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Date: 19991028

Dossier: 98-2588-GST-I

ENTRE :

MEADOW LAKE SWIMMING POOL COMMITTEE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] L'appelante a interjeté appel d'une cotisation de taxe sur les produits et services (TPS), avec pénalité et intérêt, que le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) avait établie le 6 novembre 1997 pour le motif que, au cours de la période du 1er août 1994 au 31 décembre 1996, l'appelante — une société sans but lucratif — avait reçu une contrepartie de la ville de Meadow Lake (Ville) pour exploiter une piscine intérieure appartenant à la municipalité et, par conséquent, avait effectué une fourniture taxable sans remettre la TPS s'y rapportant. La Meadow Lake Swimming Pool Committee Inc. (“ comité ”) s'est opposée à la cotisation et, le 29 juin 1998, un avis de décision ratifiant la cotisation initiale a été délivré. Le document complet est reproduit ci-après :

[TRADUCTION]

COURRIER RECOMMANDÉ

Meadow Lake Swimming Pool Committee Inc.

C.P. 310

Meadow Lake (Saskatchewan)

S0M 1V0

Services fiscaux de Saskatoon

Division des appels

340 - 3e Avenue Nord

Saskatoon (Saskatchewan)

S7K 0A8

AVIS DE DÉCISION

Le présent avis se rapporte à la cotisation de taxe sur les produits et services no 2727 datée du 6 novembre 1997.

Après avoir soigneusement réexaminé la cotisation en tenant compte des renseignements et des motifs exposés dans votre avis d'opposition, le ministre du Revenu national rend la décision suivante :

Votre opposition est rejetée et la cotisation est ratifiée.

Vous soutenez essentiellement que les “ subventions de fonctionnement ” versées par la ville de Meadow Lake sont des subventions faites dans l'intérêt public et ne constituent pas la contrepartie d'une fourniture. Vous faites valoir également que les “ subventions de fonctionnement ” reçues de la ville de Meadow Lake sont des subventions visant à éponger le déficit d'exploitation du Meadow Lake Aquatic Center et qu'elles ne constituent pas une rémunération ni la contrepartie de la fourniture de services. Vous indiquez que le règlement no 12/94 de la ville de Meadow Lake a été pris conformément à l'alinéa 150 d) de la Urban Municipalities Act et non pas aux fins du service consistant à construire et à exploiter le Meadow Lake Aquatic Center.

Compte tenu de la preuve examinée, il existe un lien direct entre les paiements que vous avez reçus de la ville de Meadow Lake et la fourniture ou les fournitures que vous effectuées en faveur de la ville de Meadow Lake. Dans le règlement no 12/94 de la ville de Meadow Lake, le service à fournir est clairement exposé dans la partie 5, aux paragraphes 8 à 12. En conséquence, les subventions de fonctionnement que vous recevez de la ville de Meadow Lake sont la contrepartie d'une fourniture. L'alinéa 150 d) de la Urban Municipalities Act permet au conseil d'établir, de maintenir et d'exploiter [...] des installations récréatives ou d'en réglementer l'utilisation [...] ou de louer des biens-fonds ou des immeubles [...] à toute association organisée dans le but de promouvoir les sports, la culture ou les loisirs. L'alinéa 150 d) permet à la ville de Meadow Lake d'adopter le règlement no 12/94.

L'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise ne contient aucune disposition définissant la réalisation d'une fourniture exonérée; par conséquent, la taxe s'appliquera à l'opération. L'article 6 de la partie VI de l'annexe V de la Loi sur la taxe d'accise a été examiné, de même que les états financiers que vous avez joints à votre lettre du 28 avril 1998, et ils ont été jugés sans pertinence dans la présente affaire. Après imputation des dépenses admissibles aux différentes recettes, les frais directs du service fourni à la ville de Meadow Lake sont beaucoup moins élevés que les subventions reçues.

Par conséquent, aucune nouvelle cotisation ne sera établie.

[2] L'avocat de l'appelante a fait une déclaration préliminaire dans le but de clarifier les questions en litige dont la Cour est saisie, l'avis d'appel ayant été rédigé par d'autres procureurs et certaines des questions formulées n'étant plus considérées comme des questions valables dans l'appel en l'instance. L'avocat a indiqué que les hypothèses de fait suivantes, faites par le ministre et énoncées aux alinéas 5 b) à h ) inclusivement de la réponse à l'avis d'appel, étaient admises :

[TRADUCTION]

l'appelante est un organisme sans but lucratif;

l'appelante n'est pas une oeuvre de bienfaisance aux fins de la Loi;

l'appelante est inscrite aux fins de la Loi depuis le 2 septembre 1994 et son numéro d'inscrit aux fins de la TPS est le 139147953;

l'appelante a produit des déclarations mensuelles dans lesquelles elle a déclaré la taxe percevable, les crédits de taxe sur les intrants et la taxe nette, tel qu'il est indiqué à l'annexe A [...];

la Ville était propriétaire de la parcelle de terrain sur laquelle l'établissement a été construit;

la Ville était propriétaire de l'établissement une fois les travaux de construction achevés;

la Ville a remboursé à l'appelante tous les frais engagés dans le cadre des travaux de construction de l'établissement;

[3] L'avocat de l'appelante a indiqué que, dans l'appel en l'instance, il fallait à son avis déterminer d'une part si l'appelante avait fourni un service consistant à exploiter et à entretenir la piscine intérieure, appelée l'établissement, et à en réglementer l'utilisation, et d'autre part si l'argent versé par la Ville au comité — sous forme de subvention de fonctionnement annuelle pour éponger le déficit — pouvait être considéré comme la contrepartie d'une fourniture de services qui serait taxée. Il fallait déterminer également si, au cours des périodes pertinentes, la Ville et le comité avaient conclu un bail — de manière explicite ou implicite — relativement à l'établissement. L'avocat a mentionné que l'appelante ne ferait pas valoir qu'elle était une société paramunicipale, ainsi qu'il est indiqué dans l'avis d'appel.

[4] L'avocate de l'intimée a indiqué que la question était de savoir si certains montants payés annuellement par la Ville à l'appelante représentaient ou non la contrepartie d'une fourniture taxable au sens des dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”).

[5] Leonard Francis a témoigné qu'il réside à Meadow Lake (Saskatchewan), où il pratique le droit depuis son admission au barreau de la Saskatchewan en 1980. Il a constitué la Meadow Lake Swimming Pool Committee Inc. en société sans but lucratif sous le régime de la Non-profit Corporations Act of Saskatchewan. Le certificat de constitution a été déposé sous la cote A-1. Me Francis, qui est administrateur de la société depuis sa constitution, était auparavant membre d'un comité de citoyens intéressés faisant activement la promotion d'un projet de piscine intérieure. Me Francis a expliqué que le comité, avant et après sa constitution en société, fonctionnait de façon générale de la même manière et jouait le même rôle que le groupe formé de citoyens ayant participé à la création, à la construction et, par la suite, à l'exploitation de la piscine, même si son existence a été officialisée le 19 janvier 1990 par sa constitution en société. À un moment donné au milieu des années 1980, la collectivité a discuté de la question des améliorations récréatives à apporter à Meadow Lake. Une société d'experts-conseils a effectué un sondage pour connaître les besoins de la collectivité en matière d'installations récréatives et le résultat de celui-ci a établi que les résidants voulaient avoir une piscine intérieure. Par la suite, une réunion publique a été tenue et un comité de bénévoles a été formé sous le nom de Meadow Lake Swimming Pool Committee pour donner suite au dossier. Un représentant de la Ville assistait à la réunion à titre d'observateur; il était évident que la Ville — à titre de municipalité — ne participerait pas à la construction de l'établissement. Il fallait donc mettre sur pied une entité distincte pour promouvoir le projet de piscine. Après constitution en société du comité, le règlement no 1 — pièce A-2 — a énoncé le mandat de la société dans les termes suivants : [TRADUCTION] “ fournir une piscine aux résidants et aux visiteurs de Meadow Lake (Saskatchewan) et des districts dans leur ensemble ”. Au paragraphe 6 du règlement, on peut lire qu'il devait y avoir une catégorie de membres, décrite dans les termes suivants : toutes les personnes de 18 ans et plus qui sont des résidants permanents de la ville de Meadow Lake (Saskatchewan) ou qui vivent dans un rayon de 50 milles de la ville de Meadow Lake sont réputés avoir demandé de devenir membre et ont le droit de devenir membre de la société. Le comité a effectué d'autres études dans le cadre desquelles on a examiné la possibilité de construire une piscine intérieure ou une piscine extérieure, ainsi que d'autres questions comme les dépenses en capital, les frais d'exploitation et des questions connexes se rapportant au projet. Le comité a conclu qu'une piscine intérieure était le seul projet réalisable; il a commencé à s'informer sur le genre de services qui pourraient être offerts dans l'établissement, et d'autres études ont été réalisées sur l'utilisation possible de l'établissement en question. On a retenu les services d'un architecte, dont la première estimation s'est élevée à 2,7 millions de dollars. La Ville était en communication constante avec le comité et lui fournissait des fonds au besoin. Un cadre de financement du projet a été élaboré sur le fondement suivant : un montant de 900 000 $ proviendrait de la collectivité, un montant égal, de la Ville, et les autres 900 000 $ proviendraient de subventions des gouvernements provincial et fédéral. Malheureusement, tous les niveaux de gouvernement avaient décidé de limiter ce genre de financement. Me Francis a expliqué que, pour ce motif, le comité “ est retourné à sa planche à dessin ” et un projet plus modeste, dont le coût était ramené à 2 millions de dollars, a été élaboré. Le conseil municipal a déclaré que la municipalité apporterait son aide en contribuant à parts égales un montant maximal de 700 000 $, mais qu'elle ne s'occuperait pas de l'exploitation de l'établissement. Le comité a commencé à recueillir des fonds à Meadow Lake — qui comptait 5 000 habitants. Des dons — pour le projet de piscine — ont été sollicités auprès du public, la Ville étant désignée comme le bénéficiaire afin que des reçus donnant droit à des déductions aux fins de l'impôt sur le revenu puissent être remis aux donateurs. Entre 1991 et 1994, on a eu recours aux activités habituelles de financement, dont des concours de mangeurs de tartes et des ventes de pâtisseries. Certaines personnes ont fait des promesses de don à la Ville étalées sur une période de cinq ans. Par suite des activités communautaires visant à financer le projet, la somme de 800 000 $ avait été donnée ou promise à la Ville pour la piscine. La Ville avait été tenue au courant des efforts du comité et elle a informé la municipalité qu'il fallait plus d'argent pour exécuter le projet. Le conseil municipal a convenu d'attribuer des fonds supplémentaires et le comité a lancé un appel de propositions de conception et de construction à prix fixe en fonction du cahier des charges. Le site sur lequel la piscine devait être construite appartenait à la Ville, et il était clair que tout immeuble construit sur ce bien-fonds deviendrait la propriété de la municipalité de Meadow Lake. Le comité a demandé à la Ville la somme de 1 million de dollars afin de rassembler une bonne partie du montant supplémentaire de 1,8 millions de dollars nécessaire à l'achèvement des travaux de construction. Le 1er juillet 1994, Dominion Construction Ltd. a commencé les travaux et un compte spécial a été ouvert dans une institution financière de Meadow Lake; le pouvoir de signature a été structuré de façon à inclure un représentant de la Ville ainsi que des administrateurs du comité désignés nommément. Le 12 septembre 1994, le conseil de la ville de Meadow Lake a adopté un règlement — pièce A-3 — autorisant le comité, c'est-à-dire la Pool Committee Inc. — à la partie 4 — à construire la piscine intérieure sur le site appartenant à la Ville. Me Francis, qui était aussi le procureur de la Ville, a rédigé le règlement afin d'autoriser dûment le comité à s'acquitter du mandat d'exploiter la piscine. La partie 5 du règlement contenait les détails, dont l'engagement de la Ville d'octroyer au comité le montant de 80 000 $ aux fins de l'exploitation et de l'entretien de la piscine et de la réglementation de l'utilisation de celle-ci pour l'année 1995. Depuis le début, les parties intéressées savaient toutes qu'aucune piscine ne pourrait à quelque moment que ce soit s'autofinancer et que, chaque année, il y aurait un déficit d'exploitation. Le manque à gagner permanent pouvait être contrôlé ou non, et tous étaient d'avis que le comité pourrait exploiter l'établissement à moindre coût si la Ville n'incluait pas la piscine dans l'ensemble des activités municipales. Essentiellement, c'est parce qu'elle avait compris cette réalité économique que la Ville avait accepté d'avancer le montant de 1 million de dollars pour la construction initiale de l'établissement, étant entendu que sa participation serait par la suite limitée au versement des subventions de fonctionnement annuelles au comité. Me Francis a déclaré qu'aucun bail ou contrat d'exploitation n'avait été à quelque moment que ce soit rédigé ou signé, bien que l'on eût envisagé cette possibilité dans le règlement — pièce A-3 — au paragraphe 8. Le comité et la Ville souhaitaient tous deux que la société sans but lucratif devienne locataire de l'établissement en échange de l'appui de la Ville sous la forme de subventions de fonctionnement annuelles. Le comité a toujours eu la possession exclusive de l'établissement, et l'on n'a jamais envisagé qu'il paie un loyer à la Ville puisque cela aurait pour seul effet d'accroître le déficit d'exploitation et obligerait en conséquence la Ville à débourser plus d'argent pour compenser le manque à gagner. Me Francis a déclaré qu'il n'avait jamais été dans l'intention de la Ville d'exploiter la piscine. Des notes manuscrites — pièce A-4 — datées du 25 octobre 1995, prises lors de la préparation du rapport du président au comité, portaient sur une variété de sujets, dont la nécessité pour la Ville de verser constamment des subventions pour éponger les déficits d'exploitation. La structure du comité et des différents comités s'occupant de l'exploitation de l'établissement, appelé le Meadow Lake Aquatic Centre, qui avait ouvert ses portes au mois d'avril 1995, y était annexée. Le nombre d'administrateurs siégeant au conseil du comité variait de 10 à 20 et, en 1994 et 1995, la Ville a insisté pour que l'un des conseillers soit nommé administrateur. L'exercice de la Ville était basé sur l'année civile et le comité a choisi le même exercice. Chaque année, le comité dressait des états financiers pour l'exercice et préparait pour l'exercice suivant un budget sur lequel était fondée la demande de subvention de fonctionnement. Le budget de la Ville était dressé au mois d'avril, et le comité ne recevait pas toujours le montant total demandé. Il comptait sur d'autres sources de revenus, dont les frais d'utilisation de la piscine par le public, les frais d'inscription aux cours de natation offerts, les fonds recueillis dans le cadre des activités de financement et les subventions versées par d'autres organismes et groupes communautaires. Les états financiers et documents connexes pour l'exercice clos le 31 décembre 1995 — pièce A-5 — incluent — à l'annexe F — un état des résultats. Le revenu total — y compris une subvention de 74 000 $ de la Ville — s'élèvent à 226 827 $ et les dépenses, à 226 981 $. Les états financiers des exercices clos le 31 décembre 1996 et le 31 décembre 1997 ont été déposés sous les cotes A-6 et A-7 respectivement. Me Francis a expliqué que, parce que plusieurs promesses de don pour le projet de la piscine avaient été étalées sur une période de cinq ans, il avait fallu que le comité obtienne un emprunt bancaire dans l'intervalle et qu'il offre en garantie ces promesses de don. À mesure que les dons en question étaient reçus, les montants étaient remis directement à la banque pour réduire le montant de l'emprunt. À l'automne 1997, l'établissement avait un découvert de plus de 20 000 $; les administrateurs du comité se sont présentés devant le conseil municipal pour demander des fonds afin de rembourser ce montant. En même temps, un plan a été présenté au conseil en vue de convaincre les conseillers que la situation ne se reproduirait pas au prochain exercice, et la Ville a accédé à la demande, mais elle a réduit — proportionnellement — la subvention de fonctionnement à un maximum de 105 000 $. Un extrait du procès-verbal de la réunion du conseil a été déposé sous la cote A-8. Les états financiers du comité pour 1998 ont été déposés sous la cote A-9. Les dépenses en capital étaient prévues dans le budget global de la société, et les activités de financement se sont poursuivies en vue d'ajouter une glissade d'eau à la piscine conformément au plan initial, dans lequel cet élément avait été pris en compte. Me Francis a indiqué que l'utilisation de l'établissement par le comité se faisait toujours “ selon le bon vouloir du conseil ”. La Ville était propriétaire du bien-fonds et de l'immeuble et versait des subventions à la société sans but lucratif pour éponger les déficits d'exploitation. Il a reconnu avoir rédigé l'avis d'opposition, inclus dans la pièce A-10, pour le compte de l'appelante. Le comité a engagé Shelley MacNeill à titre de directrice du centre aquatique. Elle était chargée de la gestion générale de l'établissement, notamment de tous les aspects de l'administration des recettes et des dépenses et du respect des dispositions de la Loi relatives à la TPS. La seule opposition à la cotisation établie par le ministre se rapportait aux montants d'argent reçus de la Ville sous la forme de subventions de fonctionnement car toute autre TPS perçue sur les frais d'admission ou sur la vente de produits ou de services à l'intérieur de l'établissement avait été remise.

[6] En contre-interrogatoire, Leonard Francis a déclaré que le premier comité de la piscine avait été formé pour donner suite à la demande de la collectivité d'étudier la possibilité de construire une piscine et, une fois la construction achevée, de l'exploiter. La Ville ne devait soutenir le projet que s'il était mené par le comité et, subséquemment, par la société qui lui succéderait. D'après Me Francis, la Ville n'a jamais été disposée à “ donner carte blanche ” pour exploiter la piscine, et elle ne voulait pas inclure l'établissement dans ses travaux municipaux courants. La société sans but lucratif était une personne morale distincte, les subventions de fonctionnement étaient versées annuellement par la Ville, et tout nouveau conseil aurait pu refuser de lui accorder du financement. Se reportant à la pièce A-3 — le règlement relatif à la construction, à l'exploitation et à l'entretien de la piscine — au paragraphe 8, Me Francis a réitéré qu'aucun bail ni aucun contrat d'exploitation n'avait à quelque moment que ce soit existé. Par ailleurs, Me Francis a reconnu une lettre — pièce R-1 — datée du 28 avril 1998 qu'il a écrite à un représentant de Revenu Canada et dans laquelle il a affirmé que la Ville et le comité n'avaient jamais conclu de contrat de location et d'exploitation. Me Francis a convenu que le paragraphe 9 du règlement en question était libellé dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

La Ville verse au comité le montant maximal de QUATRE-VINGT MILLE (80 000 $) DOLLARS aux fins de l'exploitation et de l'entretien de la piscine et de la réglementation des activités de cette dernière pour l'année 1995, lequel montant est réparti proportionnellement sur la période au cours de laquelle la piscine est ouverte pendant l'année en question.

[7] Conformément au paragraphe 11, le comité devait conserver les excédents budgétaires aux fins des dépenses en capital. Me Francis a été prié de se reporter à une lettre datée du 14 mai 1997 — partie de la pièce A-10 — que Ron Litzenberger, Services d'interprétation technique, Revenu Canada, a envoyée à Mme MacNeill, directrice du centre aquatique, et dans laquelle on peut lire que Revenu Canada considérait que les subventions de fonctionnement versées par la Ville avaient un lien direct avec la fourniture des services consistant à exploiter et à entretenir la piscine appartenant à la Ville et à en réglementer l'utilisation, que ces paiements étaient une fourniture taxable conformément aux dispositions de la Loi sur la taxe d'accise et qu'ils n'étaient par ailleurs pas exonérés. La cotisation qui est l'objet de l'appel en l'instance est datée du 6 novembre 1997. Me Francis a déclaré que, en sa qualité de directrice du centre aquatique, Mme MacNeill avait commencé à surveiller l'exploitation de la piscine le 1er février 1995 en vue de l'ouverture officielle de l'établissement le 1er avril 1995. Elle ne s'était occupée d'aucun des différents aspects de la construction du projet. Me Francis a déclaré que les administrateurs du comité se réunissaient une fois par mois, sauf s'il était nécessaire de se réunir plus souvent. Puisque la société sans but lucratif avait des recettes de plus de 100 000 $ par année, elle était tenue de dresser les états financiers nécessaires et de se soumettre à une vérification qui, quoi qu'il en soit, était une condition préalable au maintien du financement par la Ville. Le comité a déposé des rapports annuels conformément à la loi provinciale. Dans les états financiers — pièces A-5, A-7 et A-9 — la piscine était inscrite comme un élément d'actif du comité, bien que l'immeuble l'abritant se trouvât sur un bien appartenant à la Ville et qu'il fût par conséquent la propriété de la municipalité. Me Francis a déclaré que l'utilisation de cette méthode comptable particulière tenait peut-être au fait que c'est le comité qui avait conclu le contrat de construction avec le constructeur et qui avait tenu le compte bancaire pour payer l'entrepreneur par prélèvements selon l'avancement des travaux. Quoi qu'il en soit, si la société sans but lucratif était liquidée, les quelques éléments d'actif qui lui resteraient seraient cédés à la Ville conformément à la loi provinciale.

[8] En réinterrogatoire, Me Francis a déclaré qu'il s'occupait d'une variété d'opérations commerciales dans le cadre de sa pratique du droit et qu'il préparait nombre de documents, dont des “ contrats de location et d'exploitation ” qui, à son avis, doivent se rapporter à un document ou un type de document précis; c'est dans ce même contexte qu'il a déclaré dans sa lettre à Revenu Canada que le comité et la Ville n'avaient jamais signé de document comme tel. La lettre avait été envoyée en réponse à une lettre de Revenu Canada — pièce A-12 — datée du 1er avril 1998 demandant, entre autres choses, une copie de tout contrat de location et d'exploitation mentionné dans le règlement municipal.

[9] Frank Fechter a témoigné qu'il est concessionnaire automobile, qu'il vit à Meadow Lake et qu'il a été conseiller municipal pendant 14 ans. Il se rappelle que certains citoyens avaient commencé à demander le soutien de la Ville pour étudier la faisabilité d'un projet de construction d'une piscine. Le conseil savait que le groupe de bénévoles n'avait pas d'argent et la Ville lui a fourni des fonds pour que des études et des recherches préliminaires soient effectuées. Le groupe de bénévoles intéressés a présenté au conseil une proposition que les conseillers ont jugé “ trop onéreuse ”. Le comité a ensuite présenté une proposition plus modeste, et le conseil a indiqué que la Ville était disposée à contribuer approximativement 750 000 $ aux fins de la construction de l'établissement. Ce montant a subséquemment été porté à 1 million de dollars. La Ville n'avait pas beaucoup d'employés, les conseillers étaient à temps partiel et elle comptait beaucoup sur les groupes d'aide bénévoles et communautaires. La Ville a toujours été propriétaire de l'établissement, mais elle n'en a jamais pris possession, si ce n'est de façon indirecte. Le comité exploitait la piscine et la Ville en finançait l'exploitation en versant un montant correspondant au déficit annuel. Suivant la pratique, chaque année, le conseil examinait les états financiers du comité ainsi que le budget proposé pour les activités de l'exercice à venir. À l'occasion, le conseil réduisait le montant du financement accordé par la Ville car celle-ci recevait des demandes de nombreux groupes récréatifs et il n'y avait qu'un certain montant d'argent à distribuer. En ce qui concerne la piscine, au fil des ans, une majorité de conseillers a approuvé le paiement de subventions de fonctionnement au comité. La Ville n'a jamais songé à confier l'exploitation de la piscine à une autre personne ou entité, bien qu'elle ait rejeté une demande du comité qui voulait exploiter un centre de conditionnement à l'intérieur de l'immeuble abritant la piscine, pour le motif qu'il ferait concurrence à une entreprise qui existait déjà à Meadow Lake et qui appartenait à un contribuable.

[10] Rhonda Burfitt a témoigné qu'elle est vérificatrice à Revenu Canada et qu'elle était agente des appels, TPS, lorsque l'avis d'opposition a été déposé relativement à la cotisation en cause en l'instance. Elle travaillait alors à la section de la TPS depuis 1991; elle a ensuite été mutée à la division des appels, où elle a travaillé jusqu'au 1er juin 1998. Elle a travaillé aussi comme rédactrice technique à Ottawa. Mme Burfitt a témoigné qu'elle avait examiné l'avis d'opposition et qu'elle était d'avis qu'on n'avait fourni aucun renseignement supplémentaire qu'elle n'aurait pu obtenir dans le dossier de vérification. Elle a fouillé la question, fourni au procureur de l'appelante les documents qu'elle estimait pertinents, et a décidé de ratifier la cotisation. Elle a mentionné le Bulletin d'information technique B-046 daté du 22 février 1991 — pièce R-3 — qui donne une définition élargie de municipalité, ce qui permet à une entité d'être reconnue comme société paramunicipale et par conséquent d'être exonérée de TPS à l'égard des montants d'argent reçus d'une ville. Elle a examiné également le Bulletin d'information technique B-067 daté du 24 août 1992 — pièce R-4 — pour déterminer si, à son avis, une fourniture avait été effectuée en retour d'un paiement de transfert et, le cas échéant, si elle devait par conséquent être considérée comme une contrepartie. À son avis, il existait un lien direct entre la fourniture des services de gestion, d'entretien et d'exploitation de la piscine et la réception de subventions de fonctionnement de la Ville. Elle a examiné un calendrier des paiements faits par la Ville au comité — pièce R-5 — et a remarqué que plusieurs paiements mensuels s'élevaient à 10 000 $, alors que, certains mois, aucun montant n'était versé et que, à d'autres moments, le versement mensuel atteignait parfois 40 000 $.

[11] En contre-interrogatoire, Mme Burfitt a déclaré qu'elle n'avait rencontré aucun représentant de l'appelante et qu'elle n'avait examiné aucun aspect de l'affaire sous l'angle d'une relation propriétaire-locataire entre la Ville et l'appelante.

[12] L'avocat de l'appelante a fait valoir que, si la preuve établit que le comité était locataire de l'établissement, l'appel doit être tranché en faveur de sa cliente car, dans un tel cas, les services se rapportant à l'exploitation de la piscine auraient été fournis par l'appelante à l'appelante et non à la Ville. Cette relation, soutient l'avocat, peut être créée par contrat explicite ou implicite aux termes duquel une personne détenant une participation dans un bien immobilier — le propriétaire — confère à une autre personne — le locataire — un droit de possession exclusive du bien immobilier ou d'une partie de celui-ci pour un terme précis, généralement en contrepartie du paiement d'un loyer, soit en argent, soit sous une forme équivalente. Selon l'avocat, la preuve révèle que la Ville a loué l'établissement à l'appelante année après année, et qu'un règlement de la Ville reprenait spécifiquement les modalités d'un contrat de location et d'exploitation. Dans un tel cas, même si aucun contrat écrit à cet effet n'a été signé, on peut établir l'existence d'un contrat de location implicite sur la foi de la preuve selon laquelle l'appelante pouvait être en possession de l'immeuble abritant la piscine sans contrepartie et pouvait mener toutes les activités opérationnelles à son compte. Subsidiairement, l'avocat a fait valoir que, même si je ne pouvais pas conclure qu'il existait un bail entre la Ville et l'appelante, la question est de savoir si le montant payé au comité sous forme de subventions de fonctionnement était en fait la “ contrepartie d'une fourniture ”. Dans l'affirmative, les montants payés sont clairement assujettis à la TPS, mais le paiement d'une subvention par une municipalité à un organisme sans but lucratif peut, ou non, être considéré comme la contrepartie d'une fourniture, selon les circonstances entourant les paiements. La Ville a effectué les paiements en faveur de l'appelante à une fin publique et ces paiements profitaient à la collectivité; le financement continu de l'établissement par la Ville indiquait que les paiements ne constituaient pas la contrepartie d'une fourniture. Enfin, l'avocat a soutenu que les pénalités imposées par le ministre conformément à l'article 280 de la Loi devaient être annulées parce que l'appelante avait exercé une diligence raisonnable et avait par ailleurs respecté la Loi relativement à toutes les autres sources de revenus, à l'exception des fonds reçus de la Ville.

[13] L'avocate de l'intimée a répondu en premier lieu à la question des pénalités et a fait valoir que l'appelante était une entité bien informée et bien organisée, qu'elle avait accès à des ressources juridiques et comptables et que, dans le doute, elle aurait pu faire les recherches nécessaires sur la question ou obtenir une décision de Revenu Canada. Quant à savoir si les services fournis par l'appelante constituaient une fourniture taxable, il était évident que l'établissement abritant la piscine était un établissement qui, normalement, aurait dû appartenir à une municipalité qui aurait dû l'exploiter. L'appelante n'était pas visée par les dispositions de la Loi relatives aux fournitures exemptes (partie VI de l'annexe V), ni n'était-elle une société paramunicipale. Compte tenu de la preuve, l'avocate est d'avis qu'il a été clairement établi que l'objectif précis de l'appelante avait été de construire et ensuite d'exploiter une piscine, et qu'elle était assujettie au contrôle financier de la Ville, en ce sens que cette dernière lui remettait des subventions visant à éponger le déficit annuel inévitable. En outre, l'avocate a-t-elle fait valoir, il n'existait aucun bail — dans les faits ou en droit — car il n'y avait aucun terme, il n'existait aucune connexité d'intérêts du fait d'un domaine, et l'appelante n'avait pas le droit de prendre des mesures pour rester en possession du bien, ni d'en prendre à l'encontre de quiconque relativement à ce bien. Un survol de la preuve a révélé que la Ville et l'appelante avaient constamment agi avec prudence et méthode lorsqu'elles avaient traité entre elles et qu'il n'était simplement pas raisonnable de conclure qu'elles avaient eu l'intention d'avoir une relation propriétaire-locataire. L'avocate a conclu en attirant l'attention sur la preuve qui montre qu'il y avait eu échange d'argent en contrepartie d'une fourniture, par l'appelante, qui avait profité à la Ville d'une manière précise.

[14] La première question à trancher est celle de savoir si la preuve a permis d'établir que l'appelante et la Ville avaient une relation propriétaire-locataire par suite de la conclusion d'un bail se rapportant à l'établissement abritant la piscine. La réponse est non. Voici pourquoi. Premièrement, il n'y a rien de concret qui puisse mener à la conclusion que l'appelante ou la Ville avaient l'intention de conclure un bail relativement à l'établissement. Bien que l'expression “ contrat de location et d'exploitation ” soit mentionnée au paragraphe 8 du règlement daté du 12 septembre 1994, il faut examiner ce paragraphe et le paragraphe suivant pour déterminer l'intention de la Ville. Les paragraphes 8 et 9 du règlement en question sont reproduits :

[TRADUCTION]

Le comité est engagé pour exploiter et entretenir la piscine et en réglementer l'utilisation chaque année en vertu des modalités d'un contrat de location et d'exploitation.

La Ville verse au comité le montant maximal de QUATRE-VINGT MILLE (80 000 $) DOLLARS aux fins de l'exploitation et de l'entretien de la piscine et de la réglementation des activités de cette dernière pour l'année 1995, lequel montant est réparti proportionnellement sur la période au cours de laquelle la piscine est ouverte pendant l'année en question.

[15] Il est évident que la Ville engageait l'appelante — une société sans but lucratif — pour exploiter la piscine, qui appartenait à la Ville. Celle-ci ne touchait aucun loyer en retour de l'utilisation ou de la possession exclusives de l'établissement par l'appelante. Au contraire, il était clair que la Ville allait verser chaque année à l'appelante un montant d'argent étant donné qu'elle était censée approuver la demande de financement contenue dans le budget de fonctionnement qui devait être présenté au conseil pour approbation. Leonard Francis a été membre fondateur du premier groupe de résidants de Meadow Lake désireux de faire construire une piscine, et il a ensuite été en tout temps administrateur de la société qui a mené les activités de financement, surveillé la construction comme telle, puis assumé la responsabilité de l'exploitation de l'établissement. En outre, il était le procureur de la Ville et il a rédigé les règlements se rapportant à l'exploitation de la piscine. À chaque étape du processus — dès la première assemblée publique, à laquelle un représentant de la Ville a assisté — la Ville a choisi de ne pas se mêler du processus de construction et, ensuite, de se distancier de l'exploitation quotidienne de la piscine même si elle en était propriétaire, la piscine étant située sur un bien-fonds municipal. Cependant, la Ville était constamment en contact avec le comité, et il était toujours parfaitement évident que la Ville allait devoir éponger les déficits d'exploitation annuels en versant chaque année des montants d'argent appelés subventions. Il est inconcevable que, tout au long du processus mené de manière soignée, délibérée — mais très innovatrice et souvent ingénieuse — et méthodique et ayant commencé avec la conception du projet, s'étant poursuivi avec l'élaboration des plans, puis la construction de l'établissement et enfin l'exploitation de celui-ci (et au cours duquel on a employé une variété de moyens de financement), les parties aient, d'une façon ou d'une autre, oublié de rédiger et de signer un contrat de location pour officialiser leur intention à l'égard de l'établissement. La Ville ne voulait pas — et peut-être ne pouvait-elle pas conclure — un bail oral concernant l'établissement; en outre, l'utilisation — dans le règlement — d'une conjonction dans l'expression “ contrat de location et d'exploitation ” se rapporte de toute évidence à la réalisation de l'objet déclaré du règlement, qui est de “ prévoir la construction, l'exploitation, l'entretien et la réglementation des activités ” d'une piscine intérieure, et non de louer l'établissement à l'appelante dans le sens où ce terme est ordinairement utilisé en affaires. Deuxièmement, l'appelante n'a pas agi comme si elle était une locataire ayant la possession exclusive de l'établissement pour un terme déterminé lorsqu'elle a demandé à la Ville la permission d'y créer un centre de conditionnement en vue de générer d'autres revenus. La Ville a refusé pour le motif qu'elle ne voulait pas être considérée comme une concurrente d'une entreprise locale offrant le même service. Me Francis a mentionné que l'appelante exploitait et gérait l'établissement “ selon le bon vouloir du conseil ”. L'appelante n'avait sur l'établissement aucun droit de possession autre que celui qui était énoncé au paragraphe 8 du règlement, c'est-à-dire celui de continuer à exploiter et à entretenir la piscine et à en réglementer l'utilisation comme elle s'y était engagée. Le recours par la Ville aux services de l'appelante à cette fin spécifique n'est pas différent de l'embauche, de l'emploi ou de l'utilisation d'une autre personne pour exécuter les mêmes fonctions. Dès que la Ville cesserait de verser des subventions de fonctionnement, l'appelante n'aurait plus le droit de rester en possession de l'établissement.

[16] Se pose ensuite la question de savoir si, en gérant la piscine dans les circonstances révélées par la preuve, l'appelante se trouve à avoir effectué une fourniture taxable. Les dispositions pertinentes de la Loi sont notamment les suivantes :

123(1) “ fourniture ” [...] livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

123(1) “ contrepartie ” Est assimilé à une contrepartie tout montant qui, par effet de la loi, est payable pour une fourniture.

123(1) “ activité commerciale ” Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

[...]

165(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 7 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

[17] Dans l'affaire Hidden Valley Golf Resort Assn. v. Canada [1998] G.S.T.C. 95, le juge Margeson, de la Cour canadienne de l'impôt, s'est demandé si certains des paiements effectués en faveur de l'appelante se rapportaient à des loyers ou constituaient la contrepartie de services. Il fallait donc déterminer la véritable nature ou le véritable caractère de ces paiements. Aux pages 12 et 13, le juge Margeson a dit ceci :

La Cour formulera pour commencer des conclusions générales quant aux dispositions de la Loi concernant la TPS.

En vertu du paragraphe 165(1) de la Loi, toute opération est assujettie à de la TPS, à moins d'être exonérée de quelque manière. Tout acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer de la TPS. Une “ fourniture taxable ” est définie à l'article 123 comme étant une fourniture “effectuée dans le cadre d'une activité commerciale ”, mais cela n'inclut pas une fourniture exonérée.

Une “ activité commerciale ” est également définie à l'article 123, et cela inclut pratiquement tout type d'activité, qu'il s'agisse ou non d'activités exercées avec une attente de profit. (Voir l'affaire Parkland Crane Service Ltd. v. The Queen, précitée.) En outre, le terme “ fourniture ” est défini à l'article 123 comme incluant la “ livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation ”.

La Cour est convaincue que, si l'opération en cause est assujettie à de la TPS en vertu de ces dispositions, on ne peut établir un contrat soustrayant l'opération à la taxe prévue, quelle que soit la nature du contrat conclu et quelles qu'en soient les dispositions.

Il faut toujours déterminer la véritable nature ou le véritable caractère du paiement. Le terme employé par les parties pour désigner le paiement, que ce soit le terme “ loyer ” ou un autre, n'a pas d'importance. (Voir l'affaire Entre Computer Centers Inc. v. R., précitée.)

La véritable nature du paiement en question n'est pas nécessairement déterminée par la manière dont le paiement est effectué, par la période de temps sur laquelle il est effectué, par le mode de calcul du paiement ou par le fait qu'il soit ou non payé d'avance, périodiquement ou en une somme forfaitaire. Toutefois, tous ces facteurs peuvent aider la Cour à déterminer la véritable nature du paiement, bien qu'aucun d'eux ne soit nécessairement concluant.

[18] L'affaire Westcan Malting Ltd. v. Canada [1998] G.S.T.C. 34, portait sur l'appel de la contribuable, qui voulait construire une malterie pour approvisionner l'industrie de fabrication de la bière. À cette fin, elle avait besoin d'un approvisionnement en eau important et d'un système d'évacuation des effluents; la société s'est donc entendue avec le village d'Alix pour construire le système conformément à une convention en vertu de laquelle la municipalité devait obtenir des subventions des gouvernements fédéral et provincial et les verser à Westcan aux fins de la construction du système. Le village devait être propriétaire du système, mais il était entendu qu'il le céderait à Westcan pour la somme de 1 $ s'il cessait de l'exploiter, et Westcan aurait le droit d'obtenir les services d'adduction des eaux et d'évacuation des effluents au prix coûtant. Revenu Canada a établi à l'égard de Westcan une cotisation pour avoir omis de percevoir la TPS sur la vente du système au village. L'un des motifs sur le fondement duquel Westcan a interjeté appel est qu'elle n'avait pas effectué la fourniture du système ou que la contrepartie était nulle car les montants d'argent payés étaient des subventions reçues des gouvernements provincial et fédéral. Aux pages 15 et suivantes de son jugement, le juge Teskey, de la Cour canadienne de l'impôt, a dit ceci :

Le coeur de la question tient à la propriété de l'infrastructure. Lorsque la convention est considérée dans son ensemble, on ne peut que conclure qu'Alix est propriétaire de l'infrastructure. Les obligations en matière d'assurance prévues au paragraphe 7.4 de la convention représentent un indicateur de propriété. On ne peut dire qu'Alix détient le titre en fiducie pour l'appelante ou qu'elle agissait comme mandataire de l'appelante. Les subventions ont été accordées par les deux niveaux de gouvernement aux termes de conventions écrites conclues avec Alix, le principal but étant la construction d'une infrastructure municipale, laquelle permettrait de satisfaire aux besoins de l'appelante.

L'appelante avait besoin de l'infrastructure. Si elle l'avait construite à ses frais, elle aurait en définitive investi 3 200 000 $ et aurait pu utiliser l'infrastructure à ses frais. D'après la convention, elle peut utiliser l'infrastructure moyennant des frais, et le coût en capital pris en charge par elle a été ramené de 3 200 000 $ à seulement 100 000 $ (chiffres qui sont tous arrondis). L'avantage évident pour l'appelante tenait au fait qu'elle n'avait pas à investir 3 100 000 $ pour pouvoir utiliser l'infrastructure moyennant des frais. Initialement, l'appelante voulait qu'Alix prenne en charge tous les frais d'amélioration de son infrastructure. Alix n'avait pas jugé cela acceptable. La convention finale effective était la deuxième solution la meilleure pour l'appelante.

Le mot “ fourniture ” est défini comme suit dans la Loi :

“ fourniture ” Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

Cette définition est une définition globale ayant une vaste portée. Elle vise notamment une “ aliénation ” ou disposition, soit des termes qui ne sont pas définis dans la Loi.

Mon collègue le juge Bonner, de la C.C.I., déclarait dans l'affaire Plant National Ltd. v. M.N.R., 89 DTC 401, aux pages 402 et 403 :

D'après la définition de “ disposition ” dans le Black's Law Dictionary, 5e édition, ce mot comprend [TRADUCTION] “ l'aliénation d'un bien, le fait de s'en départir ou de le céder ”. Dans le même dictionnaire, le mot “ dispose of ” (disposer de) est défini, en partie, de la façon suivante : [TRADUCTION] “ aliéner, se départir ou se débarrasser de; mettre de côté, en finir avec; échanger ”.

Il s'agit maintenant de savoir si cette fourniture peut être considérée comme une fourniture taxable. Selon la Loi, une fourniture taxable est une fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale. Aux termes de la Loi, la réalisation de fournitures d'immeubles appartenant à la personne constitue une activité commerciale. Sur la foi de la preuve, on ne peut que conclure qu'une fourniture a été effectuée. Cette fourniture était le projet d'infrastructure, soit l'immeuble pour l'application de la Loi. Je conclus que, dans l'affaire qui nous occupe, une fourniture d'un immeuble appartenant à l'appelante a été faite par l'appelante à Alix, soit une fourniture taxable.

La question suivante que la Cour doit examiner en ce qui a trait à l'application de l'article 165 de la Loi consiste à déterminer la valeur de la contrepartie de cette fourniture. Aux fins du présent appel, j'ai trouvé utile de consulter le bulletin d'information technique (“ BIT ”) B-067 en date du 24 août 1992, qui s'intitule Traitement des subventions et des contributions sous le régime de la taxe sur les produits et services, pour déterminer si les subventions peuvent être considérées comme une contrepartie. Ce BIT indique que les subventions accordées dans l'intérêt public ne sont généralement pas considérées comme la contrepartie d'une fourniture. Toutefois, lorsque la subvention accordée à une personne et une fourniture faite par cette personne au donateur des fonds ou à un ou plusieurs tiers sont directement liées, la subvention sera considérée comme la contrepartie de la fourniture. Pour déterminer s'il existe un tel lien direct, il faut, précise le BIT, tenir compte des questions suivantes :

Une fourniture est-elle effectuée relativement au paiement?

Y a-t-il un lien direct entre le paiement et la fourniture?

Quel était le but du paiement?

La fourniture avait-elle pour but de permettre au donateur de respecter son obligation de rendre compte de l'utilisation du paiement?

Sur la foi de la preuve qui m'a été présentée, j'ai déterminé que la fourniture de l'infrastructure est bel et bien effectuée relativement aux subventions versées à l'appelante. Indépendamment de la question de savoir si ces subventions des divers niveaux de gouvernement sont accordées par l'intermédiaire d'Alix ou considérées du point de vue d'Alix, il est certain que la propriété de l'infrastructure a été transmise à Alix au moment du versement final de la subvention à l'appelante. Il y a un lien direct entre le fait que l'appelante a reçu les fonds provenant des subventions et le fait qu'Alix a reçu la propriété de l'infrastructure. Ainsi, les fonds provenant des subventions que l'appelante a reçus d'Alix constituent la contrepartie reçue au titre de la fourniture de l'infrastructure.

Bien qu'il ressorte de la preuve que la propriété de l'infrastructure n'était pas une considération importante pour les parties, le fond et la forme des ententes globales conclues entre les divers niveaux de gouvernement, Alix et l'appelante indiquent qu'Alix devait être propriétaire de l'infrastructure définitive. Le but direct des subventions était de permettre à Alix d'augmenter sa capacité en ce qui a trait à l'adduction et aux égouts afin que l'appelante établisse son usine.

Une fourniture a été faite par l'appelante à Alix, et une contrepartie a été payée par Alix à l'appelante.

[19] Le Bulletin d'information technique mentionné dans l'affaire Westcan, précitée, pose la question suivante à la page 3 : Quand un paiement de transfert constitue-t-il la contrepartie d'une fourniture? On peut lire ceci :

Pour déterminer si un paiement de transfert constitue la contrepartie d'une fourniture, il faut d'abord établir si le bénéficiaire a effectué (ou effectuera) une fourniture relativement à ce paiement. Si tel est le cas, il faut ensuite déterminer s'il existe un lien direct entre le paiement de transfert et la fourniture.

Il se peut qu'un lien direct ne soit pas immédiatement apparent et qu'il soit nécessaire d'étudier les circonstances entourant chaque cas. Il faut aussi examiner, par exemple, l'accord entre les parties, la conduite des parties, les objectifs ou les énoncés de politique du donateur, les dispositions législatives, les arrêtés et les règlements applicables, ainsi que les documents de paiement, les rapports et tout autre document pertinent. [...]

Puis, à la page 4 du Bulletin, on peut lire ceci :

Il y a lien direct entre un paiement de transfert et une fourniture lorsqu'un paiement est directement lié à la fourniture, effectuée par le bénéficiaire du paiement de transfert, d'un produit ou d'un service au donateur ou à un tiers. S'il existe un lien direct, le paiement constitue la contrepartie et si la fourniture est taxable, le paiement doit être compris dans le calcul de la taxe.

[20] Dans l'appel en l'instance, la preuve a établi que l'appelante a fait exactement ce qu'elle était censée faire conformément au plan conçu par elle et la Ville au début du processus de planification en vue de la construction d'une piscine. L'appelante devait amasser des fonds, coordonner la construction de la piscine et ensuite l'exploiter, l'entretenir et en réglementer l'utilisation, étant entendu qu'elle toucherait les recettes tirées des frais d'admission et de la vente de certains produits et services et recevrait chaque année un montant sous forme de subvention de fonctionnement afin d'éponger son inévitable déficit annuel. Le comité — malgré le fait qu'il soit une société sans but lucratif créée précisément pour réaliser cet objectif — fonctionnait de la même façon que tout autre gérant ou exploitant de l'établissement en contrepartie d'un paiement d'argent. Le paiement annuel que la Ville effectuait en faveur de l'appelante à titre de budget de fonctionnement était soumis à l'examen et à l'approbation en tout ou en partie des conseillers et il était directement lié à l'exploitation de la piscine. Lorsque l'appelante s'est retrouvée en situation de découvert en 1997, elle s'est présentée — humblement — devant le conseil municipal afin d'obtenir un montant supplémentaire de 20 000 $ pour éliminer sa dette; l'argent ne lui a été remis qu'à condition que cette situation ne se reproduise plus et que le montant avancé soit déduit de la subvention de l'année suivante. La subvention annuelle était assortie d'une limite, et le montant en question était payé pour les raisons énoncées dans le règlement. La Ville ne versait pas 100 000 $ par année à l'appelante pour promouvoir les sports aquatiques comme style de vie ou pour mieux faire connaître la natation ou le water-polo à Meadow Lake. Le comité recevait l'argent chaque année conformément à un plan bien conçu et il était tenu d'utiliser les fonds aux fins seulement de l'objectif déclaré, qui était d'exploiter et d'entretenir la piscine et d'en réglementer l'utilisation. L'appelante avait engagé une personne à titre de directrice du centre aquatique pour superviser tous les aspects de l'exploitation de l'établissement. À presque tous égards, un observateur extérieur n'aurait pas pu différencier l'exploitation quotidienne de l'établissement par le comité de l'exploitation de l'établissement par une entité engagée pour fournir de tels services de gestion dans le contexte d'une activité commerciale ordinaire. La Ville était propriétaire de l'établissement et elle avait besoin d'un gérant pour superviser les activités de l'établissement parce qu'elle avait décidé, dès le début, que la piscine ne serait pas exploitée dans le cadre des activités municipales. Si le soutien financier de la Ville était constant, il reposait d'abord et avant tout sur le fait qu'il était directement lié à la fourniture des services de gestion spécifiques par l'appelante, et la relation dépendait chaque année du versement d'un montant d'argent par la Ville. Celle-ci était propriétaire de l'établissement et elle avait l'obligation de faire en sorte que les résidants de Meadow Lake aient le droit d'utiliser la piscine. À cette fin, elle pouvait exploiter la piscine dans le cadre des opérations municipales ordinaires ou conclure avec une autre personne ou entité une entente relative à la gestion de l'établissement, en contrepartie du paiement de certains montants d'argent à des conditions précises. Elle a choisi de payer le comité pour gérer la piscine au jour le jour et elle a obtenu le service qui était l'objet du paiement. Pour les motifs qui précèdent, le ministre a à juste titre établi une cotisation à l'égard de l'appelante en tenant compte du fait que les paiements reçus de la Ville constituaient la contrepartie d'une fourniture qui était taxable conformément aux dispositions de la Loi sur la taxe d'accise.

[21] La question de savoir — au cas où je conclurais que la cotisation était correcte — si l'imposition de la pénalité par le ministre conformément à l'article 280 de la Loi était justifiée s'est posée. Dans l'affaire Pillar Oilfield Projects Ltd. v. Canada, [1993] G.S.T.C. 49, le juge Bowman, de la Cour canadienne de l'impôt, a examiné la question de la pénalité en vertu de l'article 280 et il a conclu qu'elle entraîne une responsabilité stricte plutôt qu'absolue et que, pour cette raison, la défense de diligence raisonnable pouvait être invoquée, en ce sens qu'une personne devait avoir la possibilité de se disculper relativement à l'imposition de pénalités administratives par un fonctionnaire. Cependant, cette défense devait être fondée sur certains moyens et, à la page 9 du jugement, le juge Bowman a dit ceci :

Cependant, la bonne foi n'équivaut pas à la diligence raisonnable. Compte tenu des décisions de la Cour suprême auxquelles je me suis reporté, je ne considère pas l'affaire Time Date Recorder et al. ou les affaires qui y sont mentionnées comme des décisions au soutien de l'argument voulant que la diligence raisonnable, si elle est établie, ne puisse être une défense opposable à une pénalité prévue au paragraphe 280(1) de la Loi sur la taxe d'accise, ou qu'on puisse considérer une pénalité imposée en application de ce paragraphe comme étant absolue plutôt que stricte.

Le juge Bowman a ensuite dit ceci :

M. Allen a fait valoir, au nom de l'appelante, que celle-ci a prouvé qu'elle s'est acquittée de ses responsabilités avec une diligence raisonnable. D'après la preuve, cette défense ne me paraît pas avoir été établie. Comme je l'ai mentionné ci-dessus, la bonne foi dans le contexte d'erreurs commises involontairement n'équivaut pas à la diligence raisonnable. Cette défense exige la preuve positive que toutes les précautions raisonnables ont été prises pour qu'aucune erreur ne soit commise.

[22] Dans l'appel en l'instance, l'appelante avait accès à des ressources comptables et juridiques et elle avait engagé une personne à titre de directeur du centre aquatique en avril 1995 pour s'occuper de tous les aspects des activités de gestion quotidienne de la piscine, y compris toutes les questions relatives à la perception des recettes. Dans une lettre datée du 14 mai 1997 que Revenu Canada a fait parvenir à Mme MacNeill en sa qualité de directrice du centre aquatique, il était clair que le ministre estimait que les paiements reçus de la Ville étaient assujettis à la TPS. Avant cela, l'appelante s'était inscrite aux fins de la TPS, elle avait perçu et remis la TPS sur les frais d'admission et sur la vente de produits et services et elle avait produit les déclarations nécessaires dans lesquelles elle avait demandé les crédits de taxe sur les intrants admissibles. Même s'il pouvait sembler quelque peu étrange que l'appelante, en tant que société sans but lucratif tributaire des fonds versés par la Ville pour continuer à exploiter l'établissement pour celle-ci, ait eu à percevoir la TPS, ce qui l'obligeait à augmenter son déficit d'exploitation annuel du montant de la TPS et entraînait une augmentation proportionnelle de la subvention de fonctionnement, c'est là mon opinion sur l'application de la Loi. Je ne vois pas comment l'appelante, par l'intermédiaire de ses dirigeants, administrateurs et employés, aurait pu faire abstraction de l'impact potentiel du paiement que la Ville effectuait chaque année et dont le montant était important. L'entente aurait dû susciter des recherches plus approfondies pour garantir le respect de la Loi; se fier à une sorte de convention de location orale relativement à un établissement de plusieurs millions de dollars est complètement déraisonnable. Il n'est pas rare que la participation des différents niveaux de gouvernement dans des projets ou des financements imaginatifs par l'intermédiaire de sociétés ou d'agences ait des conséquences fiscales apparemment absurdes, et l'appelante aurait dû prendre le temps de déterminer ses obligations en vertu de la Loi. Compte tenu des faits dont je suis saisi, je conclus que la défense fondée sur la diligence raisonnable n'a pas été établie. Tout la démarche qui a mené à l'ouverture de la piscine à Meadow Lake est fascinante, et il faut rendre hommage à l'ingéniosité de bons citoyens comme Leonard Francis et à toutes les autres personnes qui ont fait de ce rêve une réalité. Les dispositions relatives à la TPS n'ont jamais été destinées à s'appliquer à ce genre de situation, mais toute mesure de redressement existante devra provenir du gouvernement fédéral aux termes d'une décision de principe. Ma compétence consiste à déterminer si la cotisation est valide. Elle l'est. L'appel est rejeté.

Signé à Toronto (Ontario), ce 28e jour d'octobre 1999.

“ D. W. Rowe ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 18e jour d'avril 2000.

Benoît Charron, réviseur

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