Date: 19990607
Dossiers: 97-1890-UI; 97-1922-UI
ENTRE :
HECTOR G. DIPERSIO,
KEVIN McNEIL,
appelants,
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
intimé,
et
LES CHEVALIERS DE COLOMB,
intervenant.
Motifs du jugement
Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.
[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune à Sydney (Nouvelle-Écosse) le 5 mai 1999.
I- L'appel
[2] Il s'agit d'appels de deux décisions du ministre du Revenu national (le « ministre » ) en date du 13 août 1997 selon lesquelles l'emploi de Hector G. Dipersio du 27 juin au 11 novembre 1994, du 5 août au 9 décembre 1995 et du 26 août au 13 décembre 1996, et l'emploi de Kevin McNeil du 11 juillet au 26 novembre 1994 et du 4 septembre au 25 novembre 1995, chez les Chevaliers de Colomb (le « payeur » ) étaient exclus en vertu de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage (l' « ancienne Loi » ), maintenant le paragraphe 5(3) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « nouvelle Loi » ), parce que les appelants et le payeur avaient entre eux un lien de dépendance et que les modalités de l'emploi dont ils avaient convenu faisaient de cette relation une relation avec lien de dépendance de fait.
[3] De plus, le ministre a allégué que les appelants et le payeur ont décidé d'un commun accord de falsifier la durée de l'inscription des appelants à la liste de paie du payeur afin de s'assurer que les appelants rempliraient les conditions requises pour recevoir des prestations d'assurance-chômage.
II- Les faits
[4] En rendant ses décisions, le ministre s'est fondé sur les faits et motifs énoncés dans les réponses de l'intimé aux avis d'appel. Ces faits et motifs font partie de la présente décision comme s'ils y avaient été cités dans le détail.
[5] En ce qui concerne le paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel déposée dans l'appel no 97-1890 (UI), l'appelant Hector G. Dipersio a, par l'entremise de son avocat, admis les allégations énoncées aux alinéas e) et f). Les allégations énoncées aux alinéas a), b) d) et g) à l) ont été admises sous réserve d'explications devant être données à l'audience. Les allégations énoncées aux alinéas c) et m) à p) ont été niées.
[6] Quant au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel déposée dans l'appel no 97-1922(UI), l'appelant Kevin McNeil a, par l'entremise de son avocat, admis les allégations énoncées aux alinéas e) à g). Les allégations énoncées aux alinéas a) à d), h) et i) ont été admises sous réserve d'explications devant être données à l'audience. L'appelant ignorait les allégations énoncées à l'alinéa j). Celles énoncées aux alinéas k) à n) ont été niées.
III- Le droit
[7] i) Définitions tirées de la Loi sur l'assurance-chômage
« emploi » Le fait d'employer ou l'état d'employé.
« Emploi assurable »
Le paragraphe 3(1) de la Loi sur l'assurance-chômage se lit en partie comme suit :
3(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :
a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière [...]
« Emplois exclus »
Le paragraphe 3(2) se lit en partie comme suit :
(2) Les emplois exclus sont les suivants :
[...]
c) sous réserve de l'alinéa d), tout emploi lorsque l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance, pour l'application du présent alinéa :
(i) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance étant déterminée en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu,
(ii) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées entre elles, au sens de cette loi, étant réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance [...]
[8] ii) Définitions tirées de la Loi de l'impôt sur le revenu
Lien de dépendance et personnes liées
L'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu se lit en partie comme suit :
Article 251 : Lien de dépendance.
(1) Pour l'application de la présente loi,
a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;
(b) la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.
(2) Définition de « personnes liées » Pour l'application de la présente loi, sont des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles :
a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;
b) une société et :
(i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne,
(ii) une personne qui est membre d'un groupe lié qui contrôle la société,
(iii) toute personne liée à une personne visée au sous-alinéa (i) ou (ii) [...]
[9] iii) La Loi d'interprétation, L.R.C., ch. I.-21
L'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C., ch. I.-21, stipule :
Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.
[10] IV- Le critère du lien de dépendance – La jurisprudence
Aux fins de ce jugement, je réitère ce que j'ai dit dans l'affaire Wilga Parrill et al., 95-2644 (UI) :
La jurisprudence fournit des lignes directrices sur ce qui permet de déterminer si des personnes non liées entre elles ont ou non un lien de dépendance.
Dans l'affaire Noranda Mines Limited and The Minister of National Revenue, [1987] 2 C.T.C., à la page 2093, le juge Bonner, de la Cour canadienne de l'impôt, écrivait ceci :
Le mécanisme que l'on vient de décrire, et tout particulièrement l'étape (d), est loin de caractériser une démarche que l'on pourrait qualifier d'indépendante entre plusieurs parties traitant les unes avec les autres.
La question de la présence ou de l'absence d'une relation d'indépendance de fait a été abordée à maintes reprises par les tribunaux. La Cour suprême du Canada s'est penchée pour la première fois sur cette question dans l'affaire M.N.R. v. Sheldon's Engineering Ltd., 55 DTC 1110 [[1955] C.T.C. 174]. À [...]la page 1113 [p. 180 des C.T.C.], le Juge Locke a déclaré au nom de la Cour :
[TRADUCTION]
Lorsque des sociétés sont contrôlées directement ou indirectement par la même personne, physique ou morale, elles ne sont pas présumées, en vertu de l'article, traiter en toute indépendance les unes avec les autres. Indépendamment des dispositions de cet article, oin (sic) ne peut soutenir raisonnablement, à mon avis, lorsque des biens amortissables sont vendus par un contribuable à une entreprise qu'il contrôle intégralement, directement ou par l'intermédiaire d'une autre société, le contribuable en question dictant les termes du marché en sa qualité d'actionnaire majoritaire, que lesdites parties traitent en toute indépendance les unes vis-à-vis des autres et que les dispositions du paragraphe 20(2) ne s'appliquent pas.
La décision prise par le Juge Cattanach dans l'affaire M.N.R. c. T.R. Merritt Estate, 69 DTC 5159 [[1969] C.T.C. 207], se révèle aussi d'une grande utilité. À la page 5165 [p. 217 des C.T.C.], le juge a en effet déclaré :
[TRADUCTION]
À mon avis, le principe qui soutend (sic) cette analyse veut que, lorsque la « volonté » qui a dirigé les négociations au nom de l'une des parties à un contrat est la même que celle qui a dirigé les négociations au nom de l'autre, on ne peut dire que les parties en cause ont traité en toute indépendance. En d'autres termes, lorsqu'il est établi que la même personne a « dicté » les « termes du marché » au nom des deux parties, on ne peut pas dire que les parties ont négocié en toute indépendance. [Le soulignement est de moi.]
Quelques années plus tard, l'importance de la négociation entre deux parties distinctes, chacune cherchant à protéger ses propres intérêts en toute indépendance, a été de nouveau souligné (sic) dans la décision prise par la Cour de l'échiquier dans l'affaire Swiss Bank Corporation v. M.N.R., 71 DTC 5235 [[1971] C.T.C. 427]. À la page 5241 [p. 437 des C.T.C.], le juge Thurlow (tel était son titre à l'époque) a déclaré :
[traduction]
J'ajouterai que lorsque plusieurs parties, que ce soit des personnes morales ou physiques ou encore une combinaison des deux, agissent de concert et dans le même but, pour orienter ou dicter la conduite d'un tiers, à mon avis, la « volonté dirigeante » peut être aussi bien celle de l'ensemble du groupe que de l'une quelconque de ses parties oeuvrant en fonction du bien commun. De plus, je considère qu'il n'y a pas à établir de distinction entre des personnes qui exercent un contrôle sur autrui pour leur propre compte et des personnes qui exercent un contrôle par l'intermédiaire d'un représentant. Par contre, lorsque plusieurs parties à une transaction représentent des intérêts divers, ce n'est pas parce que le but commun est de faire en sorte qu'un tiers agisse d'une certaine manière que la transaction implique automatiquement des partenaires n'agissant pas en toute indépendance les uns des autres. L'affaire Sheldon's Engineering (supra) en est à mon avis un bon exemple.
Enfin, il pourrait être utile de noter que l'existence d'une relation d'indépendance est exclue lorsque l'une des parties à la transaction en cause est en mesure de contrôler de fait les deux parties. À cet égard, il pourra être utile de se reporter à la décision prise par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Robson Leather Company Ltée. c. le M.R.N., 77 DTC 5106 [[1977] C.T.C. 132].
Cet appel porte essentiellement sur une question de fait. Il incombe à l'appelante de prouver, en fonction de la crédibilité respective des thèses en présence, que Noranda et Orchan traitaient en réalité en toute indépendance l'une vis-à-vis de l'autre. Elle n'a pas réussi à s'acquitter de ce fardeau.
Puis le juge écrivait à la page 2095 :
[...] le fait de conclure qu'une même volonté ait présidé aux agissements des deux parties à la transaction n'implique pas nécessairement que cette volonté n'agissait pas honnêtement et de bonne foi vis-à-vis de ces deux société (sic) et en tenant compte de leurs intérêts les mieux compris.
Il a été fait valoir par ailleurs au nom de l'appelante que la contrepartie fournie par Orchan correspondait à la juste valeur sur le marché de la propriété. Le critère de l'indépendance se rapporte au pouvoir d'influencer ou de contrôler son partenaire. Un prix inhabituel peut très bien indiquer l'absence d'une relation d'indépendance, mais ce n'est pas parce que le prix correspond bien à ce que l'on pouvait attendre de deux parties traitant en toute indépendance qu'il n'y a pas de lien de dépendance. [Le soulignement est de moi.]
En 1991, dans l'affaire Peter Cundill & Associates Ltd. v. Her Majesty the Queen, [1991] l C.T.C., le juge Cullen déclarait ce qui suit à la page 203 :
La question de savoir si les parties en l'espèce n'avaient aucun lien de dépendance est une question qui doit être examinée selon les propres faits particuliers de l'affaire. Pour trancher cette question, on peut tenir compte de plusieurs facteurs, tels que la propriété et le contrôle d'une société. Toutefois, le contrôle des actions (ou son absence) n'est pas nécessairement déterminant; il s'agit seulement d'un facteur à prendre en considération pour trancher la question d'absence de lien de dépendance (Robson Leather Co. c. M.R.N., [1974] 74 D.T.C. 6666 [C.T.C. 872], le juge Collier, confirmé par 77 D.T.C. 5106 [[1977] C.T.C. 132] (C.A.F.).
Dans le Bulletin d'interprétation IT-419, Revenu Canada a proposé les facteurs suivants pour trancher la question de savoir s'il y avait ou non des liens de dépendance :
a) l'existence d'une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,
b) les parties à une transaction agissent de concert et n'ont pas d'intérêts distincts, et
c) le contrôle « de facto » (réel).
Les critères énoncés dans IT-419 sont également les critères que les tribunaux ont régulièrement examinés. En l'espèce, le facteur qui va éclairer la situation consiste, semble-t-il, à déterminer la personne qui dirige ces deux sociétés. Si le « cerveau » qui agit pour une partie est le même « cerveau » qui dirige la seconde partie, alors on ne saurait réellement pas dire qu'elles traitaient à distance (Oryx Realty Corp. and Shofar Investment Corp. v. M.N.R., [1972] 72 D.T.C. 6018, [1972] C.F. 33 [[1972] C.T.C. 35], confirmé par 919740 [sic] 74 D.T.C. 6352 (C.A.F.) [[1974] 2 C.F. 44; [1974] C.T.C. 430].
Dans l'affaire Penner et al. v. The Queen; 1994 D.T.C. 6567, à la page 6590, le juge Teitelbaum, de la Cour fédérale, écrivait :
Comme le demandeur l'a soutenu, les faits en litige ne permettent pas de conclure qu'une même personne a dirigé les négociations pour les deux parties à la transaction. En outre, la transaction décrite ci-dessus est compatible avec l'objet et l'esprit des dispositions de la Loi concernant le CIRS, qui visaient à permettre aux sociétés de recherche de renoncer à leurs avantages fiscaux en faveur des investisseurs qui achetaient des titres admissibles.
Par ailleurs, je ne suis pas convaincu, à la lumière de la preuve, que l'une ou l'autre des parties à la transaction a exercé un contrôle de facto sur l'autre ou qu'elle avait le pouvoir de le faire. [Le soulignement est de moi.]
Il ressort de ces jugements que des parties ont un lien de dépendance lorsque la considération prédominante ou l'intérêt global ou encore la méthode utilisée est assimilé à un processus qui n'est pas caractéristique de ce que l'on pourrait s'attendre de parties n'ayant effectivement entre elles aucun lien de dépendance.
Des parties ont entre elles un lien de dépendance s'il existe une même personne qui dirige les négociations des deux parties à une opération ou que les parties à une opération agissent de concert, sans avoir d'intérêts distincts, ou que l'une ou l'autre partie à une opération exerçait une influence ou un contrôle sur l'autre ou avait le pouvoir de le faire et que les opérations des parties ne sont pas compatibles avec l'objet et l'esprit des dispositions de la loi et n'indiquent pas une juste participation au jeu normal des forces économiques du marché[1].
Donc, un cas ne répond pas au critère du lien de dépendance s'il existe un ou plusieurs de ces facteurs non conformes à la juste négociation entre l'employeur et l'employé et non conformes à l'objet et à l'esprit de la loi.
En analysant l'ensemble des circonstances, ainsi que la preuve retenue, la Cour doit veiller à ce que les parties ne fassent pas échec au but véritable de la loi[2].
La Cour a le devoir d'examiner avec soin les modalités de la relation existant entre un travailleur et un payeur dans chaque cas[3] [...]
V- Analyse
[11] Il incombait aux appelants d'établir selon la prépondérance des probabilités qu'il n'existait pas de lien de dépendance entre eux et le payeur.
[12] Chaque appel est un cas d'espèce devant être tranché selon les faits particuliers qui y sont établis.
[13] L'objet de l'appel porte sur la décision du ministre. Dans l'affaire Desroches v. M.N.R. (1994), 167 N.R. 316 (A-1470-92), 10 mars 1994, aux pages 319 et 320, le juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale affirme :
[...] En dernière analyse, cependant, comme l'a affirmé notre Cour dans Le Procureur général du Canada c. Jacques Doucet [21 juin 1993, A-1487-92 (C.A.F.), à la p. 6], c'est la détermination du ministre qui est en cause, à savoir que l'emploi n'était pas assurable parce que la requérante et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services. Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt s'étend à l'étude du dossier et à la preuve en son entier. Ainsi, le juge Marceau, au nom de la Cour, s'est-il exprimé ainsi dans l'affaire Doucet :
... Le juge avait le pouvoir et le devoir d'examiner toute question de fait ou de droit qu'il était nécessaire de décider pour se prononcer sur la validité de cette détermination. Ainsi le présuppose le paragraphe 70(2) de la Loi et le prévoit, dès après le paragraphe 71(1) de la Loi qui le suit...
Le premier juge pouvait aller jusqu'à décider qu'il n'y avait aucun contrat qui liait les parties [...]
[14] S'il subsiste un doute quant à l'interprétation, on doit trancher la question en faveur du prestataire et rien ne peut empêcher un contribuable de bénéficier d'un programme social si les exigences de la loi sont respectées. C'est ce qu'a affirmé le juge Hugessen de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Attorney General of Canada v. Rousselle et al. (1991), 124 N.R. 339, décision du 31 octobre 1990, à la page 340 :
Ce n'est pas d'exagérer je crois, à la lumière de ces faits, que de dire que si les intimés ont exercé un emploi, il s'agissait bien d'un emploi « de convenance » dont l'unique but était de leur permettra de se qualifier pour des prestations d'assurances chômage. Certes, ces circonstances n'empêchent pas nécessairement que les emplois soient assurables mais elles imposaient à la Cour canadienne de l'impôt l'obligation de scruter avec un soin particulier les contrats en cause; il est clair que la motivation des intimés était plutôt le désir de profiter des dispositions d'une loi de portée sociale que de participer dans le jeu normal des forces économiques du marché.
[15] Par conséquent, la Cour a le devoir de scruter avec soin, dans chaque cause, les conditions des relations entre le travailleur et le payeur.
[16] De plus, les paragraphes 70(2) et 71(1) de la Loi sur l'assurance-chômage accordent à la Cour canadienne de l'impôt un grand pouvoir réparateur qui lui permettrait de régler tout litige de nature factuelle et d'infirmer, de confirmer ou de modifier les décisions du ministre.[4]
[17] Hector G. Dipersio, Kevin McNeil et David Guy ont été entendus à l'appui des appels. David Shaw, l'agent des appels, a témoigné pour l'intimé. Les pièces A-1, A-2, B-1 à B-3 et R-1 à R-8 ont été déposées dans les dossiers de la Cour.
[18] Les Chevaliers de Colomb constituent un organisme religieux à but non lucratif dont les principaux objectifs sont la charité, l'unité, la fraternité et le patriotisme.
[19] Le Santa Maria Council No: 2024 est situé à Sydney en Nouvelle-Écosse depuis près de 80 ans (pièce A-2). Chaque conseil a un Grand Chevalier qui possède l'autorité et qui, de plus, dirige les comités. Un conseil des Chevaliers de Colomb n'a pas le droit de posséder des biens. Pour ce faire, il doit former un club de Chevaliers de Colomb, ce qui est courant dans chaque ville où les Chevaliers de Colomb se rencontrent. Ce club fonctionne à l'année longue. Tous les Chevaliers de Colomb sont également membres du club des Chevaliers de Colomb.
[20] Le club des Chevaliers de Colomb exploite une salle de réception et de danse à Sydney Mines en Nouvelle-Écosse où il vend des boissons. Les revenus générés par cette activité sont versés aux oeuvres de charité. Les Chevaliers de Colomb doivent également faire du bénévolat dans la communauté. Ce bénévolat peut se faire dans la salle ou ailleurs, en fonction des besoins du conseil local du payeur.
[21] M. David Guy, le Grand Chevalier du payeur, a donné une explication factuelle de la façon dont, à titre de chef du comité responsable du bar, il avait finalement embauché les appelants en juin 1994.
[22] Les appelants avaient été embauchés en fonction du budget préparé pour l'exercice commençant le 1er juillet 1994 et pour celui des années subséquentes. Ils ont été embauchés en vertu de contrats signés par les parties (pièces A-1 et B-1). Ils ont travaillé durant les périodes d'emploi déclarées dans leurs demandes de prestations (pièces R-1 à R-3, R-5 et R-6).
[23] Les allégations les plus importantes de l'intimé sont à l'effet que les appelants continuaient d'effectuer à peu près les mêmes tâches bénévolement chaque année après avoir été retirés de la liste de paye du payeur, recevaient à l'occasion des sommes d'argent quand ils avaient travaillé bénévolement à titre de barman, et ne déclaraient pas une certaine rémunération en espèces qu'ils recevaient du payeur tout en recevant des prestations d'assurance-chômage. L'intimé a également reproché aux appelants et au payeur d'avoir agi de concert pour falsifier la durée de la période où les appelants seraient employés par le payeur afin de s'assurer que ces derniers rempliraient les conditions requises pour recevoir des prestations, et il a prétendu qu'en agissant de la sorte, le payeur avait bénéficié de l'arrangement en ce sens que ses dépenses liées aux salaires étaient subventionnées par des prestations d'assurance-chômage en même temps qu'il conservait les services gratuits des appelants à un taux grandement réduit.
[24] Le témoignage des appelants a expliqué ce qui était réellement arrivé. Leur témoignage était véridique et acceptable. Les appelants ont expliqué qu'ils avaient été embauchés et qu'ils recevaient un salaire. Ils ont été mis à pied principalement parce que l'argent prévu au budget du payeur pour leurs services était épuisé. Les salaires payés n'étaient pas excessifs pour le genre de travail qu'ils accomplissaient, et ce fait n'a pas été remis en question par l'intimé.
[25] La question en litige concernait le fait qu'une fois mis à pied, les appelants ont continué d'offrir bénévolement leurs services au payeur. Il faut reconnaître que l'agent des appels considérait la situation comme celle d'une entreprise qui fonctionnait selon l'activité normale du marché. Il a posé la question suivante : comment peut-on payer un salaire, mettre le travailleur à pied parce que le budget est épuisé et par la suite le faire travailler comme bénévole pour effectuer les mêmes tâches ou des tâches semblables? Selon la preuve, la réponse est que les Chevaliers de Colomb ne sont pas une entreprise comme on en trouve sur le marché. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif qui ne génère aucun profit. Si jamais il en génère, c'est dans le but de le donner. Afin de trouver des fonds pour des oeuvres de charité, cet organisme doit organiser certaines activités. Ces dernières sont parrainées et organisées par les membres qui sont tous bénévoles, qu'ils travaillent ou non pour le payeur. Étant donné le taux élevé de chômage dans la région, il semble que certains bénévoles étaient sans travail. Le payeur pourrait, s'il jouissait d'un budget, créer des emplois pour quelques-uns de ses membres. Il n'y a rien d'illégal à bénéficier d'un programme social si c'est fait en toute légalité comme je l'ai mentionné précédemment. Dans les cas en l'espèce, on mettait les employés à pied une fois que le budget était épuisé. Il ne semblait pas que les employés avaient travaillé tout au long de ces années durant le nombre minimal de semaines qu'il fallait travailler afin de remplir les conditions requises pour recevoir des prestations. Ils ont en effet recommencé à faire du bénévolat, mais avec d'autres personnes et pas à temps plein. Au lieu de demeurer à la maison et de ne rien faire, ils ont, comme les autres membres, aidé bénévolement à effectuer des fonctions semblables et d'autres types de fonctions.
[26] L'agent des appels a affirmé que s'ils n'étaient pas retournés sur les lieux, ils n'auraient peut-être eu aucune difficulté. Toutefois, il faut comprendre que cela reviendrait à pénaliser ces appelants, en tant que Chevaliers de Colomb, pour la raison qu'ils ont fait du bénévolat ou qu'ils ont fraternisé avec d'autres membres pendant qu'ils recevaient des prestations d'assurance-chômage. D'ailleurs, reprocherait-on à un Chevalier de Colomb qui aurait été mis à pied par un autre payeur de rendre bénévolement certains services conjointement avec d'autres Chevaliers de Colomb sur les lieux, et peut-être à l'extérieur des lieux, du Santa Maria Council? Je ne le pense pas.
[27] L'agent des appels a éprouvé bien entendu quelques difficultés dans ce cas puisque l'agent des décisions avait décidé, dans le dossier de l'appelant Hector Dipersio Jr. (pièces A-1 à A-12), que l'emploi de ce dernier était exclu puisqu'il y avait un lien de dépendance entre lui et le payeur étant donné que l'appelant était « lié » à Hector Dipersio Sr., son père, qui était lui aussi Chevalier de Colomb. Dans le dossier de l'appelant Kevin J. McNeil (pièce B-2), l'agent des décisions avait conclu que M. McNeil n'était pas un employé du payeur.
[28] L'agent des appels a conclu dans son analyse que, quoique les appelants et le payeur ne soient pas des personnes liées entre elles, ils avaient entre eux un lien de dépendance. Il est admis que ce type de situation n'est pas courant et pourrait créer des difficultés aux agents des appels. Il est aussi vrai que les payeurs doivent également prouver qu'il s'agit d'un véritable emploi.
[29] La preuve a réfuté l'allégation de l'intimé selon laquelle les appelants et le payeur ont agi de concert pour falsifier la durée de la période où les appelants seraient employés par le payeur afin de s'assurer que ces derniers rempliraient les conditions requises pour recevoir des prestations d'assurance-chômage.
[30] Le témoignage de David Guy, un témoin fidèle qui a agi pour le compte du payeur, n'a pas été contredit : il a expliqué en détail l'embauche des deux appelants. Les états financiers et les livres du payeur étaient tenus de telle sorte qu'aucun doute ne pourrait peser sur eux et qu'ils doivent être acceptés comme représentation de ce qui s'est passé il y a près de quatre ou cinq ans.
[31] Je suis convaincu que les appelants et le payeur ont conclu un véritable contrat de louage de services; à la différence de l'affaire Parrill (précitée), on n'a présenté aucune preuve de falsification ou de l'existence d'arrangements qui établirait un lien de dépendance.
[32] J'ai remarqué une divergence concernant la période de travail de Kevin McNeil en 1995. Sur son relevé d'emploi (pièce R-7), on mentionne une période d'emploi s'étendant du 4 septembre au 25 novembre 1995. Dans sa demande de prestations (pièce R-6), on décrit sa période d'emploi comme s'étendant du 16 septembre au 25 novembre 1995. Ces documents n'ont pas été préparés par l'appelant; cette divergence a été notée par l'intimée, mais n'a pas été déterminante dans la décision du ministre ni dans celle de cette Cour.
[33] Je ne considère pas ces décisions comme étant des précédents par rapport à toute autre période d'emploi passée ou future des appelants ou de tout autre travailleur soit pour le payeur soit pour n'importe qui d'autre, le ministre conservant le droit d'enquêter sur toute autre période d'emploi des travailleurs à des fins d'assurance-chômage.
[34] Ce jugement ne s'applique aux appelants que pour les périodes d'emploi en cause parce que ces dernières sont les seules périodes d'emploi que cette Cour peut considérer.
VI- Décision
[35] Les appels sont admis et les décisions du ministre sont infirmées.
Signé à Dorval (Québec), ce 7e jour de juin 1999.
« S. Cuddihy »
J.S.C.C.I.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
Traduction certifiée conforme ce 3e jour de décembre 1999.
Stephen Balogh, réviseur