Cependant, je ne crois pas que l’on peut reprocher à cette employée en particulier, la façon de payer du payeur. Ce n’est pas l’employé qui a la responsabilité de la tenue des livres et je n’ai pas décelé de connivences entre l’appelante et le payeur.

Conclusion finale

[49] Il s’agit de deux appelants qui n’ont pas par le passé eu beaucoup de succès sur le marché du travail.

[50] Le payeur sans doute accomplit du mieux qu’il le peut sa mission.

[51] Les appelants semblent avoir réussi à s’intégrer au milieu du travail. L’existence des programmes du Centre local d’emploi, à la longue, a pu certainement aider les appelants.

[52] Je n’ai pas senti, au cours des audiences, qu’il y avait un arrangement entre les parties dont l’unique but était de permettre aux appelants de bénéficier de prestations d’assurance-chômage/emploi.

[53] Les autres arguments des appelants au sujet de la chose jugée, l’arrêt Kineapple et l’abus de procédures n’ont pas été retenus par cette Cour.

[54] Cette décision ne s’applique qu’aux appelants pour les seules périodes en litige et ne doit pas être utilisée pour d’autres périodes d’emploi des appelants ou d’autres personnes engagées par le payeur, l’intimé conservant son droit de faire enquête sur toutes périodes d’emploi qu’il conteste.

V- Décision

[55] Les appels sont admis et les décisions rendues par le Ministre sont annulées.

Signé à Dorval (Québec), ce 29e jour d'octobre 1999.

“ S. Cuddihy ”

J.S.C.C.I.



[1]                [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.)

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